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3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 00:09

 

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Dans mon bestiaire personnel la chèvre occupe une place particulière. Nous l’avions baptisé : Grisette – pas très original certes mais ça lui allait bien au teint – lorsque toute petiote mon grand frère Alain l’avait gagné comme lot à la tombola du FC Mothais. Elle était un peu farouche mais j’adorais sa petite langue râpeuse me léchant les doigts de pied. En dépit d’une forte résistance de ma sainte mère grâce à la complicité de ma mémé Marie je convainquis la maisonnée de la garder en assénant un argument massue : « puisque mon frère part au Service Militaire pour 18 mois je me dois de la lui élever... » Comme à cette époque le contingent partait en Algérie pour « maintenir l’ordre » j’avais touché la corde sensible. J’aurais du faire de la politique. Bref, je lui construisis une cabane, genre les 5 petits cochons, avec des bottes de paille et j’allais lui couper du lierre dont elle raffolait. Elle grandit en se dotant d’une belle paire de cornes. Moi j’avais 9 ans. Un beau matin la mémé Marie déclara qu’il fallait mener Grisette au bouc car elle était en chaleur. Mes connaissances en matière de reproduction des humains frisaient le zéro pointé alors qu’en revanche pour les animaux de la ferme j’étais imbattable. Mon préféré étant le jars avec sa queue en tire-bouchon. Nous partîmes à pied pour la Louvrenière distante de 3 km pour que ma Grisette étanche sa soif de plaisir. Sentir le bouc est un euphémisme, la bête empestait, puait et lorsque nous ressortîmes après leurs ébats j’avais l’impression d’avoir vidangé la fosse d’aisance. Grisette nous fit deux chevreaux mais comme elle était dotée d’une mamelle totalement asymétrique : un gros trayon genre vache et un tout petit genre zizi vermicelle mémé Marie la trayait et nous nourrissions les chevreaux au biberon. Ça créé des liens je vous assure et lorsque vint l’heure de la boucherie je décrétai « Que nenni ! » Ma mère fut intraitable : les deux bestiaux braillant tous les cris d’enfants que l’on égorge partirent se faire exterminer. Je fis le serment de ne jamais toucher de toute ma vie à de la viande ce chevreau. J’ai tenu parole. Et pendant ce temps-là Grisette donnait son lait à la mémé Marie. Je détestais le lait sous forme de boisson mais j’adorais les laitages et les fromages. Toujours à mes petits soins mémé Marie emprésurait le lait de Grisette qu’elle égouttait ensuite dans un moule à trous et je consommais ce fromage frais avec du sucre.

 

Mon second contact étroit avec cette fois-ci le fromage de chèvre date d’un épisode peu connu de ma longue carrière : en 1978 je fus pendant 9 mois « Monsieur Vin du Loir-et-Cher. J’officiais le samedi et le dimanche. Ma fonction consistant déjà à porter la bonne parole au peuple vigneron d’un département plus porté sur le Vin de Table que les Appellations. C’est à cette occasion que je fis mes premières dégustations de jury de concours : l’horreur absolue mais j’étais vaillant. Ma seule consolation c’est que dans la vallée du Cher, du côté de Selles-sur-Cher, le fromage de chèvre commençait à se tailler une belle réputation et je ramenais des petites cagettes de petits chèvres bien vieux, bien secs, tout rabougris, violacés que j’appris à apprécier. J’habitais rue Mazarine dans le VIe tout près du Petit Zinc dont le vin fétiche était le VDQS du Haut-Poitou produit par une coopérative du même nom dont le directeur était un certain Raffarin, Gérard de son prénom. C’était un Sauvignon fort gaillard qui se mariait très bien avec mes petits chèvres tout ronds, genre palets, que je croquais tels quels quand me prenais une petite faim. Cette connexion avec le Poitou allait trouver un nouveau débouché lorsque siégeant au cabinet du Ministre de l’Agriculture je fus aux prises avec le « harcèlement » d’une jeune femme très accrocheuse, Ministre de l’Environnement de son état, qui en pinçait sec pour le Chabichou. Qu’est-ce qu’elle a pu nous enfler avec son Chabichou même qu’un jour j’ai du expédier séance tenante un chef de service sur ses terres deux-sévriennes pour assurer ses chers électeurs que la future appellation se pointait à l’horizon. Pauvre François ! (lire si vous avez envie de secrets d’alcôve ma chronique « François fais ta valise ! »  link

L1000478.JPGDonc vous comprendrez aisément que je suis ce matin parfaitement en droit de vous interpeler : hormis ce breuvage haut-poitevinesque sauvignonesque dont je n’ai plus licher une seule goutte depuis une éternité quel vin verriez-vous accompagner mes vieux petits chèvres secs ?  J’en appelle à votre science des accords mets-vins pour que pour une fois vous rétribuiez mon labeur quotidien. Par avance je vous en remercie.

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26 février 2011 6 26 /02 /février /2011 00:09

Comme pour les trains de la SNCF « un Rothschild peut en cacher un autre ». Ici il s’agit du baron Guy banquier de son état comme il se doit mais qui était surtout un grand propriétaire de chevaux de sang (il a présidé le Syndicat des éleveurs de chevaux de sang en France de 1975 à 1982) et les turfistes repéraient à tout coup les jockeys qui couraient sous ses couleurs : casaque bleue toque jaune car la « sainte casaque » alignait les victoires avec une régularité de métronome. L’écurie de Guy de Rothschild a notamment gagné une fois le Prix de l'Arc de Triomphe en 1963 avec Exbury, qui restera son cheval préféré, trois fois le prestigieux Prix de Diane (1957, 1960, 1961), trois fois le Prix Royal Oak (1949, 1964, 1973), deux fois le Prix Morny. .

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Ma « science » de la chose hippique je la tiens de mes travaux pratiques : pendant 5 années j’ai tenu le dossier des Courses au cabinet (le Ministère de l’Agriculture est cotuteur de ce secteur) et je connais bien le milieu. Présider les dîners de l’Arc au Meurice avec l’Aga Khan puis y faire le discours de clôture, les ventes de Deauville et le dîner du Syndicat des Eleveurs de chevaux de sang au Casino (on dîne beaucoup dans les courses), les bisbilles entre trotteurs et galopeurs, mes liens avec Georges Halphen mon délicieux propriétaire et l’ami Jacques Geliot grands amateurs de chevaux, socialistes, ça me changeait les idées. Donc ce Rothschild là, fils du baron Édouard de Rothschild (1868-1949) et de Germaine Halphen (1884-1975) et père d’Édouard propriétaire de Libération et Président de France-Galop, ne faisait pas dans les GCC. C’est chez lui que le futur Président Pompe fera ses armes de banquier.

 

L’anecdote qui suit met en scène le « milliardaire rouge » le truculent Jean Doumeng citoyen du monde et de Noé et, bien sûr, le baron Guy de Rothschild. D’URSS le JBD était capable de tout importer. Ainsi il fit le commerce lucratif de tortues de jardins vendues par les oiseliers des quais de Seine. Elles venaient des rives du fleuve Amour mais la SPA s’insurgea et le big Jean se rabattit sur les animaux de ménagerie : tigres de Sibérie pour Jean Richard, chevaux de l’Oural pour Joseph Bouglione, des chameaux du désert de Gobi pour Cheynau de Leyritz.

