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9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 00:01

images-Pain-amour.jpgimages Gina

Avis aux amateurs de vin : votre chroniqueur préféré cause vin tout à la fin, veuillez ne pas quitter et patienter.

 

Mon frère aîné Alain, grand lecteur de Cinémonde, vouait à Gina Lollobrigida une admiration sans bornes qui valait à la belle italienne d’être épinglée, en tenue légère, sur le mur de notre chambre commune ce qui bien sûr mettait notre sainte mère dans tous ses états. Aguichante elle incarnait le péché de chair : j’adorais ! « Pain, amour et fantaisie » de Luigi Comencini, sorti en 1953, mais jamais projeté au Rex de la Mothe-Achard car classé pour adultes avec réserves par l’OCIC (l’Office Catholique International du Cinéma créé en 1928 à Rome et relayé en France par la CCA). L’Eglise tenait ses ouailles dans nos campagnes, mon frère du donc aller le voir au Modern des Sables d’Olonne. Considéré par la critique comme le meilleur film de Gina Lollobrigida, celui où elle est la plus naturelle, connu une grande popularité et deux suites furent tournées, la première avec Lollobrigida et la seconde avec Sophia Loren : Pain, Amour et Jalousie et Pain, Amour, Ainsi-soit-il. Tout ça pour dire que mon amour pour l’Italie date de mon plus jeune âge et qu’il naquit sur le versant des femmes.

alberto-toscano-sarkozy-me-prend-au-pied-de-la-lettre-alber.jpg« Avoir 20 ans en 1968 », n’en déplaise à Paul Nizan dans Aden Arabie « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. », Alberto Toscano et moi-même partageons un avis contraire, ce fut le plus bel âge de notre vie car lui à Milan, moi plus modestement à Nantes où le FC Nantes de José Arribas ne brillaient pas des mêmes feux que l’Inter (j’adorais le grand Fachetti), nous nous sommes engagés dans ce mouvement à la fois contestataire et promoteur de liberté et de légèreté. Alberto est un Italien de France, en 1986, il s’y est installé définitivement après de nombreux séjours, dont la couverture des élections présidentielles de 1981. Il sera l’un des derniers à interviewer Pierre Mendès-France. C’est un grand journaliste, belle plume et bon débateur, européen convaincu, il fait partie du groupe des polémistes de l’émission On refait le monde sur RTL et il participe régulièrement à l’émission Kiosque sur la chaîne de télévision francophone TV5. Il est également collaborateur du quotidien La Croix, président de l’Association de la Presse étrangère (APE) en 1996-1997, président du Club de la Presse européenne (depuis 2000). Nous sommes rencontrés sur la Net, plus précisément sur mon Espace de Liberté. En effet, lorsqu’Alberto Toscano publia son livre  « Critique amoureuse des Français » chez Hachette en 2009 je pondis en juillet une chronique où j’affichais mon amour pour l’Italie link. Alberto la découvrit et m’appela au téléphone. Je crapahutais en Corse. Nous convînmes de nous retrouver à déjeuner à la rentrée. Et puis pour des raisons propres à nos vies ce rendez-vous fut différé. Et puis mes pérégrinations me menèrent dernièrement jusqu’à un nouveau restaurant italien qui venait de s’ouvrir : le RAP (comme Ristorante Alessandra Pierini celle par qui le lieu est né) au 24 rue Rodier dans le neuvième arrondissement. Heureux de mon repas avant de reprendre le collier je papotais avec Alessandra et dans la conversation j’évoquai Alberto. Bonne pioche, Alessandra avait lu « Critique amoureuse des Français » dans le TGV Paris-Marseille qu’elle empruntait pour venir prospecter afin de trouver le lieu de son restaurant parisien. La suite est facile à imaginer : je contacte Alberto et nous voici autour d’une table chez RAP.

 

Comme tout bon parisien qui se respecte lorsqu’il quitte ses territoires connus Alberto s’est un peu égaré dans le quartier avant de rejoindre RAP. Cette jeune maison est élégante, simple, pas de chichis, l’accueil d’Alessandra est chaleureux et souriant et le service de Giovanni attentionné sans être envahissant. Avant d’ouvrir son restaurant à Paris Alessandra Pierini, native de Gênes, a tenu pendant 17 ans une épicerie « Pasta e Dolce » qui faisait restaurant à midi dans le quartier St Giniez à Marseille (8 arrt). Ici, c’est elle tient restaurant au 24 rue Rodier www.rapparis.fr et épicerie en face au 15 de la rue. Une fois qu’Alberto eut repris son souffle et qu’Alessandra ait obtenue sa dédicace sur son exemplaire de « Critique amoureuse des Français » nous trinquons à la nouvelle année avec une flute de Prosecco frizzante Torbia La Caneva. Les sujets de conversation ne manquent pas : le président du Conseil italien et notre président sont des sources inépuisables pour ce genre d’exercice. Dans son livre Alberto consacre un chapitre à la première dame de France, sa compatriote, sous le titre « Carla Bruni est une chanteuse ». Il écrivait, à juste raison, « Malgré les moqueries de certains, Carla n’est pas un « objet » de décoration de l’Élysée, mais une protagoniste à part entière de la vie politique et institutionnelle nationale » Comme je suis en train de lire le livre d’entretiens avec Carla Mosca et Rossana Rossanda de Mario Moretti, l’une des « têtes pensantes » des Brigades Rouges, « Brigate Rosse » Une histoire italienne j’interroge Alberto sur les années de plomb et nous partageons le même point de vue sur Cesare Battesti. La conservation roule allant de l’huile d’olive au football en passant par Michel Rocard qu’Alberto reçoit régulièrement à son club de la Presse européen.

 L1000404-copie-1.JPG

Rassurez-vous nous mangeons et nous buvons tout en causant. Alberto, tout comme moi, apprécie la cuisine et le vins de RAP. La carte est courte : deux antipasti, deux primi, trois secondi et trois dolce mais offre un réel choix. C’est fin, frais, plein de saveurs préservées. De la vraie cuisine toute en finesse qui ravit et nourrit. Entre autres j’ai beaucoup aimé les Tagiolini in sugo di anatra al cedro (tagliolini, sauce de canard au cédrat), les Filetto di branzino, sugo di vogole e carciofi (filet de bar de ligne, jus de palourdes et artichauts) et la Pastieria napoletana con salsa di arancia rossa (pastieria napolitaine à l’orange sanguine).

Du côté des vins nous avons bu :

- en blanc Ansonaco Isola del Giglio Carfagna link

- en rouge Le Amandole Barbera d’Asti 2006

J’avais bu, lors d’un précédent déjeuner un superbe Montebuono Uno Maga 1986 rouge.

Giovanni est un amoureux du vin : ça se sent et ça se voit. Ses vins, dans la tendance dites « nature » sont de petits bijoux qui se marient très bien avec la cuisine raffinée de RAP. Je reviendrai dans une future chronique sur la cave de RAP (on trouve aussi les vins à l’épicerie) car comme le dit la carte « c’est au fil du temps, à fur et à mesure que notre jeune restaurant grandira, que la carte des vins évoluera avec votre aide et votre appréciation ». Cette simplicité et cette ouverture d’esprit sont à saluer tout comme le prix des vins qui est très raisonnable commence à 19€ avec un beau lot autour des 20 à 25€. De plus pour RAP « le vin reste un élément de fête et de connaissance. Boire du vin avec modération, c’est aussi raviver sa mémoire culturelle. »

2010102616380.jpgansonaco carfagna

 

Tout comme j’ai fait découvrir à Alberto Toscano ce petit bijou italien de Paris qu’est RAP 24 rue Rodier www.rapparis.fr je vous invite à suivre mes bonnes manières : allez-y ! Accueil garanti, cuisine de belle expression et pour les vins du cousu main. De plus à l’épicerie en face vous pourrez faire vos commissions.  

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4 février 2011 5 04 /02 /février /2011 00:09

Ce matin je mets les pieds dans le plat, le mien : ne serais-je qu’un arroseur arrosé ? Un harangueur de marché forain qui se permet de remonter les bretelles des petits agités de la blogosphère pour leur inconstance alors que lui balance en permanence des opérations à la pelle, telle celle dites Grand Corps Malade, fait trois petits tours et puis remballe sa marchandise en laissant les problèmes en plan. Oui, j’ai pleine conscience que, n’ayant qu’un pouvoir tribunicien, si les personnes en charge des questions que j’aborde sur mon espace de liberté ne reprennent pas mes idées, bonnes ou mauvaises, au bond elles tombent dans le grand puits sans fond des initiatives sans lendemain. C’est ce qui est arrivé, dans une certaine mesure, à mon opération Grand Malade concernant le Beaujolais où je m’auto-missionnais : elle n’a trouvé aucun écho auprès ni de l’Interprofession, ni des structures professionnelles de cette région. Le silence, l’indifférence, à quelques exceptions notables près, m’ont remis à ma juste place : celle d’un petit chroniqueur de la Toile.

