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28 décembre 2012 5 28 /12 /décembre /2012 00:09

La Toile est un terreau vivant, jetez-y une graine, elle pousse à l’instant petit à petit elle s’enfouit, latente, hibernante, puis soudain les petits surfeurs en chasse lui redonne vie, elle s’épanouit à nouveau. C’est ce qui arrive en ce moment à une chronique de décembre 2010 « Pascal Agrapart un champenois taquin bricoleur des temps : le grand retour du labour pour Vénus et Minéral... » link. La voilà qui pointe son nez depuis le début décembre dans les statistiques du Taulier et joue les stars de ciné.


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Comme j’aime bien, à la fois, les champagnes de Pascal et Pascal lui-même, je ne résiste pas à lui offrir un beau texte sur le Champagne d’Anka Muhlsen Garçon un Cent d’huîtres Balzac à Table chez Odile Jacob 24,25€.


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Le roman d’Honoré de Balzac inachevé Les Petits Bourgeois « se situe en 1839. Il met donc en scène les représentants de cette bourgeoisie modeste et travailleuse qui fondait les assises de la Monarchie de Juillet. » Les Thuillier sont « de petits fonctionnaires parisiens qui cherchent à se pousser dans le monde. Ils illustrent une ascension sociale qui se traduit par la nécessité de recevoir, mais une ascension qui ne leur a pas laissé le temps de former des domestiques, et leurs ambitions ne sont pas assez vastes pour qu’ils songent à engager des extras. »


« Qu’est-ce qu’un grand dîner pour des petits bourgeois ? C’est ce que Balzac, tourné cette fois vers la réalité, va nous décrire avec délices. »


Thuillier, sous-chef de bureau, a prévenu sa sœur Brigitte qui tient la maison, qu’ils seront au moins 15 à dîner, « sans toutefois lui laisser entendre que l’excellente nouvelle de la quasi-certitude de son élection au conseil municipal sera annoncé au dessert. » Bien sûr, Brigitte « se met en branle non sans se plaindre de la dépense qui, calcule-telle, s’élèveras au moins à quarante francs, sauf si elle s’arrange pour que les restes nourrissent la famille pour les deux jours suivants. »

 

saute la préparation et le repas lui-même, pour les découvrir lisez ce livre passionnant d’une grande érudition et d’un grand confort de lecture. Un livre qui vous rend intelligent. Ce qui m’intéresse c’est ce qui se passe après l’annonce par les initiés de la bonne nouvelle.


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«… Brigitte oubliant son effroi devant la rapidité avec laquelle l’argent filait quand on recevait, se jeta sur la cuisinière en lui criant de l’accompagner à la cave pour remonter du vin de derrière les fagots.


Soudain, la profusion des vins et de liqueurs, l’apparition de délices enfouis dans les profondeurs de ses armoires témoignent des provisions incroyables en alcool et en sucreries d’une maison par ailleurs fort modeste. Brigitte revint en effet avec trois bouteilles de champagne. Ne nous étonnons pas trop de l’abondance du champagne chez les petites gens. Le goût du champagne se développa tard en France, beaucoup plus tard qu’en Angleterre. Mme de Pompadour fut une des premières dames à l’apprécier et elle en lança la vogue. Cependant la production demeura très limitée, malgré une demande accrue sous l’Empire, ne serait-ce parce que les bouteilles explosaient souvent dans les caves. Un viticulteur pouvait perdre jusqu’à trente à quarante pour cent de sa production. Ce ne fut que vers 1830 que les producteurs de Champagne mirent au point une méthode sûre pour mesurer le sucre dans le vin et empêcher ainsi une fermentation par trop violente. Les bouteilles résistèrent enfin à la pression. La production monta alors en flèche et passa de trois cent mille bouteilles en 1785 à près de sept millions ee 1844, d’où les réserves dans les familles les plus économes. En plus du champagne, Brigitte produisit trois bouteilles de vin vieux de l’Hermitage, trois bouteilles de bordeaux d’une bonne année, une bouteille de malaga et une eau-de-vie de 1802, achetée par son père, qu’elle tenait avec une attention presque respectueuse, pour parfumer la salade d’oranges qu’elle demanda à sa belle-sœur de préparer sur le champ. »


L’auteur de conclure « Ce qui frappe dans cette description, c’est l’ampleur des réserves dans une maison de petits bourgeois et la qualité des vins. On peut imaginer que ceux-ci sont accumulés comme autant de valeurs sûres. »

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 00:09

« C'est un énorme soulagement. Il aura fallu une mobilisation de la Fédération européenne des producteurs de vin (EFOW) et menacer de manifester à Bruxelles pour réussir à préserver la régulation des droits de plantation », souligne Gérard César, sénateur UMP de Gironde et président du groupe d'études de la vigne et du vin. Depuis des mois, les viticulteurs français bataillent contre une directive adoptée en 2008 par l'Union Européenne supprimant les droits de plantation au 1er janvier 2016, c'est-à-dire l'obligation de demander une autorisation avant de planter de nouvelles vignes. Ils ont fini par obtenir le soutien de 16 Etats européens et donc la majorité. Après un intense lobbying, le Groupe de réflexion à haut niveau sur les droits de plantation mis en place par le Commissaire Ciolos en janvier 2012 a préconisé que l'on continue à réguler les droits de plantation. Même le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a fait part de sa satisfaction. »


« Le marché aurait été automatiquement déstabilisé. Or, nous venons tout juste de sortir d'une crise de surproduction. Une telle mesure signait la mort d'une viticulture traditionnelle de territoire au profit de la grande industrie. Déjà que un quart des viticulteurs bordelais a aujourd'hui un revenu négatif...», souligne Laurent Gapenne, président de la fédération des grands vins de Bordeaux.


Question du Taulier : mais pourquoi diable en 2008 le Ministre de l’Agriculture français de l’époque a-t-il voté pour la libéralisation ? Réponse de Gérard César « Il y avait à l'époque les petits arrangements entre Etats pour la PAC, dont la viticulture a fait les frais » Fort bien, et puis fallait tout déréguler c’était dans ll'air du temps et personne n'a moufté pour ne pas déranger notre bon gouvernement et notre Président qui tenait tant que la présidence française de l'UE fut un grand succès.


Et maintenant il faut RÉGULER !


