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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 00:09

Le taulier est fou du Clairet mais les Bordelais emboitant le pas  à la tendance se sont mis dans la tête de faire du « rosais » comme ces marauds de Provençaux. Grand bien leur fasse mais, tout même, lorsqu’on a le privilège de pouvoir élaborer du Clairet on en fait un must, parole de Taulier. Je sais le Clairet n’est pas du rosé mais pour une fois qu’une ambiguïté linguistique concernant une dénomination d’un de nos vins, à Bordeaux de surcroît, est le fruit de nos amis anglais, si prompt à nous moquer pour les subtilités de nos AOC, je ne résiste pas au plaisir de chroniquer. Claret, clairet, sont des héritages so british, et dans son chapitre 4 Jane Anson conte avec détails et précisions l’histoire des New French Clarets dès les années 1660, « où Arnaud III de Pontac s’était aperçu qu’il ne suffisait pas de faire un grand vin, il fallait le vendre… » et il envoya son fils, François-Auguste, accompagné d’un de ses maître-queux,  à Londres en 1666 à la fin d’une épidémie de peste bubonique et le grand incendie de la ville…


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Dans Bordeaux vignoble millénaire les auteurs écrivent « En 1435,  des paroissiens d’Eysines, Miqueu de Caseras et Peyrona de Neolet, son épouse, versent au chapitre Saint-Seurin, leur seigneur, en guise de cens pour dix tenures en vignes, une demi-pipe de vin clar, bon, pur, noed e maerchant ;une formulation assez commune en Bordelais. On y retrouve le fameux terme gascon de vin clar, anglicisé en « claret » ou « clairet », qui caractérise,  dans l’esprit des contemporains, la production vinicole locale. »


Mais il y a claret et claret, Jane Anson le souligne « Dès leur arrivée sur le marché, ces clarets de premier cru contribuèrent à l’apparition d’une classe de consommateurs plus sophistiqués et plus exigeants que jamais. Le terme New French Claret apparut plus fréquemment dans les catalogues de ventes de vins, se substituant au terme générique de claret. Les prix augmentèrent en conséquence, et l’on commença aussi à décrire les vins selon des critères d’apparence et de goût. La description d’une vente dans la Gazette en 1711 mentionne « de nouveaux clarets bordelais de France issus des meilleurs crus, profonds, brillants, frais et droits. »


« En 1705, une tonne anglaise (954litres) de Pontac (Haut-Brion) s’achetait 60 livres anglaises, tandis que la tonne de claret ordinaire n’atteignait que 18 livres, c’est-à-dire à peu près trois fois moins. »


« Les vins de Haut-Brion, qualifiés « grands vins » dès 1689-1690, faisaient l’objet de soins de conservation attentifs, grâce à des ouillages et des « tirages au fin », c’est-à-dire des soutirages répétés pour éliminer les lies. Rien n’atteste que Pontac se soit particulièrement soucié de sélectionner des cépages, ni qu’il ait discerné les vertus du vieillissement. Sa principale innovation concerne moins la production que la vente. Il fait du haut-brion son « grand cru » soulignent les auteurs de Bordeaux vignoble millénaire.


Ce qui  est remarquable c’est que cet évènement  d’importance, l’apparition des New French Clarets, semble être passé à peu près inaperçu des contemporains tant à Bordeaux que dans les cercles parisiens.


La tendance est lancée : « Le système a si bien fait ses preuves que les propriétaires des autres grands crus vont y recourir : en 1707, la London Gazette annonce ainsi la mise aux enchères d’un lot entier de « New Franch Clarets… being of growths of » Lafite, Margaux  et Latour. Il s’agit de vins de la dernière vendange, expédiés sur lie, sans clarification par soutirage. De ces nouveaux clarets français, l’avis précise l’origine : le mot growth, qui signifie ici cru, prend un sens nouveau. Il se réfère à un terroir particulier et non pas à une appellation générale, telle que graves, palus ou simplement claret. Le terme désigne nommément les trois grands crus médocains qui, ont acquis la notoriété aux côtés de leur prédécesseur des Graves, Haut-Brion. »


Vraiment nos amis anglais y font tout pour embêter avec leur goût pour la complexité. Bien évidemment, en quelques paragraphes, je n’ai pas épuisé le sujet mais l’important c’est qu’en définitive vous vous mettiez bien dans la tête que le Clairet d’aujourd’hui n’est pas un claret d’hier pas plus qu’il n’est un vin rosé de Bordeaux puisque c'est un vin rouge.


L'aire de production du bordeaux-clairet s'étend sur l'ensemble du vignoble de Bordeaux. Bien évidemment il n’y a du Clairet qu’à Bordeaux.


Pour la technique je cite « Pour le bordeaux rosé, la saignée est pratiquée après une macération de 12 à 18 heures alors que pour le bordeaux clairet la macération est couramment de 24 à 48 heures, ce qui donne au vin une intensité de couleur, une vinosité et une richesse de goût plus importantes. »


La Cave de Quinsac qui s’autoproclame capitale du Clairet précise :


« En 1950 Emile Peynaud élabore le Clairet et la Cave de Quinsac devient créateur de l'appellation Bordeaux Clairet et Capitale du Clairet.


Sous cette appellation et selon des critères de qualité spécifiques, nous trouvons, à partir des mêmes cépages que le vin rouge de Bordeaux (Merlot, Cabernet Franc et Cabernet Sauvignon), avec une faible macération entre six et quarante-huit heures, des vins peu colorés, peu chargés en tanins, plus souples et très aromatiques. »


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Bref, jusqu’ici je lichais, lorsque j’en découvrais, du Clairet soit du Château Thieuley, soit du Château Sainte-Marie. Et puis, comme j’ai le goût du paradoxe, le soir du Beaujolais Nouveau, chez Bruno Quenioux, j’ai fait l’emplette  d’un Clairet estampillé Château Massereau 12,60€


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Vraiment c’est du très bon, tout ce que j’aime dans le Clairet, vineux, du fruit de cerise anglaise, les guignes de ma jeunesse que je croquais sitôt cueillies, de la vivacité, de la jeunesse. C’est sans façon, sans chichi, mais ce n’est pas pour autant un vin sans caractère, tout mou, tout clair, light quoi. Alors, une fois n’est pas coutume, je mets ce Claret sur la première marche du podium. Il est mon must et il est évident que ça va avoir un grand écho à Bordeaux mais aussi chez les Parigots têtes de veau et j’ose les Parigotes têtes de vote : « Jean-François et François les mal élus… »


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L1000458Pour vous dire quelques mots sur Château Massereau je passe le stylo à Fleur Godart qui écrit dans Gmag d’avril 2012 : « Philippe et Jean François Chaigneau, jeunes vignerons installés depuis le début des années 2000 au château Massereau, poursuivent un idéal bien singulier depuis la sombre époque du « tout technologique » et l’avènement de la logique de consommation du plaisir immédiat. Ils ont été élevés aux vieux bordeaux et c’est par amour pour ces identités en voie de disparition qu’ils tentent de redonner ses lettres de noblesse à un château Barsacais dans l’aire de bordeaux supérieur, de graves rouges et de barsac. En cherchant bien, ils ont trouvé quelques hectares « à l’abri de la chimie locale » plantés de vieux cépages francs de pied – un peu moins de 10 ha au total – et remplacé les pieds manquants par de jeunes plants en sélection massale.


En sont issus des vins construits, faits pour traverser les années. Mais la traditionnelle structure de cabernets francs, cabernets sauvignons et petits verdots, tout juste arrondie par quelques vieux merlots « à queues rouges », se dévoile difficilement dans sa jeunesse. »


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27 novembre 2012 2 27 /11 /novembre /2012 00:09

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Raide dingue de Bashung j’avoue que je n’ai pas pu résister à la tentation de faire « Gaby, oh Gaby, tu devrais pas m'laisser la nuit/ J'peux pas dormir, j'fais qu'des conneries / Gaby, oh Gaby, tu veux qu'j'te chante la mer / Le long, le long, long des golfes / Pas très clairs… »

C’est Rémy Poussard qui m’a poussé à cette extrémité en sortant de derrière les tonneaux de Bordeaux sont GCVB : Grand Classement des Vins de Bordeaux millésime 2008 et en plaçant en number one des 596 vins classés : Cuvée Gaby 2008…du Château Gaby  www.chateaudugaby.com


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Gaby j't'ai déjà dit qu't'es bien plus belle que Mauricette

T'es belle comme un pétard qu'attend plus qu'une allumette

Ça fait craquer, au feu les pompiers…


Le père Poussard et sa bande de dégustateurs aveugles du troisième type lui ont accordé 17,8/20 et un commentaire où mon cher Alain aurait puisé avec gourmandise pour jouer avec les mots : halo violet / grillé / acidulée / cacao / charnue / fruits noirs : bois de cèdre… pour revisiter sa Gaby des origines…


Robe rubis dense avec halo violet. Nez expressif de marmelade de mûrs et cassis avec du  grillé, de la torréfaction, de la vanille, du poivre et du tabac. Bouche à la matière impressionnante de cassis et mûres avec une superbe torréfaction, de la vanille et du grillé. Matière croquante et charnue avec une subtile fraîcheur acidulée. Splendide longueur de bois de de cèdre et cacao. Finale interminable de fruits noirs. Un très grand vin.