 

Que voulez-vous que j’y fasse ? Rien bien sûr, depuis de nombreuses années je ne suis qu’un observateur privilégié des choses du vin à qui certains répètent à l’envi que... je vous fais grâce de la suite car elle me fatigue, me saoule, m’irrite. Dans toutes les missions qui m’ont été confiées par le passé jamais je ne me suis érigé en donneur de solutions me contentant du rôle, plus modeste, d’accoucheur de décisions. Ce qui me frappe en notre vieux pays, et ce n’est pas propre à la viticulture, c’est notre grande capacité d’analyse des situations : que de rapports accumulés, avec pour corollaire notre absolue incapacité de poser les termes de vrais choix, de nous en tenir à l’essentiel, de dégager une ou deux priorités et puis tout bêtement de décider. L’image des carrefours parisiens lorsque les feux tricolores sont en rade, où les automobilistes s’auto-bloquent, est la plus parlante. En clair qu’importe ma propre immobilisation si tout le monde est logé à la même enseigne. La médiation n’est pas dans nos gènes. Le faire est l’ennemi des systèmes bureaucratiques publics et privés où chacun défend son pré-carré, balise, mégote, s’enlise.

 

Bref, tout ça m’emmerde prodigieusement donc j’ai pris le parti de cesser de me faire du mauvais sang pour les uns et pour les autres, l’armée de ceux qui, sans doute à juste titre, estiment qu’il vaut mieux payer fort cher des audits de cabinets spécialisés, ces nouvelles sangsues du monde postmodernes, plutôt que de réfléchir par soi-même afin de prendre à bras le corps les sujets qui fâchent. La prolifération des conseils externes en tout genre symbolise pour moi une forme de démission de la responsabilité, un transfert comme le dirait les psys. Se prendre en mains, assumer sa part dans la décision, assembler des diversités, aller à contre-courant des longs fleuves charrieur de CVO, ouvrir grandes les portes et les fenêtres, c’est ce qu’ont fait les 15 du Beaujolais (1) avec Expressions d’Origine. Moi ça me plaît, ça me réconforte, ça me donne envie. Bien sûr, certains vont m’objecter que j’ai du retard à l’allumage puisque ce groupe est né il y a plus de deux ans. Qu’importe ! Et qu’on ne vienne pas me dire que ce ne sont que des gens d’en haut, un club de nantis, car alors je vais sortir l’artillerie lourde. Pour moi ce qui compte avant tout c’est que la bande des 15 œuvre pour l’extension du domaine du vin au travers d’une tradition revisitée du Beaujolais.

 Groupe17Oct08PhotoMichelGodet

J’en ai rencontré une poignée d’entre eux, non pas derrière un pilier de Notre-Dame comme Claudel a découvert Dieu mais au SHIRA à Lyon. Mes petits élytres se sont mis de suite en mouvement. Marie Lapierre (sur la photo des origines l'ami Marcel était toujours des nôtres), Dominique Piron, Guillaume de Castelnau, Pierre-Marie Chermette sont là, le plaisir d’une conversation à bâtons rompus : Dieu que je suis bavard !. Avec eux je retrouve mes envies de petit soldat, simple fantassin du vin : mon espace de liberté leur est grand ouvert et je suis sûr qu’à l’avenir, avec eux, je travaillerai non pas défendre le Beaujolais de papa mais à faire en sorte que celui du 21ième siècle reprenne sa place dans l’imaginaire des citoyens du monde. Ce matin je vous livre le texte de leurs Origines. Affaire à suivre sur mes lignes...   viewer-O

E x p r e s s i o n s d ’ O r i g i n e

D e s v i g n e r on s e n Mouvement

 

Un nom étymologique

 

Expression n.f.

1. Action d’exprimer quelque chose par le langage.

2. Manière de s’exprimer par le langage.

3. Expressivité d’une oeuvre d’art, musicale, littéraire…

Origine n.f.

1. Première manifestation, commencement, principe.

2. Point de départ.

3. Milieu d’où quelqu’un est issu.

4. Temps, lieu, milieu d’où quelqu’un est issu.

5. À l’origine, dès l’origine.

 

Du vin joyeux au vin triste

 

La photographie d’un vignoble balise bien des domaines : l’histoire, la géographie, l’économie, la sociologie, la culture, pour ne citer que les fondamentaux. Voilà pourquoi chaque vignoble en France ne ressemble à aucun autre.

Avant‐guerre, le vin du Beaujolais était la boisson populaire par excellence. Le "p’tit vin" des toiles cirées et des zincs des troquets lyonnais et parisiens, le "p’tit vin" des cochonnailles, du tablier de sapeur et de l’andouillette, le "p’tit vin" des cafés buvettes des villages. Une période joyeuse devenue prospère dans les décennies qui suivirent. Dans les années 1970, le vignoble a plus que doublé de superficie, les rendements ont suivi la même inflation positive et les exportations ont connu une croissance à deux chiffres. Bref, un boom sans précédent.

Le Beaujolais était à la mode, mais pas seulement. Les gros négociants bourguignons avaient bien vu tout le profit qu’ils pourraient tirer de ces vins à petits prix quand les bourgognes devenaient de plus en plus chers. Quant à la grande distribution, elle a vite compris que le concept de "p’tit vin léger et facile, à consommer dans l’année" était une manne inépuisable. Puis vint le Beaujolais Nouveau, le muguet du 15 novembre, un vin hypertechno et sous contrôle total dans les camions citernes en partance pour la France entière et pour l’Europe ou dans les containers direction  outre-Atlantique. La promotion du Beaujolais Nouveau ? Une propagande sans précédent en matière de vin, une stratégie de communication relayée par tous les mass-médias sans compter les affiches placardées partout. Chaque année, c’est la campagne électorale du Beaujolais Nouveau ! À force de matraquage est arrivé ce qui devait arriver : les consommateurs ne voient plus le Beaujolais qu’au travers du prisme Beaujolais Nouveau. La région ne connaît plus que la règle des trois unités : un lieu, un jour, un vin. Bref, une tragédie !

Aujourd’hui, le vin joyeux ne fait plus rire grand monde et surtout pas les vignerons ‐ les vrais – profondément attachés à leur patrimoine viticole et soucieux de le respecter. Dans cette épopée canaille du Beaujolais Nouveau, les crus sont passés à la trappe, la région s’est figée et la crise s’est installée pour de bon.

 

L’union fait la force

 

Alors quoi ? Suivre les faiseurs d’opinions et de modes ? Rester à quai en regardant passer le train de la modernité et de la mondialisation du vin ? Balayer une demande internationale sans précédent ? Laisser les jeunes engloutir des wagons de premix et d’alcopops ? Conjuguer le Beaujolais à l’imparfait ?

Pour Expressions d’Origine, impossible !

Expressions d’Origine ? 15 vignerons qui refusent cette fatalité et qui n’acceptent pas la disgrâce de leurs vins et de leur région.

15 vignerons qui pensent comme un seul homme :

Non, il n’y a pas les bons vins d’un côté et les beaujolais de l’autre !

On ne lâchera jamais le Beaujolais car il appartient au monde culturel et patrimonial du vin.

La valeur ajoutée de notre région tient dans cette trilogie : terroirs, cépage, hommes.

Dix crus, dix identités fortes, une collection haut de gamme pour le Beaujolais.

Expressions d’Origine ? Une association de bienfaiteurs du Beaujolais. Aucune leçon à donner et surtout pas aux autres

vignerons. Une seule évidence les a réunis : l’urgence de bouger, de parler, d’agir. Le faire en équipe plutôt qu’en solo, c’est l’assurance d’être mieux entendu et mieux compris. C’est la possibilité de parler haut et fort plutôt que de  chuchoter dans son coin.

 

Une certitude aussi : Expressions d’Origine n’est pas un "club de marque". Les esprits chagrins diront que ce groupe est la crème du Beaujolais ne cherchant qu’à se faire mousser davantage. Une analyse de l’épargne trop facile.

Expressions d’Origine, c’est un élan avec des engagements forts, ses mots d’ordre ne sont pas dictés par le goût du  pouvoir.

Expressions d’Origine, c’est l’ébauche d’un mouvement en lutte comme l’immobilisme, la résignation et la médiocrité. Un mouvement, par définition, est une organisation dont l’objectif principal est la sensibilisation à des convictions.

Expressions d’Origine est donc bien un mouvement qui espère ouvrir une voie nouvelle et qu’elle profite au plus grand nombre.