« La bataille est-elle totalement gagnée ? »


Ce ne sont que des experts, dit Groupe à Haut Niveau, qui ont proposé qu’à « partir du 1er janvier 2016, toute nouvelle extension de plantation de vigne couvrant tous types de vins (AOP, IGP et vins sans indication géographique) soit soumise au régime d'autorisation. Les autorisations seront désormais « gratuites » et « intransmissibles », avec la fixation d'un pourcentage annuel de nouvelles plantations, mais les États pourraient fixer un seuil inférieur au niveau national ou régional. En cas de demande supérieure au pourcentage établi au niveau national, ce serait aux États membres de délivrer d'éventuelles autorisations sur la base de critères objectifs. Ce système serait établi pour une durée de 6 ans avec la possibilité de le revoir au bout de trois ans. » Reste à la Commission a proposer un nouveau texte en 2013 pour graver dans le bronze le nouveau régime.


Bien sûr, notre CNAOC, comme au temps des Soviets est « globalement satisfaite » mais exige encore des améliorations. « Nous demandons une prolongation du système actuel jusqu'au 31 décembre 2018 et que le nouveau soit pérenne, pas limité dans le temps, à six ans. Et, surtout, il est indispensable que les autorisations de nouvelles plantations soient corrélées à l'existence de débouchés commerciaux »


« Nous ne serons rassurés que lorsque ce nouveau régime sera voté en juin dans le cadre de la prochaine réforme de la PAC. Il ne faut pas que la profession se démobilise maintenant. L'enjeu est trop important » a prévenu Pascal Bobillier-Monnot le Directeur du bunker.


Comme je le comprends !


Reste le débat franco-français, qui n’en a jamais été un puisque l’argumentaire se résumait en retour pur et simple au régime antérieur dont chacun sait qu’il n’a jamais rien régulé puisqu’une fois le vignoble planté avec des droits la surproduction peut aussi être au bout de la vigne : voir le modèle Bordeaux et, n'en parlons pas, celui du Cognac.

 

Bref, je ne sais si ce sera une grande victoire syndicale – au moins ça occupe les élus et les permanents – mais ce dont je suis sûr c’est que ce qui est en cause au fond pour notre viticulture nationale, comme celle des pays du vieux monde, c’est sa capacité à anticiper le monde et non celle de s’accrocher à un modèle qui ne correspond plus à la réalité. La défense des droits acquis, dont on se moque lorsqu’il s’agit de ceux d’autres catégories sociales, n’a jamais permis de développer la capacité d’anticipation et d’évolution d’un système de production.

 

Entre la dérégulation aveugle et une régulation administrée il y a une voie, certes difficile, qui consiste à réguler la base de la pyramide : les VSIG et une part des IGP et des AOP volumiques par une politique contractuelle entre les grands metteurs en marché et les producteurs qui sont majoritairement des coopératives. Le problème c’est que le pouvoir syndical perd la main au profit des  opérateurs économiques et de ça il n’en veut pas. Tout le reste n’est que cosmétique et rhétorique. Le passé récent nous a démontré l’efficacité d’une telle approche mais, nous sommes ainsi, toujours en retard d’une bataille.


Pour mettre, non un point final à ce combat titanesque, je vous propose de lire 2 points de vue celui de Michel Bettane livré sur le blog de N de R et celui de François Morel dans le dernier édito du LeRouge&leBlanc. Très représentatifs à mon sens.


Ces 2 points de vue sont empruntés à leurs médias sans autorisation préalable, je prie les auteurs et les hébergeurs de m’en excuser mais, comme c’est pour la bonne cause, j’espère  qu’ils ne m’en tiendront pas rigueur.


Les droits de plantation, l’avis de Bettane lundi 24 décembre 2012


« La France du vin, frileuse, se réchauffe. La Commission européenne a mis fin à son intention d’assouplir les droits de plantation à l’intérieur des vignobles de la communauté. Le puissant lobbying de gribouilles passéistes a triomphé et croit même avoir sauvé le vin français et, avec lui, les autres. Et il n’a pas manqué de gribouilles italiens, espagnols et même luxembourgeois pour l’aider.


Quiconque essaie d’avoir une vision à long terme ne peut que pleurer devant autant d’idiotie. Comment qualifier autrement la mécanique de raisonnement absurde qui s’est mis en branle à la suite des propositions intelligentes d’assouplir le règlement actuel concernant les vins de type « protégé » et de le libéraliser complètement pour les vins de table ?


Les mêmes qui ont laissé passer la loi Evin naguère (ils s’en mordent aujourd’hui les doigts) sous le prétexte fallacieux que toute censure sur la communication toucherait davantage les gros que les petits et les priveraient d’un avantage redouté, s’interdisent tout développement actif futur pour les vins de qualité, dans un marché demandeur, par peur que l’industrie ne les devance. Avec à la clé, l’impossibilité de créer de la richesse et de l’emploi supplémentaire et, pour l’état, de la fiscalité. Cela n’a pas gêné nos politiques, même les plus libéraux d’entre eux qui pensent à leurs électeurs, et encore moins le syndicalisme agricole qui adore diviser pour régner sur une clientèle d’insatisfaits permanents. On comprend mieux dans ces conditions pourquoi des groupes aussi dynamiques que Pernod-Ricard n’ont jamais voulu construire une grande marque de vin française que tous auraient combattu au nom de la même logique.


Chapeau les artistes et bienvenue aux pleurs de tous les artisans vignerons inadaptés au monde moderne qui vont faire faillite dans les cinq ans avec la conviction de ne pas avoir trahi la France.


Michel Bettane »

 

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26 décembre 2012 3 26 /12 /décembre /2012 14:00

Depuis que je fais le calamantran (bon à rien en parlé marseillais) sur la Toile je fais l’objet de plans drague divers et parfois avariés. Pour les unes je suis beau, riche et costaud, alors que pour les autres je représente l’étalon de la notoriété dans la petite bassine du vin. Foin de compliments, de brosse à reluire, de léchage de bottes, le Taulier n’a nul besoin de décrocher 3 étoiles au Michelin en ajoutant des napperons sur sa desserte Henri II pour faire genre. Mais franchement plaire à ceux pour qui la commercialisation est le nerf de la guère (sic dans un courrier pour la promotion d’un nouveau site dont l’objectif est d’aider les vignerons dans leur quotidien, de plus en plus complexe… « Souvent le nerf de la guère c’est la commercialisation ») ne me plaît guère.


