Hier dans mon extrême candeur j’ai publié, sans le nommer, la réponse à une question posée par Philosophie Magazine au célébrissime chef Ferran Adria d’elBulli link sans que le Pousson de Barcelone ne fasse un coup de sang.
Tout se perd, même la saine lecture.
Alors ce matin je me suis dit qu’il serait bon de réagir à cet avachissement de l’esprit en lançant un grand et salutaire coup de gueule pour que la tradition de ce bon vieux jaja du fond des barriques mal soutirées vendu au négoce et mis en bouteille 6 étoiles consignée à Bercy redevienne la boisson nationale.
« Vivent les vins apatrides et à mort le goût ! »
Comme moi, vous en avez marre de ces vins au léger goût de myrtille, qui rappellent le fumet de la banane, exhalent les terres argileuses et les cigales ou sentent le cul !
Vous voulez un vin qui sente l'alcool et le raisin ! Vous assumez de boire du vin pour boire et de boire sans soif !
Comme moi, vous vous demandez ce que sont ces histoires de vins de terroir et craignez d'être bientôt obligés d'enfiler béret et sabots de bois avant de le faire avec votre picrate, vous qui aimez tant boire en survêt'.
Vous aussi vous vous inquiétez de cet étrange retour en force des vins qui fleurent bon le pays ou pire la tradition ! Cette louange forcenée des spécificités territoriales, des traditions millénaires évoque en vous les relents nauséabonds des pires courants réactionnaires. L'éloge de ces pinards ethnocentristes n'est-il pas en effet l'expression d'un repli sur soi, d'un refus de l'autre quand le vin issu de différents pays de l'Union Européenne, pour prendre un exemple, serait lui un véritable appel à l'ouverture, à la tolérance, à l'altérité ?! Un verre de ce nectar et vous partez en voyage : plaisir des nitrates espagnols, délice de l'antigel italien, arôme des colorants portugais...rien de tel pour accompagner une bonne tranche de pain de mie au Saint-Moret !
A mort le goût !
A ces nouveaux convertis du vin goûteux vous saurez expliquer que le plaisir est ailleurs, vous qui ne dégustez pas mais qui ingurgitez, qui savez caler ma bouteille bien au fond du gosier sans vous perdre en fioritures papillaires de sommelier efféminé, vous qui savez que ce n'est pas le goût qui importe mais d'avaler.
Et ne me parlez surtout pas de découvrir une bonne bouteille chez votre caviste du quartier : les cavistes sont des voleurs qui s'engraissent sur cette mode stupide du vin de pays. Les supermarchés aussi, me direz-vous, mais là-bas, au moins, on peut faire des courses de caddies. Et l'on trouve certainement beaucoup moins d'adeptes du couplet poujado-populiste du « trop de charges, trop d'impôts » chez les patrons d'hyper que chez les petits commerçants. Mais je me comprends.
Alors réagissez, aidez à la réhabilitation du vin étoilé, sauvegardez le cubi, protégez le vin en poudre mais surtout refusez le conformisme rétrograde, obsolète et dégradant du terroir à tout prix ! Ce combat doit être celui de tous, y compris le vôtre, amis snobs : soyez convaincus qu'il est tout à fait possible de trouver des vins aussi chers que sans goût.
Désolé de vous décevoir en cette fin d’année cette prose enflammée n’est pas de la main du Taulier.
Quel en est donc l’auteur ?
En quelle année ?
Quel organe de presse a publié cet appel ?
Et pour faire plaisir à El Pousson « une excellente sardine est préférable à un homard médiocre. »