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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 00:09

Bien plus que les bateleurs géotrouvetout qui s’agitent sur les écrans plats – les étranges lucarnes se sont englouties – pour aspirer de l’audience je préfère les journalistes qui s’astreignent à enquêter sur le terrain, à écouter, à entendre. Éric Dupin à pris son temps, le nez au vent (une méthode que je m’efforce chaque jour de faire mienne) pour « aller à la rencontre des Français sans idée préconçue, sans préjugé, sans arrière-pensée ». La lecture de son livre Voyage en France La fatigue de la modernité au Seuil m’a convaincu de sa sincérité. Il a atteint son objectif. Contrairement à ses confrères journalistes « qui partent habituellement sur le « terrain » avec une idée assez précise de ce qu’ils doivent relater (...) qui recueillent des témoignages pour nourrir une histoire qu’ils connaissent déjà. » Dupin, à pied, à vélo, en auto, s’est vraiment glissé dans quelques plis et replis de la France. Pour autant il n’a pas mis en scène « la France qui souffre », ni celle des « terroirs » il s’est contenté d’écouter et de « prendre la température de cette curieuse contrée qu’est la France, un royaume de râleurs perçu comme un pays de Cocagne à travers le monde. » Merci à lui. Enfin, et c’est à souligner, Éric Dupin s’est bien « gardé, la plupart du temps, de porter des jugements sur les propos de (ses) interlocuteurs, ce qui ne signifie assurément pas, (qu’il) les approuve tous. » et, je lui sais gré, de ne pas avoir « non plus alourdi les témoignages en les lestant des analyses qu’ils pouvaient (lui) suggérer. » Pour susciter la réflexion rien ne vaut en effet le brut de décoffrage.

 

Mon choix de l’histoire de Gilles Merlet dont la famille était de bouilleur exclusif de Hennessy, à Saint-Sauvant, depuis le début du XXe siècle, tient à un fait d’histoire : lors de ma mission dans la zone délimitée Cognac j’ai rencontré Gilles Merlet par l’entremise de GA Morin je crois. Je ne sais s’il s’en souvient, moi si. Moi aussi j’ai fait du terrain, pas tout à fait le nez au vent, mais sans idée préconçue, sans à priori, pour comprendre. Je ne sais si j’y suis parvenu mais tout au moins j’ai essayé et Dieu sait si les pressions qui s’exerçaient sur moi étaient grandes. www.merlet.fr

 

« Á l’inverse, Gilles Merlet illustre la mondialisation heureuse. Barbe blanche et regard acéré, ce chef d’entreprise me reçoit dans la pièce où il est né, transformée en bureau, de sa maison familiale. Nous sommes dans le village de Saint-Sauvant, entre Saintes et Cognac. Gilles appartient à une famille de viticulteurs depuis quatre générations. Son père distillait du cognac « On était bouilleurs exclusifs d’Hennessy depuis le début du XXe siècle. »

Gilles a repris l’exploitation familiale au début des années 1970 ; C’était l’époque de la « première grande crise du cognac ». Celui-ci est à 95%  un produit d’exportation. « En France, on invite les gens à l’apéritif, plus au dessert. Le marché du digestif est mort dans ce pays. Les Français boivent du whisky, pas du cognac. On l’exporte un peu partout dans le monde, aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi en Asie et notamment au Japon. » Or, les ventes de cognac plongent quand les affaires ne marchent pas très bien. D’où une sévère surproduction dans les années 1970. Les surfaces plantées avaient été exagérément agrandies et, pour ne rien arranger, des faux cognacs, produits en Espagne ou en Russie, inondaient le marché.

Pour s’en sortir, Gilles décide, avec succès, de se diversifier dans le jus de raisin : « On a ici un cépage l’Ugni Blanc qui donne des vins un peu acides mais qui est excellent pour faire du jus de raisin. » Il se lance ensuite dans la plantation de cassis après avoir découvert un moyen de mécaniser sa récolte. Gilles produit de la liqueur de cassis et même du kir tout prêt en bouteille.

Ce goût des mélanges le mènera loin. En 2000, un ancien champion de tennis américain, désireux de lancer un cocktail à base de cognac, le contacte. »Je me charge de promouvoir la marque, et vous serez mon producteur exclusif », lui propose-t-il. « Il voulait quelque chose de fun pour les jeunes, un truc assez costaud pour résister à la fonte des glaces. » Comprenez que le breuvage doit être suffisamment corsé pour qu’un amas de glaçons dans le verre, un usage courant outre-Atlantique, ne fasse pas totalement disparaître son goût. Gilles multiplie les formules plus ou moins savantes mais rien ne satisfait l’Américain.

Je vous en prépare une dernière », le somme-t-il un jour. Un produit bizarre de couleur bleue où se mêlent cognac, vodka et six ou sept fruits différents. Les papilles de Gilles ne sont pas vraiment emballées. « Il ne vont quand même pas boire ça », se dit-il in petto. Et bien si. L’Américain est ravi : »Ne touche à) rien, c’est parfait ! » Gilles comprendra coup l’une des raisons de son succès. « Je me suis rendu compte que mon cocktail avait le même rapport sucre/acidité que le Coca-Cola. » Il le baptisera « Hypnotic » et le conditionnera dans des sortes de bouteilles de champagne au design avant-gardiste.

Astucieusement lancé dans le milieu  du show-biz new-yorkais grâce à la complicité d’un rappeur et d’un disc-jockey, Hypnotic fait fureur. Gilles en expédiera pas moins de 825 000 caisses en 2003, année de l’apogée de cette étrange boisson. Après son heure de gloire, le produit passe de mode, Gilles jette son dévolu sur la « cachaça », une eau-de-vie brésilienne fabriquée à partir de la canne à sucre. Il achète en 2008  une distillerie au Brésil et fait vieillir l’eau-de-vie dans de vieux fûts de cognac.

L’entreprise Merlet emploie désormais une cinquantaine de salariés, majoritairement de la région. Elle a rompu avec Hennessy et tente de lancer sa propre marque de cognac. Gilles est aussi et surtout fier de ses gammes de liqueurs, au cassis ou au citron, et de cocktails de fruits variés. « Le cognac mène à tout à condition d’en sortir », conclut-il en regrettant que beaucoup de viticulteurs de la région de Cognac se conduisent un peu trop en rentier... »

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 00:09

Le choc des photos des ceps aurait pu suffire à me séduire et  à capter votre attention. Comme vous pouvez le constater, ils sont à eux seuls de vivantes œuvres d’art. Dans la lumière blanche d’un ciel pur, ce vignoble de Pyrgos, en Grèce, accroché aux Hautes Terres (150 à 250 mètres d’altitude) dans un sol volcanique de pierre ponce, sans argile ni matière organique, indemne pour toujours du phylloxéra, qui se voit tous les 70 à 80 ans régénéré par l’arasement des ceps. Conséquence de cette mesure radicale, leurs racines sont donc très anciennes : de 300 à 400 ans. Preuve que la vigne, liane vivace, peut sous des climats violents s’épanouir : ici aux hivers cléments 8-10°C succèdent des étés très chauds, venteux et secs. Ici elle forme des enlacements qui sculptent un réceptacle étonnant.

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Mais, si la beauté formelle de cette vigne est réelle, ce n’est pas pour elle et par elle que je suis venu mettre mon nez, qui n’est pas grec, dans un verre d’Assyrtiko by GAIA Wild Ferment. C’était en fin de journée. J’en avais plein les bottes. Je m’étais fait saucer sur mon vélo par une giboulée de mars. Alors j’avais pris le métro. Faisait lourd et je me sentais un peu perdu au milieu de ces Grands Crus du Monde proposés au Pavillon Lenôtre. Comme le disait mémé Marie j’ai alors rousiné (tourner en rond en ne sachant trop que faire) et puis j’ai vu le bras de Yiannis Paraskevopoulos tendant une belle carafe vers des verres assoiffés. Le liquide qu’elle contenait offrait une belle luminescence d’un jaune tirant sur le vert. Alors n’écoutant que mes instincts, sans me poser de questions sur le pedigree du vin et du faiseur de vin, j’ai tendu mon verre.

