Overblog Tous les blogs Top blogs Économie, Finance & Droit Tous les blogs Économie, Finance & Droit
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
19 janvier 2011 3 19 /01 /janvier /2011 00:09

img217.jpg

Quelques arpents de terre à Lourmarin en décembre, me voici transporté sur la Côte chalonnaise où Le Toine « Serf d’un grand seigneur impitoyable, le Temps ». Comme l’écrit André Lagrange dans son Avant-propos à son livre Moi je suis un vigneron éditions du Cuvier Jean Guillermet Villefranche-en-Beaujolais « le vigneron lutte contre les vicissitudes et les infortunes, malgré les découragements et les rancœurs justifiées, tout au long d’une année, c’est-à-dire sans répit, d’une récolte à l’autre. » L’auteur qui, dès son retour de captivité, entreprend « du pays de Chablis au beaujolais, tout au travers de la Grande Côte et jusqu’en ces arrières-côtes dont il se plaisait à déceler les aspects archaïques, la longue série de ces campagnes ethnographiques qui, de cette époque à ces toutes dernières années, le conduisirent dans plus de 600 communes viticoles, que les crus en fussent glorieux ou modestes. » André Lagrange né à Chagny (S&L) en 1907, d’une lignée de vignerons de la côte chalonnaise, fils d’instituteur, agrégé de Lettres, est mort le 7 juillet 1959. L’ouvrage qui a été publié en 1959 – une éternité donc – est découpé en 12 chapitres correspondant aux 12 mois de l’année « de novembre à octobre »

 

Ce matin, tout naturellement, j’ai choisi « Février » et il se peut que je publie, au fil de ma lecture, d’autres extraits se calquant sur le mois en court. Il n’est pas interdit de me dire si ce type de texte vous intéresse. Bonne lecture à vous.

img213

img214.jpg img215.jpg

Partager cet article
Repost0
13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 00:09

À la lecture d’un tel titre certains vont encore ironiser « l’année est à peine commencée et le voilà qui recommence à décoconner... » Foin de leurs sarcasmes, qu’ils ne me fassent pas tout un fromage de l’affirmation d’un attachement indéfectible à l’origine qui engendre ma totale aversion pour toute forme de normalisation ou d’un mercantilisme réducteur. Tout se vend certes mais il y a la manière et si nous ne voulons pas nous transformer en un Oenoland noyé dans un Ruraloland à la Houellebecq ne cédons pas aux sirènes des communicants en mal de clientèle, ne nous vautrons pas dans le convenu des marchands de tout et de rien. En notre beau et vieux pays nous avons tout sous la main alors nous gaspillons, nous nous dispersons, nous mélangeons tout, nous réinventons le fil à couper le beurre avec l’œnotourisme et le tourisme en kit, nous torchonnons d’épais et lourds cahiers des charges qui ne sont que des copié-collé sans âme, nous « croskillons », au nom d’une qualité normative au raz des étalages, celle que je dénomme qualité tout court, tout ce qui donnait à nos vins et nos fromages, pour ne citer qu’eux, leur originalité.

 

Je pousse à dessein le bouchon un peu loin non pas pour affirmer que c’était mieux avant, bien au contraire, mais simplement pour souligner que nous persistons à rester dans l’ambigüité. Sous la grande bannière des signes de qualité, aussi divers que variés, aussi incompréhensibles que vides de réalité, se nichent tout et n’importe quoi : une vache y perdrait son veau. À force de faire prendre aux consommateurs des vessies pour des lanternes ce qui faisait la force et l’originalité de beaucoup de nos produits d’origine se dilue dans un grand lac indifférencié. La conséquence de ces non-choix, de cette dilution c’est que le fossé se creuse entre une élite qui a accès à des produits cousus mains, chers, et une masse de consommateurs à qui l’on propose de pâles copies, sans grand rapport avec l’empreinte d’une quelconque origine. Je suis frappé par le toujours plus d’exigences de ceux qui ont déjà beaucoup et le toujours moins d’attention à ceux qui, sans avoir un degré d’exigence démesuré, doivent se contenter d’une bouffe ni bonne, ni mauvaise, mais badigeonnée aux couleurs de nos terroirs profonds.

 

La réponse qui risque de m’être claqué au bec c’est qu’une grande majorité de consommateurs s’en fichent. Qu’ils préfèrent des trucs préemballés, des machins qui passent vite fait aux micro-ondes, des pommes pelées en quartier, des fromages pasteurisés, des vins qui se boivent tout seul... Objection retenue chers contradicteurs mais alors pourquoi diable affubler beaucoup d’étiquettes de signes d’origine qui ne sont que des labels de qualité ? La qualité tout court me va fort bien pour mon steak haché operculé mais n’y-a-t-il pas usurpation d’identité lorsque l’on fait accroire que l’origine (en dehors des exigences dites de traçabilité) apporte un plus au produit ? Pour moi le doute n’est pas permis : le marketing de l’origine donne le sentiment au client qu’il accède à la consommation des grands alors qu’il n’entre que par la porte de service et qu’il mange sur un coin de table à la cuisine. Quand je me plonge dans les entrailles des panels de consommateurs, comme je le fais en ce moment pour la consommation de la viande de bœuf, je suis stupéfait du fossé qui sépare les discours des tenants de la défense des bons produits et la réalité de monsieur et madame tout le monde qui fait ses courses majoritairement dans la GD. Un peu de rigueur intellectuelle ne nuirait pas mais je crois que c’est peine perdue.

