Alain Juppé est aux charbons, ce qui n’est pas pour lui déplaire, Bordeaux c’est bien mais il doit parfois s’y sentir à l’étroit. Médiateur donc, Reuters écrit « Alain Juppé tentera dimanche une médiation entre les deux rivaux pour la présidence de l'UMP, Jean-François Copé et François Fillon, dont la guerre ouverte menace de faire éclater le principal parti d'opposition en France. » Pas une mince affaire, c’est « la guerre », et, comme le souligne NKM dans une interview publiée par Le Figaro samedi,, qui n’a pris position pour aucun des 2 candidats, « Les mots ont été tellement durs que tout cela va laisser des cicatrices très profondes ». De plus la voie est étroite pour le médiateur car, dans un processus électif, normalement, les règles de droit ne sont pas négociables, donc la médiation ne peut porter sur le résultat du vote lui-même. Jean-François Copé, qui a en mains les clés de l’UMP, en fait sa digue ultime : pour lui la saisine de la commission des recoures, dans sa composition actuelle, est automatique et elle est seule habilité à statuer sur le différend. Mettre en avant le droit dans une affaire où manifestement les 2 camps ont triché, et s’en remettre à une commission, forcément bipartisane, et en l’occurrence favorable à celui qui tient l’appareil, pour régler le différend, relève du mépris qu’ont, les apparatchiks de nos grands partis politiques, de la transparence et de la sincérité d’un processus électif. Alain Juppé ne pourra donc compter, pour réussir sa médiation, que sur son aura et sa stature personnelle dans le parti dont il a été le premier président élu après sa fondation en octobre 2002.
Votre Taulier, depuis 18 mois, dans l’ombre, fait lui aussi le médiateur entre 2 parties : des transformateurs laitiers qui ont seuls le pouvoir de lui dire oui et des producteurs de lait qui, eux, sont dépendant du bon vouloir des premiers. L’inégalité est manifeste, des grandes entreprises nationales, voire multinationales, ou régionales, et des producteurs isolés. Entre Alain Juppé et moi, bien sûr, la rivière semble très profonde, même si nous avons un point de jonction historique : nous avons ouvert notre blog de concert en 2005, lui en exil au Québec, moi dans mon placard du XIVe, mais en fait nous ne disposons que de nos propres forces, de notre poids spécifique, pour amener les parties en présence à s’entendre. L’avenir dira si Alain Juppé va pouvoir déminer la pétaudière de l’UMP, alors que pour moi c’est demain que tout va se jouer, à Montauban. L’enjeu n’est, si je puis me permettre, que de « recaser » 11 producteurs regroupés dans un mouchoir de poche au nord Gironde, essentiellement autour de Cestas. 7 millions de litres, même pas l’épaisseur du trait pour les entreprises. ne tournée de ramassage existe, donc c’est faisable techniquement. Il suffit de mutualiser la collecte et de se répartir les producteurs. La conjoncture laitière est bonne. Les équilibres des bilans laitiers des entreprises n’en seront pas bouleversés. Cependant j’ai 90 chances sur 100 de me heurter à mur de mauvaises volontés. J’aurai donc échoué tout près du but et ce sera une petite crise locale comme notre pays « aime » en fabriquer à longueur de journée.
Demain j’aurai sans doute fait 6h30 de train+4 heures de voiture pour rien, c’est la vie d’un médiateur que de subir le bon vouloir de ses interlocuteurs.
En effet, de par sa source latine, le mediator est un intercesseur, un entremetteur.
Ce n’est pas un négociateur, car celui-ci est de parti pris. Il représente les intérêts d'une partie. Ce qui implique que le négociateur va chercher à aboutir à une solution donnant satisfaction à la partie qu'il représente. Le médiateur n'est d'aucun parti pris. Il accompagne la réflexion des deux parties en leur permettant de trouver un accord.
Pour revenir un instant à Alain Juppé c’est l’un de ses handicaps : Jean-François Copé redoute qu'Alain Juppé, même s'il s'est dit neutre, penche pour François Fillon. « Je ne l'ai entendu exprimer aucun désaccord avec Fillon pendant la campagne mais plusieurs avec Jean-François Copé », déclare un proche de celui-ci. Pire encore, les deux camps redoutent en outre que l'ancien Premier ministre n'en profite pour se remettre sur orbite en vue de la présidentielle de 2017. Le maire de Bordeaux pourrait être amené à proposer l'annulation du scrutin ou la mise en place d'une direction collégiale sous sa houlette.
Dans cette hypothèse Alain Juppé se poserait en arbitre, au sens de l’arbitrage type affaire Bernard Tapie, où l'arbitre rend une décision qui s'impose aux parties qui ont choisi l'arbitrage. Dans l’affaire UMP, Alain Juppé n’est pas seul, il est à la tête d’une commission d’arbitrage de 5 membres : lui-même, un membre désigné par François Fillon, un membre désigné par Jean-François Copé et deux membres qu'il désignera en accord avec les deux parties.
Moi je suis seul et je n’ai rien à négocier. Que ma bonne volonté pour convaincre mes interlocuteurs. Convaincre c’était le nom du club de Michel Rocard au temps où nous roulions pour lui alors qu’il était présidentiable, avec le succès que vous connaissez…
Médiateur est certes un job très tendance mais je dois avouer qu’après avoir exercé celui de rapporteur, avec le succès que vous connaissez, il ne me reste plus qu’à rendre mon tablier. Je fatigue. Ils me fatiguent. Reste 11 producteurs, leurs vaches et leur lait : en toute hypothèse il faudra impérativement collecter leur lait. Le dossier va se syndicaliser, se politiser alors qu’il faut depuis plus de 6 mois une réunion de travail de 2 heures pour le régler. Ainsi va la France, ses hommes, ses décideurs, un pays qui n’aime rien tant que le conflit, se foutre sur la gueule, s’invectiver, avoir toujours raison, surtout ne rien lâcher, camper sur ses positions. Désolant ! Vivement la quille les amis !