 

« Aussi à l’issue du déjeuner où ils venaient d’entrer en affaires, le baron Guy de Rothschild pouvait-il présenter à Jean cette requête : « Il paraît, cher ami, que vous importez, à l’occasion, des animaux sauvages, bêtes de cirque ou de zoo. »

Et, sur confirmation, il exprimait son désir de posséder un couple de mouflons pour le parc de son château de Ferrières. Jean promis de s’en occuper personnellement, si bien que, quelques semaines plus tard, le baron lui téléphonait : « Mille fois merci, cher ami. J’ai bien reçu les mouflons, et plus beaux même que je ne l’espérais. Mais, si j’ai trouvé votre carte de visite d’accompagnement, il n’y avait aucune facture jointe, à moins qu’ils ne l’aient broutée. Soyez donc gentil de me faire savoir combien je vous dois »Et Jean, superbe, de répliquer : « Figurez-vous, cher ami, que toute la fortune des Rothschild ne saurait me payer du plaisir que j’ai eu à vous être agréable. »

Il recevait, peu après, en remerciement, un somptueux envoi de Mouton-Rothschild de haut millésime. Et il l’avait goûté en l’honneur de l’ambassadeur soviétique Vorontsov, venu le voir à Noé. Mais, alors que le diplomate s’extasiait, il affectait de préférer un gros rouge en carafe, vin de la coopérative voisine de Longages. » Je ne déteste certes pas le Mouton-Rothschild, expliqua-t-il, mais ce cru de terroir est, à mes yeux, le meilleur du monde, le seul que j’aime vraiment. »

Intrigué, l’ambassadeur manifesta le désir d’y goûter. Alfred Nègre, présent au reps, l’en empêcha : « N’y touchez pas, Excellence. On vous a mal traduit les propos de Jean. Il n’a pas dit « le seul vin que j’aime », mais, exactement, « le vin que, seul, je peux boire. »

On s’esclaffa, et Jean, évoquant l’origine de ce Mouton-Rothschild, retombait, comme toujours sur des pattes : « Encore une affaire de troc des mouflons contre des « Mouton ».

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23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 00:03

Et pourtant bien avant de vous noyer ici même sous la pluie fine de mes mots, le déluge diront certains, Dieu sait que j’ai commis – normal pour un Grand Commis de l’État : j’adore cette appellation car je ne me souviens plus quand je me suis gagé pour le compte de ce gars-là – des brouettés de « gros mots » sur Bordeaux. Pas la ville aux Chartrons délaissés mais ses environs pleins de châteaux où, comme vous le savez, il est de bon ton de ne pas mélanger les torchons avec les serviettes. S’il y avait eu une place de Grève en lieu et place de celle des Quinconces les maîtres du « troupeau » de l’époque m’y auraient bien vu exposé publiquement à la vindicte populaire. Mais, si puis dire, la roue a vite tournée et je fus l’invité de tous les plateaux, colloques, assemblées générales, numéros spéciaux (1), de la ville de Bordeaux en grands travaux. J’eus pu en tirer une légitime satisfaction, peser sur la tête repentante de certains, me payer la tronche d’autres, non je continuais mon petit bonhomme de chemin. L’essentiel était ailleurs et les analyses, même jugées pertinentes, ne font pas forcément une bonne politique si les intéressés eux-mêmes ne s’en emparent pas.

 

Bref, aux premiers temps de cet Espace de Liberté je me penchais souvent sur les écrouelles du Géant Malade comme le montrent ces deux chroniques « Mes biens chers frères » link  et « Victime du système » link Si vous ne souhaitez pas lire ces 2 chroniques je vous signale que la première avait trait à un document de réflexion d'un groupe de travail réuni autour du cardinal Ricard  Archevêque de Bordeaux Evêque de Bazas : «  La crise viticole n'est pas une fatalité ». Il était daté du 5 mai 2006 et la seconde était un extrait du témoignage de Jean-Luc D recueilli par Catherine Mousnier dans le Paysan Vigneron revue régionale viti-vinicole des Charentes et du Bordelais  N° de janvier 2007 consacré à la Crise des vins de Bordeaux : Une prise de conscience collective.  Le temps passant bien sûr je m'en retournai à Vinexpo que je fréquentais en y allant à vélo, je me pointais  même dans les châteaux pour le faire le beau en primeurs, même qu'on m'invitait à l'AG d'une ODG. Le maire de Bordeaux répondait à mes 3 Questions alors que Bordeaux fêtait le vin link 

 

Comme je ne vais pas vous infliger l'énumération de toutes mes chroniques bordelaises j'en reviens à l'objet de celle-ci : pourquoi ne ratiocinai-je plus sur les heurs et les bonheurs de notre vignoble amiral (au sens du vaisseau) ? Il faut que je vous avoue qu'une fois que je me fusse posé la question et que je l'eusse couchée en titre, aucune bonne ou mauvaise raison de cette abstinence ne vint exciter mes neurones fatigués. Tout irait-il dans le meilleur des mondes à Bordeaux ? Ce serait faire injure à ceux des vignerons qui sont dans la difficulté que de répondre oui. Cependant, à propos de monde à Bordeaux, sans vouloir ironiser, y'en a bien au minimum trois qui se côtoient sans toujours vivre ensemble. Pour me dédouaner je pourrais écrire, l'air pincé, que plus personne ne m'invite à gloser, à délivrer mes oracles éclairés. Trop facile, et de plus inexact car si j'en avais le temps je pourrais aller éclairer la lanterne d'un Président. Alors, pourquoi diable cette disette ? Avant de répondre je dois confesser l'inavouable : je voulais un jour placer dans un titre de chronique le verbe ratiociner, couper les cheveux en 4, et ce fut l'occasion lorsque l'idée me vint de m'interroger sur mon abstinence bordelaise. Comme je déteste les ratiocineurs c'était une façon pour moi de pratiquer l'auto flagellation.

 

Certains ironiserons que si je ne coupe pas les cheveux en quatre en revanche je délaie un tantinet la sauce pour masquer le vide sidéral de cette chronique. Détrompez-vous, même si ce ne fut pas une position réfléchie, volontaire, mon abstention est le fait d'un besoin de prendre de recul, de la distance, d'observer. En effet, le 19 juillet 2010, lors de sa dernière AG, a présenté un plan nommé « Bordeaux demain » pour redresser la situation économique de la filière. En effet, je cite « La filière vitivinicole bordelaise a souffert ces dernières années d’une baisse des prix en grande distribution – y compris sur des marchés comme les Pays-Bas ou l’Allemagne – et d’une baisse des ventes en restauration. Ses parts de marché ont reculé en France et à l’exportation. La « marque » Bordeaux elle-même « s’abîme ». De nombreux opérateurs sont en situation précaire. Parmi les raisons évoqués l'«impasse » des modèles « de production et de vinification », des problèmes de transmission d’exploitations, des produits qui ne sont pas en phase avec les attentes des consommateurs et des soutiens bancaires incertains. Pour autant les professionnels croient « aux opportunités du marché actuel et a dressé un plan pour permettre à la filière, d’ici 5 à 8 ans, de « réaliser un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’euros et commercialiser 6,3 millions d’hl », en développant ses ventes notamment en Chine, États-Unis et Royaume-Uni. » en resserrant la gamme autour de trois segments et en supprimant les vins dont les « niveaux de qualité » ne sont pas « cohérents avec l’image de la marque ». Et de conclure « qu'à moyen-long terme, le volume des vins basiques bordelais devra reculer. »

 

Ce plan est très complet. Je l'ai lu et analysé. J'ai eu le projet d'écrire sur le sujet et puis je me suis ravisé. Quelle légitimé aurais-je à venir mettre mon grain de sel dans un processus bien calibré, bien formaté par des hauts spécialistes jugés bien plus aptes que moi à déterminer la stratégie et à conduire la manœuvre ? Aucune ! Comme je sais parfois être sage j'ai gentiment rangé mes petits outils dans leur mallette pour me consacrer à d'autres occupations. Voilà, vous avez la réponse à une question que vous ne vous posiez même pas mais que je me devais de me poser car Bordeaux reste Bordeaux et la maison Berthomeau, qui ne rechigne jamais devant le boulot, va se réveiller un de ces quatre et faire un retour en force, sans passer en force, au pays des châteaux... Si d'ici là quelques bordelais ou bordelaises veulent venir s'exprimer sur mon petit espace de liberté ils seront les bienvenus. Bonne journée à vous tous.