Merlot 100% 4500 bouteilles 30€ et 3 coeurs


Notice de Jacques Dupont du Vignoble dans son célébrissime et indispensable guide des vins de Bordeaux sur le Château du Gaby :


16 ha 39


« En 1999 Antoine Khayat, anglo-franco-syrien (financier de la City) et, d’après la rumeur locale « un gars super-sympa » avait acheté du Gaby à la famille Petit. Comme d’habitude : gros investissements, embauche de Damien Landouar, un autodidacte doué et « très chouette », toujours d’après la rumeur locale. Peu à peu il a redonné du sens à cette propriété et la cohérence qu’elle avait perdue.


Malheureusement, Antoine et sa famille se sont un peu lassés du manque d’enthousiasme du marché pour cette appellation. En décembre 2006, David Curl, Canadien anglophone (et financier aussi) a racheté du Gaby. Un gars « sympa » lui aussi (sources déjà citées plus haut).


Il a conservé la même équipe et continue les investissements à un rythme soutenu 

La qualité est bien là et, pour les débouchés il a embauché un autre jeune, Pierre Rebaud, chargé de l’export. Efficace et « très sympa ».


Chronique du blog Webcaviste sur Château Gaby link 


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« Si le Château du Gaby est réputé être l’un des plus beaux lieux des rives de Dordogne, c’est « simple à comprendre » selon Pierre Rebaud, « mais pour le comprendre il faut venir visiter Gaby… la vue, le paysage vallonné, le château dans son environnement ». En effet, depuis le Château du Gaby, vous disposez d’une vue surplombant la Dordogne. Et grâce à son exposition privilégiée, le Château du Gaby vit au gré du temps et des lumières, et bénéficie donc d’une vue en perpétuelle évolution. « Tantôt la brume du matin ou seulement la cime des arbres dépasse, tantôt le ciel noir gorgé d’eau, mais toujours en fond la Dordogne qui nous protège … et de magnifiques couchers de soleil. L’environnement est très vallonné et chaque butte révèle une propriété », estime Pierre. Le Château du Gaby, c’est aussi une philosophie, comme il l’explique, « être simple, rester naturel, au contact du consommateur, à l’écoute, dans la passion et la transmission d’un savoir et le partage ». En d’autres termes, « toujours faire en sorte de faire le meilleur que nous puissions faire »


Bon pour terminer cette revue de presse je découvre sur le blog de Pierre Rebaud, le gars « très sympa » de notre Jacques Dupont,  où le Taulier n’est pas référencé, normal il  ne plaît pas à tout le monde, Miss Glou Glou … Vinexpo … et Gaby… Ophélie elle sait y faire, elle…link


Me reste plus qu’à me pointer au pince-fesses de B&D au Carrousel du Louvre pour me taper Gaby oh Gaby… en toute discrétion bien sûr et sans aucune modération...


En r'gardant les résultats d'son check-up

Un requin qui fumait plus à rallumé son clop

Ça fait frémir, faut savoir dire stop


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26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 00:09

Parlons peu mais parlons vin… J’ai participé lundi de la semaine passée, chez l’ami Yves Legrand à Issy, aux assises des cavistes professionnels qui se sont regroupés dans un du tout nouveau syndicat des cavistes : les indépendants, les franchisés, les chaînes, les grands et les petits…


Et puis je lis à la fin de la semaine dans l’excellente revue de presse de Catherine Bernard dans Vitisphère.


« En attendant, nous avons nous Nicolas. Le magazine économique Capital link décrypte dans une enquête fouillée « comment le petit Nicolas est devenu un géant du vin ».


 Le secret du succès repose peut-être dans ce raccourci : « La chaîne se donne des airs de petit caviste. Mais en réalité, ses méthodes imitent celles de la grande distribution». « Chez Nicolas, on ne badine pas avec les consignes. C’est d’ailleurs l’un des secrets du plus célèbre caviste de France: une organisation ultra centralisée, quasi militaire, calquée sur celle de la grande distribution. Et tant pis si cette mécanique bien rodée lui vaut le dédain de bon nombre d’œnophiles et autres amoureux du terroir, qui fustigent ces «supermarchés déguisés en petits marchands de vin».


A 190 ans, la maison n’a plus à faire ses preuves. Avec ses 466 boutiques, Nicolas accapare à lui seul 10% des ventes réalisées par les 10000 cavistes de France. Soit 300millions deuros de chiffre daffaires en 2011 pour un bénéfice opérationnel de 13,6millions ». Propriété du groupe Castel depuis 1988, on apprend que tout comme Leclerc, Nicolas a un père petit commerçant, Louis Nicolas, qui, « le premier, avait eu l’idée de vendre le vin en fûts à une époque où l’on se désaltérait surtout dans les tavernes ». C’était en 1822.


L’enquête d’Emmanuelle Andreani commence à Thiais, siège de l’enseigne, dans le laboratoire où sont sélectionnés les vins : « Pour entrer chez Nicolas, il ne suffit pas d’être bien noté en goût. La maison est très attentive à la typicité du vin, c’est-à-dire au fait qu’il respecte son appellation. «Un bourgogne qui ressemble à du chinon, même s’il est excellent, ne sera pas retenu», explique le DG, Eudes Morgan. La mode des vins biodynamiques et sans soufre attendra: Nicolas privilégie les valeurs sûres ». Elle se poursuit avec la logistique « dune impressionnante précision », et se termine dans les boutiques avec les techniques de vente des cavistes : « pour être embauchés, les apprentis cavistes n’ont nul besoin de connaître la différence entre un volnay et un gevrey-chambertin. Nicolas se fait fort de leur apprendre le b.a.ba de la bonne bibine en seulement un mois. Soit deux semaines de formation au siège et deux semaines en magasin pour s’initier aux cépages et appellations ». La phrase magique apprise au cours de cette formation ? « Oui, il est très bon ce vin, je l’ai bu hier soir avec ma femme ». Rien que du bon sens. »


Je prends bonne note de tout ça mais en ajoutant que ça ne me satisfait pas : la typicité d’une appellation et pourquoi pas celle du camion de livraison qui assure la logistique « d’une impressionnante précision »,. Alors que j’ai entendu chanter lundi, l’amour du vin, le supplément d’âme, et autres antiennes sur le métier de caviste, à juste titre d’ailleurs, ici c’est plutôt : dépotons, dépotons, et j’en arrive à ma petite chanson du titre tirée du film culte : La vie est un long fleuve tranquille d’Étienne Chatilliez  


« Et quand il reviendra sur notre terre (sur notre terre)

Il donnera à manger à tous nos frères (à tous nos frères)

Car comme à Cana, il multipliera

Le pain et le vin sur la terre »


Toujours en fin de semaine, chez un bouquiniste de l’avenue Victor Hugo, par un hasard comme je les aime, je découvre ça :


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Attention, ne vous méprenez pas, je ne remets pas en question la capacité et le savoir-faire de la maison Nicolas à vendre du vin, beaucoup de vin mais je tenais à souligner en petit observateur du petit monde du vin depuis plus de trente ans que je me souvenais de Pierre Boisset l'emblématique acheteur de cette vieille maison. Voici une chronique de Bernard Franck dans le Nouvel Obs. du 14 décembre 1989.


Attention aucune nostalgie chez moi, ni même de regrets, mais lorsque je passe dans la rue Daguerre pour faire mes emplettes sur les 5 cavistes qui se serrent sur les 2 ou 300 premiers mètres, lorsqu’on arrive par l’avenue du Maréchal Leclerc, je cherche souvent l’âme du vin chez certains…C'est froid, commercial au sens péjoratif, des bouteilles des bouteilles, des opérations de promotion, du marketing d'enseigne, c'est lisse, bien rangé, des références, des prix parfois, mais peu de véritables découvertes, de coup de coeur, pas beaucoup d'innovation depuis les petites récoltes. Mais peu importe, je ne suis pas dans le coeur de cible sans doute mais à force de ne pas prendre certains trains on ne capte guère la nouvelle chalandise, les clients de demain. J'ai connu ça lors du grand virage des années 80... Monoprix est plus sexy; la proximité, la concurrence, y'en a pour tous les goûts et toutes les bourses mais reste que dans les 10 ans qui viennent le commerce du vin va devoir se recaler car le gros des consommateurs, les baby-boomer retraités, vont laisser la place à tous ces néo-consommateurs. Libre à chacun de les ignorer et de les négliger comme au bon vieux temps du vin de table dominateur.


« Pendant quarante-deux ans, Pierre Boisset a parcouru cette France profonde qui arrache des trémolos à nos hommes politiques. Exactement de février 1948 à mars 1989. Et sur ces quarante-deux ans, il en a consacré trente-sept comme acheteur-dégustateur en vin de la société Nicolas, dont il s'est séparé en 1984. Assez fraîchement. La maison n'était plus la maison. Mais, rassurez-vous, si vous êtes un habitué de la famille glouglou, quatre ans plus tard « l'entreprise revint dans les traditions du métier lorsque la société Castel reprit l'affaire tout en lui gardant son originalité et ses objectifs ». 84 est généralement considéré par les experts comme une petite année, « avec des exceptions, allez savoir pourquoi, dans les chardonnays de la côte des blancs de Bourgogne et dans les sauvignons de Pouilly et Sancerre, qui» n'ont pas tellement coutume de profiter des mêmes années ».