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Le choc ! Trouver les mots pour exprimer ce que j’ai ressenti relève, plus encore qu’à l’ordinaire, de la mission impossible. Cette cuvée porte bien son nom : elle est sauvage au sens de nature sauvage. Comme si, dans la peau de Malaparte, j’arrivais par un sentier de chèvres et que je découvrais le cap Massullo : « Il y avait à Capri, en la partie la plus sauvage, la plus solitaire, la plus dramatique, en cette partie entièrement tournée vers le midi et l'orient, où l'île, d'humaine, devient féroce, où la nature s'exprime avec une force incomparable et cruelle, un promontoire d'une extraordinaire pureté de lignes, qui déchirait la mer de sa griffe rocheuse. Nul lieu, en Italie, n'offre une telle ampleur d'horizon, une telle profondeur de sentiment. C'est un lieu, certes, propre seulement aux êtres forts, aux libres esprits. Car il est facile de se laisser dominer par la nature, d'en devenir l'esclave, de se laisser déchiqueter par ces crocs délicats et violents, de se faire engloutir par cette nature comme Jonas dans sa baleine » Ritratto di pietra (Portrait de pierre), écrit à Capri en 1940.

 

Si je cite le très contesté Malaparte c’est que son lien avec la Grèce était fort. J’ai fait, il y a quelques années, au petit matin, le chemin jusqu’à sa Casa Matta et face au paysage qui s’offrait à mes yeux : la paroi à pic de Matromania, les trois gigantesques rochers des Faraglioni, la péninsule de Sorrente, les îles des Sirènes, les reflets azurés de la côte d'Amalfi, et ceux, dorés, du rivage de Pesto, je me sentais en effet engloutit, dominé par cette beauté sauvage, un tout petit homme. Certains vont dire que je verse dans la grandiloquence mais, concédez-moi, que je ne me livre que très rarement à propos d’un vin, et pour celui-ci, dont je  ne sais ce qu’il doit à sa terre et ce qu’il doit à la main de l’homme – peu m’importe d’ailleurs – j’ai été bouleversé, ému, par son intensité, sa fraîcheur, sa richesse, sa belle acidité en finale. Avant de vous en parler j’ai hésité longuement car, même si ça n’apparaît pas de prime abord, je suis un garçon pudique qui rechigne à étaler ses émotions intimes. Alors, faites comme le recommande Yiannis Paraskevopoulos, carafer ce grand blanc et laisser le décanter 30 mn avant de l’affronter pour recevoir le choc de sa sauvagerie.

 

Vous comprendrez aisément que je ne vais maintenant vous tartiner des trucs techniques sur ce vin. Si vous souhaitez vous informer alors rendez vous sur le site www.assyrtiko-wines.com  où Yiannis Paraskevopoulos qui est docteur-ingénieur en Œnologie de l’Université de Bordeaux II éclairera votre lanterne (c’est en grec et en anglais). Si vous souhaitez acquérir Assyrtiko by GAIA Wild Ferment allez sur le site de Valade&Transandine Vignobles du Monde www.transandine.fr (Grèce et Gaia)

 Assyrtiko by Gaia Wild Ferment 2009

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 00:09

L’Union Européenne, hormis l’euro, qui est sa devise officielle et la monnaie unique commune à dix-sept de ses États membres, et de quelques politiques communes : dont la plus célèbre : la PAC, n’est, plus de 50 ans après sa naissance sous l’impulsion de Robert Schuman et d’Alcide de Gasperi, qu’un pâle ersatz des Etats-Unis d’Europe. À dire le vrai, même si en vertu des fameux accords de Schengen nous circulons librement à l’intérieur de ses frontières, nous ne partageons vraiment pas grand-chose ensemble, nous n’avons guère le sentiment d’être les citoyens d’une communauté de destin et de bâtir ensemble une entité territoriale et humaine forte et solidaire. Le chacun pour soi, les nationalismes, les régionalismes, attisées par les menaces, réelles ou fantasmées, ne laissent guère de place à un réel vivre ensemble. Je ne suis ni européiste, ni eurosceptique, mais tout bêtement un euro-réaliste qui, puisqu’il est né sitôt après le dernier grand conflit européen, sait ce que cette communauté nous a apporté – en dépit de ses insuffisances, de sa timidité, de sa couardise, de sa bureaucratie, de sa vulgate libérale – : la paix, une prospérité partagée et un ancrage qui peut nous permettre, dans les grandes fractures de la mondialisation, de faire contrepoids aux nouveaux empires économiques.

 

Mon propos de ce matin n’a pas l’ambition de redonner à la gangue européenne de la vigueur, de faire lever sa lourde pâte mais, plus modestement, de partager avec nos voisins italiens, un mot que je trouve beau : l’agriturismo. Il sonne bien, il chante, il monte, s’élève, léger, charmant, il fleure bon la campagne, je n’ose écrire le terroir, il évoque de bonnes tables : « Qu’est-ce que la gloire de Dante à côté des spaghettis ? » s’exclamait en 1954 l’écrivain Giuseppe Prezzolini, il embrasse bien plus largement que le balourd oenotourisme des produits de haute civilisation : les fromages, les vins et l’huile d’olive entre autres. En effet, je trouve étrange que de beaux esprits qui passent leur temps à nous seriner les plus beaux accords mets-vins s’empressent aussitôt d’enfermer le vin dans son pré-carré de châteaux et de Clos fut-il Vougeot. Pas étonnant que le mouvement Slow Food soit né dans la péninsule même si, hormis la dérision de son appellation, son emprunt à la langue anglaise dominante est la preuve de notre incapacité à forger des mots qui nous ressemblent. Pour avoir un temps travaillé dans l’huile d’olive, et m’être rendu à la foire de Vérone, la défense de l’origine fait parti des gènes de nos voisins italiens.

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Ma proposition est simple : elle s’apparente à la procédure bien connue de l’adoption. Plutôt que d’avoir recours à un mot laid, poussif, pour nommer ce nouvel accueil des urbains de tous les pays dans notre univers du bien vivre, pourquoi ne solliciterions-nous pas nos voisins italiens, qui partagent avec nous les mêmes valeurs, pour, avec leur consentement, adopter ce mot. Le faire nôtre. Je ne doute pas que nos amis italiens accueilleraient cette initiative avec enthousiasme : nous pourrions prendre comme ambassadrice Carole Bouquet viticultrice sur l’île de Pantalleria et comme ambassadeur le directeur Italien de l’OIV : Federico Castelluci. Une fois l’adoption approuvée, gravée dans le bronze ou le terroir si vous préférez, nous ferions une grande fête où nous mêlerions, sans discrimination, nos vins et nos fromages bien sûr, mais tout ce que nos tables peuvent receler de produits de saison goûteux, de charcuterie, de viande, de poissons et de glaces, de sorbets et autres pâtisserie, seul le café ne serait qu’italien. La « boisson du Diable », introduite au XV e à Venise, n’a pas d’équivalent dans le monde. Ce serait la fête des Voisins à l’échelle de deux pays. Nous apprendrions plus encore à nous connaître et, ainsi, je suis persuadé que nous ferions progresser l’idée que cette Union mal foutue vaut mieux que la solitude de nos vieilles nations. 888481833.jpg

Certains vont dire que je suis foutraque, que mes idées sont braques, qu’à l’heure où l’on bloque des trains à Vintimille, il y a mieux à faire que de célébrer l’adoption d’une belle appellation qui ainsi nous deviendrait commune ! En êtes-vous si sûr ? L’Italie vous connaissez ? Avez-vous pris la peine de la découvrir ou ne faites-vous pas comme avec vos voisins : bonjour-bonsoir, chacun chez soit et les cochons seront bien gardés. En tant que petit chroniqueur de la Toile je m’efforce d’être curieux des autres et comme je ne peux passer mon temps chez eux alors je lis : leur littérature ou des ouvrages tel que celui publié par Autrement : l’Atlas de l’Italie contemporaine qui, donne une vision synthétique, accessible à tous, de ce pays avec lequel nous partageons « une histoire commune faite d’incompréhension et d’admiration réciproque » Comprendre ce pays singulier pour mieux se comprendre est le maître-mot de cet ensemble de textes et de cartes. Approche, historique et géographique, qui permet de sortir de nos clichés et de nos idées reçues.