Chez le Taulier tout est à vendre et rien n’est à payer alors il ne faut pousser pépé dans les tinettes en lui demandant de se faire le sherpa de tous les petits loups et petites louves qui plongent la tête la première dans l’océan rouge du conseil à… Cette profusion me lasse et, comme l’expérience ne s’acquiert pas dans les livres ni sur les bancs des écoles de commerce, certains feraient mieux d’aller se frotter à la réalité avant de s’établir conseiller.

Ceci écrit lorsqu’un syndicat professionnel m’écrit sur papier à en-tête pour me vanter les qualités de son produit je pourrais me dire que ça relève de la pure propagande. Il est difficile en effet d’imaginer qu’un fabriquant quelconque mette en lumière les insuffisances ou les nuisances du truc ou du machin qu’il veut vous vendre.


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Cependant, lorsque ce produit est le béton dont on fait les cuves à vin, je suis bien sûr circonspect mais comme je n’y connais rien ça me donne l’occasion de vous poser la question : « ce que raconte le Syndicat National du Béton Prêt à l’Emploi recouvre-t-il toutes les facettes du sujet  lorsqu’il titre : Le Béton (designé) meilleur ami du vin ? » Comme je n’en sais fichtre rien, même si j’entends les dires des uns et des autres, j’ouvre mon espace de liberté pour vérifier si ce qui m’est écrit correspond à votre expérience de vinificateur et que l’affirmation du SNBPE selon laquelle « fait peu connu du grand public jusqu’à présent, le béton a séduit depuis plusieurs années les professionnels (viticulteurs en tête) et amateurs de vin grâce à ses différentes qualités d’inertie ou de résistance, entre autre. Auparavant délaissé au profit de l’inox, le béton redevient tendance… » est fondée sur la réalité.


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23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 00:09

Je l’ai vue débouler à la Mothe-Achard, au milieu du bourg, près du champ de foire, dans la vitrine du magasin de Cougnaud qui vendait des trucs et des machins pour alléger la tâche de nos mères. Pour voir les matches de foot on allait se cailler les miches pour la regarder dehors. À la maison je ne l’ai jamais connue mais elle trônait dans le réfectoire de l’école d’agriculture où nous avions droit à deux menus : 5 colonnes à la Une et les matches du Tournoi des 5 Nations. La télé donc, le gros poste de télé en noir et blanc avec napperon a fait son intrusion chez les gens pour petit à petit les scotcher à l’écran, les couper le soir de leur voisinage, les faire se recroqueviller tout en leur donnant le sentiment de s’ouvrir sur le monde qui pénétrait chez eux par l’étrange lucarne. Les grandes peurs, l’émotion, les images, dégoulinaient sur la France profonde. Ce fut la fin du village…


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Je ne suis, et n’ai jamais été addict à la Télé, et je ne vais pas ici vous refaire l’histoire des chaînes depuis l’unique chaîne de l’ORTF jusqu’à la TNT en passant par le « mieux disant culturel » de Léotard pour vendre TF1 à Bouygues, la 5 de Berlusconi via Tonton, le Canal+ de Rousselet… Je ne la regarde plus car je n’aime pas poser mon cul sur un canapé, je préfère cueillir mes infos ailleurs. Bref, à l’heure où l’Internet, nouvel écran, bouleverse le paysage audio-visuel, ce que je vous propose c’est un texte de l’historien Jean-Pierre Le Goff tiré de son livre « La fin du village » chez Gallimard 26€. Le village c’est Cadenet, bourg du Luberon tout près de Lourmarin.


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Chapitre 7 : LA GRANDE TRANSFORMATION


« Deux bien de consommation en particulier, ont joué un rôle déterminant dans la transformation de la collectivité villageoise : la télévision et l’automobile ; ils ont inauguré une nouvelle ère des loisirs qui rompait avec les rapports de sociabilité traditionnels et permis une plus grande ouverture sur le monde extérieur.


Les anciens interrogés sont unanimes : revenant sur les années passées, la rupture qui leur paraît la plus importante est celle qu’a provoquée l’achat d’un poste de télévision. Au début, l’usage de la télévision gardait un aspect collectif et convivial, s’inscrivant encore dans les rapports sociaux villageois. Même s’il n’avait pas lieu dans une grande salle obscure, le spectacle gardait une dimension collective qui l’apparentait encore au cinéma. Peu d’habitants possédaient un poste, mais chacun savait où se rencontrer pour voir les émissions. Les propriétaires mettaient des chaises dans la rue et les voisins pouvaient venir regarder la télévision placée bien en vue près de la fenêtre ou de la porte. On pouvait également se rendre dans les bars  où le poste trônait dans la salle commune. La salle de café de la mère Paris était pleine lors des émissions de variétés, comme « 36 chandelles » ou « La Piste aux étoiles » link   qui reprenaient les formes traditionnelles du radio-crochet ou du cirque. D’autres plus nouvelles, comme les combats de catch, attiraient également les habitants, tout particulièrement les hommes. Et, comme au cinéma, réactions et traits d’humour fusaient ; le spectacle était aussi dans la salle.


Mais avec la multiplication des postes dans les foyers, la télévision a progressivement réduit un trait essentiel de la culture villageoise : le plaisir de la parole directement échangée La fascination était forte : on avait l’impression de disposer du cinéma à domicile et l’on voyait des choses qu’on n’aurait pas imaginées auparavant. Au sein des familles, « le petit écran », bien plus que la radio plus ancienne, a transformé les traditionnels repas de midi et du soir : « Ce qui m’a le plus choqué, me dit un ami, c’est à mon retour d’Algérie (de la guerre d’Algérie) en 1961 quand je suis revenu chez mes parents. Mes autres frères étaient mariés, on était encore cinq ou six autour de la table. Eh bien, le soir où je suis arrivé et les autres jours, on ne m’a pas jamais posé une question sur l’Algérie parce qu’il y avait la télévision. C’était terminé. » Il en alla de même des veillées entre voisins qui constituaient une tradition ancestrale : « Quand j’ai pris une campagne avec ma femme, on nous a présenté les voisins et on veillait tout l’hiver, on allait une ou deux fois par semaine chez l’un ou chez l’autre et l’on rigolait de n’importe quoi. Ça me plaisait beaucoup. J’étais jeune marié et ma belle-mère m’a acheté la télé. Cela s’est su aux alentours et un jour un voisin m’a dit : « Ce soir il y a telle émission », sous-entendu : »On aimerait bien pouvoir la regarder ». Ils sont venus la voir à la maison Après ça été fini, ils ont acheté à leur tour la télé et en fin de compte plus personne n’a plus veillé. »


Dans le village, on se dépêchait de souper pour aller regarder la « télé » chez le parent ou l’ami qui possédait un poste. Les rues se sont ainsi progressivement vidées de leurs habitants qui, le soir à la belle saison, se retrouvaient sur le pas des portes et sur les places pour « prendre le frais », bavarder. Pour les nostalgiques de l’ancien temps, la télévision est considérée comme « le plus gros mal » : elle a « tué l’esprit du village », le plaisir de la conversation et les rapports d’amitié. Avec elle , « le soir est devenu un désert ».