Pour le compte de Nicolas, Pierre Boisset aurait acheté trois milliards six cents millions de litres de vin. Il n'insiste pas sur ce détail et il a eu bien raison : il y a des chiffres qui tuent jusqu'au plaisir des choses. De peur de tomber malade, on n'ose pas imaginer la cave qu'il nous aurait fallu si ce chiffre aberrant s'était métamorphosé en bouteilles. Nous apprenons que c'est un peu par hasard que Boisset s'est occupé de vin. Ses études ne l'y préparaient pas. Après la guerre, il s'était inscri à l'Ecole coloniale. Rétrospectivement, il frémit à l'idée qu'il aurait pu s'engager dans cette voie où le marché s'est rétréci, les places sont devenues rares. Tout le contraire du vin, qui n'a jamais autant fait parler de lui qu'aujourd'hui. Le vin comme discours, le vin des beaux quartiers de l'existence, le vin des appellations contrôlées est une notion relativement récente. Pierre Boisset a vécu cette révolution au poste et dans la maison qu'il fallait. Au fond, nous l'avons échappé belle : au lieu de ces promenades si savoureuses dans les régions vinicoles du pays, et sans un père dans la profession depuis les années 20 qui lui fit faire un stage de trois semaines qui dura le temps que l'on sait, nous aurions eu le droit à de saumâtres campagnes d'Indochine ou d'Algérie ou pis encore. Nous aurions dû avaler des histoires de défaite au lieu du rouge, du blanc et du rosé de la victoire.


Il y a de l'illustre Gaudissart, le voyageur de commerce de « la Comédie humaine », chez M. Pierre Boisset, mais l'aspect un peu hâbleur de sa nature n'est pas fait pour nous déplaire. Pierre Boisset est français pour Américains, mais je ne donnerais pas cher de l'avenir de ce pays si ce type de Français n'existait plus. Je songe aux garçons de 20 ans qui liront ces carnets, j'imagine leur nostalgie devant une existence aussi libre. Devant cette province française découverte à la fin des années 40 au volant d'une traction avant Citroën sans chauffage. Boisset évoque très bien cette campagne d'hier où, si l'électricité existait dans les trois quarts des maisons, il n'y avait d'eau courante que dans une ferme sur cinq, où les « commodités » se trouvaient au fond du jardin avec leurs portes ajourées « d'un trou en forme de cœur ». En ce temps-là, la carte de pain existait toujours et en 1948, par exemple, la ration quotidienne « venait d'être portée à 250 grammes par jour», ce qui semblait dérisoire, alors qu'aujourd'hui un diététicien considérant ce que nous avalons comme pâtes, riz et pommes de terre nous conseillerait de surveiller nos élans C'était la France des tables d'hôtes dans les auberges. Et si les servantes n'étaient pas forcément toutes accortes, les voyageurs solitaires un peu délurés, et le voyageur de commerce l'est par définition, exerçaient un droit de cuissage.


Il y a un moment très beau dans « Millésimes et campagnes », c'est quand le vieux Etienne Nicolas, avec sa « flottille de livreurs » et son sens de la publicité, décide de reprendre l'édition des catalogues de fin d'année en 1949. Le catalogue de 21 pages était illustré, cette année-là, par Dignimont. On y pouvait trouver à des prix dérisoires deux cent soixante et onze grands crus -de toutes régions. Des bordeaux des années 28, 29, 21, 18, 16 qui semblaient presque des années récentes (ou les quatre grands crus du Médoc étaient présents et mouton-rothschild par huit fois cité), mais également de 1858 à 1900, huit millésimes superbes. Il y avait quatorze millésimes d'yquem, un porto 1848, un jerez qui remontait à 1769. Ne pleurons pas, nous qui allions avoir 20 ans à l'époque : si nous les avions achetés, nous les aurions bus depuis belle lurette et sans doute oubliés, comme j'ai oublié le goût, n'en déplaise à Jean-Paul Kauffmann, de ce lafite-rothschild 1880 bu au château en 1980.11 n'y a pas plus de vin retrouvé que de temps. »


BOISSET Pierre‎ ‎Millésimes et campagnes‎ ‎P. Laffont 1989 1 vol. In-8.. 319pp‎ ‎les carnets d'un acheteur de vins.


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25 novembre 2012 7 25 /11 /novembre /2012 00:09

mediation.jpgAlain Juppé est aux charbons, ce qui n’est pas pour lui déplaire, Bordeaux c’est bien mais il doit parfois s’y sentir à l’étroit. Médiateur donc, Reuters écrit « Alain Juppé tentera dimanche une médiation entre les deux rivaux pour la présidence de l'UMP, Jean-François Copé et François Fillon, dont la guerre ouverte menace de faire éclater le principal parti d'opposition en France. » Pas une mince affaire, c’est « la guerre », et, comme le souligne NKM dans une interview publiée par Le Figaro samedi,, qui n’a pris position pour aucun des 2 candidats, « Les mots ont été tellement durs que tout cela va laisser des cicatrices très profondes ». De plus la voie est étroite pour le médiateur car, dans un processus électif, normalement, les règles de droit ne sont pas négociables, donc la médiation ne peut porter sur le résultat  du vote lui-même. Jean-François Copé, qui a en mains les clés de l’UMP, en fait sa digue ultime : pour lui la saisine de la commission des recoures, dans sa composition actuelle, est automatique et elle est seule habilité à statuer sur le différend. Mettre en avant le droit dans une affaire où manifestement les 2 camps ont triché, et s’en remettre à une commission, forcément bipartisane, et en l’occurrence favorable à celui qui tient l’appareil, pour régler le différend, relève du mépris qu’ont, les apparatchiks de nos grands partis politiques, de la transparence et de la sincérité d’un processus électif. Alain Juppé ne pourra donc compter, pour réussir sa médiation, que sur son aura et sa stature personnelle dans le parti dont il a été le premier président élu après sa fondation en octobre 2002.


Votre Taulier, depuis 18 mois, dans l’ombre, fait lui aussi le médiateur entre 2 parties : des transformateurs laitiers qui ont seuls le pouvoir de lui dire oui et des producteurs de lait qui, eux, sont dépendant du bon vouloir des premiers. L’inégalité est manifeste, des grandes entreprises nationales, voire multinationales, ou régionales, et des producteurs isolés. Entre Alain Juppé et moi, bien sûr, la rivière semble très profonde, même si nous avons un point de jonction historique : nous avons ouvert notre blog de concert en 2005, lui  en exil au Québec, moi dans mon placard du XIVe, mais en fait nous ne disposons que de nos propres forces, de notre poids spécifique, pour amener les parties en présence à s’entendre. L’avenir dira si Alain Juppé va pouvoir déminer la pétaudière de l’UMP, alors que pour moi c’est demain que tout va se jouer, à Montauban. L’enjeu n’est, si je puis me permettre, que de « recaser » 11 producteurs regroupés dans un mouchoir de poche au nord Gironde, essentiellement autour de Cestas. 7 millions de litres, même pas l’épaisseur du trait pour les entreprises. ne tournée de ramassage existe, donc c’est faisable techniquement. Il suffit de mutualiser la collecte et de se répartir les producteurs. La conjoncture laitière est bonne. Les équilibres des bilans laitiers des entreprises n’en seront pas bouleversés. Cependant j’ai 90 chances sur 100 de me heurter à mur de mauvaises volontés. J’aurai donc échoué tout près du but et ce sera une petite crise locale comme notre pays « aime » en fabriquer à longueur de journée.


Demain j’aurai sans doute fait 6h30 de train+4 heures de voiture pour rien, c’est la vie d’un médiateur que de subir le bon vouloir de ses interlocuteurs.


En effet,  de par sa source latine, le mediator est un intercesseur, un entremetteur.


Ce n’est pas un négociateur, car celui-ci est de parti pris. Il représente les intérêts d'une partie. Ce qui implique que le négociateur va chercher à aboutir à une solution donnant satisfaction à la partie qu'il représente. Le médiateur n'est d'aucun parti pris. Il accompagne la réflexion des deux parties en leur permettant de trouver un accord.


Pour revenir un instant à Alain Juppé c’est l’un de ses handicaps : Jean-François Copé redoute qu'Alain Juppé, même s'il s'est dit neutre, penche pour François Fillon. « Je ne l'ai entendu exprimer aucun désaccord avec Fillon pendant la campagne mais plusieurs avec Jean-François Copé », déclare un proche de celui-ci. Pire encore, les deux camps redoutent en outre que l'ancien Premier ministre n'en profite pour se remettre sur orbite en vue de la présidentielle de 2017. Le maire de Bordeaux pourrait être amené à proposer l'annulation du scrutin ou la mise en place d'une direction collégiale sous sa houlette.