 

La botte italienne, cette péninsule qui s’étire sur 1300 kilomètres à la pointe de laquelle une grande île, dont le nom nous semble synonyme de mafia : la Sicile et, sous notre Corse rétive, la Sardaigne massive. Reste que, ces derniers jours, c’est un confetti d’île, à mi-distance de Catane et de Sfax, qui fait la une de l’actualité. Son nom, jusqu’à ce moment historique, évoquait le Guépard de Giuseppe Tomasi, prince de Lampedusa. L’Italie de Berlusconi, du malgoverno, du calcio, d’Umberto Bossi, de Mussolini, des années de plomb, du cinéma néo-réaliste, des Ferrari et de la Vespa, « une marqueterie de paysages et d’écosystèmes particuliers qui ont favorisé la formation de multiples patries et campanilismes » avec la césure entre son Nord industrieux et son Sud pouilleux : avec deux capitales Rome et Milan... L’Italie qui n’est pas la fille aînée de l’Eglise mais, où l’empreinte du catholicisme renforcé par l’enclave du Vatican même si les papes ne sont plus, depuis l’éphémère Jean-Paul 1 er, italiens, reste forte. L’Italie de l’absolue richesse de son patrimoine artistique : Florence et sa galerie des Offices, Venise sa Biennale et sa Mostra, la Rome antique..., L’Italie et son piccolo è bello le small is beautiful à l’italienne : petites unités à base familiale spécialisées dans des secteurs à technologie mâture et à haute valeur ajoutée : les Tods de Della Valle, Gucci, Prada, Armani, Alessi... L’Italie des mommoni (fils à maman) ces bomboccioni qui vivent longtemps dans les jupes de la mamma (résidence tardive au domicile familial : 70% des 20-34 ans en 2008). L’Italie longtemps terre d’émigration est maintenant la pointe la plus avancée de l’immigration « Aujourd’hui, ce promontoire au littoral difficilement contrôlable représente un Eldorado pour des masses d’immigrés venus de pays pauvres ou émergents, ou une simple étape dans leurs marches, semées d’embûches vers l’ouest et le nord. L’Italie, point de passage obligé entre l’Orient et l’Occident, creuset historique des influences de ces deux entités, est membre d’une Europe dont l’épicentre se situe désormais au nord et tend même à s’orienter vers l’est. »

 

Il y eu, dans un passé récent, entre l’Italie et la France « une guerre du vin » et j’ai le souvenir du Traité de paix et d’amitié cosigné par Filippo Pandolfi et Henri Nallet, Ministres de l’Agriculture, d’abord dans le Vieux Nice au Palais de la Préfecture des Alpes Maritimes, appelé aussi Palais des rois sardes, l’ancienne résidence des rois de Sardaigne, puis à Bordighera dans une villa où eut lieu le 12 février 1941 une rencontre entre Benito Mussolini, alors chef du gouvernement, et le caudillo Francisco Franco pour discuter de l'entrée en guerre de l'Espagne au côté des forces de l'Axe. Souvenirs, souvenirs, si je retrouve le Traité dans mes archives je chroniquerai...

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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 00:06

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Dans le jardin du pépé Louis au Bourg Pailler y’avait de tout : des arbres fruitiers, une treille et plein de légumes. Alors, jusqu’à mon arrivée à Paris je ne connaissais que les asperges blanches du pépé Louis que j’allais dénicher le soir à la fraîche dans leur buttée avec la mémé Marie. Opération délicate que celle d’aller trancher avec la gouge métallique le rhizome au-dessus du turion sans faire de dégâts. Nos asperges étaient « blanc de lait » un peu rosée  avec tout juste, à la pointe, de fines nervures violettes. (voir Edouard Manet ci-dessus) Elles étaient douces et, trempées dans une sauce blanche, faite avec le bouillon de cuisson et une lampée de crème fraîche maison, nous n’en laissions pas une miette tellement elles étaient tendres. Alors, lorsque Miss GlouGlou nous fait le coup de l’asperge qui « dégaine l’amertume comme James Coburn la dynamite dans Il était une fois la révolution » elle ignore la douce et noble blanche pour ne s’en tenir qu’aux roturières : la violette et la verte qui sont à la mode sur les tables parisiennes. Je m’insurge donc contre son appréciation générique « Les asperges, il vaut mieux les avoir en photo que dans son verre de vin » Mes asperges blanches sont de bonnes convives elles admettent tous les vins.

 

Comme je ne suis pas raciste, bien évidemment j’apprécie aussi les vertes et les violettes, plus fruitées, avec une pointe d’amertume pour les premières, mais ce n’est pas une raison pour en faire tout un plat et sacrifier à la nouvelle religion de leurs accordailles avec le vin. En mangeant, l’exercice dégustatif m’a toujours parut étrange car il cantonne la conversation autour du vin et, pour ma part, à table, mon plaisir va bien au-delà du nez dans le verre et des gloses sur la robe, l’attaque et la finale du nectar qui accompagne le plat. Pour moi le bien manger et le bien boire permettent de délier les langues, d’animer les échanges, de rire et pourquoi pas de chanter, mais rien n’est plus réfrigérant, comme le notait récemment Vincent Pousson, que ces repas autour du vin ou l’on ne parle que de vin. Bref, le vin chez soi, comme au restaurant on le choisit seul ou en concertation avec les autres convives et ensuite il vit sa vie au rythme de la conversation. C’est un bon compagnon, pas forcément ramenard, qui peut bien sûr se glisser dans la conversation, faire l’objet d’éloges, de critiques, mais j’ai du mal à m’imaginer un repas où, les mérites comparés de l’asperge épousant en troisième lit un Muscadet juste après avoir partagée la couche d’un Condrieu et longtemps vécue avec un Beaujolais blanc, meubleraient l’essentiel du temps passé à la table du Seigneur.

 

Reste l’essentiel qui rejoint la célèbre affirmation « Sitôt bu, sitôt pissé ! » : les fragrances du lendemain de l’asperge. Comme je suis un garçon délicat, à défaut d’être cultivé, j’en appelle à Marcel Proust, dans Du Côté de chez Swann, pour traiter ce délicat sujet.

 

« Mon ravissement était devant les asperges, trempée d’outre-mer et de rose et dont l’épi finement pignoché de mauve et d’azur, se dégrade insensiblement jusqu’au pied – encore souillé pourtant du sol de leur plant – par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s’étaient amusées à se métamorphoser en légumes et qui, à travers le déguisement de leur chair comestible et ferme laissaient apercevoir en ces couleurs naissantes d’aurore, en ces ébauches d’arc-en-ciel, en cette extinction de soirs bleus, cette essence précieuse que je reconnaissais encore quand, toute la nuit qui suivait un dîner où j’en avais mangé, elles jouaient, dans leurs farces poétiques et grossières comme une féérie de Shakespeare, à changer mon pot de chambre en un vase à parfum. »

 

Précisions pour les néophytes de l’asperge :

1-     Il faut la peler de haut en bas avec un économe ou si l’on est adroit avec une lame fine.

2-    La cuisson : les maîtres disent : 9 mn pour le 1/3 du bas, 6mn pour celui du milieu et 3 mn pour la pointe. Grotesque ! Cuisez-les à la vapeur de 10 à 15 mn selon la grosseur et la qualité de l’épluchage.

 

Samedi dernier j’ai mangé en entrée des asperges vertes à L’Hédoniste rue Léopold Bellan www.lhedoniste.com et j’ai bu ça.

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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 00:09

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Hantise des « facteurs » de mets-vins – j’innove en me référant aux facteurs de piano qui les accordent – nos fromages, aux flaveurs et au goût parfois forts affirmés, ont quelques préventions vis-à-vis de certaines accordailles.