(…) Les conversations au bar comme ailleurs sont désormais largement orientées par ce qui se voit et se dit à la télévision. »


Les plaintes contre le spectacle télévisuel rejoignent celles sur l’état du monde : » Quand on voit ce qu’on voit à la télé, comment voulez-vous qu’on soit optimiste ! » La critique des journalistes est des plus virulentes : ce sont des « gens qui ne disent que des conneries », des « gens à qui l’on ne peut pas faire confiance » et certains d’ajouter avec leur bagout habituel : »Quand je les vois causer comme ils causent, je n’en peux plus ! »


Certes, certes, mais tout ce petit monde continue de se goinfrer de télé et de ne voir l’état du monde qu’au travers de leurs écrans plats… c’est la vie et se lamenter sur le bon d’avant ne le fera pas revenir, il suffit simplement d’en inventer un autre et c’est à notre portée…


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21 décembre 2012 5 21 /12 /décembre /2012 00:09

Fêter les fêtes officielles, carillonnées ou républicaines, et pire encore celles inscrites au calendrier devenues des trucs obligés : Saint Valentin, Fête des Mères, des Pères, des Grands-Mères, Halloween, ce n’est pas mon truc mais, comme je ne suis pas à une contradiction prêt, j’aime faire des cadeaux. Conséquence j’en fais rarement, et même pas du tout, aux dates imposées sauf pour Noël.  En effet,  ad vitam aeternam Noël est et restera pour moi synonyme de cadeaux dans mes sabots. Bien sûr je n’ai jamais porté de sabots, même Suédois au temps des babas, mais des petits souliers que je plaçais au pied de la crèche.

   

L’attente, le plaisir de la surprise, toute une subtile alchimie qui m’a fait adorer les prémices, ce frisson qui monte en vous, les doigts qui défont, déflorer. Ces cadeaux, comme nous n’étions point riches, ils venaient de la ville : le grand magasin Decré, et surtout ils étaient vraiment la part d’amour la plus visible de mes parents. Bien choisi, ils étaient un peu des yeux de ma couturière de mère qui les usaient fort tard sur son ouvrage et la sueur et les soucis de mon entrepreneur de père aux cheveux déjà blancs.


Alors, faire des cadeaux c’est ma part d’enfance à jamais renouvelée, alors qu’en recevoir est pour moi de plus en plus compliqué : j’en suis resté à l’orange enveloppée de papier soie qui accompagnait à chaque Noël les paquets. Le geste, l’attention bien plus que le cadeau obligé, la valeur du cœur.


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La séquence nostalgie étant passée je vous recommande vivement un très bel ouvrage Murs de pierres murs de Vignes Vignoble du Valais publié par le musée valaisan de la Vigne et du Vin 26€.


Superbe mais aussi très instructif ouvrage sur la maçonnerie en pierre sèche qui remonte aux temps anciens, avant l’existence des liants au mortier. Technique minimale, humble, qui a traversé le temps et prouvé son efficacité, très bel exemple de ce que sait faire la main de l’homme. « En Valais, elle a façonné un paysage extraordinaire, construisant les coteaux en cascades de murs soutenant les tablards de vigne, parfois avec une audace folle. »


C’est un beau travail pluridisciplinaire, vivant et imagé pour raconter l’histoire de ces murs de pierres sèches, leurs fonctions, la provenance de la matière première, leur vie avec des hauts et des bas. Merci à nos voisins suisses valaisans pour ce bel hommage à tous ces bâtisseurs anonymes.


« Depuis les vieux temps, depuis tout là-bas dans le temps, d’année en année ; les Romains, les moines, les gens à robes, les gens à pantalons et puis les autres et encore des autres, et puis nos arrière-grands-pères et puis nos grands-pères et puis nos pères et puis nous ; à faire, ensuite à refaire, à construire et à reconstruire et à re-reconstruire, entretenir… » C.-F. Ramuz parlant du Lavaux in Le passage du poète.


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Place à quelques photos, bonne lecture car vous pouvez aussi  vous faire un petit cadeau.  

  

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8 décembre 2012 6 08 /12 /décembre /2012 14:00

Le texte de Guy de Maupassant ouvrait une porte que je me devais de franchir : celle des conditions d’extraction du soufre. Je le fais encore une fois au travers du texte d’Andrea Camilleri car celui-ci se fonde lui aussi sur un témoignage d’époque. Petit rappel à l’attention de tous ceux qui ne se soucient guère de l’exploitation de la main d’œuvre qui perdure allègrement dans les pays dit émergents. Tout ça pour acheter à des prix bodybuildés par un marketing flamboyant des fringues, des godasses de sport, des ordinateurs, des téléphones portables…  La délocalisation permet dans beaucoup de cas  le surprofit pour une petite poignée de gens comme au bon vieux temps des débuts de la Révolution Industrielle. Camilleri est un grand écrivain car il sait en quelques paragraphes mettre à nu des plaies sans pour autant jouer de ce que nos sociétés raffolent : l’émotion…


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« Combien sommes-nous d’habitants à Vigàta ? » s’était demandé un jour le baron Raccuglia en discutant avec Lemonnier, l’ingénieur, et avant que ce dernier ait eu le temps d’ouvrir la bouche, il avait déjà la réponse toute prête : « Nous, huit ou neuf familles, plus une trentaine de familles bourgeoises. Trois cents personnes tout au plus.


-          Mais enfin, on compte neuf mille âmes ! avait rebriqué Lemonnier.