 L1000392.JPG

Las de m’époumoner, de gaspiller ma précieuse salive, d’user ma belle plume, pour des combats perdus d’avance face à des poids lourds si lourds qu’ils ressemblent aux omnibus de notre SNCF entre Strasbourg et Port-Bou, ce matin je vais vous demander de me suivre sur les sentiers des marcaires de la vallée de Munster. Celle-ci, « des différentes vallées qui strient le versant du massif des Vosges (...) compte parmi les plus étendue. En aval de la vallée de Munster, elle va s’élargissant en direction de la plaine, vers Colmar. En amont, elle se divise en deux vallées secondaires divergentes : la Grande Vallée se déploie au sud, la Petite Vallée au nord. Celles-ci sont barrées à l’ouest par une succession rectiligne de montagnes imposantes dont la ligne de crêtes marque l’horizon et forme la limite avec les Hautes Vosges lorraines.

Contrastant avec les versants boisés, les sommets des montagnes qui enserrent la vallée de Munster sont couverts de vastes pâturages. Ouverts et entretenus par le marcaire, ou Melker (littéralement « celui qui trait »), ils sont autant de preuves d’une économie pastorale séculaire. »  L1000393.JPG

Tout est presque dit, le fromage de Munster s’inscrit l’estive qui entraîne tout un système de déplacement plus ou moins complexe des vaches laitières. « Elle implique aussi une occupation temporaire ou permanente de bâtiments dispersés entre le village et les sommets : petite marcairie, étable-fenil de montagne ou grande marcarie sommitale. » Au printemps, le troupeau monte par étapes, se pose, avant d’atteindre à partir du mois de mai « les chaumes sommitales débarrassées de la neige pour estiver dans une grande marcairie privée ou communale. » À l’automne c’est la redescente vers les vallées.

 

Alors engagez-vous dans un Parcours du patrimoine sur les pentes de la vallée de Munster !

 

Fort bien mais je dois vous avouer que toute ma science matinale je la tire d’un précieux petit livre « Une architecture pour l’estive les marcairies de la vallée de Munster » réalisé par le Service de l’Inventaire et du Patrimoine de la Région Alsace édité par Lieux Dits. Il vous propose 4 circuits traversant les principales zones de l’estive. Ce sont des ballades dans la montagne vosgienne qui vit grâce à l’activité des marcaires et à l’existence des fermes-auberges. Il ne s’agit pas de réserves d’indiens mais de lieux chargés d’histoire où il y a de la vie.

L1000398.JPG

 

Le fromage, la finalité de l’estive

 

C’est là où je voulais en venir, à l’empreinte, à la réalité de l’origine du fromage de munster « Le fromage moyen de paiement »

 

« Bien plus que l’élevage de bêtes pour leur viande, le fondement de la pratique pastorale e l’estive dans la vallée de Munster demeure la production de fromage. Au cours des siècles, il reste le moyen de conservation le plus durable du lait. Au-delà de sa fonction d’aliment, il représente très tôt une redevance du fait de sa valeur marchande. Les marcaires alsaciens qui louent les hautes chaumes lorraines sont astreints depuis le XIVe siècle à régler partiellement leur loyer avec des fromages. Ce paiement en nature destiné au duc de Lorraine et à l’abbesse de Remiremont se fait annuellement lors de la Journée des Chaumes, tenue le 24 juin à Gérardmer. Il est constitué de « tous les fromages qui se font sur les chaumes, de tout le lait donné par toutes les vaches, le jour de la <saint Jean Baptiste ».Les fromages apportés sont vendus et le prix atteint lors de l’enchère fixe le cours de cette denrée pour toute la saison... »

 

« Un fromage réputé »

 

« Dans sa Cosmographia Universalis parue en 1544, Sébastien Munster se fait l’écho de l’excellente réputation dont jouit le fromage de Munster à l’époque. Il constitue un cadeau de bon goût fort prisé des gourmets. Le corps professionnel des Kessgremper ou Kessleute a fait métier de son commerce sur les différents marchés d’Alsace. »

 

Fort bien mais me dira-t-on tout cela fleure bon le parchemin, ce n’est que du passé, l’heure est au cahier des charges en béton armé, aux ODG, aux OP, aux OI, aux contrôleurs des cahiers des charges, aux contrôleurs des contrôleurs des cahiers des charges, aux organismes certificateurs, à la normalisation et ron et ron petit patapon... et à la Grande Distribution... et à l’exportation... Bon, mais si nous revenions à notre Munster des marcaires n’est-ce pas lui sur qui repose le cœur de l’appellation ? Son origine, ses origines, son originalité... Sinon pourquoi continuerais-je à préférer acheter un de ses petits frères totalement frigorifié dans un rayon de GD à un bon vieux Caprice des Dieux bien industrialisé et bien supporté par la publicité ? Notre différence dans la mondialisation réductrice n’est-elle pas dans l’expression assumée de ce passé ? Pour autant, je l’ai suffisamment écrit et défendu, il est hors de question de se désengager de la production de masse. Simplement appelons un chat un chat, une appellation d’origine contrôlée une appellation d’origine contrôlée, un produit normalisé un produit normalisé, mais de grâce cessons de tout raboter au nom de la médiocrité. À ce jeu nous perdons par tous les bouts, nous n’avançons plus, nous régressons et nous collectionnons les crises là où nous devrions tirer les dividendes de notre diversité.  L1000395.JPG

Pour ceux qui ne le sauraient pas  Le munster ou munster-géromé est un fromage AOC (1969) à base de lait de vache, à pâte molle à croûte lavée, de forme cylindrique, de 13 à 19 cm de diamètre, haut de 2,4 à 8 cm. Son poids peut varier de 450 g à 1,5 kg. L'appellation « Petit-Munster » ou « Petit Munster Géromé » est réservée à un Munster ou Munster-Géromé de format réduit de 7 à 12 cm de hauteur, d'un poids minimum de 120 g. La croûte est lavée avec des coryneformes Brevibacterium linens (dit ferments du rouge). Sa zone de production couvre sept départements dont les versants alsacien et lorrain du massif des Vosges. Son tonnage : autour de 8000 tonnes est plutôt en régression. 98 producteurs fermiers et 7 fabricants, 14 % au lait cru (9 % en fermier). La majeure partie de la production est aujourd'hui réalisée en Lorraine.