 

 

La Bande des 15

Domaine du Vissoux, Pierre-Marie Chermette à Saint-Vérand

Domaine des Terres Dorées, Jean-Paul Brun à Charnay

Château de la Chaize, Madame de Roussy de Sales à Odenas

Château Thivin, Claude Geoffray à Odenas

Domaine Dominique Piron à Villié-Morgon

Domaine Jean-Marc Burgaud à Villié-Morgon

Domaine Louis Desvignes à Villié-Morgon

Domaine Jean Foillard à Villié-Morgon

Domaine Marcel Lapierre à Villié-Morgon

Château des jacques, Guillaume de Castelnau à Romanèche-Thorins

Domaine Paul Janin et Fils, Eric Janin à Rornanèche-Thorins

Domaine de la Madone, Jean-Marc Després à Fleurie

Clos de la Roilette, Alain Coudert à Fleurie

Domaine Michel Chignard à Fleurie

Clos de Haute Combe, Vincent Audras à Juliénas

 

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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 00:00

Comme promis dans ma précédente chronique « Moi, je suis vigneron » link mois après mois je suis pas à pas sous la plume d’André Lagrange la vie du Toine dans ses gestes de vigneron qui vit au hameau le Pavé près du mont Juillet, le géant protecteur du vaste cirque de Vinzelles. Une seule route goudronnée qui va de Sacy, le chef-lieu de canton, au sud, à Mercœur, au nord, en passant par le Pavé. Il y a encore deux chemins, mais seulement cylindrées, tout le reste c’est des sentiers : peu de chemins, peu de maisons : des vignes, des vignes partout, sauf le long de la Couramble où s’étendent des prairies : il faut bien nourrir les chevaux, et, si l’on peut, des vaches pour le laitage. »   photo Marionnet

Nous sommes en février, comme j’ai commencé la semaine avec Henry Marionnet et sa vigne préphylloxérique j’ai choisi l’épisode où il est question du provignage. C’est Le Toine qui parle au cours d’une partie de tarots animée, au café du village entre le Dodille, le Bénévent, le Baptiste Duveau, et le facteur de Mercœur, le José, célèbre pour ses chutes de bicyclette, dues à d’inexplicables ruptures d’équilibre, inexplicables, à ce qu’il prétend, tout au moins.

 

« C’était en plein phylloxéra. Tu sais ce que c’est ?

- Oui, quand même.

- Le phylloxéra ? Un insecte tout petit, atomique, pour me servir d’un mot d’à présent.

Y suce les racines jusqu’au sang, et leur brûle la gueule : quand tu as plus de dents, plus de mâchoires, plus de lèvres, tu peux plus te nourrir ? Non !

Alors tu as plus qu’à crever !

C’est ce qu’a fait la vigne, de quatre-vingt-huit à quatre-vingt-douze : pire que de la chlorose ; ça sèche tout ; la gelée, ça frille, mais c’est rien à côté.

Ah ! Il fallait être là, pour voir ça !

Vous boiriez plus de vin, si les vieux avaient pas travaillé pour vous.

(...)

- Alors, Qu’est-ce qu’y fallait donc faire ? s’inquiète le Dodille.

- Ce qu’on a fait, réplique le Toine. On s’est modelé sur le Midi, que le phylloxéra avait ravagé bien avant nous.

Alors, on a greffé nos plants sur du sauvage américain, un bois qui résiste à cette saloperie de bestiole.

(...)

Mais c’est tout de même grâce à ça que le vignoble a été sauvé, grâce qux partisans du greffage sur bois américain, aux Américanistes.

(...)

- Les vieux ont jamais pu se consoler de la disparition du plant direct français ; ils ont continuellement soutenu que l’américain, ça flanquait un goût de lavasse ou de bonbon.

Question alcool ? Pas de différence, mais ça tue le bouquet.

Avant, la qualité restait à peu près égale partout.

- Vous n’allez pas nous faire croire que dans les vieilles vignes... insinue le Bénévent.

- Les vieilles vignes ? Y en avait point.

Y avait des pièces de cent ans, mille ans, peut-être plus, mais les ceps dépassaient jamais vingt-cinq ans.

- Ça c’est un coup de Voronoff !

- Aussi vrai que te dis, et plus que te crois.

La vigne se rajeunissait par elle-même ; on creusait un trou ; on couchait dans la terre un cep pas trop mauvais ; on tirait deux, trois, quatre sarments, les saillies, et on les dirigeait sur des places vides, les pieds qu’on avait arrachés, parce qu’ils étaient crevés, ou qu’y ne rendaient plus guère ; on rebouchait les fosses, pis, l’année d’après, ça formait, tout ça, des ceps nouveaux.

- Alors, pas besoin de planter ? demande le Baptiste.

- Si, dans les fonds où la vigne n’avait jamais existé...

Un enclos, on le divisait en vingt-cinq parties.

Tous les ans on en provignait on en preulait, un vingt-cinquième, des fois plus, des fois moins, ça dépendait de la nature du terrain et de l’exposition.

Dans un terrain fort, la vigne résiste mieux dans un terrain faible, y fallait la renouveler plus souvent par des preus, sans ça, elle aurait dégénéré et donné des grumes grosses comme des têtes d’épingles.

Pis, dans les vignes au Nord, qui craignent davantage les gelées, on opérait plus souvent : un cep qui vieillit, c’est comme un homme qui prend de l’âge, plus sujet aux coups de froid.

Pis, avec les pieds du temps, qui poussaient des fois jusqu’à des sept mètres hors de terre, la glace avait bien plus de prise.

Le provignage ça occupait bien, du mois de janvier au mois de mars, à condition que ça soit pas trop gelé, et de préférence, en vieille lune, parce que c’est plus de fruit.

Un vigneron à moitié, une supposition, c’était son plan de preuler le plus possible : y a ben plu de marchandises à récolter, pour le patron, ben sûr, mais par le fait, pour lui aussi.

Les gagés, eux, se cassaient pas la tête.

Les Môssieus, étaient obligés de les payer en supplément, pour les preus... Oui, mais les vrais vignerons se levaient bien avant jour, trempaient un bout de pain sans un demi-verre de goutte ou de riquiqui, et trottaient jusqu’à leur vigne, hotte au dos. »

 

Petit questionnaire pour parisien tête de vin

 

1-     les preus qu’est-ce ? et preuler ? Quel est le terme dont est dérivé ce nom de la langue vulgaire ?

2-    un vigneron à moitié est-il un demi-vigneron ou un vigneron entier ?

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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 00:09

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Qui, mieux qu’Aubert de Villaine, pouvait incarner la candidature des Climats de Bourgogne au Patrimoine Mondial de l’Humanité à l’Unesco ? Dans un monde du paraître, des paillettes, cet homme droit, ce gentilhomme au sens premier du terme, ne cherche jamais à capter la lumière qui émane du domaine mythique de la Romanée-Conti dont il est copropriétaire, il tient son rang sans ostentation, avec l’élégance de ceux qui font, avec l’exigence qui sied à un homme en charge de la naissance six grands crus de vins rouges tous aussi extraordinaires : la romanée-conti, qui a donné son nom au domaine, la tâche, richebourg, romanée-saint-vivant, grands echezeaux et echezeaux, et un seul grand cru blanc du domaine le rarissime et fabuleux montrachet. Pour faire progresser un dossier comme celui de la candidature des Climats de Bourgogne au Patrimoine Mondial de l’Humanité à l’Unesco  dans les sphères, dites élevées, il faut cultiver l’art et la manière dit-on, user de diplomatie et de conviction, Aubert de Villaine y ajoutera son haut degré d’exigence.

 

L’accueillir sur mon petit espace de liberté est pour moi, à la fois, un grand honneur et une marque de considération de sa part qui me vont droit au cœur. Lorsque je l’ai sollicité, à la suite de la Conférence de presse, salle des Pôvres, le matin de la vente des Hospices de Beaune, et qu’il m’a répondu, avec sa courtoisie habituelle, qu’il se soumettrait avec plaisir à mes 3 questions j’en ai éprouvé une réelle fierté. Grand merci donc à Aubert de Villaine d’avoir trouvé dans son emploi du temps fort chargé le temps d’être mon invité.

 

Question 1 :

Bonjour Aubert de Villaine, sans jouer les érudits, dans ma jeunesse vendéenne, loin de la Bourgogne, Climats, avec un s et un C majuscule, évoquait pour moi un très beau roman d’André Maurois. Bien sûr, par la suite j’ai découvert les climats de la Bourgogne pour lesquels, comme le dit joliment Bernard Pivot « on ne lève pas les yeux au ciel mais on les baisse sur la terre ». Cependant, pour nos jeunes pousses qui abordent le monde du vin dites-nous, Aubert de Villaine, de quoi s’agit-il exactement ? 

 

Aubert de Villaine :

Comme vous j’ai lu dans ma jeunesse ce roman d’A. Maurois. Je viens d’essayer de le retrouver parmi mes livres, mais sans succès. J’ai bien sûr oublié son contenu, mais il s’agissait, je crois, plutôt des « climats du cœur », ce qui déjà nous éloigne de la climatologie science de l’atmosphère et nous rapproche des « climats » bourguignons, puisque ceux-ci, comme le cœur humain oserai-je avancer avec le risque de filer exagérément la métaphore, se caractérisent aussi par la diversité dans l’unité : unité globale d’un territoire de 50 kms de long sur à peine 1 km au plus large et sa succession de coteaux avec même orientation et même caractère géologique argilo-calcaire – mais aussi, sur ce mince ruban, une diversité extrême de nuances d’expositions, de sols et de microclimats. N’est-ce pas le propre du cœur humain que d’être un et divers ?  Nous, porteurs de la candidature, parlons souvent de la Côte, site des climats, comme d’un cœur qui bat, un et multiple à la fois. 