-          On compte, on compte quoi ? s’était sincèrement étonné le baron. Le reste ne compte pas, cher ami.


-          Peut-être qu’elles ne comptent pas, mais elles sont là, avait insisté Lemonnier, un peu irrité. Vous n’allez tout de même pas me soutenir qu’elles sont invisibles. »

 

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-          Et puis, c’est, c’est sans danger, vous savez ? Soufre et eau de mer : deux désinfectants qui n’ont pas leur pareil. »

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 00:09

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« La nostalgie n’est plus ce qu’elle était » j’aime beaucoup ce titre d’un livre de Simone Signoret et je trouve qu’il va bien à un monde englouti, que certains aujourd’hui singent, copient en accumulant des vieilleries, celui des bistrots avec patron occupant tout l’espace, des monuments, des figures, des institutions. Souvent ils avaient beaucoup vécu, le bistrot pouvait être aussi leur dernier arrimage que le quai où depuis fort longtemps ils avaient posé leur sac.  Bien plus qu’intégrés dans la paysage du quartier c’était eux le paysage car chacun s’y retrouvait, habitués comme clients de passage. Parfois le patron était une patronne comme Andrée au Pied de Fouet qui menait son monde à la baguette pendant que Martial, son époux, essuyait placidement les verres derrière son bar.


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Ce que j’aime par-dessus tout dans mon dur labeur de Taulier, qui a beaucoup à voir avec celui de bistrotier, ce sont les rencontres entre mon présent et un passé évoqué par une belle plume. Dans « Sorties de Table » livre que j’ai déjà évoqué, un livre de récits réunis par Élise Dürr et publié à L’Éloquent www.elocoquent.com , j’ai, entre autres, adoré le texte d’Hubert  de Gevigney, « Le rosé de Mimi L… »

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La scène se passe au 21, rue Boulard, le lieu existe toujours sous la même enseigne mais l’esprit du lieu a bien changé. La rue Boulard c’est un pan de mon territoire, et c’est la rue d’Hugo Desnoyer le boucher. Je découpe le texte pour ne reprendre que ce qui concerne la geste pro du bistrotier.

 

Les Trois coups…

 

« Ah, nom de D… tu tombes bien l’amiral ! »

Lui, c’est Jean dans sa gloire et son tablier bleu, le crayon à l’oreille. C’est à ces quelques détails qu’on reconnaît le maître. Il vient d’en coincer une, encore toute embuée, entre ses genoux, l’outil suprême en main, le geste professionnel… L’amiral, c’est toi, le grand dégingandé, l’artiste plutôt taiseux qui m’amène dans ce resto qu’un poète des rues baptisa autrefois du nom d’un élixir, celui que se partage la cloche sous les portes cochères.

 

(…) Bien qu’occupé à ses affaires techniques, Jean ne cède pas un instant de présence. Me traverse l’esprit l’ombre de Raimu meublant tout le théâtre. La pièce se joue en boucle, nous la prenons en cours, au moment où la scène est ponctuée de ce bruit libérateur, précédé de l’inévitable grincement avant-coureur, qui lie le liège au vin comme le gendarme au voleur. Alors, il  délivre la prisonnière de ses genoux et la pose sur le bar, laissant tomber sans un regard le tire-bouchon sur le zinc. Puis, d’un geste sûr, presque automatique, il saisit, d’un coup de ses doigts, trois verres suspendus par le pied au-dessus du comptoir. D’un virement agile dans le plan vertical, il les pose devant nous, tous à plat, et sans attendre, du même mouvement assuré pour chacun, remplit les trois verres pile au même niveau. Là, comme il prend celui devant lui, tu peux penser qu’on va se l’envoyer de suite, ce petit coup de blanc. Et bien non, camarade, le drame n’est pas fini ! Tenant le verre par la colonne entre le pouce et l’index, il fait tourner la liqueur à hauteur de ses yeux, dans un oblique parfait, digne de l’orbite terrestre autour de l’axe des pôles. Le premier rang fait silence. On devine, au parcours délicat imprimé au liquide, à l’inspiration que l’on sent monter à travers sa moustache, que la dernière tirade sera du grandiose. Il y aurait des dames, elles agiteraient l’éventail en se tenant le cœur. Il ferme un instant les yeux, puis les rouvre sur ce qu’il fait scintiller devant lui. Enfin, dans une sorte d’extase, il libère, soulagé :

« Regarde-moi ça si c’est propre ! »

 

Alors seulement joignant le goût à la vue, il réduit d’un coup, de moitié, le contenu de son verre dans une voluptueuse communion des sens. Nous nous sentons autorisés, surtout qu’il a déjà joué le sort de la bouteille en servant d’autorité jusqu’au bout du comptoir… Jusqu’à « mon Jeannot » comme il dit, lequel à en croire le regard incertain, a déjà pris quelques longueurs d’avance. « La main dessus ! » qu’il envoie justement le Jeannot en question, avec ce geste du coude que l’on peut légitimement apprécier comme une forme d’enthousiasme, comme une adhésion au spectacle à défaut d’ovation. Jean a déjà pris l’accessoire principal dans l’évier, il en retire le bouchon qui a bien mérité, il se penche pour prendre la suivante. D’un coup de genou il claque la porte de la glacière sous le bar. La comédie continue… »

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2 décembre 2012 7 02 /12 /décembre /2012 00:09

L'essentiel du soufre exploité est t d'origine sédimentaire. En Sicile, sur le port de Vigàta cher à Andrea Camilleri un de mes auteurs préférés, le commerce du soufre extrait dans l’île est l’une des activités principales. Sa chronique malicieuse menée avec un suspens sans faille conte le complot ourdi par ses concurrents spoliés par lui du plus riche, du plus crapuleux, du plus haï des négociants de Vigàta : Totò Barbabianca. Comme toujours avec Camilleri c’est un bijou écrit dans une langue aux tournures dialectales siciliennes bien rendue par la traduction française. Si vous le souhaitez, vous pourrez  accéder à d’anciennes chroniques avec les liens répertoriés ci-dessous.


À Vigàta, comme partout ailleurs en Sicile, les notables passent beaucoup de temps à discuter, à se chamailler, à dire pique pendre sur les uns et les autres… Le passage que je vous propose est leste, la fable est racontée par le père Imbornone un ecclésiastique paillard et voué aux feux de l’Enfer.  Elle résume de façon crue la situation qu’est en train de vivre Totò Barbabianca le négociant honnis. À la suite de cette fable, un texte de Guy de Maupassant sur le soufre en Sicile.