 

Selon les auteurs de la Maison du Lait « Les vrais amateurs de Munster ou Munster-Géromé l'apprécient nature, sans pain, avec des pommes de terre chaudes en robe des champs.

Il entre aussi dans la composition de plats régionaux savoureux, comme la quiche et l'omelette au Munster, la tourte aux pommes de terre et au Munster, le baeckeofe de Munster, etc...

Il peut s'accompagner de vins rouges puissants, Corton, Haut-Médoc, mais il s'harmonise encore mieux avec des produits du terroir alsacien, Gewurztraminer, Pinot Noir ou encore bière. »

 

Et vous qu’en pensez-vous, un peu vague tout ça !

Partager cet article
Repost0
11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 00:09

« La cuisine taoïste est basée sur deux principes : 1. une nourriture simple et bonne et 2.une vie simple et bonne. Les aliments choisis sont pour la plupart d’origine végétale. On évite la viande, le poisson, les œufs, l’alcool, le glutamate, le fromage et les graisses. Cependant, on ne condamne pas ceux qui en mangent. Si de la viande ou du poisson sont servis à un banquet, le taoïste en prendra un petit peu de façon à ne pas offenser son hôte. De même, si on porte des toasts, il avalera une gorgée de vin ou de bière mais il ne se laissera pas aller à consommer des alcools forts. Si des visiteurs arrivent à un monastère taoïste, il est possible qu’on leur serve de la viande, du poisson ou des alcools variés parce que l’invité doit toujours se sentir chez lui. »

 

Voilà des gens forts accueillants. Pour eux « la table de banquet n’est pas le lieu pour enseigner, modifier le comportement des autres ou faire montre de sainteté. » Moi je trouve ça reposant, civilisé, si éloigné de tous nos preneurs de tête gardiens de notre santé physique, morale, mentale, qui veulent nous « convertir » à leur nouvelle religion de l’hygiénisme moderne grand pourvoyeuse de clients pour la pharmacopée. Bien sûr nos moines taoïstes ne sont pas dépourvus d’un certain esprit pratique lorsqu’il s’agit des membres du Parti en tournée d’inspection, surtout ceux du Bureau des Affaires Religieuses, et créer avec eux un heureux climat d’euphorie permet d’aplanir bien des situations.

 

Le taoïsme est « la religion du ventre » écrit Michael Saso dans son livre « À la table d’un cuisinier taoïste » aux éditions Philippe Piquier. Les chinois souligne-t-il ont 3 pratiques religieuses : « le confucianisme fournit des lignes de conduites pour les relations sociales, le bouddhisme enseigne la libération de l’âme après la mort et le taoïsme, la vie et la nature. Ces trois pratiques religieuses constituent la singularité de la culture chinoise ; l’esprit y est fait pour la pensée et le jugement, le cœur pour la volonté et l’amour, et l’estomac pour la sagesse intuitive et la digestion. »

 

Pour illustrer la cuisine taoïste j’ai choisi les Ouïgours – ne pas faire la confusion kouchnérienne – qui sont l’une des nationalités vivant dans les zones altaïco-turques de la célèbre route de la Soie. Ce choix n’est pas innocent, ils sont avec les Kazakhs, les Ouzbeks, les Tadjiks, les Huis réputés pour leurs nouilles végétariennes. « L’histoire de Marco Polo rapportant les spaghettis de Chine » ne pouvait que séduire un fondu de la pasta comme moi. Tous ces peuples sont musulmans mais « la nourriture demeura la même le long de la route de la Soie, et le vin aussi. Bien que les Ouïgours soient de bons musulmans et s’abstiennent de manger du porc et des coquillages, ils continuent à boire le vin doux issu des vignes des déserts de la route de la Soie »

 img204.jpg

Nouilles Ouïgoures

 

Les nouilles ouïgoures sont des lanières de pâte (farine de froment) de 6mm de diamètre sur 90 cm de long, les ouïgours les placent sur leurs épaules avant de les jeter dans l’eau bouillante.

 

« Coupez les poivrons verts (3), les tomates bien mûres (3) et les oignons blancs (1) en petits morceaux. Faites chauffer le wok, mettez-y l’huile et faites sauter l’oignon, les tomates et les poivrons pendant 2minutes. Coupez les haricots verts en morceaux (150g) en morceaux se 2 ?5 cm de long et ajoutez-les avec l’ail haché (4 gousses). Laissez cuire encore deux minutes, jusqu’à ce que les légumes soient tendres, mais pas trop. Versez ce mélange sur des nouilles que vous venez de faire cuire à l’eau bouillante al dente et saupoudrez de graines de cumin. »

 

Pour la boisson : bière chinoise ou vin doux ou thé compressé en briques plus doux et plus faible en théine que le thé noir indien.

 

Méditation V

 

L’être qui est entre le ciel et la terre ressemble à un soufflet de forge qui est vide et ne s’épuise point, que l’on met en mouvement et qui produit de plus en plus de vent.

 

Pour les curieux, en cache une chronique à découvrir absolument d'un petit clic http://www.berthomeau.com/article-en-toutes-choses-il-faut-avoir-les-moyens-de-sa-politique-les-citations-pour-les-voeux-64546749.html

Partager cet article
Repost0
30 décembre 2010 4 30 /12 /décembre /2010 00:09

Enfant je détestais la galantine truffée du charcutier que maman achetait pour le repas de Noël et ce pour deux raisons : la première était gustative, je suis allergique à la gelée qui l’entourait, la seconde était liée à mon instruction religieuse, en effet ce carré noir central, tel l’œil de Caïn dans la tombe, ne me disait rien qui vaille. J’en mangeais bien sûr pour faire plaisir à ma sainte mère mais mon rapport à la truffe s’en est toujours ressenti : je ne cours pas après. Même que, dans mes vertes années, la Tuber mélanosporum, évoquait pour moi la ringardise de la poularde demi-deuil chère aux banquets républicains et aux demi-sels chers à Audiard et consorts.

