Un de mes lecteurs bien plus éminent juriste que moi m’a fait parvenir sitôt ma dernière chronique l’arrêt du Conseil d’État 3ème et 8ème sous-sections réunies publié au recueil Lebon. Je vous livre 3 des considérants. C’est d’une lecture assez aisée. Si vous souhaitez recevoir l’arrêt dans son intégralité je peux vous le faire parvenir. Nul besoin de faire un commentaire de cet arrêt. Il est d’une clarté absolue comme le démontre le texte en gras. À noter, et c’est très important pour la suite de ce dossier que le Conseil d’État annule le décret pour ce seul motif et « sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur requête » Les distances resteront toujours les mêmes en dépit de l’extension de la zone de l’AOC Pomerol. Mon devoir de réserve m’interdit d’aller plus avant mais permettez-moi d'estimer que ce dossier n’a pas été mené avec la sérénité nécessaire. Une bonne médiation vaut mieux qu’un mauvais contentieux.
Considérant que le décret du 8 décembre 1936 relatif à l'appellation d'origine contrôlée (AOC) Pomerol, abrogé par le décret attaqué, définissait une aire géographique de récolte et se bornait à préciser, s'agissant de la vinification, qu'elle devait être conforme aux usages locaux ; qu'il ressort des pièces du dossier que de nombreux producteurs de vins bénéficiaires de l'AOC Pomerol procèdent aux opérations de vinification et d'élevage de leurs vins en dehors de l'aire géographique de production, en vertu d'usages anciens et, depuis 1998, d'autorisations délivrées à titre dérogatoire par l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) ; que le cahier des charges homologué par le décret attaqué a utilisé la faculté ouverte par le règlement précité du 14 juillet 2009 pour délimiter une aire de proximité immédiate au sein de laquelle sont autorisés, à titre dérogatoire, la vinification et l'élevage des vins en dehors de l'aire géographique de production ; qu'une telle délimitation doit être justifiée par des critères objectifs et rationnels et n'introduire aucune différence de traitement entre producteurs qui ne corresponde à une différence de situation ou à un motif d'intérêt général en rapport avec les objectifs poursuivis.
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que seules deux parcelles où sont installés des chais, proches de l'aire géographique de l'AOC Pomerol , ont été incluses dans l'aire de proximité immédiate ; qu'ont été en revanche exclues de l'aire de proximité immédiate des parcelles, situées à des distances de l'ordre de 1 à 7 kilomètres de l'aire géographique, sur lesquelles sont situés les chais utilisés de longue date par les requérants pour procéder aux opérations de vinification des raisins qu'ils produisent à l'intérieur de l'aire géographique et à l'élevage des vins issus de ces raisins ; que le cahier des charges prévoit toutefois que les exploitants dont les chais sont implantés en dehors de l'aire de proximité immédiate pourront continuer à vinifier leurs raisins et élever leurs vins en dehors de cette aire jusqu'à la récolte de 2018 incluse pour la vinification et la récolte 2025 incluse pour l'élevage des vins ;
Considérant que si le ministre de l'agriculture et l'INAO motivent cette nouvelle délimitation, qui aura pour effet de retirer à des vignerons producteurs de vins bénéficiant depuis des décennies de l'AOC Pomerol la possibilité de procéder à la vinification et à l'élevage de leurs vins en dehors de l'aire géographique, par la nécessité de limiter le transport et la manipulation du vin afin de préserver sa qualité, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transport sur les distances mentionnées ci-dessus des grappes de raisins, et non du vin, entre le lieu de la récolte et celui du chais de vinification aurait une incidence sur la qualité du vin produit, alors qu'il est par ailleurs constant que certains exploitants sont amenés à transporter leur vendange à l'intérieur de l'aire géographique de production sur des distances parfois plus longues que celles sur lesquelles les requérants transportent leur récolte ; qu'au regard du seul motif invoqué par le ministre de l'agriculture, les requérants sont fondés à soutenir que la délimitation ainsi retenue de l'aire dite de proximité immédiate induit une différence de traitement entre des exploitants qui bénéficiaient jusque-là pour leur production de vin de l'AOC Pomerol, les uns conservant ce bénéfice parce que leurs chais sont implantés sur les parcelles comprises dans cette zone et les autres se voyant retirer ce bénéfice à terme, et qu'il n'apparaît pas que cette différence de traitement serait en rapport avec les objectifs du cahier des charges ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur requête, les requérants sont fondés à demander l'annulation du décret attaqué homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) Pomerol, en tant qu'il a homologué la délimitation de l'aire de proximité immédiate.