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« J’ai en tête, dit-il (le père Imbornone), un autre poème de Micio. Et il m’est revenu autant à cause de la grimpette que nous sommes après faire qu’en pensant à la situation où se retrouve Totò Romeres (patronyme initial de Barbabianca).

-          Celle de l’âne et du lion ! rebriqua incontinent le marquis. (Simone Curtò di Baucina)

-          Je vois que vous me comprenez à demi-mot.

-          C’est un poème, expliqua le marquis à  l’intention de Lemonnier (un ingénieur Piémontais qui travaille pour le compte de compagnies soufrières), qui parle d’un marché que passent un âne et un lion qui ont un bout de chemin à faire ensemble et qui, pour s’épargner de la fatigue, décident de procéder ainsi : le lion fait la première partie du trajet monté sur l’âne, et le contraire pour la deuxième partie. Or la première partie est toute en montée et, pour ne pas glisser en arrière, le lion plonge ses griffes dans la chair de l’âne. L’âne se plaint, il saigne et il a mal, mais rien à faire, un marché est un marché et pour rester sur son dos, le lion n’a pas d’autre moyen, ce n’est pas de la mauvaise volonté de sa part. Puis c’est la deuxième partie du chemin, et c’est l’âne qui monte sur lle lion. Mais cette fois-ci, c’est de la descente, et l’âne risque de se casser la figure en glissant en avant. N’ayant pas les griffes du lion mais seulement des sabots qui ne permettent aucune prise, l’âne n’a qu’un ressource… »

Et là, il s’arrêta, passant d’un coup d’œil la balle au père Imbornone.

« … sortir ce qu’on appelle le cinquième pied, le troisième chez l’homme, si je ne m’abuse », continua le père Imbornone, content comme Barabas à la passion, « l’enfiler d’un coup d’un seul au bon endroit sans s’occuper des criss du lion, s’y ancrer fermement et tenir tâti.

-          Voilà : en ce moment, notre Romeres est comme ce pauvre lion dans la descente, après avoir été, pendant tant d’années, le lion dans la montée », conclut le marquis.

-          Ils éclatèrent de rire. Lemonnier inclus, et reprirent leur ascension. »

         

La disparition de Judas link 

 

La vie de 10 nonnes pour celle de l'évêque d'Agrigente : une histoire sicilienne link


Le feuilleton coquin de l’été des Bons Vivants : « Ta femme te fais cocu avec le commissaire divisionnaire. »link 


Le feuilleton coquin de l’été des bons vivants : « Tâche voir de pas me faire mal, je suis une petite nature. »link 


Les bonnes feuilles de l’été de tonton Jacques « Giurlà, déjà benouillé de sueur, sentit qu’il durcissait dans son pantalon »link 

 

Le pays du soufre par Guy de Maupassant


Au bout de la colline aux temples de Girgenti commence une surprenante contrée qui semble le vrai royaume de Satan, car si, comme on le croyait jadis, le diable habite dans un vaste pays souterrain, plein de soufre en fusion, où il fait bouillir les damnés, c'est en Sicile assurément qu'il a établi son mystérieux domicile.


La Sicile fournit presque tout le soufre du monde. C'est par milliers qu'on trouve les mines de soufre dans cette île de feu.


Mais d'abord, à quelques kilomètres de la ville, on rencontre une bizarre colline appelée Maccaluba, composée d'argile et de calcaire, et couverte de petits cônes de deux à trois pieds de haut. On dirait des pustules, une monstrueuse maladie de la nature ; car tous les cônes laissent couler de la boue chaude, pareille à une affreuse suppuration du sol ; et ils lancent parfois des pierres à une grande hauteur, et ils ronflent étrangement en soufflant des gaz. Ils semblent grogner, sales, honteux, petits volcans bâtards et lépreux, abcès crevés.


Puis nous allons visiter les mines de soufre. Nous entrons dans les montagnes. C'est devant nous un vrai pays de désolation, une terre misérable qui semble maudite, condamnée par la nature. Les vallons s'ouvrent, gris, jaunes, pierreux, sinistres, portant la marque de la réprobation divine, avec un superbe caractère de solitude et de pauvreté.


On aperçoit enfin, de place en place, quelques vilains bâtiments, très bas. Ce sont les mines. On en compte, parait-il, plus de mille dans ce bout de pays.

 

En pénétrant dans l'enceinte de l'une d'elles, on remarque d'abord un monticule singulier, grisâtre et fumant. C'est une vraie source de soufre, due au travail humain.


Voici comment on l'obtient. Le soufre, tiré des mines, est noirâtre, mélangé de terre, de calcaire, etc., et forme une sorte de pierre dure et cassante. Aussitôt apporté des galeries, on en construit une haute butte, puis on met le feu dans le milieu. Alors un incendie lent, continu, profond, ronge, pendant des semaines entières, le centre de la montagne factice et dégage le soufre pur, qui entre en fusion et coule ensuite, comme de l'eau, au moyen d'un petit canal.


On traite de nouveau le produit ainsi obtenu en des cuves où il bout et achève de se nettoyer.

La mine où a lieu l'extraction ressemble à toutes les mines. On descend par un escalier étroit, aux marches énormes et inégales, en des puits creusés en plein soufre. Les étages superposés communiquent par de larges trous qui donnent de l'air aux plus profonds. On étouffe, cependant, au bas de la descente ; on étouffe et on suffoque asphyxié par les émanations sulfureuses et par l'horrible chaleur d'étuve qui fait battre le cœur et couvre la peau de sueur.

De temps en temps, on rencontre, gravissant le rude escalier, une troupe d'enfants chargés de corbeilles. Ils halètent et râlent, ces misérables gamins accablés sous la charge. Ils ont dix ans, douze ans, et ils refont, quinze fois en un seul jour, l'abominable voyage, moyennant un sou par descente. Ils sont petits, maigres, jaunes, avec des yeux énormes et luisants, des figures fines aux lèvres minces qui montrent leurs dents, brillantes comme leurs regards.

Cette exploitation révoltante de l'enfance est une des choses les plus pénibles qu'on puisse voir.