 

Les maîtres de la Haute Gastronomie Française vont encore me toiser, me remettre à ma place d’usurpateur, en objectant que la truffe, la vraie, celle qui atteint les sommets à chaque saison sur les marchés de Richerenches, Valréas, Aups, Carpentras, Lalbenque... sous le manteau, n’est pas l’ersatz de ma jeunesse mais une reine. J’en conviens aisément d’autant plus que je puis aussi leur rétorquer que j’ai depuis le temps lointain de mes culottes courtes accédé au sommet de la truffe. Pour preuve ce dîner tout à la truffe chez l’ami Jérôme Quiot à la veille d’un Vinisud, rassemblant des clients canadiens, où le chef Guy Jullien de la Beaugravière à Montdragon avait magnifié la Tuber mélanosporum dans tous ses états. « L’hiver, de décembre à mars, c’est la passion de la truffe qui signe les plats du restaurant. En salade, en velouté ou accompagné de coquilles Saint-Jacques, le produit est travaillé à tous les plats. Le repas se termine avec du Saint-Marcellin à la truffe puis une crème glacé truffée » www.labeaugraviere.comMême que pour en rajouter une couche j’écris cette chronique en pleine zône truffière et qu’à la « Petite Maison de Cucuron » chez Eric Sapet j’ai mangé un Suprême de poule faisane rôti au chou et à la saucisse de Morteau, sauce salmi. COICA6JP793CAVBWYNQCA675YMLCA69OELUCA12XF1KCA2896AXCALTNZHA

Reste que la truffe garde encore aujourd’hui sa part de mystère, certes on n’élucubre plus en affirmant qu’elle naît « des pluies d’automne et des coups de tonnerre secs », on ne la diabolise plus, elle l’« enfant des dieux », depuis que notre sainte mère l’Eglise catholique et romaine ne la rejette plus comme porteuse de mille sorts, on laisse à l’Ecole Nationale de chimie de Toulouse et à la société Trufarôme leur aromatisant jus de truffe commercialisé sous la marque « Arôme de Truffe », on préfère penser à George Sand qui vouait à la « gemme des terres pauvres », la plus « révérée des princesses noires, une passion sans borne ou à Giono la dégustant « au plus près de la Provence, crue avec du sel et de l’huile d’olive ». Moi ce que j’aime dans la truffe, la « rabasse » provençale, c’est qu’elle est capricieuse, exigeante : elle naît dans un sol attentif et adapté, c’est mademoiselle « juste ce qu’il faut » de chaleur, de froid, de pluie,  c’est la locataire d’un arbre ami, c’est une amoureuse d’une nature humanisée mais respectée. De plus, sa récolte, le cavage s’avère délicate et aléatoire. Elle nécessite un détecteur : cochon (S-O), chien (S-E), mouche (Grasse) selon la tradition locale, de la patience, du nez, de la délicatesse lorsque le caveur gratte le sol avec son « truffidou ». Connaissance empirique des signes annonciateurs, sens de l’observation : le brûlé du sol autour de l’arbre truffier, ressenti, chaque rabassier a ses secrets.

 

Folklore railleront les sceptiques : la trufficulture (application de l’arboriculture à la culture de la truffe) va « industrialiser » le process et roule inexorablement la fin des caveurs et autres rabassiers. Ce n’est pas nouveau puisqu’en 1808 Joseph Talon sema des glands près de Saint Saturnin d’Apt dans des terrains calcaires déjà saturés par des spores de truffes et il ramassa quelques années plus tard des truffes. Il fut imité et on alterna vigne et chêne truffier lorsqu’en 1880 les ravages du phylloxéra aboutirent à l’apogée de la culture de la truffe. Et puis, comme toujours, la mécanisation, l’exode rural, la chimie eurent raison de cet âge d’or. Depuis 20 ans l’INRA cherche, le CTIFL expérimente, des méthodes de cultures ont été éprouvées (Pallier, Tanguy) sans aboutir à des résultats probants. Les traditionnalistes avancent que l’intervention de l’homme créé les conditions de l’appauvrissement de la faune et de la flore incompatibles avec la fructification du champignon. C’est heureux s’écrieront les « nature » ! Reste que cette économie de cueillette confère à la truffe le statut de produit rare donc cher.

 

La France est le premier pays consommateur de truffes, elle produit entre 20 et 40 tonnes/an (statistique qui ne prend pas en compte l’autoconsommation et les ventes au black) et en importe tout autant d’Espagne et d’Italie, et en importerait plus de 20 tonnes de Chine (tuber indicum qui ressemble à la mélanosporum à prix bas bien sûr). Le négoce de la truffe est familial, culturel (une vingtaine de négociants/conserveurs) car il exige un savoir-faire empirique, avoir un « nez ». Bien évidemment je ne vais pas entrer sur le terrain des débats chauvins : franco-français Périgord/Provence ou avec nos voisins italiens, et leur blanche d’Alba, et autres espagnols. Je préfère m’en remettre à Maguelonne Toussaint Samat qui écrit « L’Italie prend la truffe française pour un bruit qui court et l’espagnole pour une triste plaisanterie. L’Espagne ne connaît qu’une truffe, la sienne. Et la France dit des autres : impossible ».