 

Les climats en Bourgogne ? « ce sont des parcelles de vigne révélées par leur potentiel viticole au regard de conditions géologiques et atmosphériques spécifiques, nommées en général depuis le Moyen-Age au moins et précisément délimitées (en premier par les murs des clos que l’on connaît parfois depuis au moins le 6ème siècle avec la loi des Burgondes) et qui se sont constituées par la différenciation des vins qu’elles produisent et par leur hiérarchisation ».

 

Un climat c'est donc une parcelle de vigne connue souvent sous le même nom depuis des siècles et qui possède une identité propre : culturelle à travers une histoire qui s'étend sur 2000 ans, naturelle telle qu’elle est définie par ses sol, sous-sol, exposition et microclimat particuliers. Le Clos de Vougeot, la Romanée Conti, le Clos de Tart,  le Corton Renardes, le Pommard Rugiens, le Montrachet sont des climats. On en décompte 1247 en Côte d’Or. 

 

« On peut s'interroger sur les processus humains qui, sur cet étroit ruban, ont conduit à différencier des lieux aux caractères aussi affirmés et à construire un parcellaire aussi minutieux. La réponse est en partie dans les contraintes et le risque qu'impose un vignoble situé aux limites septentrionales de la culture de la vigne, établi sur terrain calcaire, pentu, au sol peu profond, pierreux et qui s'oblige en plus à la culture d'un seul cépage, le pinot pour les vins rouges, le chardonnay pour les vins blancs ».

 

Ces contraintes à l'œuvre humaine constituent l'essence même des climats de la Côte d'Or. C'est elles qui ont permis la pérennisation de l'expression de la personnalité des lieux en tant que Projet de l’homme et de la nature. Les fameux « usages locaux, loyaux et constants » sont la réponse du génie humain aux contraintes naturelles, édifiée sur des siècles d’expérience, en vue de faire des vins d’excellence. 

 

Cette viticulture bourguignonne des climats a donné naissance à une économie et à une culture aujourd'hui plus vivantes que jamais qui ont produit et continuent de produire non seulement des vins internationalement reconnus, mais aussi des paysages remarquables - c'est la mosaïque des climats, si spectaculaire à l’Automne, qui s’étire de Dijon aux Maranges - et tout un patrimoine bâti, celui du vignoble et des villages, des villes de Beaune et de Dijon - avec un lien fort qui relie cet ensemble, la pierre calcaire. Roche-mère qui définit et hiérarchise les climats dont elle est le socle, pierre  de construction de tout le patrimoine bâti autour des climats : les murets, les cabotes, les églises, les cuveries… les labyrinthes de caves souterraines de Beaune et les Hospices ou le Palais des Etats de Bourgogne à Dijon…

 

Le « climat » en Bourgogne, c’est donc une oeuvre conjuguée de l'Homme et de la nature où génie du lieu et génie humain s'accomplissent ensemble – et ne peuvent que s’accomplir ensemble - dans le cadre d'une très longue durée historique.

 

Il en résulte que les climats de la Côte viticole de Côte d’Or et la constante référence au lieu pour caractériser les vins dont elle est le site emblématique sont aujourd’hui regardés dans le monde entier comme le modèle de la viticulture de terroir, son berceau et son archétype.

 

Quant au mot même de « climat », on le trouve utilisé officiellement dans les actes notariés depuis au moins le 16ème siècle, puis dans les premiers guides et traités à partir du 17ème, mais il est évident qu’il était usité oralement depuis bien plus longtemps. L’inclure dans le titre du dossier malgré les difficultés apparentes que peut présenter l’utilisation d’un mot du langage courant dans un sens particulier local nous a semblé une évidence. Comme le dit joliment Bernard Pivot, le président de notre comité de soutien, « la Bourgogne st la seule région au monde à avoir un climat dans le ciel et  des centaines de climats sur la terre… ».   

 

C'est donc l’idée de climat et la culture qu’elle a matérialisée autour d’elle qui sont au coeur de la Valeur Universelle Exceptionnelle qui justifie la candidature de la côte viticole au patrimoine mondial.

 

 

Question 2 :

Fort bien mais certains esprits chagrins vont objecter : pourquoi diable vouloir faire inscrire les climats de la Bourgogne sur la Liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco ? Sont-ils uniques ? Sont-ils en danger ? Je ne sais, dites-nous Aubert de Villaine qu’elle a été la genèse et les motivations de cette démarche de demande d’inscription ?

 

Aubert de Villaine :

Modèle de la viticulture de terroir, « le site culturel des « climats » est un conservatoire unique et vivant de savoir-faire et de traditions transmis et constamment enrichis que l’urbanisation et la banalisation actuelle des pratiques et des goûts pourraient rendre vulnérable ». De même, face aux tendances à l’uniformisation du monde, la protection de la diversité est un enjeu pour l’humanité,

 

Cette place unique dans le patrimoine de l’humanité de la culture des climats et du territoire qu’elle a construit, il nous semble important de l’affirmer aujourd’hui, certes pour démontrer au monde extérieur la vocation exceptionnelle de la Bourgogne, mais aussi et peut-être surtout pour faire prendre conscience à l’intérieur même du territoire de son caractère précieux, unique, patrimonial et qu’il est absolument impératif de veiller à ce que les moyens existent pour qu’elle perdure.

                                                                                                         

Et cela, nous le faisons en un moment de l’Histoire :

 

- où les règlements mondiaux et européens tentent de faire passer toutes les viticultures du monde dans un crible commun,

 

- où les AOC ont perdu un peu de leur aura et où on a le sentiment que l’I.N.A.O. sert plus à relayer les décisions européennes qu’à défendre nos spécificités françaises,

 

- où, dans un monde en mutation accélérée, il est capital de marquer les valeurs qui vous distinguent,

 

- où l’urbanisme dans le vignoble a besoin d’être maîtrisé (il est parfois presque top tard !) et où il est capital que la Bourgogne montre qu’elle est à l’avant-garde dans la protection de son patrimoine,

 

- où le développement durable a pris un poids essentiel et devient un critère déterminant de stratégie de développement et de conquête des marchés,

 

Question 3 : Le projet est sur les rails depuis avril 2009, le gouvernement français l’a en effet confirmé sur la liste des biens qu’il entend présenter à l’Unesco. Où en est le dossier ? Quelles sont les prochaines étapes que vous avez à franchir pour le constituer et le remettre aux autorités compétentes de notre pays fin 2011 afin d’être retenu parmi les 2 dossiers présentés annuellement à l’Unesco ?  Que peuvent faire mes lecteurs pour vous soutenir ?

 

Aubert de Villaine :

En Avril 2009 le Comité National des Biens Français a en effet confirmé le dossier des climats sur la liste dite indicative des dossiers qui pourraient être présentés au Comité International de l’Unesco. Depuis cette date beaucoup de travail a été réalisé tant au niveau de la démonstration de la Valeur Universelle Exceptionnelle du site – c’est le dossier dit scientifique qui est la base de la candidature – que de la mise en place d’un plan de gestion, élément lui aussi capital pour l’inscription puisqu’il consiste à prouver aux commissions de l’Unesco qui viendront inspecter le site que celui-ci possède les outils propres à le protéger et à assurer sa pérennité. On sait que l‘Unesco n’hésite guère à rayer un site de la liste du patrimoine mondial si celui-ci ne respecte pas les engagements pris lors de l’inscription.

 

Le 11 Janvier dernier, nous avons fait un point d’étape auprès du Comité national réuni par les Ministères de la Culture et de l’Environnement. Nous espérons maintenant être invités par le même Comité National à présenter notre dossier finalisé à la fin de cette année 2011.

 

Pour la suite il est préférable de ne pas en préjuger pour l’instant, sachant qu’on doit être choisi par l’Etat français parmi d’autres dossiers pour être l’un des deux que peut présenter la France chaque année, ce qui  ne peut pas être envisagé pour nous avant 2012 au plus tôt, vraisemblablement plutôt en 2013. L’Unesco a ensuite une année et demi pour examiner le dossier avant qu’il ne soit présenté officiellement pour être admis sur la liste du patrimoine mondial…ou refusé, ce qui est loin d’être rare : la France s’est vue à plusieurs reprises refuser des dossiers qui, dans ce cas, après révision, peuvent être présentés à nouveau à des sessions ultérieures. Comme vous le voyez le parcours des Climats de Bourgogne vers le patrimoine mondial est loin d’être arrivé à son terme !