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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 00:00

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Aborderl’hippophagie ici c’est prendre le risque de déchaîner la colère des ligues qui militent contre la consommation de la viande de cheval et, croyez-moi, elles sont attentives et virulentes. Dans ma longue carrière j’ai eu à gérer madame Bardot soi-même pour une sombre et peu sympathique histoire de chevaux polonais bloqués en gare de Nice un dimanche (cette ville m’a toujours semblée être l’épicentre d’embrouilles) et une affaire grave de blocage de l’importation de viande de cheval US contaminée (certains États comme le Texas, l'Illinois, la Californie et la Floride, ont voté des lois qui interdisent l'abattage des chevaux pour la consommation humaine, donc les établissements d'abattage ne peuvent pas être situés dans ces États).

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Alors pourquoi en parler aujourd’hui ? Tout simplement parce qu’un petit livre joliment titré : La boucherie chevaline était ouverte le lundi de Dorian Nieto, un blogueur gastro link aborde avec beaucoup de sensibilité « Je n’ai jamais aimé les villes silencieuses. Le vide dans la ville, les rues mortes, les quartiers sans vie, je les fuis. Longtemps j’ai traqué les vieux bistrots parisiens rien que pour y déplier mon journal et boire des petits noirs matinaux, rien que pou y être cerné de bruits. Je peux affirmer aujourd’hui sue ma décision d’écrire sur la viande chevalin, alors que rien ne m’y prédisposait – ni mon passé de sociologue (quoique, on le verra) ni mon présent de gourmand blogueur (quoique, je ne démentirai pas) –, mon intérêt, mon questionnement et l’enquête qui suivra, sans oublier mon goût pour la viande de cheval, c’est ma détestation du silence des rues des lundis de mon enfance que je le dois. »


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Ai-je mangé de la viande de cheval ?


La réponse est oui à l’insu de mon plein gré car ma sainte mère, à chaque marché de la Mothe-Achard, rapportait un beefsteak de cheval pour fortifier ma croissance à laquelle elle consacrait tous ses soins. Je n’ai plus aucun souvenir du goût de cette viande et depuis je n'ai jamais acheté de la viande de cheval. Les dernières boucheries hippophagiques m'apparaissaient d'une tristesse infinie et puis...


Pourquoi ?


Je crois que c’est à cause de Nénette la vieille jument du pépé Louis que j’ai si souvent conduit lorsque nous passions la décavaillonneuse. Elle a fait partie de ma vie d’enfant et d’adolescent, durant laquelle j’ai vu ma mémé Marie sacrifier volailles, canards, lapins, où j’ai assisté à l’abattage du cochon à la ferme, que j’ai vu les bœufs monter dans les wagons qui les conduiraient à l’abattoir de la Villette, sans pour autant m’abstenir de consommer de la viande de toutes les espèces (sauf de la viande caprine pour des raisons que j’ai expliquées dans une chronique, sentimentales aussi), jamais je n’ai eu envie de pousser la porte du boucherie chevaline. Contrairement à Dorian Neto, comme je l'ai écrit, j’ai toujours trouvé les étals de ces boucheries, tristes, comme si elles portaient la misère du monde; Donc, sans militantisme, même si j’ai côtoyé de près des opposants lors de ma présidence de la journée nationale du Cheval, je me suis contenté d’ignorer ce secteur au Ministère : il existe en effet une Fédération Nationale du Cheval affiliée à la FNSEA, dans le jargon les chevaux lourds.


Pour autant j’ai pris un réel plaisir à lire le petit livre de Nieto, il est bien écrit, respire un réel amour pour cette viande mal aimée, pour autant je ne crois pas que je changerai, non pas d’avis, mais mes habitudes alimentaires. Grand amateur de steak tartare je ne me vois pas en consommer un à base de viande de cheval, mais sait-on jamais ? Bertrand Grébaut, du restaurant Septime, se fait à la fin du livre, avec conviction, l’avocat  de cette viande qu’il a rencontré « il y a deux ans aux Deux Amis. Mathieu Perez m’avait dit : « Si tu aimes le tartare, il faut que tu goûtes le tartare de cheval ! » Effectivement, ça été une vraie révélation : exceptionnel, ce côté sucré et fondant en même temps. » Grébaut aime beaucoup le cœur de cheval, moi je ne suis pas amateur de cœur. Mais mes goûts personnels n’entre pas en ligne de compte et je vous incite vraiment à acheter ce petit livre publié chez Argol 12,50€.


Un point d’histoire pour finir : on ne consommera pas de cheval en France avant la législation de l’hippophagie en 1866.


Une remarque pour ceux qui ne consomment pas de viande en général pour des raisons, dites de respect des animaux, tout particulièrement des conditions dites barbares de leur abattage, je rappelle que tous les animaux, comme tous les êtres vivants ont une fin. S’ils meurent pour des causes naturelles, vieillesse ou maladie, ils vont à l’équarrissage. Pour les chevaux de réforme, avant la législation hippophagique, et ils étaient nombreux comme bêtes de somme « les abattoirs de Paris, sur le site des actuelles Buttes Chaumont. Un lieu terrible, dit-on, où l’on conduisait les chevaux à l’équarrissage. Les chevaux en fin de vie y étaient entassés avant d’être mis à mort, puis découpés en toutes sortes de matériaux. Tout était exploité dans le cheval : les graisses, le cuir, les os, les crins, les sabots, les tendons… et les restes servaient de nourriture pour animaux, écrit Dorian Neto.

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Dans mon quartier, au 102 de la rue de la Glacière, dans une portion de cette rue massacrée par d’indignes dit architectes de l’Office des HLM de Paris, Monsieur Julien Davin tient une boucherie hippophagique. Je suis donc allé y faire des photos dimanche.


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ATTENTION CERTAINES SCÈNES  DE CE FILM  PEUVENT HEURTER DES PERSONNES SENSIBLES !!!