 

Reste le sujet le plus important : la truffe et le vin. Je partage avec Pierre Casamayor l’opinion que la truffe, dans notre cuisine, n’est pas un « prétexte parcimonieux à des fins décoratives ou prétentieuses » et que la simplicité, telle celle de Giono, lui va bien. Fraîche ou à peine tiédie, elle exhale son parfum puissant, son arôme de sous-bois, ses fragrances incomparables. Lui faire face n’est pas chose aisée, il faut tenir le choc, supporter la comparaison. Alors le vin de truffe n’est-il pas un vin de territoire de truffes : Châteauneuf-du-Pape ou Cahors, ou un vin qui fleure bon lui aussi l’arôme de truffe : un côte-rôtie ou celui de la noisette : un Hermitage blanc... Plus roturiers les futurs Grignan les Adhémar lui iraient bien aussi... « En Italie, dans le Piémont, à Alba, à l’automne dans sa pleine maturité, la truffe parfume l’air et les grappes des dolceto et des nibbiolo qui, bien secs, se marient avec la truffe blanche. » Bref, chers amis, ne vous privez pas d’aller plus avant dans ce mariage d’amour, donnez-moi les noms des heureux élus à qui va votre préférence...

 

Pour tous les détails voir l’ABCdaire des Truffes chez Flammarion 3,95€ qui m’a servi à écrire cette chronique.

 

Note de l'auteur : la truffe ne vaudra jamais la vie d'un homme fusse-t-il un voleur de truffe à 1000 euros le kg...

 

La nouvelle rubrique « à lire » se mettra en ligne à 9 heures, Constellation Brand passe un accord avec CHAMP Private Equity pour lui céder ses activités en Australie et au Royaume-Uni  mais si vous souhaitez la lire de suite elle est accessible grâce à ce lien

http://www.berthomeau.com/article-constellation-brand-passe-un-accord-avec-champ-private-equity-pour-lui-ceder-ses-activites-en-australie-et-au-royaume-uni-63919493.html  

Partager cet article
Repost0
29 décembre 2010 3 29 /12 /décembre /2010 00:09

600px-Lourmarin_by_JM_Rosier.jpg

Ai-je sauté le pas ? Profitant de mes séjours réguliers en Luberon ai-je décidé de passer à l’acte ? Suis-je devenu un simple propriétaire terrien ou mieux un petit propriétaire-exploitant comme certains belges déracinés ? Mon titre semble répondre positivement à ces questions mais avec moi il faut toujours se méfier car je suis capable de vous emberlificoter pour que vous me lisiez.

 

Le premier bien que j’ai acquis, ce fut à l’Isle-sur-Sorgue un document officiel émanant du Ministère de l’Agriculture, Direction de la Production, de J. Long Inspecteur de l’Agriculture et P. Bonnet Directeur des Services Oléicoles : L’OLIVIER. Bel opus à couverture vert olive où les deux ingénieurs agronomes font la preuve de l’utilité ce qu’on appelait autrefois « les services agricoles ». Belle appellation que voilà tombée dans les oubliettes des Chambres d’Agriculture. Muni de ce viatique il ne me restait plus qu’à, sauf qu’avant je vous dois quelques explications. 

 img201.jpg

Dans ma carrière l’olivier fut un amour tardif, pour autant ce fut un amour ardent et sincère qui, le temps passant, ne s’est pas émoussé même si le petit monde de l’olivier français n’a guère tenu les promesses des espoirs que j’avais placé en lui. Qu’importe, c’est un peu mon lot que de croire en la capacité des hommes de relever des défis à leur portée. L’olivier et la vigne vont bien ensemble dans notre grand sud et, persuadé que j’étais qu’il y avait une place à prendre dans le formidable développement qu’a connu la consommation d’huile d’olive en France, j’ai milité pour l’émergence d’une oliveraie en capacité d’apporter aux consommateurs français une huile de large origine, Provence par exemple, une IGP, à un prix compatible avec le porte-monnaie du plus grand nombre. Peine perdue – même si mon labeur fut surtout verbal – l’huile d’olive française reste dans le confidentiel, le haut de gamme, le produit rare d’AOC. C’est un choix qui parfois confine au non-choix et ça ne me regarde pas.

 

Pour finir sur ce sujet, lorsque j’exerçais le dur métier de médiateur des VDN à Perpignan j’avais organisé une journée de l’olivier dans la bonne ville de Millas (moulin à huile de Millas) dont le maire était Christain Bourquin Président du CG des PO – présentement successeur de Georges Frèche – pour convaincre certains viticulteurs de sortir de la monoculture des VDN. On m’a pris alors pour un fêlé, un fada de Paris, mais je reste persuadé que l’objectif de fournir 10% de la consommation française avec notre production n’avait rien de baroque. Encore eut-il fallu, là comme ailleurs, sortir de l’approximation, du bricolage et des mauvaises habitudes. Et moi, croyez-moi, je devrais perdre la mauvaise habitude de ramener ma fraise sur des sujets qui ne me regardent pas.

 

Maintenant je vais vous livrer le fin mot de mon histoire.

 

« J’ai acquis, il y a trois ans, à Lourmarin, une petite terre.

 

Depuis un quart de siècle, personne n’y avait donné un coup de pioche. J’y comptai cependant, dans la rocaille, une soixantaine de vieux oliviers. La moitié était mutilée, rasée aux racines, sauvagement. Du sol, il ne sortait que troncs sciés de travers, pourris, rongés, et de maigres rejets déjà épineux. Les autres plants, secs, crevassés, tant bien que mal tenaient encore. Mais, mangés de soleil, ravagés par le vent, sans nourriture, ils étaient stériles. Pas une olive : de vrais oléastres.

Pourtant je ne sais trop pourquoi, je leur trouvai de bonnes têtes. Dans l’abandon où ils vivaient, oubliés de tous, reniés, voués à la hache et au feu, ils avaient conservé un je ne sais quoi de solide, de confiant. Ils avaient l’air ainsi de très vieux hommes. J’en suis sûr, quelque chose d’humain émanait d’eux, comme si, d’une antique race paysanne, ils eussent, seuls, conservé et perpétué, sur ce sol aride, le tenace espoir. Et ils attendaient.