 

Entre-temps ont été engagées de nombreuses actions de communication dont le but est de mieux faire connaître la candidature et d’encourager son appropriation par la population du territoire. Par exemple une exposition exceptionnelle de photographies évoquant la culture des climats est actuellement accrochée dans la cuverie du Château du Clos de Vougeot, siège social de l’association, après l’avoir été sur les murs du Palais des Etats à Dijon puis des Hospices de Beaune et avant de l’être au printemps prochain à Nuits-St-Georges.

 

On peut soutenir la candidature portée par l’Association pour l’inscription des Climats du vignoble de Bourgogne au patrimoine mondial de l’UNESCO en rejoignant notre comité de soutien.

On peut s’inscrire sur le site : WWW.CLIMATS-BOURGOGNE.COM

 

 

N.B. Les phrases mises entre guillemets sont tirées de textes du Professeur Garcia de l’Université de Dijon qui supervise présentement la publication en un volume des contributions des nombreux chercheurs (historiens, géographes, géologues, sociologues, économistes, biologistes…) qui se sont mobilisés pour fournir le matériau scientifique du dossier de candidature.

 

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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 00:09

C’est le Salon des Vins de Loire où je ne suis pas, faute de temps et aussi un peu d’envie, mais en bon travailleur du dimanche je vous livre ma copie sur Henry Marionnet vigneron emblématique de ces vignobles du Val de Loire.

 

J’ai découvert le Gamay de Touraine d’Henry Marionnet en 1976 au « Pied de Fouet » chronique du 20 mars 2006 link et je puis me targuer d’en être un vrai amateur car je n’eus nul besoin de me référer aux gazettes spécialisées ni pour le découvrir, ni pour l’apprécier. Pour autant, dans la mesure où HM arpentait les rangs de ses vignes plutôt que les couloirs du Ministère de l’Agriculture je n’ai fait sa connaissance personnelle il y a très peu de temps au cours d’une belle soirée amicale organisée par le guide du Pous en sa maison familiale. D’une certaine manière avec les vins d’Henry Marionnet, comme je le fais avec les livres que j’aime, la connaissance intime de leur auteur n’a guère d’importance car ce qui compte pour moi c’est l’approche intime, personnelle, du contenu, du style, de la manière. Pour autant aller à la rencontre de celui qui fait, et en l’occurrence HM est vraiment un homme qui sait ce que fait la main, un vrai artisan toujours en recherche, un vigneron animé d’une réelle curiosité, permet de vérifier les intuitions nées de la découverte de son vin. Sans vouloir me placer en deçà, au-dessus, en retrait de tous ceux qui, dans le livre de Barthélémy « Henri Marionnet charmeur de cépages » chez Féret, sont sous le charme, je suis assez heureux, moi le petit chose ignorant des cépages, d’avoir en mon inculture du vin fait le même chemin qu’eux sans pour autant le parsemer de leurs considérations de grands connaisseurs.

photo-HM.jpg 

« C’est avec le Gamay que le vigneron de la Charmoise va se faire connaître à Paris, à travers les bistrots d’abord puis les grandes brasseries comme les groupes Flo, Joulie ou celui des frères Blanc, et qu’il va devenir, ce qui est pour une fois un compliment, le « vin des Parisiens ». La plus belle illustration du phénomène étant sans aucun doute le dessin de Claire Bretécher, où l’on voit l’une de ses héroïnes se préparer une bonne soirée étendue sur un canapé, en train de lire un magazine, un verre de Gamay dans la main droite et le téléphone dans la main gauche, dire à une de ses copines : « ah ! tu dînes avec le roi d’Espagne ? Super, moi je passe juste une divine soirée avec Henry » Mais c’est avec M qu’Henry Marionnet va connaître la notoriété lorsqu’il sera sacré « Meilleur Sauvignon du Monde » aux Olympiades organisées par Jacques Dupont et Pierre Crisole du magasine Gault&Millau. Henry Marionnet pense que sa première cuvée de M en 89 il ne la « connaîtra jamais plus, mon fils peut-être, une année pareille, aussi grandiose, c’est la cuvée qui m’a donné la plus grande émotion de ma vie ! »

 photoHM2.jpg

photo HM3

Je ne connais pas assez Henry Marionnet pour m’aventurer dans l’esquisse d’un portrait, Barthélémy dans son livre s’y risque avec un certain bonheur. « Henry Marionnet porte en lui la volonté de l’accomplissement et du bien faire. C’est la force qui l’anime et le motive, c’est aussi celle qu’il communique. » écrit-il en ajoutant plus loin que c’est un homo faber, un homme qui forge, qui transforme au besoin, qui métamorphose pour mieux obtenir ce qu’il appelle : le meilleur. » Jacques Dupont souligne lui que « c’est quelqu’un qui est toujours à la recherche de quelque chose de nouveau. Il est insatiable en termes de curiosité et, ce qui le rend sympathique, c’est aussi sa grande sensibilité humaine. Quand on parle avec lui, on s’en aperçoit tout de suite et il a transposé cette sensibilité sur le vin. » Philippe  Bourguignon du Laurent met en exergue avec justesse « qu’il ressent chez lui : une sensibilité  au passé, il s’attache à sauver ce qui en vaut la peine mais dans le travail, c’est un moderne, un homme qui regarde devant. » Pour ma part je relèverais deux formules d’Henry Marionnet qui font mouche, me plaisent « Il faudrait arriver à faire du vin sans y toucher ! » et « On ne fait pas faire ses enfants par le voisin ! » à propos de son allergie à l’intervention ou aux conseils d’un œnologue pour faire son vin. Barthélémy me pardonnera, du moins je l’espère, le non recours dans ce portrait à l’omniprésent Perico Légasse qui nous gratifie de formules d’une grande saveur et d’une grande pertinence « si l’INAO était intelligente, elle ne donnerait pas seulement des AOC à des terroirs mais aussi à des hommes... » ou « S’il y a une identité nationale, qui nous est propre, elle réside dans le bonheur et le plaisir de jouir. Or, dès la première gorgée de Marionnet, on est un petit peu plus français ! Ou, si l’on préfère : je suis français parce que j’aime boire du Marionnet ! »

 

Même si Barthélémy omet Le Pied de Fouet – où les Ministres étaient traités par Andrée la patronne comme le commun des mortels sous l’œil impassible de son Martial de mari au flegme belge très prononcé – dans son chapitre « à nous deux Paris » décrivant la résistible conquête de la capitale par Henry Marionnet je lui sais gré de bien mettre en lumière le travail de commerçant de celui-ci en un temps où les vignerons restaient dans leurs vignes « Henry s’est construit en allant à Paris et en n’hésitant pas à mettre le pied dans la porte des bistrots et en les forçant en quelque sorte, à prendre son vin ! » témoigne Jacques Dupont » De l’énergie il fallait en dépenser « Quand je livrais au début avec mon gros camion, j’arrivais à Paris le samedi, quand il y avait moins de circulation, vers six heures du matin. Je passais d’abord par les bistrots qui étaient déjà ouverts et quand j’arrivais avec mes paniers de bouteilles pleines, rarement on m’avait préparé les vides car à l’époque on faisait échange de bouteilles. Il fallait que j’aille les chercher à la cave, un vrai boulot de chien, et quand je remontais j’étais noir de saleté ! Mais faire les livraisons était un plus, très apprécié, et cela me permettait de rencontrer les patrons. Aujourd’hui, quand le restaurant est tenu par un groupe, à six heures du matin il n’y a personne, ou éventuellement un balayeur ! » Simple consommateur de son Gamay de Touraine je n’ai certes pas beaucoup contribué à la notoriété d’Henry Marionnet mais mon lien avec son vin relevait du pur amateurisme.Vous pouvez aussi lire dans mon autre crèmerie une chronique 

 

Si vous souhaitez mieux connaître Henry Marionnet, en savoir plus son beau parcours, faites l’acquisition du Barthélémy « Henri Marionnet charmeur de cépages » chez Féret qui, comme son auteur le précise dans son Avant-propos est « un ouvrage, comme on peut parler d’un tricot ou d’un travail d’aiguille, dont les fils s’entrecroisent en même temps qu’ils se démêlent pour en mieux renforcer le tissage. Un ouvrage à plusieurs mains... » Pour accéder au Domaine de la Charmoise link 

 

Vous pouvez aussi lire dans mon autre crèmerie ma chronique du lundi Le Provignage d’Henry Marionnet vous est offert par la coopé des 5 du Vin  link 

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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 00:09

Je vais sûrement choquer les adeptes de la dégustation de haute école mais lorsque je lis sous la plume de l’académicien des années 50 Georges Duhamel le texte suivant je sors de suite mon « mauvais garçon » Boudard, Alphonse de son prénom.