Le sang des bêtes partie 1 par Hypnotic-Poison

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22 novembre 2012 4 22 /11 /novembre /2012 00:09

Je dédie cette chronique à mes chers collègues docteurs vétérinaires de la DGAL…


« On arrêtait à tour de bras de pauvres bons vivants* (que N de R se rassure il n’est pas menacé), par ailleurs pères de famille aussi honnêtes que vous et moi, accusés d’alimenter divers marchés noirs. Chaque semaine, des saisies de nourriture clandestine faisaient l’ouverture du JT. »


« Des attentats visaient régulièrement les locaux de la police alimentaire. Des extrémistes en appelaient à la guérilla et certains prétendaient la France au bord de la guerre civile… »

Trouble à l’ordre public, dealer de foie gras poursuivi par un zélé de la brigade de la SPA succombant à une crise cardiaque, des émeutes secouant les grandes villes, l’incarcération de 2 membres du réseau Ripailles pour trafic de camembert au lait cru, c’est quoi au juste que cette histoire ?

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C’est une histoire racontée par Chantal Pelletier, un « roman-cuisine », déjanté, un OCNI : Objet Culinaire Non Identifié où se mélangent, au fo uet bien sûr, un texte original de la dite Pelletier, des recettes déstructurées de Claudia Cabri alias Miss Lunch et de délicieuses illustrations de Christine Barbe. Ces donzelles publient sur papier recyclé aux toutes nouvelles éditions 1973 www.1973.fr Plat de Résistance farce clandestine à l'usage des becs fins. Ça vaut 20€. Un détail important à signaler à ce bataillon en jupon, le Taulier, qui lui aussi est entré en résistance aux facilités de la commande sur Internet, a dû à L’Écume des Pages, certes un dimanche : 1- demander si l’opus était en stock 2- suite à la réponse positive soit 2 livres mander de l’aide pour le trouver dans les étals 3- nous nous sommes mis à 3 pour le chercher 4- c’est à genoux qu’il fut déniché par un employé de la librairie dans un rayonnage situé tout en bas, invisible aux yeux des badauds ordinaires.


Donc l’histoire, nous avertit-on, qui est « racontée ici s’est déroulée il y a plusieurs années, à un moment où la délinquance alimentaire n’avait pas été matée. Les pratiques barbares* dont il est question ont par bonheur disparu. Nous en rendons compte afin que chacun se réjouisse du confort moral et d’hygiène auquel nous sommes enfin parvenus. »


Tuer le cochon à la ferme ou consommer des fromages non pasteurisés ou élever des volailles en plein air, par exemple.


Le réseau des résistants se dénomme donc Ripailles.


Pour exciter votre appétit, je vous propose quelques amuse-bouche de la romancière ribaude:


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« Entre elle et Max, c’était râpé depuis belle lurette et la filoute, philosophe, savait que l’amour, c’est comme les œufs au plat, ça ne se réchauffe pas ! »


« Comment Charmaine et Honoré passèrent-ils des crudités aux mots crus qui les allongèrent sur le tapis du bureau de l’association, personne le sut. »


« … le sex-appeal de ses journées émoustillantes où la nature band dru incite à la débauche. Le ciel doux avait des parfums de drap propre, la pâte d’amandes pointait sous le corsage des bourgeons, la moindre branche était au supplice d’une pousse priapique. »


« Les derniers survivants de variétés multicolores – il s’agit de volailles NDLR – pataugeaient  dans des flaques d’eau et gadoues, se dandinaient sur l’herbe, engloutissaient asticots vivants, graviers et herbes à saveurs, comme le faisaient jadis les poules et leurs plus ou moins semblables pour donner du vrai goût à leur viande sur pattes. »


« les yeux en micro-ondes de la gardienne de basse-cour, pas souriante, plutôt acide, lui mixèrent les entrailles, et cette froideur lui fit un effet bœuf. À trois mètres d’elle, un feu thermostat 8, lui léchait déjà les bourses, il en avait la chair de poule. »


« Au pousse-café, les voiles hissées par l’alcool, il voguait en eaux troubles, et Charlotte, qui n’était pas en reste, avait déjà commencé la cueillette. D’aliment à amant, ils tombèrent au lit, où un bouche à bouche apéritif les conduisit à un corps à corps plus cochon. Jambons, saindoux, abricot fendu et saucisson mêlés… Charlotte bien dessalée, buvait du petit lait, et Max retrouva son savoir-faire pâtissier : pétrir, malaxer, dresser, fourrer, abaisser. La fermière et le militant grignotèrent toutes sortes de douceurs, finirent par des liqueurs. Ils gardèrent une poire pour la soif et, après un trou normand qu’il ne serait pas convenable de préciser ici, remirent le couvert, inversant le menu, réchauffant diverses cochonneries, faisant le  tour des animaux de la ferme, ma caille, mon canard, mon lapin, ma poule, mon taureau, mon poussin, et ils s’attaquèrent sur le coup de trois heures du matin aux religieuses et au saint-honoré, convertis l’un à l’autre et adeptes du même évangile : mangez ceci est mon corps, buvez ceci est mon sang. »


Tout ceci n'est que l'appétissant fumet d’un fricot fort roboratif, je n’ai que soulevé le couvercle du faitout, précipitez-vous pour mettre ce roman-cuisine dans votre cabas entre vos topinambours, votre tête de veau, et bien sûr votre kil de rouge : c’est, bon poids, 12 chapitres, 70 pages à savourer, c’est délicieusement parisien, campagne de carte postale, pour un Taulier qui a vécu toute sa jeunesse au milieu des veaux, vaches, cochons, couvées, des vrais, mais malheureusement en ce temps-là les jeunes fermières étaient bien moins délurées. Les 80 pages qui suivent, sous le bandeau GIBIERS hors-série Le goût de la raison, tirage illégal du 26 avril 2042, accueillent des recettes reliées aux têtes de chapitres : Lapin, Charlotte, Ail, Cochon, Piments entre autres, avec des appellations à décoiffer Jean-Pierre Coffe.


À consommer sans modération, même avec les doigts, manque un peu de noms sous les jajas, je croyais pourtant que les filles étaient folles de vin, des natures, des sans soufre, des coquins qui vous jettent dans l’extase, quand ce n’est pas l’épectase… Va falloir, les clandestines vous bouger pour apporter aux becs fins de quoi se l’humecter sinon c’est la pépie assurée. Et pour les ébats ça vaut mieux que les abats qui vous restent sur l’estomac…

 

Signé :

 

Jacques Berthomeau dit le Taulier secrétaire-Perpétuel autoproclamé de l’A.B.V. Amicale du Bien-Vivre dites des Bons Vivants  (Relire le manifeste de l'A.B.V.  ICI link )

 

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LA TRAVERSEE..."SALAUDS DE PAUVRES" par richardanthony

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