C’étaient des arbres de patience, des arbres de foi, des créatures végétales religieusement attachées à leur roc infertile, et, vivants vénérables, de ce roc, les derniers, les vrais possesseurs. L’homme avait abdiqué ; eux, ils restaient là. Ils n’attendaient pas de pitié ; ils espéraient peut-être un peu d’amour ou, plus simplement encore, un peu de justice. Et c’est pourquoi je me suis mis soudain à les aimer.

Or, si j’écris, ici, ces quelques lignes, c’est à cause de cet amour. Car j’ai soigné mes arbres, et ils m’ont bien rendus en fruits le peu que je leur avais donné. Sauf un ou deux, tous ils ont repris vie. Deux ans après, une trentaine portait des olives er présentement ma bastide dresse son fronton de petit temple grec au milieu de leurs beaux feuillages ressuscités. J’avoue sans façon que j’en suis heureux, d’abord à cause d’un peu d’huile, d’huile vraies, dorée, nourrissante, fruitée à point, lente et grasse à couler, et qui vient de mon sol.

Pour modeste qu’il soit, c’est le don de reconnaissance du roc, de l’humus et de l’arbre associés. Voilà qui réconforte.

Car le pacte du renouveau fait avec l’homme a été tenu.

J’ai l’impression maintenant d’être aimé de mes arbres. Et être aimé d’un olivier n’est-ce pas, pour celui qui honore la terre et ses travaux, une rare récompense. »

 

Henri BOSCO Lourmarin, septembre 1950 (le gel de 1956 détruira une grande partie de l'oliveraie française) fut un grand fabricant de dictées pour moutards utilisant la plume Sergent major et l'encre violette, humaniste, amoureux du Luberon, il est enterré au cimetière de Lourmarin. (1976)

« Je veux qu'on ramène mes cendres à Lourmarin, au nord du fleuve, là où vécut mon père et où, trop peu de temps, j'ai connu les conseils de l'Amitié.

Et que l'on creuse alors sur ta paroi, en plein calcaire, là-haut loin des maisons habitées par les hommes, entre le chêne noir et le laurier funèbre, un trou, ô Luberon, au fond de ton quartier le plus sauvage. J'y dormirai.

Et puisse-t-on graver, si toutefois alors quelqu'un prend souci de mon ombre, sur le roc de ma tombe, malgré ma mort, ce sanglier »

 

 

 

img203.jpg

Partager cet article
Repost0
18 décembre 2010 6 18 /12 /décembre /2010 00:09

Le Salers, vieux fromage d’Auvergne, garde encore plus que d’autres ses racines en respectant dans sa fabrication la saisonnalité : il ne peut être fabriqué que du 15 avril au 15 novembre lorsque les vaches sont dans les prés. Plus qu’une tradition, la montée des vaches en estive, c’est-à-dire en haute altitude où l’air et la qualité de l’herbe sont meilleurs influe sur la spécificité de ce fromage. Autrefois les éleveurs organisaient leur vie autour du troupeau et de la fabrication du fromage, ils s’installaient dans des burons aux toits de lauzes. De nos jours l’estive existe toujours, quelques burons perdurent encore, mais la plupart des producteurs s’organisent pour rompre l’isolement. L’altitude est un élément important pour la période de fabrication : plus elle est haute plus la date de fabrication sera repoussée car plus l’herbe tarde à pousser. En conséquence, pour beaucoup de producteurs la période de production est bien plus restreinte.

fromage_salers_gr.jpg

 

La traite des vaches est unique et spécifique, car la présence du veau est indispensable pour récolter le lait. C’est en effet le veau qui amorce la traite. Après avoir absorbé les premiers jets, il est attaché à la patte avant gauche de sa mère et le vacher peut entreprendre la traite de 3 trayons. En effet, le dernier trayon n’est pas trait pour satisfaire les besoins de croissance indispensable du jeune. Le veau est ensuite libéré et réalise l’égouttage de la mamelle. Cette technique spécifique rend la composition du lait différente, la flore buccale du veau humectant les trayons qui lors de la traite dépose dans le lait une flore spécifique. Avec un rapport matière grasse/matière protéique voisin de 1,2 qui se traduit par des qualités fromagères exceptionnelles pour la fabrication du Salers.

 

Tradition que l’on retrouve loin du Cantal, chez les Touaregs nigérians : Edmond Bernus écrit « Avec la tombée de la nuit commence la traite. De jeunes garçons se chargent de celle des chèvres et des brebis, alors que les hommes adultes s’occupent des vaches et des chamelles. L’homme s’approche de la vache le bol de traite à la main (akabar) ; il a pris soin auparavant de détacher le veau, et il le laisse s’approcher et téter goulument, le temps de lier les pattes arrière de la vache. Puis il chasse le veau, et l’attache par le cou à la patte de sa mère. Il s’accroupit alors pour la traite, le bol calé entre les genoux. La montée de lait, amorcée par le veau, se poursuit normalement. La vache n’est pas entièrement traite, et on laisse le veau revenir à sa mère. Libéré il vient enfin téter ce que les hommes lui abandonnent. » Précision de mon ami Pierre, maire de Valette, arrondissement de Riom-ès-Montagne dans la Cantal évidemment : « chez les Peuls le veau est attaché à la patte droite de sa mère » ce qui est attesté par Marguerite Dupire « le jeune veau est attaché par le cou à la patte antérieure droite de sa mère. Cette position naturelle donne à la vache l’impression que le veau continue à la téter. »

 zone_aoc_salers_cle088a68.jpg

Toutes les races de vache sont autorisées pour faire du Salers, cependant une dizaine de producteurs le fabriquent avec la race salers et ont droit à la mention « Tradition Salers ». La zone de fabrication se restreint à 137 communes du Cantal, 24 du Puy de Dôme, 5 de l’Aveyron et 1 de Corrèze. Elle recouvre des sols riches en acide phosphorique, potasse et magnésie donne une flore originale composée de réglisse, de gentiane, anémone et encore arnica qui lors de la mise à l’herbe donne au lait un goût incomparable. Sitôt trait le lait arrive directement dans la gerle de bois de châtaignier (rendue obligatoire en 2000) où a lieu la première étape de fabrication. Le Salers est donc fabriqué immédiatement après la traite, soit deux fois par jour.