 

(1) Extrait du N° Spécial Sud-Ouest Aquitaine Eco : Vins d’Aquitaine des Trésors à défendre d’octobre 2003 où j’occupais une belle surface dans le Gotha du tonneau des châteaux de Bordeaux  et en plus j’avais droit à l’Appellation que j’adore « Haut Fonctionnaire »

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 07:00

Comme au rugby, le britannique ne renonce jamais. Passé le rush de la meute j'entrainai ma chère anglaise à un truc qui m'a toujours plié de rire : un cocktail sur un stand d'une grande institution (je ne donne pas de nom car je me ferais encore des amis). Moi j'adore ! Tout d'abord il faut montrer patte blanche pour pénétrer dans l'enclos - bien que moi, comme je suis connu comme le loup blanc, on me laisse entrer les mains dans les poches - enclos où, bien sûr, se pressent les happy few qui gravitent comme des planètes autour des hautes personnalités présentes. Presque toujours les mêmes (là ce n'est pas la peine que je donne des noms vous pouvez le faire tout seul) qui se bourrent de canapés et de petits fours, picolent du champagne ou du whisky (boissons syndicales) et, bien sûr, échangent de hautes pensées sur le devenir de notre planète ou, parfois, du lumbago qu'ils ont récolté après leur partie de tennis ou pire de golf. Je suis très mauvaise langue. Ce qui me plaît par dessus tout c'est que le chaland, celui qui traîne ses guêtres et des kilos de prospectus, qui cherche la dégustation gratuite, qu'en a plein les bottes, qui va mâchonner un mauvais sandwich en buvant de la bière dans un gobelet en plastic, au lieu de regarder le jeune veau, tout juste né, de Flambeuse la belle Normande aux yeux tendres, y zieute tout ce beau monde qui se fait des ronds de jambes. Parfois, je sens dans son regard comme des envies de... 

 

Revenons à Mary. Mon pince-fesses semble lui plaire. Elle écoute aux portes si je puis m'exprimer ainsi. Je sens que je vais en prendre pour mon grade. Tiens cette année, certains qui m'ignoraient l'année dernière me saluent. Bizarre vous avez dit bizarre... Moi je bois un hypocrite : du jus d'orange au champagne. Fendant la galaxie de plusieurs directeurs mon anglaise fond sur ma pauvre petite personne. « Vous les Français vous adorez jeter l'argent du contribuable par les fenêtres... » me susurre-t-elle perfidement. J'ai beau lui dire que des fenêtres y'en a guère Porte de Versailles, elle ne goûte pas mon humour qui n'a rien de britannique. Pourtant, l'air de rien, je lui porte une attaque à laquelle elle ne s'attendait pas. « Voyez-vous, chère amie, c'est moi, si je peux m'exprimer ainsi sans vous paraître un peu outrecuidant, qui ai privatisé le Salon de l'Agriculture... » puis l'estocade « et en plus ce sont des anglais qui ont failli l'acheter... » Là, la pauvre, telle une carpe du bassin du Château de Windsor, arrondit sa bouche, manquant d'air. Je me venge d'Azincourt, lui expliquant que le CENECA (un zinzin public dirigé par un fonctionnaire) perdant de l'argent à pleins tuyaux, nous les spécialistes des poches percées, les adorateurs des déficits,  avions sans coup férir mis fin à la gabegie. Le tonneau des Danaïdes s'était trouvé un fond, pas de pension, mais un fond tout de même.

 

La donzelle sonnée avait trouvé son maître. Elle se vengeait en razziant les éclairs au chocolat. Moi, faux-derche de lui dire  « et si nous allions faire un tour sur le stand de votre beau pays... » Déjà déconfite par ma perfidie de mercanti, elle sombrait dans la mélancolie. Et savez-vous ce qu'elle m'a dit quand on s'est retrouvé là-bas : « en tant qu'anglaise, je suis rouge de confusion devant l'échantillon de nos produits. On les dirait tout droit sortis du placard de ma grand-mère dans le seul but de confirmer le cliché selon lequel la Grande-Bretagne est une contrée barbare située loin au-delà des limites du monde culinaire connu... » Bien sûr, j'ai fondu face à une telle détresse et pour me faire pardonner ma méchanceté je l'ai emmené sur le stand du CIV (Centre Interprofessionnel des Viandes) et nous nous sommes offerts - pour être franc c'est eux qui nous l'ont offert - une entrecôte à la bordelaise avec une bonne Folle Noire de chez Mourat - le ragoûtant -  des coteaux de Mareuil. Après, comme on était un peu flapi, sous les arbres de l'Office des Forêts on s'est endormi pour une petite mariénée...

 

Rude journée pour la reine ! Au salon de l'agriculture la chaussure est l'outil essentiel pour tenir le coup. De ce côté-là mon anglaise est lourdement ferrée, le genre Méphisto en croute de cuir délavé. Sur le flanc de la descente, la Mary est une redoutable : elle écluse et distille en temps réel. Moi je suis plus douillet sur le liquide mais imbattable sur le solide. Après notre petite sieste nous déambulons dans les travées, sans but précis, au gré de nos envies. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés dans le hall de l'Odyssée Végétale qui se veut le pendant du hall des bestiaux. En ce moment on se dirait au Salon de l'auto car les gars des céréales, du sucre, et bien sûr du colza y ne pensent plus qu'à la carburation. Roulez à l'huile de friture ! De mon temps les plaisantins foutaient du sucre dans le réservoir des gars qui pouvaient pas piffer et maintenant c'est tout ce qu'il y a de plus officiel, ça s'appelle le bioéthanol. Un de ces jours, y se pourrait que nous roulions au Bordeaux. Quand j'ose dire ça à mon anglaise elle me prend vraiment pour un fêlé. Merlot 33 aussi, c'est ainsi.

 

Juste après que j'eus prononcé ces fortes paroles nous sommes tombés sur une très bonne amie. Quand elle m'a vu avec mon anglaise elle l'avait un peu mauvaise car je lui dis toujours que le Salon ce n’est pas dans mes amours. Bon fallait que je trouve une dérivation : le terroir bien sûr ! On était à quelques encablures de l'huile d'olive. Mal m'en prit, voilà t'y pas que ma très chère amie se lance dans une diatribe où elle dit à Mary que tout cela est du freli frela car elle quand elle va à Carrefour : elle négative. Dans les caddies la plupart achètent du prix et que, comme le dit le Professeur je ne sais plus qui, l'ami de Michel H, les enfants obèses se recrutent dans les couches les plus défavorisées. Que c'est bien beau de se gargariser avec la qualité, l'authenticité, le terroir, mais qu'il faudrait quand même se préoccuper de ce que bouffent vraiment les gens. Arrêter de se raconter des histoires. Retrouver le lien avec la nourriture. Cesser d'interdire des trucs en disant qu'ils font mourir. Voir comment vivent les gens. Que, oui, l'ami de Michel H c'est le professeur Arnaud Basdevant. Moi, courageux comme un mec en présence de deux femmes qui discutent, je me suis discrètement esbigné, les laissant en plan, trouvant que ma journée au Salon était terminée. Je suis rentré en métro : la ligne 12.

 

 

Désolé je n'ai pas pu m'en empêcher : repasser les plats c'est un peu la tradition du Salon de l'Agriculture, non vous ne trouvez pas. Ces 4 chroniques dont je n'ai pas touché une ligne sauf à corriger les fautes d'orthographe (1-2-3-4) sur le Salon de l'Agriculture 2007, avaient trouvé leur origine dans la lecture d'un article du Daily Telegraph : Un anglais les pieds dans le terroir, sont à la fois le fruit de mes souvenirs de tout ces jours passés au Salon, inaugurations comprises, Ministre et Président compris, et, bien sûr aussi, un peu de mon imagination. J'espère ne pas vous avoir trop insupporté avec mes digressions mais, comme je suis persuadé que l'on peut traiter des questions importantes avec un peu de légèreté, je l'ai fait pour que les choses avancent, pour qu'on cesse de se payer de mots, surtout en ce temps où l'inflation des mots est de mise. Le bien manger, le bien vivre à la française, est un héritage qu'il ne faut pas se faire confisquer ni par les intégristes du terroir, ni par les faiseurs de nourriture hygiénique à soi disant deux balles... Quel beau challenge que de proposer au plus grand nombre des produits de qualité à un prix accessible pour leur porte-monnaie !

 

(1)  Aux culs des vaches avec une anglaise

(2)  Quelle est la profondeur des terroirs de France ?