 

« La France est un des rares pays où des esprits clairvoyants s’efforcent de sauver encore certaines merveilles dont elle est, moralement et matériellement, la gardienne apostolique. Parmi les arts et les artisanats qui forcent au respect les multitudes étrangères, déjà conquises par les impératifs des civilisations vulgaires, l’art du vin, pour menacé qu’il soit dans le reste du monde, demeure un art français, un art qui inspire le respect, même aux ignorants, même aux gloutons des plus basses catégories. Qu’une vraie bouteille de vin français arrive au bout du monde sans trop de dommage, et elle sera regardée, avant d’être bue, comme le véritable et respectable symbole de la communion entre gens hautement civilisés. »  

La langue de Boudard à une autre saveur :

 

« Une messe de Monseigneur Lefebvre, je ne peux pas mieux comparer. Il débouchait soigneux la bouteille. Il versait. Son verre il le tenait toujours à la base. Là, il frimait l’aspect, la couleur. Un vin c’est pas comme un homme politique, rare que ça vous trompe à l’apparence. Il reniflait ensuite et déjà il savait tout. Plus rien à apprendre. Enfin il poursuivait son office... dodelinait, tournait le liquide précieux dans le guindal. Voilà, la haute technicité du lichailleur d’élite... le coude fixe, la pogne preste, hop ! première gorgée... il la laissait couler... qu’elle prépare la route... la seconde, celle-là, il se la gardait dans la bouche. Si c’était un bon petit cru, ça se lisait dans ses yeux. Il avait un certain sourire qui lui... je peux pas dire enluminait la face, elle y était déjà... rubiconde, éclatante... toutes sortes de rougeurs... sur les joues, le pif, jusqu’aux esgourdes. C’était pas l’hypocrite alcoolique, il annonçait ses penchants en effigie.

- Alors ?

Il interrogeait Félicien. A propos, là, d’un picrate dont il avait reçu deux ou trois bouteilles. Un petit vin de la Drôme... d’un producteur modeste de ses amis... un vieux copain de l’avant-dernière.

Ils avaient fait ensemble les Eparges de 1916... je ne sais plus quelle autre bataille...

Fameux ! »

 

« Le banquet des léopards » Table Ronde 1980

 

« Alphonse Boudard est né à Paris en 1925 de père inconnu. Mineure et sans ressource, sa mère le confie dès sa naissance à une famille de paysans de Bellegarde, en pleine forêt d’Orléans. Il grandit là comme « un petit clébard », entre Blanche et Auguste, un ancien de la grande guerre, taciturne, laconique, bourru et affectueux, qui ponctue ses journées besogneuses et silencieuses de courtes tirades telles que « Tchon, fi de garce, v’là t’y pas l’Alphonse qui s’ramène ». Son premier langage fut donc celui des Carnutes, alors que lui-même semblait promis au difficile statut d’ouvrier agricole, à la vie de petit paysan ou de cul-terreux si vous préférez. » puis ce sont les apaches de la Butte aux Cailles, la Résistance puis c’est ensuite sa période sombre lire la suite avec un grand expert de la langue verte : André Pousse ICI link 

 

Alphonse Boudard à propos de son passé trouble

Bains de minuit - 13/05/1988 - 08min11s

link

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28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 00:09

Lorsque je croise certains d’entre vous quelques-uns s’inquiètent gentiment de mon stakhanovisme de chroniqueur, ils m’imaginent tel un Epagneul breton la truffe au vent à la recherche du sujet du jour puis suant et eau face à mon clavier pour accoucher de ma copie. Si tel était ma condition, eut égard à mon peu de goût pour la besogne, il y a fort longtemps que j’aurais posé mon sac. Je travaille bien sûr mais, par je ne sais quelle grâce, une foultitude de sujets viennent à moi, me tendent les bras, sans que j’eusse à déployer beaucoup d’efforts. Pour faire simple disons que depuis que je baguenaude sur mon petit espace de liberté j’ai très largement ouvert mon angle de vision ce qui me permet de capter et de glaner du matériau.  photo-Alg-1-copie-2.jpg

Tel est le cas aujourd’hui. Samedi dernier j’allumais au passage Matthieu Pigasse, « le banquier du Monde » en écorchant les débiles des Inrockuptibles avec leur titre à la Marianne « La viande tue » Le lundi matin suivant en me rasant – expression d’origine contrôlée ne correspondant chez moi à aucune réalité – j’entends dans la revue de presse de France Inter un insert sur le portrait à la pointe sèche du jeune banquier Lazariste dans la revue XXI. Quelque temps auparavant, toujours sur les ondes du SP, les propos d’un des fondateurs de cette revue m’avaient déjà fort intéressé mais je n’avais pas pris le temps de l’acheter. Profitant d’un voyage en TGV j’ai donc fait l’acquisition du N° 13 de cette revue mensuelle. Je l’ai abordée par le versant Pigasse bien évidemment « Le Banquier du Monde » » enquête sur Mathieu Pigasse par Jean-Pierre Perrin. Lecture agréable, c’est de la belle ouvrage sur le terrain difficile du portrait où il est si facile de véhiculer des clichés qui plaisent tant au bon peuple et de se contenter de vendre l’image ici du jeune loup de la gauche dites « caviar » versus Costes pressé, à qui tout réussi. Sans vouloir faire l’intéressant je dois avouer que ce profil de gus ne m’impressionne guère, j’en ai tant croisé au temps où je chalutais sous les ors de la République que ça sonne creux.  De plus, comme notre sémillant banquier d’affaires de gauche « ne célèbre jamais une victoire. Jamais de champagne, il ne boit que du Coca... Il refuse la simple satisfaction d’un repas. » et qu’il déclare « Je n’ai aucun plaisir à manger. J’ai peur de la sensation d’être repus et je fais tout pour la repousser. Il faut être sous tension, sinon vous n’êtes plus dans le combat. » je repliais mes gaules prestement.

photo-Alg-3.jpgFeuilletage en retour arrière de la revue : un titre « Les derniers français d’Algérie » Au lendemain de l’indépendance deux cent mille Français décident de rester en Algérie. C’était en 1962. Ils ne sont plus qu’une poignée. André, Henriette, Adrien et Germaine ont tout traversé : nationalisations, rancunes, guerre civile. Sans jamais renoncer à leur bout d’Algérie. Par Géraldine Schwarz. En 1974-75 lors de mon séjour à Constantine j’ai côtoyé quelques-uns de ces résistants si attachés à leur terre. Alors en traversant les verts pâturages de Bourgogne je me plongeais dans la lecture de ce remarquable reportage en un territoire disparu où les derniers survivants ont une épaisseur humaine, de la chair, du sang et des larmes, mais aussi une capacité extraordinaire à vivre tout simplement. Du bon journalisme, un rendu d’écriture sans pathos, un vrai voyage dans un pays, l’Algérie, que les jeunes générations françaises de toutes origines connaissent si mal. Bien sûr, en écrivant cette chronique forte est l’envie de vous parler de Germaine Ripoll, 80 ans, de son restaurant d’Arzew aux volets bleus, avec ses nappes à carreaux, ses serviettes blanches, son pain craquant et son anisette formidable dixit Adrien, 81 ans, le roi du champignon de couche.  Je m’en tiendrai à cette citation « La mer d’Algérie, étourdissante, se déploie sous les fenêtres de la maisonnette de Germaine : « C’est pour ça que je suis restée, c’est mon petit paradis. » Chaque matin, elle descend son escalier vertigineux pour se baigner dans l’eau limpide où les calamars viennent lui caresser les orteils.» photo Alg 2

Je vais m’arrêter sur André Féral dont la famille de propriétaires terriens « n’étaient pas riches, mais ils vivaient bien. A l’été 62 le père Féral refuse de partir et André son fils, adolescent, décide de rester avec lui. « L’exode des pieds-noirs achevé, André et son père découvrent un nouveau pays : « Tout avait été déserté. Les administrations, les écoles, étaient vides. Des quartiers entiers aussi. C’était un pays fantôme. » De cela, le père Féral se fiche, seule compte sa terre. Quand l’Etat algérien s’en saisit, il meurt subitement. « Je pense que c’est ça qui l’a tué. Ça l’a foudroyé. On lui avait enlevé l’œuvre de sa vie et de ses parents »

 

« On avait le vin dans le sang »

 

« André se retrouve seul, plus rien ne le retient. Il reste. Et restera, malgré les échecs répétés, malgré les invites au départ. Au nom du devoir filial à respecter « jusqu’à la mort ». André Féral cherche « dans un tiroir en fouillis, il tire une petite boîte noire et en fait glisser le couvercle. » Il en tire un écusson rouge et vert « Ce sont nos armoiries, les armoiries des Féral. » C’est « écusson gravé d’un « F » majestueux. » André Féral s’explique ému « J’ai remonté notre arbre généalogique. Nous avions des ancêtres en Corrèze. J’y suis allé, exprès. C’est là que j’ai trouvé l’écusson ». Et si vous avez eu le courage de m’accompagner jusqu’à maintenant je vous livre cet extrait qui donne sa chair au titre de ma chronique.