 

Faut-il exiger entre vin et fromage de longues fiançailles ou préconiser le concubinage ou se contenter de brefs 5 à 7 ? Je ne sais. En revanche, ce que je sais, c’est  que certains sont des saints, tels le saint-émilion et le saint-nectaire. Sans vouloir choquer mes paroissiens j’ose écrire qu’il sera possible au moins de les pacser même si sainteté rime avec chasteté dans notre sainte mère l’Eglise catholique et romaine. Les saintes, elles, sont rares : le sainte-foy (500hl) à Bordeaux vin liquoreux confidentiel et le sainte-maure-de-Touraine qui est un fromage de chèvre assez connu (1140 T) mais comme toujours le masculin l’emporte sur le féminin puisque j’ai écrit le vin de sainte-foy et le fromage de sainte-maure.

 

Plaisanterie mise à part, et même si après l’amphigouri je prends le risque de me voir taxé de pédanterie, permettez-moi de souligner que j’ai, pour une fois, parfaitement respecté l’antonomase des noms propres. Cette figure de style, la seule vraie antonomase pour beaucoup de théoriciens, consiste à employer un nom propre pour signifier un nom commun. Les antonomases du nom propre, contenant le mot «saint»  et qui, en se lexicalisant ont perdu leur majuscule : le saint-pierre poisson, le saint-nectaire fromage, le saint-émilion vin, la sainte-barbe cale à poudre, en sont la parfaite application. Ces antonomases sont parfois invariables : des saint-honoré, des saint-amour, des saint-marcellin.

 

Après cet amuse-bouche culturel destiné à relever le bas niveau de mes chroniques je reviens au sujet du jour où je souhaite utiliser la casuistique, surtout employée par les jésuites, qui consiste à résoudre les problèmes posés par l'action concrète au moyen de principes généraux et de l'étude des cas similaires, pour éclairer la lanterne de nos marieurs fromages-vins.


Ne vous effrayez donc point, ne faites donc pas tout un fromage de ma pseudo-érudition, restez sur mes lignes. En effet, je vais me contenter de mettre face à face deux frères canonisés à pâte molle fleurie pour que vous puissiez m’aider à résoudre leurs accordailles avec des vins eux-aussi touchés par la sainteté. L'idée n’est point si sotte et grenue qu’il n’y paraît car ces deux saints, si proches géographiquement, frères de lait – je n’ai pas osé fils de vache – nés dans des aires géographiques proches, sont caractéristiques de la belle complexité de nos beaux produits de terroir.

L1000848.JPG« Il vaut mieux s’adresser au Bon Dieu qu’à ses saints » dit-on, alors moi dès que j’écris fromage je m’adresse à Philippe Alléosse www.fromage-alleosse.com  . Michael Steinberger  le confirme « Alléosse, un homme manifestement amoureux de son métier, choisissait certains fromages et me les mettait sous le nez. »Sentez-moi ça », « touchez-moi celui-ci ». Tout cela finit par venir à bout de ma résistance lorsque nous nous retrouvâmes devant le chariot des saint-marcellin, ce fromage au lait vache, piquant et déraisonnablement coulant, produit dans la région lyonnaise. Je lui confiai à quel point j’aimais ce fromage-là, et immédiatement il m’en tendit un, que je m’empressai de dévorer : c’était sublime, la meilleure gratification matinale qu’on pût rêver. »

 

Mon projet matinal est le même, sauf qu’étant quelque peu plus vicieux que notre ami étasunien, je vous propose la même gratification matinale mais vous, vous aurez le choix entre un saint-marcellin et un saint-félicien pour accorder l’un ou l’autre de ces fromages, ou les deux si vous avez un fort appétit, avec un vin lui aussi sanctifié : saint-pourçain, saint-émilion, saint-joseph, saint-julien, saint-amour...

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Pour ceux qui l’ignoreraient le saint-félicien est le grand frère du saint-marcellin. Tous deux sont du Dauphiné, fabriqués avec du lait de vache, pâte molle à croûte fleurie, affinés de la même manière, à la lyonnaise (tout en crème), le premier est plus doux que le second.  À noter qu’il existe un saint-félicien ardéchois qui est un fromage de chèvre dit « caillé doux » du village de Saint-Félicien en Ardèche. Dans sa présentation (voir photos) le saint-félicien pèse 180g à 60% de MG et le saint-marcellin pèse 80g à 50% de MG.

 

Vous savez tout ou presque, à vous de jouer : mariez-les ! Pacsez-les ! Soyez inventif !

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14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 00:09

Dans le monde du vin, où la gent masculine règne encore en maître avec un zeste de partage, bien plus qu’ailleurs, les clichés ont la vie dure. Sur les deux rives de la Gironde, en ce vignoble dit de Bordeaux où cohabitent des points si hauts, des pics, qu’ils donnent le vertige et des points si bas, des gouffres, qu’ils donnent la gueule de bois, les idées reçues ont la rondeur, le lisse et la fermeté des galets roulés de la patrie du Baron Le Roy de Boiseaumarié. Image certes osée mais, lorsque, comme moi, de retour des Primeurs, au lieu d’étaler sous vos regards acérés d’experts es-dégustation mon carnet de notes de tous ces hauts nectars mis en bouche puis rejetés en des réceptacles prévus à cet effet, j’ouvre le bal avec deux femmes délurées :  La Baronne G. et the Bad Girl, il y a de quoi faire grincer beaucoup de belles dents de la place de Bordeaux.

 

Chocking ! Mais est-ce pire que cette petite histoire qu’on me conta vers la fin des années 70 lorsque, jeune et beau, je fis ma première descente à Bordeaux « Un PDG d’une belle affaire de négoce de vins commentait le compte-rendu d’une réunion où différentes sociétés avaient échangé les principaux ratios de leur exploitation. » C’est très intéressant... mais à part l’erreur de frappe, je voudrais que l’on m’explique ce que viennent faire les rations dans tout cela. »

 

Donc à propos de belles dents agacées je dois vous concéder que les miennes se sont parées de beaux reflets noirâtres qui donnent à mon sourire un côté charbonneux. Mais trêve de diversion je reviens à mes moutons, pardon à mes deux femmes libérées qui ne sont pas si fragiles... comme le chantait Cookie Dingler (faut toujours que j’étale mon immense culture et je comprends que ça en devient lassant). Et pourtant c'est une belle transition car mon plus grand regret de ces deux jours passés sous un soleil luciférien c’est d’avoir raté la Soirée Let’s Dance du Cercle Rive Droite où j’aurais pu danser des rocks d’enfer avec ma partenaire préférée. Mais il me fallait rentrer. Tout ça pour vous dire que, contrairement à une idée reçue, les Primeurs ne se confinent pas que dans les mondanités et que sur la Rive Droite ça bouillonne, ça foisonnent, ça bouge, et sans vouloir leur jeter des brassées de fleurs je sens sous ce mouvement des mains de femmes. Vous comprendrez donc, eu égard à ma pente naturelle, que j’en fusse fort ravi et que ma première chronique post-primeur fut consacrée à deux représentantes de la gent féminine.

 

Dans l’ordre chronologique ce fut la Baronne G. qui me fut présentée en premier le mercredi, en fin de journée, par Paul Goldsmith dans la paix du jour déclinant sur le merveilleux parc du château de Siaurac. Son allure décalée m’a de suite séduit et, un peu pincé, j’ai fait remarquer à Paul que j’eusse apprécié la primeur de cette mystérieuse Baronne, au G si évocateur. Alors que je la dégustais – désolé pour les prudes – dans les règles de l’art, Paul me dit, avec son air le plus nounours sympa, « c’est une enfant d’Aline ! » Pour ceux qui ne le savent pas « J’ai découvert Aline debout sur son canapé, un verre de rouge à la main » (ainsi commence une chronique d’un grand cru berthomesque Aline au pays des merveilles : la saga de la Baronne Guichard link du 14 mai 2008). Sans doute goûtez-vous mieux maintenant tout le sel ou le suc, c’est à votre convenance, de mes brillantes pensées sur les idées reçues et sur la main des femmes pour les bousculer. Mais qui est donc cette énigmatique Baronne G. ?