(3)   La vengeance est un plat qui se mange froid

(4)   Avec Carrefour je négative

 

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 00:09

Les gars de chez moi, quand y montaient à Paris pour le Salon c'était pour deux raisons avouables : voir les bêtes et le matériel et deux, qui ne l'étaient pas : se prendre quelques mufflées carabinées dans le couloir de la mort (l'actuel hall des provinces) et aller trainer du côté de Pigalle. Je ne veux pas être mauvaise langue mais, comme leur moyen de transport exclusif dans Paris était le métro, beaucoup d'entre eux, en dehors du quartier de la Porte de Versailles et des lieux de perdition, ne connaissaient rien des splendeurs de notre capitale, exception faite peut-être de l'Eiffel Tower. Ces temps sont révolus, la machine agricole a émigré à Villepinte et notre Salon de l'Agriculture attire, plutôt que les agriculteurs, les urbains, les enfants des écoles et les étrangers. Alors j'ai décidé, ce matin, de vous narrer la visite d'une anglaise au SIA (le sigle est déjà la preuve qu'on est en présence d'une grande vitrine plutôt que d'un salon professionnel).

 

Pourquoi une anglaise ? Parce que celle-ci, par commodité je la prénommerai Mary, m'a écrit « Il est des moments où l'on ne peut s'empêcher d'aimer les Français. Comme samedi dernier, jour d'ouverture à Paris du Salon International de l'Agriculture... » Venant d'une ressortissante de la perfide Albion ça mérite réflexion. Pour elle c'est la France profonde* qui débarque à Paris. Les Français ont les pieds dans le terroir*. Et d'ajouter rien de tel qu'une visite au Salon pour comprendre tout ce qui sépare culturellement les Britanniques et les Français. Bigre ! Et pour enfoncer le clou : même si ses enfants étaient fourbus lors de leur première visite, le lendemain il la suppliait d'y retourner. «  Rendez-vous compte : même les enfants adorent y aller ! » s'extasie-telle... Alors pourquoi bouder ce plaisir, au front, quand faut y aller faut y aller...

 

* en français dans le texte  

 

L'épicentre du Salon c'est bien évidemment le grand Ring de présentation des animaux. Des bêtes bichonnées comme des top-modèles, des taureaux Limousins couillus, des Pies rouges pimpantes, des Parthenaises rosissantes, des Blondes d'Aquitaine aguichantes, des gorets de Bayeux noir et blanc, des biquettes poitevines : de bien belles grisettes, des brebis de Lacaune, celles qui font, sans que José y prête la main, du Roquefort alter, des béliers Southdown altiers, j'en passe bien évidemment : la France est un pays Jacobin assis sur de belles provinces qu'il glorifie lorsqu'elles montent à Paris. C'est ce que je dis à mon anglaise pour faire l'intéressant. Mais elle me dit qu'elle a un petit creux. On va donc se faire un petit mâchon : rillettes, grattons, saucisson à l'ail, andouille de Vire, y manque que de la fressure, sur de bonnes tartines de pain embeurrées d'Echiré (qui ne vaut pas bien sûr le beurre salé de mémé Marie) arrosées d'un p’tit coup blanc (je ne dis pas lequel pour ne vexer personne) Comme je suis un gars qu'a des relations on est allé, ma nénette du Surrey et ma pomme, poser nos fesses sur le stand d'une organisation. Eux, les gars des z’organisations agricoles, y distribuent que du papier mai y z’ont des salons pour VIP. Donc on s'est vautré sur des canapés et, tout casse-croûtant on s'est mis à bavasser...

 

Pour faire couler la miette, mon anglaise et moi, en plus du P’tit Chablis de nos amis de la Chablisienne, nous nous enfilions un grand café puis un pousse-café : une rincette au Calva (pardon dans ce cas-là c'est la bonne orthographe). Bien sûr ça donnait des couleurs à ma pâlotte du Surrey qui, dans cette douce euphorie, trouvait le moyen de penser que l'heure était venue de me balancer quelques vacheries. Y sont comme ça les britishs, peuvent pas s'en empêcher. Je pourrais ironiser sur les vaches anglaises et leur goût pour les farines mal chauffées mais ce serait de mauvais goût. Bref, voilà t'y pas que la Mary, tout en sauçant son sucre dans le jus de pomme du pays d'Auge, me dit «  vous les Français vous êtes drôles. Les citadins et leurs enfants viennent s'extasier devant les animaux au Salon une fois par an. En dehors de ce moment de rêve, à les entendre ceux qui les élèvent polluent leurs belles rivières, ceux qui font du blé en font tellement qu'ils cultivent plus les primes de l'Europe que des céréales, que de toute façon les paysans ne sont jamais contents, trop chaud, trop froid, trop mouillé, trop sec, qu'ils barrent les routes à tout bout de champ, que les viticulteurs jettent à tous propos leur vin au caniveau... Tout ça n'est pas très cartésien monsieur je sais tout... » Comme je suis de bonne humeur je ne lui en tiens pas rigueur. Je pourrais évoquer les primes européennes de sa Très Gracieuse Majesté pour ses petites propriétés mais je suis fair-play. De plus je n'ai pas envie de discuter. Alors je la prends par le bras et d'un bon pas nous partons nous immerger dans la profondeur des terroirs de France.

 

Bon, comme je ne veux vexer personne, je ne peux citer tout ce qu'on s'est enfilé, mais je puis vous assurer que nous les avons tous fait les terroirs de France, DOM-TOM compris. On a commencé par des huîtres de Bouzigues avec un coup de Picpoul de Pinet, puis on s'est tapé de la Poutargue. Puis on s'est dit qu'on allait faire dans le fromage : Boulette d'Avesnes, Fourme d'Ambert, Banon, Gaperon, Langres, Beaufort, Livarot, Niolo, Osso-Iraty, Epoisses, j'en passe... avec de la fougasse et les liquides locaux qui vont avec. Et puis, j'ai du céder au désir de femme et nous sommes allés nous taper un Chabichou avec un blanc du Haut-Poitou, cuvée La Surprenante. Très drôle ! Pour compenser je l'ai emmené boire un Pacherenc-de-Vic-Bilh en lui disant que c'était bon contre le bégaiement. Puis comme j'avais un petit creux on est allé se taper un aligot - qui comme vous le savez est fait avec du Laguiole frais - arrosé d'un Marcillac acidulé. Après ça, elle avait envie de sucré alors on s'en est allé chez les Bretons pour savourer un Kouign-amann - qui comme vous le savez n'est que du beurre salé et du sucre - avec une bolée de Cidre de Cornouailles de Christian Toullec qu'a eu une médaille d'or au Concours Général de 2004. C'est alors que je me suis dit qu'il fallait que j'aille revoir ma Normandie. On n'a pas fait de chiqué : un tarrasson de Teurgoule avec un cidre du Père Jules. A ce moment là Mary m'a dit  « où allons-nous aller déjeuner ? »

 

Je n'ai pas eu le temps de lui répondre, une vague, un raz-de-marée, un tsunami a failli nous emporter. C'était le cortège de l'homme qui depuis longtemps savait parler à l'oreille des animaux. Les paysans avaient le coeur gros, leur grand Jacquot allait tirer le rideau. C'est alors que mon petit doigt m'a dit « mon garçon, fait attention, pas de panique, elle va te brancher sur la politique... » Le coquin ne s'était pas trompé, alors qu'on venait tout juste d'échouer du côté de la Martinique et qu'on sirotait un rhum agricole, mon emmerdeuse patentée du Surrey a attaqué. « Mais qu'est-ce qu'ils viennent chercher là ? » Bêtement j'ai répondu « des voix... » Ça ne la satisfaisait pas elle m'a rétorqué « que nous les Français on adorait se défiler... » Bon, j'ai fait le dos rond, évité d'évoquer Mers-El-Kébir ou d'autres mauvais souvenirs et, pour faire diversion je lui ai dit, d'un air un peu niais, « cette année vous savez on peut à nouveau admirer les poulets... » D'accord, avec une sortie comme ça, je n'ai pas fait progresser d'un pas l'Entente Cordiale mais, comme je suis un besogneux, tout en nous tirant des profondeurs de nos terroirs je me suis dit que j'allais m'en tirer en lui racontant une histoire.