 

« Dans les archives de Corrèze, André découvre également que les aïeux de son père avaient déjà des vignes. «  Ça été comme un coup, je me suis dit qu’on avait ça dans le sang, le vin. » De retour à Oran, il décide de renouer avec l’histoire, cherche une terre. Sans trouver. Jusqu’à ce qu’il s’associe avec un Algérien.

Il déplie, sur un coin de bureau, une carte d’Algérie et pointe une région proche de la frontière avec le Maroc : « C’est un coin avec un sol de qualité et protégé des grosses chaleurs. » La maison Féral produit du rouge, du blanc et du rosé. Trois bouteilles en attestent exhibées tels des trophées dans la pièce sans autre éclat.

Le commerce est difficile. Traditionnellement bons consommateurs de vin, les Algériens se sont pliés aux diktats des islamistes. En quelques années, plus de cent cafés ont fermé à Alger. Le soir, les rues de la capitale sont tristes, l’ennui suinte. « A croire que tout le monde à oublié la vie d’avant les islamistes et les années de plomb. »

 

Voilà, encore deux points importants :

 

Moi je m’abonne à XXI : bulletin téléchargeable sur www.larevue21.fr

Je suggère que via Géraldine Schwarz nous aidions, dans la mesure où cela possible, André Féral à commercialiser ses vins.  

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27 janvier 2011 4 27 /01 /janvier /2011 00:09

L’idée me trottait dans la tête depuis mon grand concours de l’été : et si je proposais à celles et ceux qui abordent le vin un parcours ludique d’initiation à la dégustation du vin. Comme toujours avec moi, qui ai deux ou trois idées par jour – des bonnes et des mauvaises bien sûr – il faut que le tamis du temps fasse son œuvre, trie et permette de voir mûrir mes projets débridés. Corinne Richard-Saier a bien voulu me suivre sur mes chemins de traverse pour que je puisse publier aujourd’hui cet Avis à la Dégustation. Qu'elle en soit remerciée.

 

 Je propose donc à vous Parisiens, Franciliens ou lecteurs de passage :

 

Une escapade à l’Annexe voir ma chronique link

Pour deux heures d’initiation à la dégustation.

De 18h00 à 20h00

Annexe Richard – 15 rue Chevert – 75007 Paris – 01 45 55 16 29 (Métro : Ecole Militaire ou Tour Maubourg)

 

Une approche de la dégustation, initiatique et ludique, pour apprendre à utiliser ses sens, à exprimer ses sensations, à trouver les mots…

-          La robe du vin et ce qu’elle nous révèle

-          Le nez du vin, pour faire travailler le nôtre,

-          La bouche, avec tous nos sens en émoi…

-          Et les mots pour le dire.

-          Jeux autour des odeurs et des goûts

-          Dégustation de 4 vins et accords avec quelques fromages.

 

L’animatrice :

 

Myriam Huet  - Titulaire du diplôme national d’œnologue et du diplôme universitaire d’aptitude à la dégustation, obtenus à la Faculté d’œnologie de Bordeaux en 1983 ; auteur de plusieurs ouvrages didactiques sur les vins, a animé pendant 5 ans la chronique vins de l’émission de Jean-Pierre Coffe, « ça se bouffe pas, ça se mange ».

« Mieux comprendre le vin, pour avoir plus de plaisir

Pouvoir exprimer ses sensations »

Pouffe-5946.JPG 

La Marche suivre :

 

1-     si vous êtes intéressé par cette escapade dégustative à l’Annexe vous voudrez bien assez rapidement m’en faire part sur berthomeau@gmail.com afin que je puisse savoir si ma proposition rencontre un réel écho : soit un potentiel de 20 à 25 personnes ;

2-    dans l’affirmative je proposerai aux candidats, assez longtemps à l’avance, le jour précis de notre dégustation ;

3-    même si cette dégustation est gratuite tout engagement de votre part se devra d’être honoré par courtoisie à l’égard de Corinne Richard-Saier et Myriam Huet.

4-    si tout se passe bien nous renouvèlerons ce parcours initiative sous une autre forme...

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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 00:09

Même si ça ne voit pas, ou si ça ne se décèle pas, sous ma dure carapace de vieux squale ayant survécu au marigot des ors de la République, je suis un grand sentimental. Je n’aime rien tant que les rencontres où se croisent et s’entrecroisent mes souvenirs, le choc du présent et la plongée du regard par une fenêtre ouverte sur l’avenir. Les Français font beaucoup d’enfants (record de fécondité de l'Union européenne, avec un taux de 2,01, juste derrière l'Irlande (2,07), ils déclarent être heureux dans leur sphère privée mais il y a quelque chose d’étrange ou du moins de paradoxal, ils sont, selon un sondage BVA Gallup, les champions du monde du pessimisme. 61 % d’entre eux voient dans 2011 une nouvelle année de difficultés, contre 28 % en moyenne dans le monde.

 

Rassurez-vous je ne vais pas entrer dans de profondes et subtiles analyses, d’autres bien plus qualifié que moi, des experts, vous délivreront le kit d’explication. Au rationnel, si tant est que les sociologues ou les politologues puissent l’être, qui reste ma boussole, je greffe le baguenaudage sur les chemins de traverse. Lundi dernier, en un lieu fort désuet, le Cercle Militaire, j’arpentais le parquet lustré d’une belle dégustation bourguignonne organisée par l’inégalable Annie Ligen et le film de mes souvenirs s’est connecté avec le présent en faisant un petit détour par la magie des mots oubliés. Je suis ainsi fait j’adore, d’un seul regard, trouver l’angle d’une future chronique. Alors tout s’emboîte comme un puzzle et, au travers des mots, l’image se recréée.  

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Là tout est parti des « 8 ouvrées » Domaine des Perdrix de la famille Devillard. J’emploie à dessein le mot famille car c’est en 1996 que Bertrand et Christiane Devillard reprennent l’exploitation du Domaine des Perdrix sur la Côte de Nuits. 12 hectares dans les beaux terroirs de Nuits-Saint-Georges et de Vosne-Romanée. Près de 5 hectares sont des Nuits-Saint-Georges Premiers Crus dont « Aux Perdrix » possédé en quasi-totalité. Face à moi, pour ma dégustation, Aurore et Amaury Devillard leurs enfants.

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Moteur !

 

Ma petite machine à remonter le temps déroulait sa pellicule : «Mai 2001  René Renou, président du Comité Vins de l’INAO et Bertrand Devillard, président de la FEVS dans un face à face organisé par « Réussir Vigne » avec pour titre « Le vin français doit revoir sa copie » tombaient rapidement d’accord sur le constat. Bertrand Devillard déclarait « Historiquement et aujourd’hui encore la France couvre tous les segments. Elle doit continuer à le faire. Mais segment par segment, nous devons analyser les choses. Une partie de la copie est à revoir. La segmentation du marché se fait par les prix. » et René Renou de renchérir La segmentation du marché telle que la propose M. Devillard me convient parfaitement. Mais il y a un constat que nous devons faire : entre AOC, vins de pays et vins de table, il y a des erreurs de casting. » Conclusion « A marché et attitude de consommation différents, conditions de productions différentes. Il nous faut davantage de contraintes d’un côté et moins de l’autre ». Le tout est bien sûr pages 20-21 de mon rapport.

 

Fin de la minute rétrospective ! Passons à la séquence : « de la vivacité des mots du terroir »

 

« Œuvre, œuvrée, ouvrée, ces trois termes sont pratiquement synonymes même si, aujourd’hui, le terme d’ouvrée reste seul vivace... » écrit Marcel Lachiver dans son dictionnaire du monde rural. « L’œuvrée, c’est ce qu’on peut travailler en un jour, et ce travail est surtout celui du vigneron, même si la mesure s’applique parfois aux prés et aux saulaies ; d’où sa faible valeur. De la Bourgogne au Beaujolais, à la Franche-Comté et au Nivernais, c’est le terme d’ouvrée qui l’emporte ; en Beaujolais, on dit aussi hommée. La valeur type est de 4,28 ares pour les vignes de Bourgogne et de Franche-Comté, soit le huitième du journal, ou encore 45 perches carrées de 9,5 pieds de côté. » Chez mois nous comptions en boisselée « ce que peut contenir en boisseau. Une boisselée de froment. La superficie de terre qu’on peut ensemencer avec un boisseau de grains, superficie très variable » mais par exemple « à Nevers, deux hommées (équivalent de l’ouvrée) font un boisseau de 8,51 ares. »

 

Les « 8 ouvrées » sont donc un arpent de 4,28 ares x 8 soit le tiers d’un hectare. Un joli confetti tel qu’on les aime sur la Côte-de-Nuits qui nous propose, chaque année, 1600 à 1800 bouteilles d’un – j’ose – «mini-Echezeaux» dont j’ai dégusté le millésime 2007. Nous y voilà enfin me direz-vous : tout dégustateur patenté sachant déguster aurait, déployant avec ampleur et aisance toutes les facettes de son art, commencé par là. J’en conviens aisément mais que voulez-vous j’aime prendre mon temps, baguenauder, converser ce qui me permet de vous dire que, depuis que je hante les travées des lieux dit de dégustation, Aurore et Amaury Devillard sont toujours présents, avenants, disponibles, sans se mettre en avant. Ils sont derrière leurs vins s’essayant, souvent avec bonheur, à faire partager leur passion, leur enthousiasme avec une simplicité pleine d’élégance. Sans jouer les petits chroniqueurs distribuant des bons et des mauvais points, pour moi dans l’univers parfois un peu stéréotypé des salons ils pratiquent le difficile métier de la vente avec le ton juste, la bonne distance, qui laissent à tout un chacun ce qu’il faut d’espace pour aborder le vin.