 

Tout d’abord sachez que cette dame bien née, en dépit de son petit côté j’ai rangé mon corset au rayon des accessoires inutiles, garde ce qu’il faut de classe, elle ne s’habille point Aux Dames de France mais chez la couturière de famille. C’est ainsi qu’Aline l’a imaginé, qu’Aline a osé, qu’Aline à un peu ferraillée, qu’Aline a patientée, qu’Aline l’a fait. Jugez par vous-même. Comme l’aurait dit ma chère maman couturière : ce Camay ça change tout. Le chic se niche dans le détail. La photo est celle de Madeleine Brisson,  qui épouse  le Baron Louis Guichard en 1919, et devient la Baronne Guichard. Bon les ronchons vont m’objecter que je les entortille avec mes histoires de chiffon ce qui compte vraiment c’est le contenu du flacon. Objection retenue messieurs les porteurs de pantalon « Oui, oui, j’y viens : le vin ».

étiquette baronne G camayAlors parlons vin ! Pour moi, La Baronne G. est un vin modèle Rapport B. Là je vous sens ébranlés, moins ramenard, prêt à me rendre les armes. En effet ce vin permet à des consommateurs, qui ne peuvent accéder au cousu main de s’offrir du plaisir à un prix abordable. C’est un modèle qui, dans la langue bordelaise, se définit comme un second vin, celui du Château Siaurac la plus grande propriété de Lalande de Pomerol, jouxtant Pomerol. 80%merlot, 20% cabernet franc sur de l’argile et des graves, La Baronne G. s’affiche délibérément bordelaise, le vin est équilibré, souple, fruité, facile à boire dans sa jeunesse. Cousine germaine de la Cuvée Plaisir, la nouvelle venue garde la patte d’Alain Reynaud qui a veillé sur son berceau. Reste à vous dire, même s’il est malséant de parler argent, que vous pouvez vous offrir un flacon de Baronne G pour environ 10€

 

La seconde femme délurée je l’ai croisée le lendemain rue Vergniaud à Saint-Emilion (pour la petite histoire j’ai habité une grosse poignée d’années rue Vergniaud dans le treizième arrondissement). Mes intuitions sont pour moi des maîtresses impérieuses et je leur cède sans combattre. Donc dès l’entame de ce second jour je me rendais d’un pas assuré, sous un ciel d’une pureté de rosière, chez mon ami Jean-Luc Thunevin, comme moi mauvais berger du vin français, bad boy (lire absolument cette chronique datée du 26 mars 2008 link.) Première bonne nouvelle, en descendant la rue Guadet je tombais sur un autre ami cher à mon cœur, François Des Ligneris, et comme j’étais perdu – en dehors de Paris je me perds tout le temps, et pourtant là j’avais un guide mais Sophie, comme la majorité des femmes, n’est pas dotée du sens de l’orientation – je lui demandais donc le chemin de la maison Thunevin. Il s’y rendait alors nous le suivons. Au détour de la conversation il évoquait une nouvellement arrivée dans la bergerie : une certaine Bad Girl. À partir de cet instant, comme vous pouvez vous l’imaginer mon sang bouillonnait, impatient, j'étais en état de lubricité neuronale. Alors dès mon arrivée, après avoir salué Murielle et Jean-Luc, absorbé ma dose de caféine, je me ruais vers cette nouvelle rétive. Cette Bad Girl est la fille de Murielle. Présentation faite, avant même de la savourer, je la mitraillais sous tous les angles. L’effrontée, comme vous pouvez le constater sur mes clichés, en rosissait de bonheur.

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Du côté vin, Bag Girl est un Crémant de Bordeaux, harmonieux, équilibré, joyeux, fines bulles, bien dans l’esprit de la gamme des Bad car il s’inscrit, comme le flèche sur l’étiquette et la contre-étiquette l’unique brebis du troupeau qui va à contre-courant, hors le discours dominant des amateurs qui font de l’Extra-Brut l’alpha et l’oméga des bulles qui plaisent. J’ai goûté et je dois avouer que j’ai retrouvé dans cette Bad Girl tous les éléments de langage – c’est très, très bien porté de nos jours l’élément de langage – que je serine depuis des années à propos des néo-consommateurs qui abordent le vin sous l’angle festif. Comme il faut que jeunesse se passe et que faire la fête c’est bon pour le moral, et Dieu sait que les Français sont fichtrement pessimistes, les bulles s’imposent. Des bulles qui assurent la transition avec les soft-drink, des bulles avec de la vivacité mais juste ce qu’il faut de sucrosité. Mon hymne, plusieurs fois entonné, pour les méthodes ancestrales, bien douces, bien jeunes, va dans le même sens. Alors cette Bad Girl bien lookée, avenante, positionnée assez haut environ 15€, qui vient prendre place sur un marché dynamique et porteur, va devoir lutter contre les idées reçues qui ... allez je ne vais pas repasser les plats.

 

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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 00:09

En hommage à Raphaël Sorin l’« inventeur » de Houellebecq je vais un peu squatter le Goncourt. Comme Sorin– lui avant moi car lui a lu le manuscrit qui sera publié par Maurice Nadeau – j’ai adoré de suite Extension du Domaine de la Lutte (lire « Dieu a voulu des inégalités pas des injustices » link ) alors je puis me permettre cette fantaisie. Depuis cette découverte j’ai « visité » Houellebecq par tous les bouts et, quand Sorin  rappelle, dans une interview à GS by Technikart, que celui-ci était un fan des « chaînes d’hôtels un peu cheap genre Campanile ou les Citadine (...)  je l’ai toujours imaginé ainsi. Ce type, « En fait, ne sait pas vivre, ne connaît rien à la bouffe, rien aux vins. Vous pouvez lui servir n’importe quoi à table, il sera content. Quand il venait dîner chez moi, j’avais beau faire le maximum, il bouffait comme s’il était chez McDo. » c’est toujours Raphaël Sorin qui parle mais c’eut pu être moi. Et puis, cerise sur le gâteau Houellebecq est « d’une avarice légendaire. En dix ans, il m’a invité une fois à déjeuner. Et encore, c’est parce que je l’ai quasiment obligé de payer. Je lui ai fait gagner des millions d’euros, mais il n’arrivait pas à payer une addition à 40 euros par tête de pipe. Pour mon anniversaire, il m’a offert une bouteille avec un bateau à l’intérieur, vous savez le souvenir pour touristes à dix euros... »

 

Donc, voici l'histoire de la bouteille de N°3 d'Embres&Castelmaure avec un bateau à l’intérieur...

 

« Patrick Hoÿm de Marien m’a souvent présenté le travail de Jed Pousson comme issu d’une  froide réflexion sur l’état du monde, détachée, héritière des grands artistes conceptuels du siècle précédent. C’est dans un état de frénésie nerveuse qu’il avait acheté dès son retour de Barcelone, toutes les cartes Michelin qu’il put trouver – un peu plus de cent cinquante-trois. Très vite Jed Pousson se rendit compte que les plus intéressantes appartenaient aux séries « Michelin Régions », qui couvraient une grande partie de l’Europe, et surtout « Michelin Départements » limitée à la France. Tournant le dos à la photographie argentique, qu’il avait jusqu’ici exclusivement pratiquée, il fit l’acquisition d’un dos Betterlight 6000-HS, qui permettait la capture de fichiers 48 bits RGB dans un format 600x8000 pixels.

Pendant presque six mois Jed Pousson sortit très peu de chez lui sauf pour une promenade quotidienne qui le conduisait jusqu’à l’épicerie de Simone sur la place d’Embres&Castelmaure. Le matin du vernissage, Jed Pousson se rendit compte qu’il n’avait pas prononcé une parole depuis presque un mois, à part le « Non » qu’il répétait tous les jours à Simone qui lui demandait s’il avait un carnet de fidélité pour y coller les timbres SPAR. Pourtant, à l’heure dite, il se dirigea vers la coopérative où, à sa grande surprise, il y avait peut-être cent personnes, enfin il n’avait jamais su évaluer ce genre de chose, et il eut d’abord un mouvement d’inquiétude en constatant qu’il ne connaissait personne. Jed crut un instant s’être trompé de jour ou d’exposition mais son tirage photo était bien là accroché aux murs de la coopé. Bernard Pueyo lui servit un double « Antidépresseur » et il fit plusieurs fois le tour de la salle. En terminant son troisième parcours Jed Pousson remarqua une jeune femme qui fixait son tirage photo avec beaucoup d’attention. Il aurait été difficile de ne pas la remarquer : non seulement c’était de très loin la plus belle femme de la soirée, mais c’était sans doute la plus belle femme qu’il n’ait jamais vu. Les hommes la buvaient des yeux ; l’un d’entre eux avait la mâchoire à demi décrochée.