 

à suivre de suite sur une chronique qui va se mettre en ligne...

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 00:09

À l’âge de bronze de mon Espace de Liberté, soit au tout début de 2007, alors que je cherchais ma voie et des sujets, je commis une chronique : « Supplique aux gascons... » link où j’apostrophais mes amis gascons à propos d’un Armagnac vanté sur un site marchand :

« Cette récolte 1994 est issue pour moitié du cépage baco particulièrement bon sur les sols sablonneux du Bas-Armagnac et du classique Ugni-blanc. Ce mariage des cépages les meilleurs nous donne un Armagnac certes encore fougueux par sa jeunesse mais déjà ample et persistant en bouche. Le bois du neuf de chez Berthomeau n'est pas encore fondu et donne ce côté noisette grillé qui n'est pas si éloigné d'un pur malt ou du rhum de qualité. »

 

« Éclairez-moi, qu'est-ce donc ce Berthomeau qui n'est pas encore fondu ? Jusqu'ici ce gus n'était connu que pour son goût de papier dont on fait les rapports, même si la pâte de celui-ci venait peut-être des forêts landaises. »Pouffe-3728.JPGBien évidemment je faisais l’âne pour avoir du foin car pour les tonneaux Berthomieu c’est beaucoup mieux que Berthomeau « L’heureuse alchimie du bois et du vin » www.tonnellerie-berthomieu.com Tonnellerie Berthomieu - Parc d’activités des Bertranges - rue des Merrains - 58400 LA CHARITE SUR LOIRE – France. Tout ça pour vous dire chers lecteurs que je vais entamer une série de chroniques qui vous entraineront tout au fond de la forêt française en chaussant les bottes du forestier « qui scrute le passé pour mieux préparer l’avenir » Nous le ferons en grande partie avec l’aide du livre* de Jean-Paul Lacroix, Ingénieur du Génie Rural des Eaux et des Forêts, IGREF dans le jargon du 78 rue de Varenne où, trop souvent, le dossier forestier est la cinquième roue du carrosse. (*Bois de Tonnellerie de la forêt à la vigne et au vin chez Gerfaut).

 

Pour ma part, au temps où j’occupais des bureaux à porte capitonnée avec huissier, fut instaurée l’appellation Ministère de l’Agriculture et de la forêt, les directeurs départementaux et régionaux de l’Agriculture se virent accoler le F. Du temps de Rocard la maison fut doté d’un Secrétaire d’Etat, René Souchon, qui s’occupait spécifiquement du dossier forestier avec pour Conseiller Technique, un charentais maritime Bons Bois – producteur de Cognac et de Pineau donc – Le grand Morin, Georges de son prénom, qui, hormis son érudition pharaonique, se trouvait être un des meilleurs connaisseurs de la forêt et de l’Industrie du bois. Comme en ce temps-là je tirais quelques volutes de fumée, le grand Morin, en bon paysan charentais qu’il était, venait me taxer pour sa consommation personnelle et en profitait, jamais avare de mots, pour me dégrossir sur le dossier bois et pâte à papier. Il faut dire qu’il y avait de gros dossiers du type la Chapelle d’Arblay. Bref, je pris alors conscience de l’importance de ce secteur mais, alors que le Grand Georges bichonnait son Cognac dans des tonneaux, jamais nous n’abordâmes le sujet. Et pourtant, avant d’être le corps du tonneau la douelle est merrain et celui est grume de bois de chêne, le chêne rouvre, le meilleur pour les merrains, et le chêne pédonculé plus prisé pour l’élevage du Cognac et de l’Armagnac.

 

Le chêne français donc, en provenance surtout des forêts domaniales, notamment celles du Centre, de la Bourgogne et de l’Est gérées par l’ONF aux noms qui sonnent tel des AOC aux oreilles de tous les spécialistes : Bertranges, Cîteaux, Darney, Tronçais, Jupilles, Bitche, Saint Palais... Combat titanesque du chêne français contre l’ogre américain mais, orgueil national sauf lorsqu’en 1999, le big tonnelier américain : Independant State Company (ISC) organisa un symposium à Saint Louis Missouri, et qu’un aréopage d’œnologues venus du monde entier, après une dégustation à l’aveugle, plaçait le chêne français en tête. Voilà donc resitué la démarche de mes futures chroniques : toujours au plus près du terroir, des hommes, des futaies, soit  une forme de promenade dans les plis de la France, loin du bruit, de la fureur, de l’agitation du paraître des évènements du vin.

 

À bientôt donc sur mes lignes...

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 00:09

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« L’acidité est mon pays gustatif. Avant de faire du vin je ne savais pas la reconnaître tant elle fait partie de moi. De là où je viens, les terres sont acides, les fruits sont toujours un peu acides – même les mûres quand elles sont mûres –, l’air est iodé. Le muscadet et le gros-plant sont les premiers vins que j’ai bus, le muscadet avec le brochet au beurre blanc et les civelles, le gros-plant avec les huîtres du Croisic. Ce sont des vins, et de tous les jours, et du dimanche. Ils rincent la bouche, se mettent juste ce qu’il faut en retrait quand on mange quelque chose qui leur va bien, comme la main gauche accompagne le chant de la main droite au piano. Ils ont le goût de la mer entrant dans l’estuaire, ne craignent ni les échalotes vinaigrées du beurre blanc ni le filet de citron sur les huîtres dans les salles à manger nappées de blanc, ou sur les tables des restaurants des bords de Loire. Ils se boivent au comptoir, le matin de la solitude, le dimanche au coude à coude, dans un brouhaha de voix graves et de souffles qui recouvrent les vitres des bistrots d’une pellicule de buée, car souvent dehors il pleut. Dans mon village, il y a eu, jusqu’à mes dix ans, à peu près, 22 cafés pour 2800 habitants où l’on buvait des petits blancs, du muscadet et du gros-plant. C’est simple, à peu près une maison sur deux faisait café (on dit chez nous café plutôt que bar ou bistrot, comme on dit crayon de bois pour crayon tout court, je ne sais pas pourquoi). Au moment des vendanges, on trouvait dans les rues de Nantes, à côté de dames vendant dans des caisses en polystyrène des sardines de la Turballe ou de Saint-Gilles, du bourru conditionné dans des bouteilles en plastique. Lui aussi était acide. Maintenant, je sais que l’acidité est mon pilote. »

Catherine Bernard vigneronne à Saint-Drézéry link vient de publier aux éditions du Rouergue www.lerouerge.com un livre « Dans les Vignes » Chroniques d’une reconversion.  L’extrait ci-dessus ne doit rien au hasard car Catherine Bernard est née juste au-dessus de ma Vendée crottée. Nous avons un patrimoine gustatif commun, l’acidité est aussi chez moi un marqueur : croquer des feuilles d’oseille dans le jardin du pépé Louis c’était l’extase ! De plus, étant né à la Mothe-Achard célèbre pour sa foire mensuelle aux bestiaux et ses marchés hebdomadaires : cochons, volailles, beurre&œufs mais pas fromages, les « cafés » pour les 1200 habitants avoisinaient la centaine. Au retour de la foire, après une station à la maison du Bourg-Pailler pour régler mon père ou licher un autre verre, c’était souvent le cheval qui ramenait les hommes à la maison. Bref, l’histoire de la nouvelle vie de Catherine Bernard qui, après sa formation au CFPPA pour préparer un BPA viticulture-œnologie, est maintenant dans les vignes et dans son chai, vaut la peine d’être lue.