Dans cette hypothèse Alain Juppé se poserait en arbitre, au sens de l’arbitrage type affaire Bernard Tapie, où l'arbitre rend une décision qui s'impose aux parties qui ont choisi l'arbitrage. Dans l’affaire UMP, Alain Juppé n’est pas seul, il est à la tête d’une commission d’arbitrage de 5 membres : lui-même, un membre désigné par François Fillon, un membre désigné par Jean-François Copé et deux membres qu'il désignera en accord avec les deux parties.


Moi je suis seul et je n’ai rien à négocier. Que ma bonne volonté pour convaincre mes interlocuteurs. Convaincre c’était le nom du club de Michel Rocard au temps où nous roulions pour lui alors qu’il était présidentiable, avec le succès que vous connaissez…


Médiateur est certes un job très tendance mais je dois avouer qu’après avoir exercé celui de rapporteur, avec le succès que vous connaissez, il ne me reste plus qu’à rendre mon tablier. Je fatigue. Ils me fatiguent. Reste 11 producteurs, leurs vaches et leur lait : en toute hypothèse il faudra impérativement collecter leur lait. Le dossier va se syndicaliser, se politiser alors qu’il faut depuis plus de 6 mois une réunion de travail de 2 heures pour le régler. Ainsi va la France, ses hommes, ses décideurs, un pays qui n’aime rien tant que le conflit, se foutre sur la gueule, s’invectiver, avoir toujours raison, surtout ne rien lâcher, camper sur ses positions. Désolant ! Vivement la quille les amis !


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24 novembre 2012 6 24 /11 /novembre /2012 00:09

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Le risotto de l’ami Alessandro Merlo www.alessandromerlo.com, ci-dessus en photo, est là pour vous mettre l’eau à la bouche afin que vous dégustiez le vin qu’il a choisi pour l’accompagner : un  Nero d'Avola -Arianna Occhipinti – Sicile Cépage autochtone de Sicile, « un vin d'une finesse rare et un belle fraicheur à la fois ». Avant lisez cette merveilleuse chronique sur le riz qui est une institution en Italie, « mais il a été durant des siècles une denrée rare et coûteuse que l’on achetait surtout auprès des apothicaires pour ses vertus curatives »

 

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La fin des rizières de la plaine du Pô c’est l’alarme lancé dans la Repubblica par Jenner Meletti. « Le prix du riz Carnaroli, le roi du risotto, ne cesse de chuter. La riziculture pourrait bien disparaître au profit du maïs et du soja, plus rentables. »


Dit comme ça c’est la panique à bord des amateurs de Risotto mais même si les cours du Carnaroli sur les Bourses de Riz ouvertes en septembre avec le démarrage des récoltes s’est écroulé « le prix du quintal est tombé à 30 ou 35 euros, contre 60 ou 63 euros l’année dernière. » 4659 entreprises rizicoles sont donc en difficulté.


C’est la faute à qui ?


L’industrie italienne, le cartel des grandes entreprises : « qui gonfle les prix de vente mais réduit d’année en année la marge des producteurs ;


La concurrence internationale « prête à expédier ses cargaisons de riz n’importe où pourvu que la vente soit meilleure que dans les pays pauvres » Le riz italien c’est 1,56 million de tonnes soit 52% de la production européenne mais une « miette » dans la production mondiale : 0,30%.  « Nos principaux concurrents sont l’Inde, second producteur mondial après la Chine, et le Vietnam. Ces pays ont entrepris des négociations avec l’UE pour abolir les taxes douanières sur leurs exportations de riz. Le Myanmar (la Birmanie) a réintégré la liste des pays TSA (Tout sauf les armes), ce qui l’autorise à tout exporter en dehors des armes et va devenir un sérieux concurrent. » déclare Paolo Carrà président de l’Ente Nazionale rizi (Office du Riz).


Les anciens collègues devenus des ennemis : « le maïs et le soja ont un rendement – en volume et en valeur – plus élevé que le riz et sont en train de prendre sa place. Rien que cette année, la surface des cultures rizicoles a reculé de 11 000 ha par rapport à 2011. »

Le marché est saturé.


Les producteurs pris à la gorge par la baisse des prix jettent encore plus de produits sur le marché pour couvrir leurs frais et amplifient la saturation…


Giuseppe Ghezzi président de la Coldiretti (la plus importante OPA italienne) de Pavie s’alarme.


« Beaucoup de cultivateurs quitteront les rizières. Pourquoi continuer à patauger dans l’eau si le maïs est payé au prix du carnaroli et le soja presque le double, sachant que le rendement d’un riz de qualité est de 45 quintaux par ha, contre 130 pour le maïs. »


« Et si les paysans abandonnent les rizières, c’est tout un écosystème délicat et précieux qui disparaît avec de lourdes conséquences pour tout le monde. »


L’auteur de l’article plonge sa plume dans le lyrisme « Dans les plaines lombardes et piémontaises, les diguettes des camere semblent avoir été brodées par un géant. (…) Un savoir antique se marie aux techniques modernes. »


Un gros bémol à cet alarmisme délivré par Giovanni Daghetta président de la Confédération des agriculteurs de Pavie et responsable de la commission consultative pour le riz à la Commission Européenne : « Nous autres, producteurs italiens, devons faire notre autocritique. Il y a dix ans nous produisions 300 000 tonnes de carnaroli et aujourd’hui nous avons atteint le million. Mais cette variété de riz est la seule, avec l’arborio, qui par sa qualité n’a aucune concurrence à craindre. Nous devons mieux nous organiser : ce trésor fait partie de notre patrimoine, nous ne pouvons y renoncer. »


Tient, j’ai déjà lu ça quelque part !


Si vous souhaitez aller un peu plus loin sur la Riziculture italienne et risotto je vous conseille de vous reporter à la Fureur des Vivres n°39,link le riz 

 

Pour les fainéants je cite quelques extraits  :


(…) les plus célèbres d’entre eux restent l'Arborio (il y a aussi le San Andrea mais il est un peu collant à la cuisson) et le Carnaroli. Le premier est le plus populaire, le plus courant. Produit dans le Piémont, il se caractérise par un grain très grand qui augmente de volume avec la cuisson, une structure de grain qui lui permet d’absorber beaucoup de liquide de cuisson et d’assaisonnement : le « noyau » reste riche en amidon et toujours à point, tandis que la surface cède la juste mesure d’amidon qui sert à lier et à donner cette texture moelleuse au risotto. A noter, Arborio est un groupe de variétés qui inclut le vrai Arborio et le Volano, mais 84% du riz vendu comme Arborio est en fait du Volano !


Créé il y a 60 ans, le riz Carnaroli est l’un des riz les plus prestigieux de la production italienne, très fin et de haute qualité, à tel point que certains le surnomment « le caviar des riz »… Sa teneur en amylose permet au grain de cuire sans se désagréger, ses grains assez gros restent bien séparés les uns des autres ce qui favorise une excellente présentation. C’est pourquoi il reste l'un des préférés des chefs de cuisine en Italie et ailleurs !


Plus rare et prestigieux, la Rolls des riz à risotto est le Vialone Nano, perle blanche des rizières du Pô ! Celui qui pousse dans la région de Vérone, près d'Isola della Scala en Vénétie, est même le seul riz italien à bénéficier d'une IGP (Indication géographique Protégée). Le Vialone Nano (nain, le grain est plus petit), cuit plus vite en dégageant beaucoup d'amidon, il convient donc de le cuire sans le brutaliser, à feu pas trop fort, sans le brutaliser durant la cuisson ! Les grains risqueraient de s'écraser sans cuire à cœur. Mieux vaut alors le cuire al dente en dosant précisément la quantité de liquide de cuisson, soit 1,5 fois le volume de riz ! »


Pour les ignares je signale que « Le Pô prend sa source à Pian del Re sur le territoire de la commune de Crissolo au pied du Monte Viso, à 2 022 m d'altitude, dans les Alpes occidentales du Piémont, et se jette dans la mer Adriatique, en formant un vaste delta de 380 km2 débutant à proximité de Ferrare, où le Pô se divise en trois branches : Le Pô principale (au nord de Ferrare), depuis Ferrare en Pô de Volano et Po di Primaro (ou Primaro ou Po morto di Primaro), pour former le Delta du Pô.

 

Le Pô principal se subdivise en cinq bras secondaires :

-          le Pô de Maestra,

-          le Pô de la Pila, le seul bras navigable,

-          le Pô des Tolle,

-          le Pô de Gnocca,

-          le Pô de Goro.

 

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23 novembre 2012 5 23 /11 /novembre /2012 00:09

La grande, l’immense, la fragile Maria Callas, si femme et si tragique, m’a souvent fait pleurer, dont une fois en pleine razzia du SIDA en regardant le film Philadelphia, avec deux merveilleux interprètes, Tom Hanks et Denzel Washington. Au cœur du film l’opéra investi l’espace, porte à son comble l’empathie, et Maria Callas dans un aria « La mamma morta »  de l'opéra vériste Andrea Chénier d'Umberto Giordano. « La mamma morta m'hanno /alla porta della stanza mia/Moriva e mi salvava! » arrachait des larmes aux coeurs les plus secs.