Lorsque Jed Pousson repassa la fois suivante devant son tirage photo, elle était de nouveau là, seule à présent. Il eut une seconde d’hésitation, puis prit la tangente et vint se planter à son tour devant l’image, qu’il considéra avec un hochement de tête.

Elle se tourna vers lui, le regarda pensivement pendant quelques secondes, avant de demander :

« Vous êtes l’artiste ?

- Oui... »

Elle le regarda de nouveau, plus attentivement, pendant au moins cinq secondes, avant de dire :

« Je trouve ça très beau. »

Pour l’exposition Jed Pousson avait choisi une partie de la carte Michelin de l’Aude, dans lequel figurait le village de sa grand-mère. Il avait utilisé un axe de prise de vue très incliné, à trente degrés de l’horizontale, tout en réglant la bascule au maximum afin d’obtenir une très grande profondeur de champ. C’est ensuite qu’il avait introduit le flou de distance et l’effet bleuté à l’horizon, en utilisant des calques Photoshop. »

 

Larges emprunts à La carte et le Territoire de Michel Houellebecq pages 62 à 65 éditions Flammarion.

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 00:09

Ce matin au lever du jour, sitôt douché, j'enfile ma plus belle chemise au col empesé, je passe mon costar bleu de dégustateur imposteur et, chaussant mes Richelieu lustrées, je me hâte vers la gare pour filer vers Bordeaux où, deux jours durant, je vais me faire des lignes et des lignes de châteaux estampillés GCC. Je ne geins point, j'assume ! Cependant pour ne pas renier mes basses origines j'ai décidé de chroniquer sur le cassoulet.

 

Au temps de l’Antoine Verdale, l’avant-match du Tournoi des V, au restaurant de Roland*, toute une peuplade, dont j’étais, sacrifiait au rituel « du dieu de la cuisine occitane » au dire de Prosper Montagné, le Cassoulet, ici de Castelnaudary qui fait partie de la Trinité de Montagné « Toulouse, Castelnaudary, Carcassonne ». Dans un temps encore plus lointain, les signatures de Cuisine et Vins de France, dont celle de Curnonsky, dans un numéro centré sur la Sixième Foire Internationale de la vigne et du vin de Montpellier (octobre 1954), rendaient hommage à Prosper Montagné. Certes le style un peu désuet, ampoulé, parfois grandiloquent, masculin en diable, très femmes au foyer, est un peu daté mais ces gens-là savaient conter des histoires et sur le versant vin ne nous gavaient pas de leurs notes ou commentaires.

* Roland dans la langue snob Roland Garros, comme Ferret pour Cap Ferret...

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Simon Arbelot dans le portrait qu’il esquisse de « Prosper Montagné homme d’Occitanie » écrit de bien belles choses.

 

« Il reste le descendant d’une lignée d’aubergistes et de maîtres bouchers, initié dès son enfance aux bonnes choses de la table dans ce pays de Cocagne qu’est l’Occitanie.

Il fallait voir avec quelle émotion il parlait de ses souvenirs d’enfance à table, des crêpes et des oreillettes du Carnaval, des escargots dans les guinguettes de la Cité de Carcassonne, des grandes miches de pain « Las micos resquitaban » qu’on mangeait en buvant du vin nouveau, de la daube à Noël, de la brandade du Vendredi Saint et du gâteau de Limoux accompagné de la pétillante blanquette.

Ah !s’il avait eu le temps, Prosper Montagné aurait appris aux Parisiens à manger l’ail à la manière de son pays, l’aïoli d’abord, la brandade aussi, bien sûr et, enfin, cet extraordinaire et peu connue « pistache de mouton » qui se prépare avec un gigot et cent gousses d’ail, pas une de moins, le tout mijoté des heures dans un coulis onctueux. Et pour ceux qui n’ont pas le temps d’attendre, Montagné aurait conseillé une tranche de pain bis, grillée, fortement frottée d’ail et assaisonnée de sel et force de poivre. Notre vieux chapon ! Avec un verre de Picpoul. »

 

Curnonsky Prince élu des Gastronomes y allait lui de son anecdote.  photoCurnon.jpg

« Et, à propos du cassoulet, j’oserai rappeler la jolie anecdote qu’aimait à raconter le célèbre cuisinier Prosper Montagné, ce Languedocien, lui aussi, puisque natif de Carcassonne.

Comme il se promenait un beau matin dans sa bonne ville, il s’avisa qu’il avait besoin d’une paire de souliers.

Il se rendit au magasin tenu par le meilleur cordonnier local, et sur la devanture strictement abaissée, il lut sur une vaste pancarte : « Fermé pour cause de cassoulet »

 

Reste le dernier mot, celui des vins du Languedoc, défendus par Maurice Chauvet Président de la Fédération des Syndicats d’Initiative du Languedoc-Rouergue-Roussillon.

 

« Et les vins, dites-vous ? ah ! les vins, c’est là que je vous attends. Il faut, ici encore, détruire une légende. Celle du « gros rouge », produit exclusif d’une viticulture industrialisée. Le « gros rouge » ? Bien sûr qu’il existe. C’est lui qui fait la richesse du pays. Mais il ‘est heureusement pas seul, et quelques gentilshommes d’appellation contrôlée, voire quelques chevalier des VDQS, accrochent des blasons assez rutilants sur la draperie lie-de-vin qui s’étale dans la plaine.

Car, tout de même, Côtes du Rhône, Tavel, Clairettes, Saint-Georges, Minervois, Costières, Corbières, Fitou, Frontignan, Lunel, sans omettre la Blanquette de Limoux, sont aussi des vins Languedociens. Il faudrait ajouter encore à cette brève liste une bonne vingtaine de crus de qualité, parmi lesquels les vins de Langlade, près de Nîmes, que les connaisseurs classaient encore, il y a un siècle, immédiatement après les grands Bourgognes, at qui n’a rien perdu, je vous l’assure de ses qualités.

Quand vous passerez par Narbonne, essayez de boire un rouge du »Quatourze » ou un blanc de la Clape : vous m’en direz des nouvelles ; à moins que vous ne préfériez un vin de La Palme, dont le trouvère anglo-normand Pierre d’Angély chantait les louanges au XIVe siècle.

A Montpellier, dans un terroir où s’élèvent de gracieuses résidences du XVIIIe siècle, allez à la Mogère, Flaugergues, Rastouble ou Grammont ; personne ne vous refusera un verre de la « Méjanellle », à condition que les négociants de Bordeaux, qui le connaissent bien, et pour cause, n’aient pas enlevé toute la récolte. »

 

C’est à vous Languedociens outragés, Roussillonnais oubliés, Bordelais outragés, et tout autre terroiriste intéressé de répondre à la question : « Avec le cassoulet que buvez-vous ? » Pour les perfectionnistes ils peuvent raffiner en mariant chacun des 3 Cassoulets : Toulouse, Castelnaudary et Carcassonne avec le bon vin ! Même Miren de Lorgeril peut concourir eu égard à la grande palette de ses vins d’altitude vantée, à juste raison, par notre cher Michel venu dans le Versailles de Carcassonne la goûter sans pour autant accéder au raffinnement des chambres du château !

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5 avril 2011 2 05 /04 /avril /2011 00:09

i698160111danziger.gifAvec son sens aigu du bruit médiatique, volant la vedette au discret groupe Auchan  www.driveauchan.fr qui pratique la chose depuis un moment, l’enseigne Leclerc s’accapare « l’innovation » drive-in avec www.leclercdrive.fr  en s’appuyant comme Auchan sur une offre en ligne. En cela rien de très innovant, le génie d’Edouard Leclerc fut, entre autre, de comprendre avant tout le monde que les peuplades des cités et des zones pavillonnaires, hors de chez eux en semaine, voudraient expédier les courses du samedi ou en soirée dans de nouveaux temples où ils trouveraient tout sous la main. Souvenir du premier hangar-foutoir de Leclerc à la Roche-sur-Yon. Et puis, Carrefour formata le modèle hypermarché. Je ne vais pas vous refaire l’histoire de la GD mais, au lieu d’être piétonnier le client devient motorisé. Alors sa charge utile est fonction du volume de son coffre, de son frigo, de son congélo, et sa capacité de stockage. Bref, il paye le kérosène et tout le monde se fout alors de l’emprunte carbone. Pousser le caddie devient un loisir dans la savane des grands centres commerciaux et les tentaculaires zones commerciales. En famille on s’y ennuie le dimanche en errant chez Ikea, chez Pantashoop, Kiabi, Leroy-Merlin et on mange chez Flunch ou Mac Do.