 

Deux autres extraits :

 

« Il me semble que ma vie entière n’y suffira pas. Au mieux, au plus, je vendangerai quinze, vingt, trente fois, tandis que j’ai écrit des articles par centaines, peut-être par milliers, que les médecins rédigent des ordonnances par centaines de milliers, que les boulangers pétrissent des baguettes par millions. À y regarder de près, une vie de vigneron se résume à peu de vins. Ni l’avion, ni Internet, ni le téléphone ne peuvent raccourcir la distance qui sépare un millésime d’un autre. Le temps se défie du temps, fait des pieds de nez à l’obsolescence. »

 

« Le raisin ne peut pas se transformer en bon vin s’il est ramassé dans l’indifférence de l’autre. Le vin est ce breuvage particulier qui naît de la solitude de la terre, grandit dans un tête à tête, et s’épanouit partagé, produit de l’imaginaire, du symbolique et de la réalité, formant un tout inextricable. C’est aux vendanges, plus qu’à aucune étape du processus, que l’imaginaire percute la réalité. »

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 00:09

1-e2-80-a2Plaque-__.jpg« Vas voir Bizeul !» me conseilla ma « taupe rose » au sein du CIDVN. Ma mission de médiateur patinait dans les délices des vieilles rancœurs catalanes et je cherchais à étayer mes arguments pour que cette belle région sorte de son « tout vin doux ». Rendez-vous pris avec Hervé Bizeul, en fin de journée, au volant de la poubelle Peugeot mise à ma disposition par le Conseil Général, je montais à Vingrau. Dieu que cette région est belle ! Dans la pénombre de sa maison de village nous avons échangé longuement et moi, l’homme du verbe, j’engrangeai son expérience d’homme qui fait. Même si Hervé, face à mon pedigree d’ancien membre de cabinet ministériel en mission, gardait ses distances je crois qu’il apprécia le fait qu’un « commis de l’Etat » prenne la peine de venir traîner ses godasses chez un néo-vigneron. Bref comme je ne suis pas là pour raconter ma vie mais pour, non pas présenter Hervé Bizeul, mais pour vous dire, chers lecteurs, que nos joutes sur mon espace de liberté, vives parfois, sont le reflet de nos deux personnalités : nous sommes des jouteurs. Nous aimons le débat, la contreverse, le parler franc. Nous ne sommes guère complaisants. Nous sommes des bloggeurs de la préhistoire de la blogosphère et j’attendais, en vieux renard que je suis, la bonne occasion pour tendre à Hervé mes 3 Questions. Son dernier billet : « Mon souci : que le vigneron gagne de l’argent » link étant du meilleur tonneau je me suis rué sur mon clavier et, en moins de temps qu’un Ministre met à justifier l’injustifiable, l’affaire était dans le sac. Merci Hervé le roi des smiley. Dernier point : le hasard étant mon meilleur pourvoyeur de sujet demain je mettrai encore mes gros sabots dans les PO.  

Herv%c3%a9+Biz1ière Question :

En commentaire à une de mes chroniques sur les viticulteurs en difficultés tu as écrit « Et si parfois le vigneron à qui l’on demande à lui tout seul, cas unique dans l’économie mondiale, d’extraire le métal, de le raffiner, de dessiner la casserole, d’aller la vendre dans le monde entier, et en plus, d’aller dans l’épicerie convaincre, au bout d’un moment, se disait simplement c’est trop dur, c’est trop compliqué, et en plus, on ne construit rien au moindre relâchement je vais tout perdre ? » Le métier vigneron indépendant, l’artisan commerçant du vin, est-il si mal en point ? Ne souffre-t-il pas de son isolement, de l’absence de liens entre ceux qui font le même métier que toi ? Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées disait-on dans ma Vendée crottée !

 

Hervé Bizeul :

Lorsque je me retourne, le vendredi soir, sur une de mes semaines, je suis souvent stupéfait de tous les métiers que j’ai été amené à faire pendant cinq jours. La liste des compétences demandées est vraiment très longue, le nombre de choix stupéfiant. Disons que depuis quinze ans la liste s’est encore allongée et les compétences exigées pour piloter une petite exploitation viticole orientée vers l’excellence sont de plus en plus nombreuses et complexes, très loin du métier original de simple « vigneron».

Certains métiers nous sont imposés, d’autres sont la conséquence des choix de chacun au niveau « surfaces » et « marchés ». Si maitriser par exemple l’informatique est dicté par le sens de l’histoire, tenter de faire exister un grand vin et d’aller à la rencontre des connaisseurs du monde entier, ça, c’est un choix personnel. Mais pour une TPE dans le vin, n’est ce pas un peu le seul possible, en dehors des régions touristiques ou les clients de passage viennent à vous ? Je me pose souvent la question : aurais-je eu d’autres choix, surtout quand je vois mon planning des prochains mois : Suisse, Paris, quatre voyages aux USA, Vinexpo, Nîmes et au milieu de tout ça des centaines de tâches qui m’éloignent de la vigne, jusqu’au vendanges, où là, il est à mon sens impossible de déléguer.

De toute façon, est-il encore possible de rester « petit » et de tout faire sois même ? Sur un vignoble familial, dans une AOP prestigieuses, peut-être, et encore. Peut-être en déléguant sa commercialisation à d’autres, ce qui veut dire aussi perdre la majeure partie de la valeur ajoutée que l’on crée, dans la situation actuelle et sur des AOP comme la notre, où le cours du vrac est dérisoire.

L’évolution de la société conduit les vignerons à avoir une « taille critique » et donc à déléguer, à passer de travailleur indépendant à artisan voire à chef d’entreprise, s’ils veulent maitriser un peu leur métier et vivre décemment. Vivre décemment, ce n’est pas mener grand train, c’est avoir un peu de sérénité financière, pouvoir travailler proprement, dans les règles de l’art, résister à coup dur. Certains n’en auront pas les compétences, d’autres ne le veulent pas. Ce n’est pas leur choix de vie. Jeune sommelier, je me souviens avoir entendu en Bourgogne un vigneron dire qu’un vigneron serein avait une récolte sur pied, une récolte en cave, une récolte à vendre et une récolte à la banque. Je me rends compte de tout le bon sens de cette maxime. Combien d’années faut il travailler pour y arriver, lorsqu’on part de rien ? Alors, cette absence de sécurité, il faut savoir vivre avec, dormir sans angoisse, vivre au quotidien avec cette tension. Je crois que c’est la principale qualité à avoir si on veut faire ce métier. Une perception terrible de l’impermanence de notre métier, la force de vivre avec et d’être heureux de le faire.

Du coup, je réponds à la dernière partie de ta question : muni de toutes ces qualités, de ces forces, de ces compétences, les vignerons sont formatés pour être des solitaires, ont souvent d’étranges pudeurs à communiquer entre eux, à échanger. Pourtant, c’est très positif. J’essaie de monter des sortes de « groupes de paroles », entre vignerons autour de moi ou d’autres régions. En ce rendant compte qu’on a les mêmes problèmes, que certaines solutions sont applicables chez nous, on s’enrichit beaucoup. Mais les actions en commun sont difficiles, chacun est presque formaté à vivre ses difficultés, seul. Parce que pour travailler à la vigne, il faut non pas surmonter la solitude, mais l’aimer.

 

2ième Question : Dans ton dernier billet où tu t’adresses au Ministre de l’Agriculture à la suite de son déplacement dans le South of France où il affirme souhaiter que le vigneron gagne de l’argent et appelle de ses vœux une Interprofession unique tu écris

« Certains matins, je me demande si certains croient encore à un tel langage creux, à une telle langue de bois, à un discours qui ne prouve qu'une chose : que notre ministre de tutelle ne connait rien décidément rien à notre métier d'aujourd'hui, n'y comprend rien, ne connait ni ne voit aucun de nos problèmes ni aucune de nos solutions. Et que sa seule réponse, c'est une centralisation aveugle, loin, si loin, de nos terroirs minuscules et précieux. Loin, bien loin de notre quotidien. Bref, qu'il est mal conseillé, mal informé. Il veut "moins d'échelons". Mais il ne sait pas que le bureau du directeur du CIVR est ouvert, qu'il suffit d'y taper pour y être écouté. Qu'en sera-t-il demain ? J'ai peur de l'imaginer... »

Entre une armée mexicaine avec des coûts de structures pharaoniques et le kolkhoze n’y-a-t il pas imaginer autre chose qui soit plus en phase avec la taille des entreprises ? Par exemple une plate-forme unique de services communs avec au-dessous une grappe d’entités voulues et gérées en fonction des métiers ?