220px-Salers-Gerle.jpg

Ensuite c’est l’emprésurage puis le décaillage : le caillé est découpé manuellement à l’aide de la fréniale (ustensile en métal qui ressemble à une grande fourchette), pour le « casser » en gros grains et le déposer dans le presse tome où il va subir des pressages progressifs. Comme en Auvergne rien ne se perd, le petit-lait sera utilisé: pour nettoyer la gerle (jamais de détergent!). Toutes ce manipulations sont manuelles : on découpe la tome en bloc et on la retourne autant de fois que nécessaire. La tome pressée est ensuite laissée plusieurs heures pour qu’elle mature. Elle est ensuite broyée et salée dans la masse. Le mélange se fait par brassage successifs. La tome ainsi salée est laissée au repos pendant au minimum 3 heures. On procède ensuite au moulage : la tome est tassée manuellement dans un moule spécifique (2 renflements en haut et en bas) tapissé d’une fine toile de lin qui sert de drain. On pose la plaque rouge qui signe l’authenticité du Salers. Ensuite le moule est placé sous le « pesadou » pour être pressé crescendo pendant 48 heures.

 

Reste la phase ultime : l’affinage qui est une étape décisive pour l’élaboration du Salers. Le fromage est entreposé pendant 3 mois minimum dans une cave fraîche, entre 6 et 12°C, avec une hygrométrie généralement supérieure à 95%. Le maître-affineur va retourner et frotter ses fromages à l’aide d’une toile afin de faire évoluer la croûte du Salers vers une couleur ivoire et une épaisseur de plus en plus importante. Bien évidemment plus l’affinage sera long, plus la croûte sera épaisse et plus le fromage aura du caractère.

 

Le Salers est toujours un fromage au lait cru toujours fabriqué à la ferme car le lait est toujours produit et transformé sur l'exploitation. À chaque producteur correspond un Salers possédant son identité propre et son goût. C’est donc un fromage rare 1 470 tonnes par an, 88 éleveur-fromagers-producteurs fermiers, 3 700 vaches laitières, 8 500 000 litres de lait transformés par an, 400 litres de lait pour 1 fourme d'environ 45 kg et de 38 à 48 cm de diamètre, 11 affineurs. Je le conseille à tout le monde bien sur mai surtout en priorité à tous nos fameux grands gastronomes http://www.berthomeau.com/article-le-maire-de-losse-en-gelaisse-aux-soi-disant-gastronomes-patentes-au-portefeuille-etoffe-62181586.html, qui ne sont plus en culotte courte, mais toujours grands préservateurs de paysans, ça vaut en général : à la ferme 12 à 14 € le kg, dans une fromagerie parisienne de 28 à 30 €.

 

Le Salers qui, j’insiste, est un fermier de chez fermier, se consomme soit jeune pour les petites natures, entre-deux pour les connaisseurs : 9 mois est souvent l’optimum ou vieux pour les baroudeurs adeptes des sensations fortes. Comme les saveurs les plus caractéristiques se concentrent sous la croute prière de ne pas l’enlever mais de la gratter pour enlever la pellicule puis de l’essuyer avec un linge fin. Pour sa conservation soit dans un cellier à 6 ou 7°, soit dans le bac à légumes du réfrigérateur enveloppé dans le papier alimentaire du fromager entouré de papier journal pour le préserver du froid.

 

Dernier acte : le vin qui va avec le Salers. À ce stade, prétextant la fatigue, j’eus pu jouer les Ponce Pilate, me laver les mains et vous demander de faire ce boulot à ma place. Que nenni, ce matin j’ai décidé de faire dans la provocation : vous proposer un rouge, un gamay de cave coopérative : celle de Saint-Verny dans le Puy de Dôme. J’entends déjà les cris d’orfraies des esthètes, des buveurs exclusifs de vins de propriété, j’en passe et des moins bons pour vous dire que je m’en bats l’œil. En effet, lors d’une dégustation de mon Grand Jury : Véraison Gamay 2009 IGP Puy de Dôme a obtenu tous les suffrages, une note de 15,5/20, nez poivré, bois frais un poil réglissé, violette, en bouche vif, joyeux, fluide, un bel équilibre qui l’apparente à un beau Beaujolais-Villages.   img196.jpg


Le Salers fromage AOC
envoyé par Huralp. - Regardez plus de films, séries et bandes annonces.

Partager cet article
Repost0
13 décembre 2010 1 13 /12 /décembre /2010 00:09

Si vous souhaitez mettre un pet d’animation dans un petit mâchon de « francs buveurs » risquez-vous à mettre le sujet des vins naturels sur le tapis. Ça peut facilement tourner au vinaigre, si je puis m’exprimer ainsi sans être taxé de prendre parti pour l’un des camps, et finir comme dans le célèbre dessin du dîner de famille de Caran d’Ache, « ils en ont parlé » (détail historique Caran d’Ache était antidreyfusard car notoirement antisémite). L’animation, certains diront même la provocation, étant ma vocation première, et comme cette maison n’est pas une maison close – la maison close est très tendance en ce moment grâce je crois à un truc chic et choc sur Canal + et les gros bouquins rouges sur le sujet ornent les rayons de Noël – je ne résiste pas au plaisir de le faire. Simplement la maison à en sainte horreur les horions, elle déteste les pugilats avec coup bas, elle ne tolère pas – normal vu la référence précédente – les procès d’intention.