 

Comme l’urbanisme commercial, grâce à la connerie récurrente de nos législateurs, devint la plus belle pompe à finances de nos élus, nous eûmes droit à toutes ces horreurs bubonesques à l’entrée de nos villes et de nos villages. Nos grands épiciers grimpèrent au firmament des grandes fortunes par la grâce d’une règle simple celle du grand nombre. Bref, tout allait bien dans le meilleur des mondes, ce fut la Saint Barthélémy du petit commerce et de l’artisanat de bouche (certains l’avaient bien cherché vu le niveau de la qualité et du service dans leurs boutiques). Un seul îlot de résistance : Paris ! Le grand Jacques, touché pour une fois par la grâce, nous épargnait l’invasion. Hormis le Carrefour d’Auteuil et les Géant Casino du XIIIe survivance des folies des érecteurs de tours de ce quartier devenu Chinatown, les Grands prédateurs se tenaient à la lisière au bord du périphérique. Le parisien adore prendre sa petite auto pour se ruer vers la Normandie le vendredi soir (surtout depuis les RTT si décriées mais fort prisées) il répugne à aller se faire chier, se payer les voies sur berges, bouchonner, pour aller faire ses courses chez les banlieusards de la petite ceinture. Après un coup de déprime le petit commerce alimentaire grâce aux nouveaux épiciers asiatiques ou maghrébins reprit des couleurs. La résistance paya puisque depuis quelques années les grands prédateurs se battent comme des chiffonniers pour faire le trottoir. Les enseignes de proximité poussent comme des champignons.

 

Mais tel n’est pas mon propos de ce matin. L’irruption du commerce en ligne allait-il révolutionner la distribution des produits alimentaires ?  Auchan (Auchan Direct,), Carrefour (Ooshop.com), Casino (Cdiscount, MonSuperCasino) et Cora (Houra.fr)  y ont cru mais le problème épineux et couteux de la logistique du dernier kilomètre a sérieusement douché ces espoirs. Il suffit de voir ces pauvres livreurs dans leur petite camionnette se débattre pour se garer au plus prêt, décharger leurs caissons, les transbahuter jusqu’à la bonne cage d’escalier, carillonner, encombrer l’ascenseur, le bloquer même, la galère quoi ! Même topo pour Coursengo : livraison à domicile après les courses faites par le consommateur. Donc, retour aux sources : faire accroire au consommateur qu’il gagne du temps en se contentant après commande sur le Net en venant les récupérer avec sa petite auto à un entrepôt.

 

J’ai trouvé sur le Net les impressions d’une nénette (j’ai corrigé les fautes d’orthographe) forum aufeminin.com

 

« J'ai testé le Leclerc drive in aujourd'hui (Auchan le fait aussi je crois)

Bon je ne peux pas blairer M-E Leclerc (ça m'a un peu freiné pour me rendre dans sa boutique...) mais c'est vraiment ultra pratique qd tu as un petit que tu balades

 

1 le site fonctionne bien : j'ai pas mis 2 plombes à faire ma première commande.

2 tu arrives sur place, on te met tes courses dans le coffre de ta voiture, tu repars

3 c'est un service gratuit

4 c'est plus rapide et plus flexible que la livraison à domicile

5 les dates de péremption sont : pouce levé

 

Seul bémol, il y a un peu moins de choix qu'en magasin, mais bon il y a qd même pour chaque produit : une ou deux marques phare, la marque Leclerc, une marque ... tout ça en plusieurs contenance.

 

Il y avait surtout des mamans avec des sièges auto à l'arrière, ça m'a pas dépaysé.

 

C'est pas de la pub, c'est juste pour vous conseiller d'essayer si vous en avez un près de chez vous... »

 

J’adore la notion de gratuité : c’est un coût caché, donc apparemment indolore, puisque c’est vous qui payez.

 

Article du Parisien

« Ce nouveau mode de consommation connaît un succès certain : environ 200 commandes par jour à l'Express Drive de Meaux. « Cela évite de faire la queue dans les magasins et de perdre du temps à choisir les articles dans les rayons », explique Michel Delpech, à Plessis-l'Evêque. Ce jeune retraité, qui l'utilise pour la première fois, fait encore figure d'exception à Meaux. Effectivement, la clientèle se compose surtout de jeunes mères de famille et de couples d'actifs pour qui le temps est compté. « Notre cible, ce sont les 25-40 ans des catégories socioprofessionnelles supérieures », indique Pascal Henry. Comme partout ailleurs, le pic de fréquentation se situe aux heures de sortie des bureaux. « Nous possédons notre propre stock et une équipe de quinze personnes dont douze embauches » Chaque centre Express Drive fonctionne en autonomie par rapport au supermarché de la même marque. « Nous possédons notre propre stock et une équipe de quinze personnes dont douze embauches », souligne Laurent Julien, directeur du drive meldois. Si les rayons du magasin classique ne sont donc pas dépouillés de leurs articles, le sont-ils de leurs clients ? « Non. C'est une nouvelle clientèle que nous touchons mais elle peut avoir à compléter ses achats au magasin car nous disposons de moins de produits », confie un employé. Autre particularité de la commande à distance : les internautes achètent en plus grande quantité. Les sacs de l’Express Drive semblent moitié plus remplis que ceux qui sortent du magasin. »

 

Pour en finir avec ce concept vieux comme les années 50 et qui nous vient des rois des gros culs dans leurs grosses bagnoles : le ciné, hamburgers et coke, j’en reviens au vin. C’est lourd une bouteille de vin, 6 bouteilles c’est limite, au-dessus c’est mission impossible. Alors en dehors de la GD et du HD et bien sûr des cavistes que font nos chers consommateurs pour acquérir des bouteilles en nombre conséquent :

- l’achat à la propriété en assurant soi-même l’enlèvement ou par correspondance ;

- les salons où le client enlève mais la vigneron approche le produit ;

- l’achat Internet sur des sites spécialisés avec livraison au client.

- les dépôts ou entrepôts...

- les brocantes, les foires et marchés...

Et si le drive-in, en des lieux d’accès facile, ouvert à des heures décalées où dans nos belles villes la circulation est fluide était un service à rendre aux acheteurs de toutes les formes de commerce pour récupérer ses beaux cols. Qui s’y colle ?

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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 00:09

C’est un fait : affineur sonne comme éleveur, mais comme je ne veux pas en faire tout un fromage et vous embrouiller l’esprit – j’aurais pu écrire cailler – l’élevage en question n’est pas ici celui des bovins, caprins, ovins, dont le lait fait du fromage, mais l’élevage du vin.

 

Comme nous vivons un Temps où chacun affirme ne plus avoir de temps, mettre ses pas dans les pas de ceux qui le prennent, c’est prendre le parti d’une forme de vie, celle qui respecte le rythme où les choses se font. Accélérer le temps, faire vite, à la va-vite, c’est ôter leur goût aux choses, les rendre bien souvent incolore, inodore et sans saveur. Seule l’eau répondant à cette définition l’affadissement généralisé n’est porteur que de banalité. La différence alors ne se fait plus que sur des images : ainsi fleurissent sur les étiquettes des fermières, des Perrette et leur pot au lait mais adieu vaches, cochons, couvées, le camembert, le munster nous désespèrent et dans leur pochon plastifié nos fromages ne sont plus que des produits dérivés du lait, des subprimes fromagères !