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Pas gai votre Taulier en ce début de journée, certes mais l’Opéra me procure les mêmes émotions si intenses, si vitales, j’ose écrire tripales, que la communion avec certains vins. Je lâche prise, la dictature de ma tête, de ma raison, est mise à mal, je décolle, je quitte le sol, lévitation délicieuse ou douloureuse parfois comme avec cette mamma morta, extase, petite mort salutaire. Mais la Callas c’est aussi  Casta Diva l'air d'ouverture de Norma de Vincenzo Bellini, la quintessence de la tragédie, ce prélude, magnifié par le chant de la flûte et la mélancolie des cordes, est encore un vrai bijou finement taillé.


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Non, non, je ne me suis pas reconverti en critique musical, je laisse ce soin à Alain Duault, qui loue bien mieux que moi son talent à un grand propriétaire de grands Bordeaux qui mêle si bien commerce et signes de culture.  Moi je me suis contenté, puisque j’étais invité – je trie et j’y vais au feeling – à un déjeuner de presse organisé pour le domaine Maby. J’avoue humblement que je ne connaissais pas. Bien m’en a pris, Le Marloe, 12, rue du Commandant Rivière, est une belle table et surtout j’ai pu découvrir un jeune vigneron, Richard Maby, et Natacha sa très séduisante épouse, qui vont très bien avec leurs vins. Ils vous transfusent leur enthousiasme bien mieux que le ban et l’arrière-ban des critiques de vins patentés. Enfin, pour ne rien vous cacher, et ça fait le lien, avec mon ouverture, Richard est un fou d’Opéra et Casta Diva est un superbe Lirac blanc, dont nous avons dégusté le millésime 2011, sur des Gambas en Penko*, issu d’un assemblage de Grenache, Clairette et Picpoul. Je me suis régalé car ce grand blanc, digne de ses grands voisins d’en face, avec un prix très doux, qui allie la finesse d’un trait tracé d’une main ferme mais douce, qui sait s’égarer dans la rondeur et la transparence d’une blanche pour laisser s’exhaler une fraîcheur vive, celle du Picpoul.


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Mais c’est qui ce Richard Maby ?


C’est le nouveau chaînon d’une aventure familiale commencée au XIXe par les Maby qui, au début, ne vivaient pas de la vigne, ils étaient cordonniers de père en fils qui, comme certains de leurs voisins ne cultivaient que quelques parcelles de vignes et leurs vins étaient destinés à une clientèle locale. Ace fut Auguste Maby, qui, le premier, se consacra entièrement au vin avec 5 hectares de vignes à Tavel. En 1936, son fils Armand, alors âgé de 15 ans rejoint son père dans l’exploitation familiale qui va très vite s’agrandir pour passer à 8 hectares. En 1950 Armand Maby rachète 4 hectares de vignes et se dote d’une nouvelle maison à coté de laquelle il construit une cave plus moderne et surtout plus fonctionnelle.


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Les années 60 marquent un tournant dans la saga Maby : Armand est alors rejoint par son fils Roger, son frère et ses deux gendres. De nouvelles parcelles sont acquises et la famille prend pied sur le terroir de Lirac, avec une parcelle de près de 30 hectares. En 1973, les cinq associés créent le « GAEC Domaine Maby » et le domaine poursuit son expansion. En 1996, le Domaine exploite 120 hectares qui produisent 700 000 bouteilles. À 75 ans Armand prend sa retraite et les associés se séparent. Roger reprend son indépendance avec son gendre et tous deux reprennent 45 hectares. Avec ses enfants il va racheter 15 hectares en Lirac et Côtes du Rhône, le nouveau Domaine Maby est né ! C’est en 2005 que Richard, le fils de Roger reprend en main les destinées du Domaine .diplômé de Sciences Po qui passera 15 ans sur les marchés financiers, c’est une nouvelle aventure qui démarre. www.domainemaby.fr

 

La transmission, l’installation, un sujet bien mal traité au 78 rue de Varenne où l’on reste enfermé dans des schémas du passé à la remorque d’un jeunisme syndicale essentiellement capteur de subvention. . Si j’ai donc longuement insisté sur l’histoire familiale des Maby c’est que l’irruption du dernier chaînon, Richard, qui exerçait ses talents dans une société de Bourse parisienne avant de recoller à ses origines lors de ses 40 printemps. Passion et raison, il suit une formation d’œnologie et de viticulture à l’université de Suze la Rousse et démarre sa nouvelle vie de vigneron. Savoir compter ne nuit jamais lorsqu’on nourrit de nouvelles ambitions« Je voulais aller plus loin que mon père qui était partisan d’une agriculture raisonnée, je me suis engagé dans un mode de culture très respectueuse de l’environnement en signant un contrat d’agriculture durable ». Il ausculte le domaine. Il s’entoure d’une équipe : un ingénieur agronome pour la vigne et un œnologue pour la cave qui n’est autre que l’ami Jean Natoli.  À terme l’objectif de Richard Maby est d’engager l’ensemble de son vignoble dans le bio. Aujourd’hui seul le Lirac est passé entièrement en bio depuis Juillet 2010 sans pour autant être labellisé en tant que tel. Depuis quelque temps Richard travaille avec l’œnologue renommé Philippe Cambie, élu œnologue de l’année 2011 par Bob Parker.


Ce sang neuf venu d’ailleurs est, dans le secteur de la vigne et du vin, un marqueur très puissant de son dynamisme et de son renouvellement. Dans le cas des Maby c’est le droit fil d’une saga familiale mais la pure installation exogène est aussi monnaie courante et produits des effets bénéfiques que malheureusement on ne  retrouve pas dans le restant de l’agriculture qui reste encore très largement endogame. C’est pour moi l’un des atouts majeurs de notre « industrie du vin »  car cet apport bouscule les conservatismes, les immobilismes et nos chers chefs du troupeau qui trustent les places officielles devraient s’en inquiéter car leur avenir à eux n’est pas assuré.


Après ces fortes paroles d’un ancien rapporteur  sur la pente conduisant à la sortie je reviens à un superbe mariage entre un Pluma Iberico Bellota* laquée à la sauce barbecue* avec le Lirac rouge Fermade 2005 du domaine Maby. En ce temps où le mariage est encensé, défendu, revendiqué, l’hyménée, purement charnelle, de ce morceau de choix du porc ibérique (Il s'agit de la partie antérieure de la longe, du lomo vers l'épaule. C'est un morceau avec beaucoup de graisse intermusculaire qui est considéré comme l'une des parties les plus savoureuses du porc ibérique. Pièce ovale de couleur rouge intense) de ce grand jus de Lirac issu d'un assemblage de Grenache, Syrah et Mourvèdre m’a rendu addict. La viande est juteuse et tendre, son goût se situe entre celui du solomillo et de la presa (merci Vincent Pousson pour la traduction) et ce millésime 2005, absolument somptueux, à damner un Taulier qui n’a plus ensuite envie d’aller travailler. Vivement la retraite ! Ce qu’il y a de bien dans le job de Taulier non appointé c’est, qu’une fois invité, en toute simplicité, en toute satiété, en toute liberté, nul besoin de lui chauffer les pieds pour lui voir délivrer ses chroniques chantournées. La magie ne fonctionne pas à tous les coups mais avec Richard et Natacha la petite musique s’est installée  et, nul besoin de grands airs, pour apprécier le fruit d’un travail passionné et raisonné. Merci.

 

Maman m’a toujours repris « Merci qui ? »

 

Merci Natacha et Richard Maby.

 

* Pour les puristes de la nouvelle gastronomie descriptive

:

- Gambas en penko, avocat Hass, eau de tomate aupiment fumé de la Vera.


- Pluma Iberico Bellota laquée à ma sauce barbecue et rafraîchit au citon vert, pommes de terre grenaille de l'Ile de ré, fleur de sel de Maldone.



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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 00:09

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Hier dans la matinée où il reçut du papier bleu virtuel votre Taulier, un peu escagassé, mais pas du tout désarçonné, s’est dit mon petit gars « une bonne esquive vaut mieux qu’une nouvelle et rapide estocade en défense. Ne t’expose pas. Ne prête pas le flanc. T’as tout ton temps, alors prends-le… » Je l’ai pris. Attendre et voir. Ne pas se précipiter. Bref, je suis parti déjeuner avec Ophélie chez Pierre Jancou, rue des Petites Écuries, et je n’ai pu m’empêcher chemin faisant de penser aux vieux chevaux de retour, et à un en particulier, qui, dès qu’ils sentent l’avoine, se ruent sur les mangeoires. Faut se ranger car les vieilles carnes c’est mauvais, ça mord et ça a encore la ruade brutale. Bien sûr ces bêtes-là, proches de la réforme, n’ont pas d’oseille, ni de blé, alors faut les panser à l’œil.