 

Hervé Bizeul

Je n’ai pas d’avis sur les « coûts ». Je ne m’en préoccupe jamais, en fait. Si cela est cher mais très efficace, je suis bien sûr pour. C’est le fameux « bon sens paysan », tu sais. En fait, c’est celui là qui manque à nos politiques. Une sorte de « vie ma vie » devrait être obligatoire pour les conseillers de ces gens là : une immersion, une semaine, avec un éleveur ou un vigneron, à ses côtés quand il travaille, quand il reçoit, quand il va chez son banquier ou qu’il doit remplir des formulaires ou sa traçabilité. Centraliser, pourquoi pas. Mais dire que cela va être plus performant et plus économique, ca me fait hurler. Ces gens-là ne savent rien de nos métiers. Comme bien des vignerons, j’exporte dans plus de 20 pays avec toute la complexité que cela représente. Imagine-t-on le boucher du coin exporter dans 20 pays ? Pendant ce temps, je lis que notre premier ministre nous dit que le déficit de la balance commerciale n’est pas une fatalité. Certes. Que fait-on pour m’aider ? On met en place quelques mesures, mais les textes d’application sont si restrictifs qu’on ne rentre pratiquement jamais dans le cadre des mesures, qui changent de plus tout le temps. Je suis en fait un grand pragmatique. Toute dépense, chez moi, doit avoir un résultat rapide, car je n’ai pas de capitaux. Alors, au lieu de voir des mesures compliquées, des « grands travaux » sabotés par des ambitions personnelles, j’aimerai une politique du quotidien, du bon sens. Quelques exemples ? Une augmentation des crédits d’impôt pour passer un Bio, au moment où on les diminue. Une véritable politique européenne au niveau des droits d’accises qui me permette d’envoyer du vin à des particuliers dans toute l’Europe, en payant automatiquement, maintenant que Gamma (le système de dématérialisation de la douane) est là. Je ne peux toujours pas. Un paiement de mes droits de circulation annualisé, forfaitaire si je le souhaite, et une liberté ensuite sur les capsules (une gestion démente). Une exonération de l’impôt sur les sociétés sur les premiers 50 000 euros de bénéfices, à condition qu’ils soient absorbés par une augmentation de capital, ce qui boosterait les capitaux propres des PME, chose vitale dans notre filière. Un vrai site internet, joyeux, pédagogique et ludique, qui expliquerait en vingt langues le vin français au monde. Des primes à la plantation mais avec levée des cautions à la quatrième feuille, pour éviter les abus, courant aujourd’hui.  Un crédit d’impôt sur mes dépenses export, plus souple, plafonné mais avec une véritable durée dans le temps, pour construire de vrais partenariats à l’export. Un site internet en .gouv.fr, dédié à mon métier, avec le récapitulatif de toutes mes obligations : rien n’est marqué nulle part, je passe un temps hallucinant à chercher ce que la Loi m’impose de faire et ai en permanence l’impression d’être dans l’illégalité. La mise en avant de nouveaux grands vins dans la vie politique, sans que cela ne coûte rien à l’état : les vignerons pourraient offrir les vins  (on en offre tant…), ces vins pourraient être mis en avant, dans une visite officielle, dans une réception officielle et le menu rendu public : ca n’est rien, mais, même si bien sûr on comprend la Loi Evin, je crois qu’on en a un peu tous marre d’être considéré comme des dealers. On parle plus facilement de sex toys que de vin. Drôle de monde. Je profite de l’occasion pour dire au Ministre que je suis prêt à faire un geste d’une caisse de petite Sibérie pour offrir au président Russe à sa prochaine visite . Emmener quelques vignerons en visite présidentielle, avec leurs quilles, ce ne serait pas idiot non plus, je pense, et très rentable pour la balance commerciale. En plus, dans l’avion, on donnerait des idées aux collaborateurs du ministre  Bon, voilà, des idées pour une « politique du quotidien », j’en ai plein mon tiroir et je ne suis pas le seul… Mais sur les grand bla-bla-bli, là, je suis plutôt critique.

 

3ième Question : Maintenant Hervé parlons peu – c’est à moi que je m’adresse – mais parlons vin. Le Clos des Fées, ses vignes, ses vins, ses projets... Dis-nous tout !

 

Hervé Bizeul

Le Clos des Fées a quinze ans, c’est un adolescent radieux. Il est aimé de ses clients, ses parents s’en occupent bien et le bichonne. Il souffre un peu des conditions climatiques, extrême ici depuis cinq ans, limite désertique, qui donnent des rendements vraiment très bas. Mais bon, à vouloir maintenir en vie des très très vieilles vignes. Mais de ces petits rendements, de ce patrimoine génétique diversifié naissent des vins d’émotions. Alors, on l’accepte et on est fier. Et on changerait d’endroit pour rien au monde.

Comme je l’ai dit plus haut, on a bien une récolte sur pied, deux en caves parce qu’on a choisi d’élever longtemps et une à la vente. Mais à la banque, on a plutôt une récolte de découvert . Et on se prend pour un grand cru au niveau de la culture. Mais bon, on cherche à faire en quinze ans ce que d’autres ont fait en trois générations, alors, c’est normal que ça tire un peu de temps en temps. Il faut l’accepter. Nos banquiers sont des partenaires essentiels, et depuis le début, ils jouent le jeu. Nous avons su créer une qualité, une image, réussis à faire accepter un prix de vente important, corrélé à une vrai valeur du vin. Pour y arriver, beaucoup de travail mais aussi et surtout beaucoup de chance et une bonne étoile, depuis le début. On l’a d’ailleurs mis sur l’étiquette

Le projet Walden bricole modestement, sans doute un peu en avance sur son temps, mais ça fonctionne. Les meilleures idées du monde, les plus nobles, se fracassent parfois sur des récifs improbables, d’une crise de l’immobilier US, en guerres des monnaies en passant sur le manque de capitaux propres. Mais on ne baisse pas les bras.

Sur notre tentative de sauvetage de la plus grande oliveraie de France (et sans doute la plus belle), le Mas de la Chique, là, nos banquiers ont dit stop, sans doute parce qu’ils nous aiment bien. La vigne et l’olive font bon ménage, le vin est bon et se vend bien, mais là encore, sans capitaux, dans cette industrie lourde qu’est la vigne, il est très complexe de se développer. La propriété est remis en état, nous sommes très fiers de l’avoir sauvé de la jardinerie et de l’arrachage et n’avons pas de regrets. Elle est à nouveau à la vente, rentable, l’acheteur choisira de travailler avec nous ou pas. On étudie aussi l’ouverture du capital à des investisseurs, sur un modèle « boursier » que nous a proposé un client, modèle développé en Suède et qui arrive en France (http://www.alternativa.fr/). Nos clients pourraient être intéressé, défiscaliser, garder un forme de liquidité à leur investissement, se balader sous « leurs » oliviers :-) Pourquoi pas. Nous serions alors encore novateurs. Est-ce que j’ai parlé, de la créativité, dans le métier du vigneron d’aujourd’hui ? Parce que c’est essentiel…

Une autre fois ?

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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 00:09

Ne tournons pas autour du pot : autant le saucisson sec occupe une place de choix dans l’image internationale du Français black béret, baguette de pain, kil de rouge et fromage qui pue, le malheureux saucisson à l’ail, lui, est un mal aimé, il pue de la gueule, il sent le gaz, relégué qu’il est en vagues rondelles sur le bord des tas de choucroute de la Taverne de Maître Kanter. Pire encore on le fume, non qu’il fût du belge mais parce qu’on lui inflige le supplice ou le maquillage d’un fumage industriel. Je trouve ce mépris insupportable. J’en appelle à un sursaut national. Je sonne le rappel pour que s’instaure une journée mondiale du saucisson à l’ail. J’invite les défenseurs de la charcuterie artisanale à contribuer au renouveau de cet emblème du bon goût français.

saucissonail.jpgAfin de mieux plaider la cause du saucisson à l’ail en vue de sa réhabilitation je vais puiser aux sources profondes de notre culture française que le monde entier nous envie en rappelant tout d’abord que dans l’un des monuments de notre grande et belle littérature française, « Bravo Docteur Béru » San Antonio, alias Frédéric Dard, l’un de nos auteurs des plus prolifique, nous la coupait sec – la chique bien sûr, pas la rondelle – avec un Bérurier, ex-interne des hôpitaux de Paris qui savait « aussi bien manier le stéthoscope que le saucisson à l'ail » (sic). Je rappelle qu’Alexandre-Benoît dit le Gros lichait essentiellement du Juliénas qu’il considérait comme son médicament quotidien.