 

Reste que lorsque j’étais enfant j’ai dit un jour à mon père, du haut de mes 10 ans, que je voulais être « gentleman-farmer » ce qui signifiait pour moi avoir le même amour que lui de sa terre mais avec la touche d’élégance que ma couturière de mère conférait aux vêtements qu’elle me cousait. « Les 8 ouvrées » 2007  Aux Perdrix collent parfaitement à cet état d’esprit : du beau velours côtelé, avec de la tenue, sans ostentation mais avec une touche d’élégance terrienne. Du beau, de l’indémodable, de la belle matière avec la touche de la famille, ce petit quelque chose fait de distinction qui sort du lot commun. Tout le contraire du bling-bling, mais un de ces petits must qui va aussi bien à mes envies irrépressibles de Tartare épicé qu’à ma délectation pour une belle tranche d’andouille de Vire aux flaveurs inquiétantes ou qu’à mon goût toujours renouvelé pour les petits chèvres secs bien violet.   

 

Si vous souhaitez aller explorer la gamme des vins de la famille Devillard allez sur www.domaines-devillard.com pour ma part, hormis mes « 8 ouvrées » j’ai beaucoup aimé le Bourgogne Chardonnay Le Renard 2009 et le Château de Chamirey 2008 La Mission. Merci de m’avoir accompagné une fois encore dans ma petite promenade matinale sur les « 8 ouvrées » avec Aurore et Amaury et à demain, je l’espère, sur mes lignes pour d’autres aventures.

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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 00:09

« Être poète à ses heures » dit-on, la poésie au temps de mes culottes courtes se déclinait en récitation de poésies : « Ô combien de marins, combien de capitaines/Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, /Dans ce morne horizon se sont évanouis! /Combien ont disparu, dure et triste fortune! /Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune, / Sous l’aveugle océan à jamais enfouis! » Océano Nox de Victor Hugo débité à la vitesse d’un TGV, ânonné, bafouillé, bafoué, humilié par des moutards surtout soucieux de se débarrasser d’un pensum, perdait son souffle épique, se voyait ravaler à un triste slam.

 

Qui aujourd’hui se souvient de Georges Pompidou, le successeur du Général ? Pas grand monde, et pourtant il fut un Président de la République qui lors d’une conférence de presse, en réponse à un journaliste qui l’interrogeait sur le destin tragique de Gabrielle Russier, convoquait Éluard :

 

Comprenne qui voudra

Moi mon remords ce fut

La malheureuse qui resta

Sur le pavé

La victime raisonnable

A la robe déchirée

Au regard d’enfant perdue

Découronnée défigurée

Celle qui ressemble aux morts

Qui sont des morts pour être aimés

Une fille faite pour un bouquet

Et couverte

Du noir crachat des ténèbres

Une fille galante

Comme une aurore de premier mai

La plus aimable bête

Souillée et qui n’a pas compris

Qu’elle est souillée

Une bête prise au piège

Des amateurs de beauté

Et ma mère la femme

Voudrait bien dorloter

Cette image idéale

De son malheur sur terre.

 

Qui se souvient que ce Président de la République, normalien, amateur de bonne chère et de bon vin, fut l’auteur en 1961 d’une Anthologie de la Poésie Française fort classique ? À mon avis pas grand monde mais sans doute est-ce là le signe d’un temps oublieux d’un passé de moins de 50 ans. Dans sa préface à une autre Anthologie de la poésie se limitant au XXe siècle, Claude Roy écrivait « toute anthologie est une provocation. Elle souhaite provoquer chez le lecteur ignorant, et qui voudrait ne pas le rester, le désir d’aller explorer les domaines et les œuvres dont on lui indique les entrées. Elle avive sa curiosité par un échantillonnage judicieux mais limité. Mais pour le lecteur déjà mieux informé elle est fatalement une provocation au refus, à la destruction du florilège qu’on lui propose, et à une reconstruction personnelle. La fonction première d’une anthologie, c’est de donner envie « d’y aller voir soi-même. »

 

Donner envie, voilà bien un formidable défi que ce sont donnés les vignerons des Coteaux de l’Aubance en 2008 en souhaitant associer leurs vins, leur terroir mêlant les reflets de l’ardoise aux tons dorés du grès, aux mots de la poésie. Ils ont donc sous la houlette de Gérard Cogan (oenologue-conférencier) et Laura Naudeix (professeur de lettres) organisé un Concours « Vins&Poésie Ballade entre Loire et Aubance » La prochaine édition se déroulera le samedi 19 mars au Château de Brissac. Si d’ici-là vous vous sentez l’âme rimailleuse vous pouvez concourir : le règlement et le bulletin de participation sont téléchargeables sur www.vinsdeloire.fr et www.ot-brissac-loire-aubance.fr . La date limite d’envoi étant le 28 février.

 Aubance.png

Je vous livre un poème du cru 2010 par Adélaïde Pitré

 

Expression du Chenin

 

Au matin.

Des arbres, des fleurs, un chemin,

Un jardin.

 

Sur cette tendre aquarelle

Chaleur et fraîcheur y mêlent

Autant de Soleils que de gouttes de rosée ;

Transparence d’un lavis jaune serin parsemé

Transpercé d’éclats d’or

Et de reflets du soleil.

 

Livrée est la clef secrète de cet univers,

Libéré notre imaginaire.

 

Un vent doux léger se lève,

Caresse chargés de multiples senteurs.

L’éclosion du bouquet

Picote le nez qui s’émoustille

Et reconnaît :

 

La douceur vanillée des matins endormis,

Le réveil piquant d’un pamplemousse enhardi,

l’accent tonique du chèvrefeuille épique.

 

Plongé dans la toile,

Les sens éveillé par ce tourbillonnant

Délice d’onctuosité né de cette union naturelle ;

Je savoure

 

Je me fais l’ami du temps qui passe

J’attends.

 photo-Chenin.jpg

Belle et jeune initiative que je ne peux que soutenir mais si je puis me permettre un conseil je trouve que les organisateurs devraient ouvrir un peu plus largement les fenêtres de l’imaginaire, ne pas enfermer leur concours dans une relation trop directe et explicite entre un vin et un texte. Emprunter des chemins de traverse, se laisser-aller à une plus grande liberté de ton et de mots me semblerait bien plus porteur de poésie. Pour prendre une image : s’il vous prend l’envie un jour de séduire, de conquérir une belle avec des mots, les vôtres bien sûr, en une forme que vous souhaitiez poétique, prendre des chemins détournés, s’adonner à la légèreté, s’ingénier à la faire sourire ou rire, n’exige pas pour autant que vous la nommiez. Une plume trop bridée, enserrée, ne donne pas sa pleine mesure, elle chemine alors qu’elle devrait s’envoler, nous transporter.

 

En un temps où je vivais au milieu de la forêt j’avais gratté un opuscule « Accrocs de vie » où je m’essayais à une forme de poésie un peu brute. Celles qui y avaient jeté leurs yeux trouvaient ça bien mais je les soupçonnais d’une bienveillance coupable à mon égard. Mon assistante, sans me le dire, envoya le manuscrit chez POL ou aux éditions  de Minuit je ne me souviens plus, où elle avait un ami. Le retour fut favorable mais il me fallait retravailler certains textes. J’en étais bien d’accord mais le temps me manquait. Donc par bonheur pour l’éditeur le manuscrit est resté sagement dans mes archives. Je vous livre une strophe d’un accroc, une seule car le reste n’est pas sortable...  photo-accrocs.jpg

Adelphine Volant

Née Cerf

Etait la toute petite propriétaire

D’un arbre à pain planté par son grand-père

A l’extrême pointe de l’Entre-deux-Mers

Là où les eaux léchaient les premiers arpents

Du lieu-dit Merle Blanc

Sur la terre où les Cerfs

Venaient à chaque saint Vincent

Sous la voute claire du ciel aux portes de l’hiver

Convoler avec le vent...

 

Que les Vins des Coteaux de l’Aubance Anjou Villages Brissac fassent de beaux enfants avec la poésie. Merci à Daniel Macault du Domaine des Deux Moulins www.domaine2moulins.com de m’avoir fait part de cette initiative... Bon vent à tous et à toutes pour ce petit brin de poésie avec je l'espère un peu plus de folie pour glisser u peu plus de douceur dans ce monde de brutes !

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