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Pierre Jancou connaissais pas.  Vivant qu’elle se nomme sa petite crèmerie qu’est une ancienne oisellerie. Entre céramiques 1900 et Formica 50s nous avons bien mangés et bien bus, merci Petit Jésus et, comme il se doit, en repartant nous avons partagé, Ophélie et moi, l’addition. Bien sûr, en lâchant nos euros, nous avons eu une pensée émue, non pour le Petit Jésus, mais  pour notre principal concurrent, celui que tout le monde craint, que certains surnomment l’écumeur des soupières, d’autres l’Attila des rombières.


Bien sûr, nous avons bu nature de chez nature sous la houlette de la charmante sommelière de chez Vivant Solenne Jouan mais ne comptez pas sur moi pour vous faire un compte-rendu, je ne possède pas les hautes qualités de notre grand concurrent, le Belphégor de la Toile, je ne sais pas tenir un couteau, une fourchette, un verre et un crayon en même tant. Donc j’ai mangé, bu et papoté avec Ophélie, mais pas écrit le moindre grigri.


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Ceci écrit, je me suis dit « coco tu ne vas pas laisser un boulevard au Ravachol  de la Toile, faut que tu te fendes d’une dédicace… » Alors j’ai pioché dans un de mes petits bouquins chéris « Le vin de longue vie » de N.D. Cocea aux éditions Cambourakis 9€.

 

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« Des jeunes filles rieuses passaient les corbeilles aux garçons. Ceux-ci, à leur tour, juchés sur des escabeaux improvisés, les vidaient dans des trois pressoirs, de chacun quatre mètres de long, installés en travers du cellier. Les paniers vides volaient dans l’air, accompagnés de cris et de plaisanteries lestes. Les filles les attrapaient au vol. Aucune d’elles ne voulait être en reste mais répondait du tac au tac, tenant des propos équivoques en jetant aux garçons des poignées de raisin. Cependant que, dans les trois énormes pressoirs, filles et femmes, robes troussées dans la ceinture et montrant leurs cuisses jusqu’aux hanches, écrasaient les grains en rythme, tantôt lent et coulé, tantôt saccadé et rapide suivant la mesure de la danse.


(…) Les grappes dégringolaient dans les pressoirs, le vin coulait des bondes, seaux et amphores d’argile partaient, les uns après les autres, pleins à ras bords, assujettis bien droit sur les épaules des valets. Le cellier grondait et vibrait sur ses bases. Il flottait dans l’air des effluves, à la fois doux et âcres, enivrants et irritants, de fruit foulé, de sueur et de femme.


(…) Mais pendant ce temps, le travail battait son plein. Le vin nouveau coulait à flots comme des torrents gonflés de pluie. Les tonneaux s’emplissaient à vue d’œil. Le cellier bourdonnait comme une ruche d’abeilles laborieuses. Et, comme il convient au vin, les vendangeurs le préparaient dans les chansons et propos galants. Je ne m’étonnais point de leurs facéties, de leurs plaisanteries salaces et osées. Au cours de mes pérégrinations à travers les villages, j’avais au moins appris ceci, qu’au sein de l’impudique nature, les hommes ont le langage plus libre et les filles sont moins mijaurées et moins prudes que leurs consœurs des villes. Je connaissais à cet égard les théories du boyard. Ce qui, en revanche, me déconcertait était le fait que lui, homme de progrès, au courant des découvertes scientifiques, fit toujours fouler ses raisins sous les pieds comme au temps jadis.


Comme nous nos dirigions lentement vers la maison pour le repas du soir, Maître Manole m’éclaira fort à propos sur ce point :


-         La vigne, mon cher enfant, n’est ni pierre, ni brique. Certes, elle n’a pas comme l’homme, une âme, mais elle a sa vie et ses sensations propres. Elle existe. Je me suis bien souvent avisé qu’entre toutes les manifestations de la vie terrestre, il doit y avoir et se perpétuer une sorte de lien secret. Du plus humble brin d’herbe rabougri au creux ses chemins jusqu’à la hauteur de ton front ou du mien, les degrés sont sans doute innombrables mais l’échelle est la même. Nous sommes de la même espèce que tout ce qui existe dans l’univers. Tu as entendu dire que les joailliers, pour rendre leur éclat aux perles presque mortes, les mettent au cou des jeunes femmes. Leur chair leur redonne vie. Donc, si le grain de nacre d’un mollusque renaît sur le sein des femmes, comment voudrais-tu moins bien traiter le fruit de la vigne ? Exprime le raisin sous la meule ou mets-le sous une presse : tu ne boiras qu’un jus délavé, de saveur fade. Écrase ce même raisin sous les pieds de l’homme, et malgré l’impureté et la sueur, tu boiras ce que tu n’as jamais bu de ta vie, du vin semblable à  de l’eau vive, celui des vignes de maître Manole.

 

De fait, dès l’instant que nous eûmes atteint la véranda, spacieuse comme la cour de quelque grosse ferme, le boyard frappa dans ses mains et ordonna à Vladica le tzigane de lui apporter deux bouteilles de vin bouché : l’une, de Cotnar rouge, de la cuvée de 1821 ; l’autre, de Cotnar blanc, de celui qu’ils étaient seuls à connaître.

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-         En attendant de déguster chacun d’eux, me proposa le boyard, vidons un verre à la santé de notre hôte et, conformément à la coutume, lavons-nous le visage et les mains.


-         Buvons, monsieur, et rafraîchissons-nous (…) »


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Le livre a été publié en 1931. C’est une fable hédoniste qui évoque la rencontre d’un magistrat fraîchement nommé dans une bourgade de la campagne moldave et d’un mystérieux boyard, Manole, dont la longévité exceptionnelle et les mœurs supposées excentriques excitent la jalousie de la bonne société provinciale.

 

N.D. Cocea est un écrivain roumain (1880-1949)

 

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18 novembre 2012 7 18 /11 /novembre /2012 00:09

La Place Denfert-Rochereau, dont je suis voisin, est le réceptacle des départs de manifestations de tout acabit, même si ce sport est plutôt l’apanage des organisations syndicales, des militants plutôt situés sur les segments extrêmes de la politique, de temps en temps, pas très souvent, ceux qui pestent habituellement contre les braillards, raillent les professionnels de la protestation, exècrent ceux qui emmerdent le monde en provoquant des embouteillages dans les belles rues de Paris, sortent de leur splendide isolement pour manifester. Les grandes références sont connues : juin 68 sur les Champs-Élysées et la grande manif pour la défense de l’enseignement privé le 24 juin 1984. Le million assuré.



Bref, hier, arborant T-shirts roses et ballons, des milliers de personnes ont afflué samedi place Denfert-Rochereau à Paris, pour la « Manif pour tous », premier grand défilé contre le projet d'ouvrir mariage et adoption aux homosexuels, qui se veut apolitique, « transcendant les clivages religieux » mais aussi « contre l'homophobie ». « Les slogans du jour étaient +pour le mariage civil HF -- hommes femmes ou haute-fidélité--+ ou encore +la famille PME -- père, mère, enfant+ », a expliqué à la presse la Frigide Barjot, elle-même vêtue de rose, arrivée sur une mobylette rose et coiffée d'un casque assorti. La ligne 6 était bondée et dégorgeait à Saint-Jacques une foule compacte, de toutes générations et parsemée de poussettes, T-shirts et ballons bleus blancs ou roses arboraient le même dessin de deux personnes de sexes opposés tenant deux enfants par la main.


Étant dans les CONTACTS de certains leaders de la Manif j’ai reçu des e-mails m’appelant à me joindre à la manifestation « Appel de dernière heure à la Manifestation de cet après-midi partout en France ; c’est vraiment important d’être nombreux. Mais aussi à renforcer la mobilisation après, alors que les lignes bougent : notamment en renforçant la pétition « Tous pour le Mariage » qui a déjà  100.000 signataires ! » link celui-ci provenait d’un propriétaire de vignes du Grand-Sud.

 


En dehors du désagrément de voisinage que me causent ces manifestations je ne vois  aucun inconvénient à ce que les citoyens descendent dans la rue pour marquer leur désapprobation, leurs revendications face à ceux qui nous gouvernent. Ce qui me fait sourire c’est la débauche de moyens : semi-remorques bardés de baffles rugissantes, matériel de propagande qui jonche les rues à la suite de la manif, des autocollants partout, des déchets partout. Y’a belle lurette que je ne manifeste plus, ça me fatigue et rien n’équivaudra les riches heures de mai 68.


Mais ce qui m’interroge vraiment, pour celle d’hier, c’est ce que déclare Laurent Michelin, du collectif « tous pour le mariage », qui s’appuyant sur une pétition appelant à un débat et qui a déjà recueilli 104.000 signatures, déclare sans rire : « On a l'impression d'un déni de démocratie. C'est une vraie loi de rupture. Or nous sommes beaucoup à penser que deux papas ne font pas un bébé ». En effet, ceux qui m’ont envoyé un sms d’appel à manifester, je les connais bien, ce sont des partisans de l’ordre, et c’est leur droit, et que ne les ai-je entendu, droits dans leurs bottes, se féliciter que l’ancien Président n’ait pas céder à la pression de la rue lors du débat sur les retraites.