 9782265085060

Soyez donc imaginatif chers lecteurs et marriez un bon casse-dalle : baguette-beurre-saucisson à l’ail avec un de ces nectars de chez nous, bien franchouillard. J’attends de votre part une levée en masse, un raz-de-marée pour qu’ainsi dans son prochain roman Michel Houellebecq puisse faire trois pages sur la résurrection du saucisson à l’ail Olida en se souvenant que  Marcel Proust dans À l'ombre des jeunes filles en fleurs écrivit : « Allez me chercher du jambon chez Olida. Madame m'a bien recommandé que ce soit du Nev'york.» Et pendant que je suis dans un bouillon de haute culture je vous offre l’un des joyaux du Septième Art Français le film culte :

 

Mais où est passée la 7ième Compagnie

 

avec les inoubliables ringards Jean Lefèvre et Aldo Maccione qui magnifient l’emblème de la débrouillardise franchouillarde : notre inégalé et inégalable saucisson à l’ail.

 

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10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 00:02

Non je ne suis pas un sniper. Non, je ne tire pas sur tout ce qui bouge. Et pourtant ma position de tireur couché me permet, à couvert, d’observer le théâtre des opérations. Position qui peut sembler confortable et pourtant, n’ayant que des balles à blanc, lorsque l’envie me prend d’appuyer sur la gâchette, ça fait un peu du bruit mais ça n’influe guère sur le cours des choses. Dois-je le regretter ? Suis-je frustré ? Je vais tenter, à ma façon, de bien préciser ma pensée et vous proposer d'agir 

 

« Dans mon boulot, pour l’instant, je suis en train de m’embourber un peu. Des quatre machins attaqués au calme, il n’en reste que deux sur la planche, et encore un peu figés. » Ainsi s’exprimait Jean-Patrick Manchette dans une lettre du 26 août 1977 à son ami Pierre Siniac. Il ajoutait que l’un de ces machins était « une histoire de tueur absolument sans intérêt intrinsèque, uniquement un  exercice technique, de mon point de vue, qui progresse à peu près régulièrement, mais glacialement. » Manchette évoquait en fait son futur roman La Position du tireur couché.

 

Le dessinateur Tardi vient de donner un visage au tireur couché de Manchette.  

 

J’entends certains ricaner : quel rapport avec la choucroute ?

 

JP Manchette d’abord pourquoi Manchette ?

Je pourrais me contenter de répondre parce que Manchette est un marqueur indélébile d’un temps qui est le mien. J’aime Manchette car il fumait des Celtiques, trop, c’était un fou d’écriture qui à réinventé le polar par une rupture radicale avec la Série noire française des années 50/60. Situationniste, Manchette a renoué avec la fonction originelle du roman noir : la critique sociale. Son modèle revendiqué était Dashiel Hammet. J’aime son écriture behaviouriste, « joyau de vérité », pleine de « joyeuse perfidie » et de « provocation allègre ». La dérision aussi comme dans le Petit bleu : « je l’ai tué hier, dit soudain Gerfaut. Je lui ai fracassé son putain de crâne, je lui ai cassé la tête. Et Gerfaut stupéfait fondit en larmes. Il replia ses bras sur la table de formica, posa son front sur ses avant-bras et sanglota nerveusement. Ses larmes s’arrêtèrent tout de suite mais il demeura plusieurs minutes à frémir et à aspirer et expirer de l’air avec un bruit d’instruments de musique brésiliens. »

 

La Position du tireur couché ensuite, parce que Martin Terrier, le tueur à gages, après dix ans d’activités, où il a mis patiemment de côté ses gages, décide de se ranger des voitures et d’aller chercher Alice son amour d’enfance. Terrier a la gueule de monsieur tout le monde, et avant que sa vie parte à vau-l’eau, les bordels, les bars louches, les missions africaines, il a été un adolescent qui essayait de devenir un homme en entreprenant Alice la fille de bourgeois de province.

 

Si j’écris à ce stade de ma chronique que mon métier, si tant est que ce fut un métier, s’est apparenté à celui d’un « mercenaire » vous allez dire que je suis complètement à l’Ouest. Et pourtant, un commanditaire m’a missionné et je me suis exécuté en me portant sur le terrain. Et c’est là que mes ennuis ont commencé car j’avais face à moi des cibles si mouvantes qu’il m’était difficile de les placer dans mon collimateur. J’arrête là ma comparaison non sans préciser que je me dois d’ajouter que mes commanditaires ont souvent changé et que depuis plusieurs années, pour ce qui concerne le vin, mon commanditaire ne me demande plus rien.

 

Face à cette vacance je me suis mis à mon compte en ouvrant, il y a presque 6 ans, un petit espace de liberté sur le bord de l’autoroute du Net. Je mène donc une double vie. Au début ce ne fut pas facile de me débarrasser de mes tics de décideur. J’ai tenté d’ouvrir des brèches, en créant le club Sans Interdit par exemple, mais je me suis très vite aperçu que le champ des décideurs, plein de mines, était le champ clos où s’ébattaient les maîtres du troupeau. En conséquence tout ce que je puis faire maintenant c’est aider, ouvrir plus encore mon espace de liberté à celles et ceux qui, au-delà de la pure réaction émotionnelle du type « sauvetage Olivier B » veulent utiliser à plein l’outil réseau social pour réinitialiser du collectif dans le nuage de points que sont les vignerons et ceux qui tournent autour.

 

S’en tenir à un enthousiasme communicatif : « c’est formidable il est passé à France 3 de je ne sais où ou sur RMC avec je ne sais qui » me semble un résultat, sans doute ponctuellement intéressant, mais qui ne permet pas de tenir la distance. Moutonniers les médias traditionnels se précipitent tous en même temps sur la dernière misère du monde mais comme il y en a beaucoup une misère chasse l’autre et le fusil risque de n’être qu'à un seul coup.

 

Que puis-je faire, que pouvons-nous faire pour jeter les bases d’une plate-forme où nous pourrions mettre en culture des réponses concrètes, aussi modestes soient-elles, aux problèmes posés. Nous mettre les mains dans le cambouis. Avancer à petits pas de concert me semble plus porteur que de s’agiter chacun dans nos petites crèmeries. Objections votre honneur comme on dit dans les prétoires américains : pas le temps, pas de moyens, pas de ceci, pas de cela, et patati et patata... 

 

Ma proposition pour faire avancer les choses est simple : que nous nous retrouvions en Beaujolais dans quelque temps pour une journée de travail et de convivialité, un samedi par exemple, pour concrétiser notre plate-forme qui permettrait à un réseau de fonctionner et d’agir. Chacun y viendrait par ses propres moyens et moi je verrais avec mes amis du Beaujolais comment nous accueillir.

 

Si j’ai choisi le Beaujolais c’est que mon opération Grand Malade lancée par une première chronique datant du 19 mars 2010 link vient de recevoir un premier retour institutionnel datant du 4 février 2011. En effet,  suite à ma chronique sur la bande des 15 : le Délégué Général d’Inter Beaujolais dans un e-mail me fait savoir qu’il lit avec intérêt mon blog et que celui-ci ne laisse pas l’interprofession indifférente. Il m’a invité en Beaujolais et je m’y rendrai avec plaisir.

 

Ceci écrit il n’entre nullement dans mon intention de m’immiscer dans les affaires des vignerons du Beaujolais mais de faire en sorte qu’au travers de mon espace de liberté se fonde avec vous tous une forme nouvelle de solidarité, des liens, des principes d’action, qui bien évidemment ne se limiteraient pas à la région d’accueil. En écrivant ce que je viens d’écrire j’ai totalement conscience de partir sur des terres inexplorées, de prendre le risque du bide total, mais peu m’importe car si je reste dans ma position de tireur couché, indifférent, il viendra le jour où je fermerai la boutique pour cause d’inutilité.

 

Maintenant c'est à vous de jouer.

 

Je prends les noms ! 

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