 

Vous allez dire que je pousse le cochonnet un peu loin, que je ronchonne, que la patrie des 365 sortes de fromage de Charles de Gaulle n’est pas en danger, pas si sûr ! Je pourrais vous ressortir mon Roland Barthes « Le vin est senti par la nation française comme un bien qui lui est propre, au même titre que ses trois cent soixante espèces de fromage et sa culture » mais ce serait tricher car c’est un peu daté, en effet, notre vieille nation un peu essoufflée ne me semble autant accroché qu’on voudrait nous le faire accroire à ses bons produits.

 

Accusés : la GD et le HD avec la litanie des pousseurs de caddies qui consomment du prix. Dureté du temps certes mais il y aurait trop de facilité à s’en tenir qu’à une charge contre les Mammouths.

 

Le petit commerce spécialisé est-il toujours à la hauteur ?

 

Se différencie-t-il vraiment des rayons à la coupe des Grandes Surfaces ?

 

Ses fromages trop souvent ne sont que les cousins germains de ceux que l’on retrouve frigorifié dans les armoires de la GD. Un produit de caractère a besoin d’être bien né et bien élevé pour tenir ses promesses dans notre assiette.

 

Et ça là qu’interviennent mes 3 A : A comme Affineur, A comme Alleosse, A comme Artisan.


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Philippe Alleosse Maître Artisan Fromager Affineur je l’ai découvert grâce au livre de Michael Steinberger link dans le chapitre sur le camembert au lait cru. Le XVIIe de la Fromagerie de Philippe Alleosse est au Nord, 13 rue Poncelet (à deux pas de la place des Ternes) alors que mon gîte rural haut perché est plein Sud, entre Glacière et Saint Jacques. Le cœur de Paris nous sépare et pourtant un samedi n’écoutant que mon courage je grimpai jusqu’à la rue Poncelet www.fromage-alleosse.com qui est fort commerçante. Philippe Alleosse, que je ne connaissais bien sûr pas, était là. Présentation, conversation, l’homme est disert et son invitation à aller visiter sa fameuse cave d’affinage rue Clairaut toujours dans le XVIIe me va bien. Je fis une large provision de frometons dont mon Curé Nantais link, un peu de beurre salé et de brocciu frais.

 

Ce matin-là pour me rendre rue Clairaut il faisait frisquet. Je descendais à la Fourche. Ici le XVIIe est dans sa frange encore populaire. Rachel Alleosse m’accueillait. Avec Philippe Alleosse d’abord un peu d’histoire : 1984 ouverture du magasin par son père, 1987 après des mois de recherches création de la cave d’affinage. La galère : 38 tonnes de ferrailles dans les caves, tout est à faire. Pour faire il faut trouver le savoir-faire des rares experts en édification de caves d’affinage. Travail d’orfèvre que ces 300 m2 de caves+le labo en plein Paris. Et bien sûr se conformer aux instructions évolutives de nos chers Services Vétérinaires. L’épisode des petites rigoles, emplies de gravier, qui longaient (elles n'existent plus) les murs pour recueillir l’humidité, qu’il fallait laver périodiquement pour se conformer aux exigences sanitaires, soit de 1 Tonne à 1 Tonne et demi à remonter dans des poubelles, est significative. À cœur vaillant rien n’est impossible ! Je ne vais pas ironiser sur la course, sans aucun doute nécessaire, à une forme exacerbée d’injonctions normatives qui caractérise les zinzins européens, mais cette course effrénée bien nordique me semble trop systématiquement faire table rase du passé et surtout de s’exercer parfois avec une géométrie très variable en fonction que l’on soit petit artisan ou gros faiseur industriel (qu’on ne vienne pas m’affirmer le contraire sinon je sors, non pas mon révolver, mais des exemples concrets). Alors à partir de 1998 vive l’inox ! Tout doit être amovible. Je vous épargne la litanie du toujours plus. Le mieux est parfois l’ennemi du bien mais comme le lui disent nos services vétérinaires : « Vos ambitions vont avoir un coût monsieur Alleosse... » Rien que pour le passage à l’inox de 150 à 200 000€. Dans le labo de Philippe Alleosse c’est nickel chrôme.

 

Connaissez-vous la marche en avant d’un fromage ? Non, il ne s’agit pas du résistible coulage du camembert bien fait mais d’une stricte procédure règlementaire. Tout fromage remonté de la cave d’affinage pour la coupe ne doit jamais y redescendre. Ce qui signifie qu’il faut les stocker dans des frigos à froid sec de 4° avec, raffinement supplémentaire, qu’il ne faut pas mêler les petits fromages avec les gros, donc un grand frigo pour les gros et une petite armoire pour les petits. Et bien sûr on date les morceaux. Rien que des équipements à 3 francs six sous bien sûr. Tout va l’avenant : lave-mains à déclenchement au genou, poubelles blanches, plastic transparent, torchons pour essuyer la vaisselle mais papier jetable pour les mains, armoire de décontamination en fin de travail pour les couteaux, plus rien d’apparent ne doit rester tout doit être rangé dans des armoires. C’est effectivement un laboratoire.

 

Mais revenons maintenant à l’affinage en tant que tel. Jusqu’aux années 70 le producteur assumait la fonction. Pour des raisons financières ils livrent de plus en plus des produits ½ finis. Face à cette évolution Philippe Alleosse a du aller chercher le savoir-faire au plus près des producteurs dans leur région. La transmission de ce que fait la main est capitale car il ne s’agit pas de pure recette mais d’un savoir où le ressenti, l’expérience, le détail, la précision, ne s’acquière souvent que par la parole d’un homme de l’art. Comme le goût ceux-ci on une propension de plus en plus grande à disparaître. Alors, Philippe Alleosse est un passeur d’expérience. Il faut l’entendre vous parler avec passion du croutage de certains fromages : alchimie entre fromage et lavage, du salage, de la texture, et d’une foultitude de détails ou de ses tâtonnements pour atteindre l’optimum recherché tel les buvards aspirant juste ce qu’il faut l’humidité des fromages de chèvres pour leur conférer l’onctuosité. Comme le dit justement Philippe Alleosse : « Les fromages nous parlent. » et moi j’ajoute que lui sait si bien en parler.

 

Nous nous équipons : blouse et chaussons en plastique et nous plongeons dans les entrailles des 4 caves :


- La cave à tomme (pâtes cuites) la seule à avoir le droit de conserver ses rayonnages en bois ;


- La cave à croute fleurie : Brie, Coulommiers, Saint Félicien, Saint Marcellin...


- La cave à croute lavée : Reblochon, Maroilles, Epoisses...


- La cave à chèvres.


En étages l’œil peut constater l’évolution des fromages : couleur, aspect, Fleur pose les bonnes questions.


Dans la cave à tomme mon Dieu que c’est beau : voir les photos ! Les vieilles Mimolettes sont canon !

 

Philippe Alleosse nous a consacré 3 heures de son temps précieux qu’il en soit remercié ainsi que Rachel son épouse. C’est un passionné. Bien sûr je ne vous ai pas tout raconté mais comme il faut toujours garder une poire pour la soif (fine allusion au merveilleux et très érudit livre de Massimo Montanari Entre la poire et le fromage ou comment un proverbe peut raconter l’histoire)  au fil de mes futures chroniques je reviendrai sur son combat pour la sauvegarde du goût de nos fromages. Mais pour clore ce voyage en affinage deux citations tirées du livre cité ci-dessus:

 

« Le fromage est un aliment typiquement paysan, et quand il s’agit de donner à manger aux paysans, il leur est, pour ainsi dire administré d’office : au XIIIe siècle, les paysans qui dépendent du monastère de Saint Côme et Damien à Brescia, lorsqu’ils se rendent en ville pour déposer le paiement des locations, reçoivent tous un « goûter » composé de pain et de fromage. En revanche, l’agent qui supervise les travaux des vendanges, pour le compte des propriétaires, reçoit pain et viande. L’opposition ne saurait être plus claire : le fromage est la viande des paysans. »

 

« C’est pour cela* que Bartolomeo Sacchi, dit Platine, l’humaniste et gastronome du XVe siècle, affirmait qu’il convenait de manger le fromage (en particulier le fromage affiné) à la fin du repas, « parce qu’il scelle l’entrée de l’estomac et supprime la nausée des aliments gras. »

 

* fermer l’estomac pour favoriser le processus digestif

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La suite des photos sur Wine News N°78 (en haut à droite du blog)

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