Nous sortons d’une élection majeure dans notre pays, la Présidentielle, suivi d’élections législatives, qui sont les actes fondateurs de la légitimité démocratique. Alors ou se trouve l’ordre ou le désordre, sauf à penser que ceux qui, soudain, prennent la rue, comme ils le disent si souvent, en otage, pour réclamer une forme de  démocratie directe sans contrôle et sans majorité pour imposer leurs vues, leurs opinions. Étrange retournement qui relève d’une vision assez aristocratique du gouvernement d’un pays. La seule façon de consulter le peuple directement de façon légitime c’est le référendum. Moi, ça ne me dérange pas si une consultation de ce type était organisée sur ce problème d’organisation de notre société.


Je ne m’aventurerai pas sur le fond ce n’est pas mon propos du jour et mon point de vue dans cette affaire ne présente aucun intérêt. Même si le slogan Haute-Fidélité me fait sourire. Ce qui m’importe c’est que, dans une démocratie qui fonctionne, l’expression de la rue est certes un élément important, un signal à observer, l’expression d’un malaise ou d’une forte opposition qu’il faut savoir interpréter, mais la suivre, céder ou reculer, sous prétexte que la rue doit avoir le dernier mot parce que des milliers de personnes battent la semelle dans la rue ou pétitionne c’est la porte ouverte à une escalade : manifestations, contre-manifestations, provocations… dans le même temps, à Notre-Dame des Landes « les opposants au projet de « l'Ayraultport » sont au rendez-vous. En vélo, en car, à pied, en voiture, ils sont venus des quatre coins de la France pour sauver la ZAD, la Zone d'aménagement différé, renommée Zone à défendre. Incroyablement dense, le cortège s'étale sur près de 4 kilomètres sur la petite route de la Noé qui quitte Notre-Dame-des-Landes à travers le bocage, samedi 17 novembre. Combien sont-ils ? 10.000 ? 20.000 ? Certains parlent de plus de 30.000. Des familles avec leurs enfants, des couples de retraités, des riverains, des agriculteurs, des élus et des jeunes, beaucoup de jeunes, de tous les styles, des babas-punks aux cadres écolos. Rares sont ceux qui connaissent la destination de cette opération de reconquête. « On va installer une maison préfabriquée avec une ossature en bois, apportée par Greenpeace », explique Pierre. « Une fois sur place, elle sera considérée comme une construction illégale, mais après il faut que ça passe en justice, ça va prendre du temps… »

 

Existe-t-il des bons et des mauvais manifestants ?

 

Je ne suis à peu près sûr que la grande majorité des manifestants de la « manif pour tous » de Paris, dans un temps ordinaire, c’est-à-dire celui d’un gouvernement à leur goût qui ne les jetterait pas dans la rue, condamneraient avec véhémence les exactions des énergumènes écolos de Notre-Dame des Landes. Ainsi va la vie de notre pays : « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà… » et surtout que d’hypocrisie…haute-fidélité ont-ils dit, ne riez surtout pas...

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Dernières Nouvelles : Forte mobilisation dans plusieurs villes des opposants au « mariage gay » Le Monde et Mobilisation massive à Notre-Dame-des-Landes contre « l'Ayraultport » Le Nouvel-Observateur.


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17 novembre 2012 6 17 /11 /novembre /2012 00:09

Votre Taulier aime voyager. Comme le Général il a rêvé d’une Europe s’étendant de l’Atlantique à l’Oural et d’une autoroute de l’Est passant par Berlin, Moscou, Nijni-Novgorod, Kazan, Ekaterinbourg puis avec Michel Strogoff la Sibérie : Tomsk, Irkoutsk jusqu’à Vladivostok… oui le transsibérien autour d’un samovar… Mais comme les Français ignorent où se situe l’Oural qui est une chaîne de montagnes hercynienne située en Russie s’étirant sur plus de 2 000 km, de la mer de Kara au nord jusqu'aux steppes du Kazakhstan au sud. L’Oural marque traditionnellement la limite géographique entre l’Europe et l’Asie, depuis que le tsar Pierre Le Grand, au début du XVIIIe siècle, a souhaité rapprocher son empire des royaumes européens.

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La Russie, la sainte Russie des boyards des types qui savaient boire «  Bonjour, bonjour, Véronique Solère… je continue ton éducation 100% russe !»


En effet, pour Olga et Wladimir Kaminer « La vraie gastronomie russe réside principalement dans on art de la boisson. Le seul plat qui corresponde vraiment aux clichés sur les russes et leur cuisine nationale est la vodka, qui est bien souvent considéré comme un plat principal en soi. » Tout ça vient de loin selon les manuels d’histoire qui indiquent qu’au XIe siècle en Russie on consommait du pain noir vleb et de la purée d’orge perlée kacha mais on buvait aussi de l’eau-de-vie fabriquée avec la même céréale que le pain noir et la kacha. « Dans les vieilles chroniques du XIe siècle, on voit déjà que plusieurs villes sont nées à partir de distilleries de schnaps pour améliorer l’humeur des colons. Le schnaps maison ne s’appelait pas encore « vodka » mais « vin de pain », « vin cuit » ou tout simplement «vin ».


Lorsqu’au XIIIe siècle les hordes de Gengis Khan, les Tatars et les Mongols, qui « mangeaient de la viande de cheval, du hamster grillé et buvaient du thé » ont contrôlé de larges pans de la Russie, elles ont découvert le vin de pain qu’elles ont emporté avec elles, « évaporées dans des circonstances non encore élucidées », en repartant, laissant aux Russes le thé. Plus intéressant encore pour nous Français, les aventures guerrières de Napoléon en Russie qui, vu de là-bas, se nomment « première grande guerre patriotique » qui vit la confirmation des « avantages de la gastronomie russe ». En effet, «  les français bien armés et bien organisés, qui se nourrissaient de côtelettes et d’omelettes riches en calories dans le rude hiver, n’arrivaient pas à la cheville des partisans qui se nourrissaient presque exclusivement de gnôle maison et de thé. Ils ne grelottaient pas, ils transpiraient. Armés de haches et de fourches, ils ont mis la pâtée aux Français comme s’il  s’était agi d’une sorte d’exercice accompagnant la dégustation de vodka, qui à cette époque portait toujours le nom de vin. Napoléon a dû battre en retraite. Il avait sous-estimé la gastronomie russe. Cette dernière s’est une fois de plus enrichie grâce à ce genre de péripéties : le champagne et le cognac se sont depuis bien établis en Russie. »


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Au XXe la Révolution Russe : le triomphe des Soviets coïncide avec l’irruption de recettes qui arrivaient de partout : l’eau-de-vie de poivre ukrainienne, le schnaps de riz d’Ouzbékistan, la tchatcha (alcool de vin) d’Arménie et le schnaps de poisson d’Iakoutie » et avec Lénine est arrivé « Le bonheur Nouveau » une étrange vodka à 30% dont on  ne savait « trop à partir de quoi les communistes la distillaient » Par la suite « les intellectuels aimaient bien la vodka « Idée Russe ». Il y en avait deux sortes : « l’idée claire » et l’idée sombre ». les travailleurs buvaient le « Fonce dedans » et le « Hoquet ». Enfin Staline trancha sous sa main de fer « le schnaps a perdu tous ses noms pour ne plus porter que celui de « vodka ».


Gorbatchev, dernier secrétaire général du parti, craignant qu’elle « fut une alternative au socialisme » qu’elle handicape la « construction chancelante d’une société socialiste développée », a été très actif en faisant « arracher toutes les vignes de la Géorgie à la Moldavie en passant par l’Ukraine ».


La vodka a survécu à la terreur et a enterré le socialisme. L’irruption du marché libéral a vu l’éclosion d’innombrables distilleries produisant de l’alcool bon marché qui ont fait grimper les statistiques d’empoisonnements, d’accidents de la route et la chute vertigineuse de l’espérance de vie des nouveaux convertis au capitalisme. Boris Eltsine prêchant l’exemple bien sûr. Les marques étrangères d’Absolut la suédoise à la Zubrowska polonaise prirent le haut du pavé. « Sur ce, le gouvernement a voulu renationaliser la principale spécialité russe et a mis tout en œuvre pour combattre les distilleries clandestines. » La bureaucratie pas morte a imaginé des marques de droit d’accise collées sur toutes les bouteilles de vodka véritable, de nouveaux bouchons et étiquettes en filigrane… Piratés ! Puis une tentative désespérée de l’administration de colorer la Vodka authentique en changeant même la couleur tous les mois : une vraie course à l’échalote avec les fraudeurs où plus personne n’arrivait à distinguer la bonne couleur.

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Mais le marché sait toujours s’adapter : aujourd’hui tout le monde trouvera ce qu’il cherche en fonction du prix. En bas, « la vodka peu chère et nocive pour la santé s’achète par bouteilles de 3 litres au marché noir » jusqu’aux marques internationales qui font du marketing en s’adaptant aux goûts locaux : ainsi Absolut se réinterprète en « Absolument Absolu » qui est plus forte que l’originale. Et le must bien sûr est une vodka sans alcool qui s’appelle « Rester en forme ».


Pour finir un détail à vérifier Véronique beaucoup de propriétaires de restaurants russes savent que la gastronomie russe peut conduire au trou de mémoire et « c’est la raison pour laquelle le dessert est toujours plus cher que l’entée et le plat de résistance réunis. Après un repas bien arrosé de vodka, le client ne se souvient plus s’il a vraiment commandé cet étrange purée pommes-fraises pour 350 roubles, ni quel goût elle avait. »


Mes élucubrations sont tirées d’une source sûre « La cuisine totalitaire » chez Gaïa Olga et Wladimir Kaminer.

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16 novembre 2012 5 16 /11 /novembre /2012 00:09

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Ouille, ouille, ça douille, ou ça va douiller en 2013, l’addition va être salée nous dit à longueur de colonnes Le Figaro qui n’aime pas les socialos, avec en écho les Échos où Jean-Francis Pécresse écrit des éditos, alors je me suis dit que, le Taulier, tel « les serfs et les paysans du couvent de Montecellesi qui étaient, jusqu’en 1205, obligés de payer aux religieuses un impôt en nature sous forme de gâteaux au miel et aux épices, va devoir payer ses impots&taxes variés au percepteur en Panforte et en liquide pour faire avaler la pilule amère. NTM !

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En effet, l’ancêtre de ce gâteau traditionnel de Sienne, le Pan pepato, pain poivré, c’était le même gâteau mais avec plus de fruits confits et recouvert de poivre... oui c’était un signe d’authenticité… que voulez-vous, le goût est toujours daté… donc le Pan pepato qui en passant des blanches mains religieuses à celles, un peu plus avides des laïcs fut confié aux pharmaciens de l'époque, les speziali, seuls détenteurs des épices aux vertus médicinales et très coûteuses. Pain  de Noël dès l’an 1000, pain Pepatus, il était uniquement destiné aux nobles, aux riches et au clergé, parce qu'il contenait des fruits confits (orange, cédrat et melon), des amandes et des épices extrêmement coûteuses en ce temps-là. Au cours de l'Histoire, la recette n’avait pas subi de modifications substantielles jusqu'en 1879, année où Margherita di Savoia (la même qui a donné son nom à la célèbre pizza) épouse du roi Umberto I, se rendit en visite à Sienne. Pour l'occasion, un speziale prépara un Panforte plus délicat sans melon confit et couvert de sucre vanillé qui fut offert à la reine. Ce « Panforte Margherita », dit Panforte « blanc », civilisé, est encore aujourd'hui connu et commercialisé.

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Comme avez pu le remarquer ci-dessus, là je m’adresse à vous Mr le Percepteur, le Panforte était réservé exclusivement aux riches donc je suis bien fondé à vous le proposer comme monnaie d’échange pour m’acquitter de mon devoir fiscal.  De plus, comme je suis fou du Panforte, je ne puis m’empêcher d’en manger dès que j’en ai à portée de mains, vous pourrez ainsi évaluer, à sa juste mesure, la qualité de mon effort, de ma privation. Si je vous réglais avec ces vulgaires euros malades de la peste je ne ferais que me délester à bon compte.

Et, monsieur le percepteur, comme j’ai bon cœur, pour nous soutenir le moral en ces temps d’austérité – mot honni – je propose de fluidifier mon paiement avec un vin fortifié et, pour rester dans ce beau pays qu’est l’Italie, de verser du vin de Marsala. Nous passons donc de la Toscane en Sicile, très précisément à l’Ouest de l’île.  Comme toujours avec le vin la légende voudrait que le Marsala, alors dénommé « Perpetum » fut un don des dieux à la Sicile et que c’était le moyen de communiquer avec Vénus, la déesse de l’Amour, née de l’écume des mers. Mais, convenez-en Mr le Percepteur, pour vendre du vin au monde entier un bon marchand anglais est plus efficace qu’une vieille légende. En 1773, le hasard d’une tempête jeta John Woodhouse, un marchand anglais, dans le port de Marsala, petite ville de la côte ouest de Sicile. Le vin lui plut et il en expédia un lot de 52 pipes à Liverpool, mais pour prévenir toute altération du précieux liquide durant le voyage, il ajouta un peu d’alcool dans les barriques. La cargaison se vendit comme des petits pains (pas au chocolat bien sûr). Les affaires étant les affaires notre anglais s’installa en Sicile et transforma ce vin local  en un vin internationalement réputé ayant sa place dans les caves de Buckingham Palace et à bord des navires de la Marine royale.


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Le succès de l’activité commerciale de Woodhouse fut grandiose et ouvrit la voie à d’autres commerçants britanniques. Parmi eux, Benjamin Ingham construisit un atelier tout près de celui des frères Woodhouse et joua un rôle clé dans l’expansion des ventes de Marsala en Amérique et en Australie. En 1832, un jeune entrepreneur du nom de Vincenzo Florio établit un autre jalon dans le commerce du vin de Marsala en appliquant des critères commerciaux à son activité et en évinçant l’ancienne aristocratie locale. La flotte marchande de la Compagnie Florio, forte de 99 navires, transportait le vin de Marsala dans tous les coins du globe. Dans les années qui ont suivi, d’autres capitaines d’industrie participèrent à ce commerce, tant et si bien qu’au début du siècle on ne comptait pas moins de 40 compagnies produisant du vin de Marsala.

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Fort bien, sans vouloir dénigrer et le négoce, et les anglais, y’a tout de même Marsala et Marsala et même si en 1984, le Marsala a obtenu l’appellation D.O.C. pour les vins blanc, rouge, sec et amabile (semi-doux) dans l’ensemble de la province de Trapani, à l’exception de la région d’Alcamo et des îles de Pantelleria, Favignana, Levanzo et Marettimo.


Bref, quand le Taulier voyage en Italie à Paris il prend illico la direction de l’épicerie d’Alessandra Petrini, chez RAP quoi www.rapparis.fr pour acheter mon Panforte et d’autres douceurs que l’on ne trouve pas ailleurs. Triste jour pour le Taulier le restaurant d'Alessandra RAP ferme ses portes aujourd'hui mais l'épicerie RAP continue. De tout coeur avec toi et les membres de ton équipe Alessandra. Je t'embrasse et à mon retour de Bordeaux je fais un saut jusqu'à la rue Rodier.


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Du côté liquide je vous donne 2 références de Marsala aux 2 bouts de l’échelle des prix et pour ceux  qui veulent tout savoir tout ce qu’il faut savoir sur le Marsala pour briller dans les dîners en ville. 

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1-      INTORCIA (le plus vieux producteur de Marsala). C’est un Vergine Soleras : Vieilli 6 ans au minimum dans des fûts de chêne. 18,90€

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2-     Cuvée Supérieur Riserva DOC 1986  Marco de Bartoli 50 cl 78€ link


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* cépages blancs : Grillo, Catarratto, Inzolia, Damaschino pour la production de Marsala doré et ambré.

* cépages rouges : Pignatello, Calabrese, Nerello Mascalese, Nero d'Avola pour la productionde Marsala rubis.

Les vins de Marsala sont classés en catégories selon :

  1. la couleur : doré et ambré, produit à partir de cépages blancs. Rubis, produit à partir de cépages rouges, auxquels peuvent s'ajouter jusqu'à 30 % de cépages blancs.
  2.  les caractéristiques de la production :

Marsala Fine : Teneur en alcool : 17% minimum Vieillissement : 1 an minimum

Ambré: addition d'au moins 1% de moût bouilli

Rouges dorés et rubis : aucune addition de moût bouilli

Marsala Superior : Teneur en alcool : 18% minimum Vieillissement : 2 ans minimum

Ambré: addition d'au moins 1% de moût bouilli

Rouges dorés et rubis : aucune addition de moût bouilli

Marsala Superiore Riserva Teneur en alcool : 18% minimum Vieillissement : 4 ans minimum

Ambré: addition d'au moins 1% de moût bouilli

Rouges dorés et rubis : aucune addition de moût bouilli

Marsala Vergine Soleras Teneur en alcool : 18% minimum Vieillissement : 5 ans minimum  Seulement alcool de vin ou eau-de-vie, aucun autre additif

Marsala Soleras Riserva Teneur en alcool : 18% minimum Vieillissement : 10 ans minimum Seulement alcool de vin ou eau-de-vie, aucun autre additif.

              3. la teneur en sucre :

* Sec : moins de 40 g/litre

* Demi-sec : entre 41 et 99 g/litre

* Doux: plus de 100 g/litre

Dans tous les cas, le vin utilisé pour produire le Marsala doit avoir une teneur en alcool d’au moins 12 % par volume.

Additifs permis :

* moût bouilli, appelé calamich

* sifone (moût qui ne peut plus être fermenté, additionné d’alcool)

* alcool de vin, afin d’atteindre le pourcentage d’alcool requis

* levure, ou addition de vins pour déclencher le processus de « marsalisation »

L’addition de calamich, d’alcool et de vins de remplissage s’appelle concia (traitement du vin).

Le Marsala Vergine n’est pas traité.

Les étiquettes fournissent des renseignements sur la méthode de production et la commercialisation, par exemple :

L.P. London Superior

S.O.M. Superior Old Marsala

G.D. Garibaldi Dolce

O.P. Old Particular

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