 Caran-d-ache-dreyfusaffaire.jpg

Ici donc Espace de liberté, et j’ouvre en conséquence ce matin ma porte à deux auteurs : Laetitia Laure et Hervé Guillaume qui m’ont fait parvenir un charmant petit opus cartonné titré : Balade œnologique Vignerons « nature » de la Loire. C’est beau comme un bonbon emmailloté dans un papier. Et puis c’est un petit éditeur Le lou du lac. Et puis ils ont pris soin de mettre des guillemets à « nature ». Et puis la Loire c’est au-dessus de chez moi, ça parle à mes souvenirs : l’île de Behuard, le stade Marcel Saupin et la biscuiterie LU, Maurice Genevoix... mai 68... le quai de la Fosse. Et puis dedans il y a plein de vignerons que j’aime. Bref, j’ouvre grande la porte ! J’offre l’hospitalité.

 get_photo.jpg

Qu’est-ce qu’un vin naturel ?   

 

« Il est bien difficile de trouver une définition académique au « vin naturel ». On le dit « naturel » par opposition au vin technologique, industriel, conventionnel, « formaté ». Ce qualificatif est-il le bon ? Le nombre de détracteurs qu’il rassemble est tel que cela n’est pas si sûr.

Mais on ne peut pas pour autant parler de vin « bio », la réglementation ne le permet pas – une notion était en débat à la Commission Européenne, mais le projet a été abandonné en juin 2010, en particulier en raison d’un désaccord sur les doses de soufre ajouté. Seul le raisin peut être bio ; le vin est un produit issu de raisins de l’agriculture biologique. De fait, pour identifier une catégorie de vin, le mot qui s’est imposé depuis quelques années est le qualificatif « naturel », de plus en plus souvent, vin « nature ».

Il y a néanmoins un leitmotiv qui rassemble les faiseurs du vin naturel : le moins d’intervention possible. Une conduite de la vigne au plus proche de la nature, culture en biologie ou en biodynamie, zéro pesticide, zéro désherbant. Pas d’utilisation de molécules issues de la chimie de synthèse.

Autrement dit, pas d’intrant non plus à la vinification, parce que le raisin est vendangé mûr et sain. Ni acidification, ni chaptalisation, pas de levure de synthèse mais des levures indigènes, très peu de soufre, parfois pas du tout. La vigne, puis le vin, sont simplement « guidés », accompagnés.

Il n’existe pas de cahier des charges précis. Les hommes qui élaborent du vin naturel souscrivent à un cahier des charges intellectuel, qui n’est ni encadré, ni reconnu officiellement.

Pour ces vignerons, la vigne est l’expression de la nature, la vendange (le raisin) exprime le sol, le terroir ; cela justifie l’application des méthodes les plus douces : l’agriculture biologique pour les uns, la biodynamie pour les autres.

De la même manière qu’il ne faut pas confondre vin « naturel » et in « bio », et même si la tendance est forte à réduire l’apport de soufre en vinification, il ne faut pas réduire le vin naturel à l’absence (ou presque) de soufre ajouté. »

 

Voilà la réponse à la question, suivent, jusqu’à la page 43, les travaux de la vigne, les traitements, la vendange et la vinification. Le restant visite des vignerons dont le naturel est incomparable – moi je suis incorrigible – en remontant la Loire à partir de Sancerre, Pouilly puis l’Orléanais, Cheverny, la Touraine, en passant par Montlouis, Vouvray puis par les Coteaux-du-Loir et Jasnières en traversant la Sologne et la vallée du Cher, en musardant du côté de Chinon, Bourgueil, Saumur, en descendant en Anjou pour allez ensuite près de chez moi en Muscadet et dans les Fiefs Vendéens.

 

Vais-je ajouter mon grain de sel ? La réponse est non. Non au nom d’un quelconque poncepilatisme, qui n’est pas vraiment dans ma nature, mais parce que, contrairement à ce que j’ai écrit en exergue de ma chronique je ne souhaite nullement faire de la provocation, mettre de l’huile sur le feu, mais bien au contraire pacifier la question, dépasser les controverses stériles pour que chacun puisse vivre sa vie sans se croire obliger de montrer ses voisins du doigt ou inversement se retrouver dans la position d’un paria. Ce n’est pas du consensus que j’appelle de mes vœux mais tout bêtement la recherche d’un socle commun permettant de faire progresser le plus grand nombre vers une viticulture de précision, respectueuse de la pérennité de son terroir et de la construction d’une viticulture durable. Faire des choix ne signifie pas pour autant estimer qu’il n’y a qu’une seule et unique voie à choisir, sinon nous retournons immédiatement au pugilat et là je me dis je n’aurais pas du en parler...

 

Ceci dit vous il ne vous pas interdit d'en parler sur mes lignes...

Partager cet article
Repost0
7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 09:00

Bonsoir chère Sandrine Blanchard,

 

Si j’ose m’adresser une nouvelle fois à vous, qui rappelez-vous aviez complaisamment tendu le micro au Professeur Président de Inca Dominique Maraninchi qui affirmait sans rougir « Le vin est un alcool, donc cancérigène » et que, bien sûr, le premier verre de vin nous précipitait la tête la première dans l’addiction la plus noire et était le plus sûr chemin pour choper ce foutu chancre, c’est pour vous faire part de ma surprise. Que dis-je de ma stupéfaction ! J’en suis tout tourneboulé. Mon étonnement est à son comble. Je suis proche de l’attrition.

 

En effet, dans ma boîte électronique de ce jour, à 12 :08, votre employeur : l’ancien austère journal Le Monde auquel je suis abonné via la Toile m’a dragué, m’a aguiché, m’a enjôlé, m’a alléché, avec une réclame pour une VENTE PRIVÉE de VINS&CHAMPAGNES du 6 au 12 décembre 2010. Exclusivité Le Monde.fr qu’ils disaient et même jusqu’à 50% de réduction qu’ils annonçaient. Donc, vous voilà par ce biais devenu, à votre corps défendant peut-être, « vendeuse de vins », ce qui entre nous soi-dit n’est pas un plus sot métier que de vendre du papier imprimé. Moi, pour ne rien vous cacher je trouve ça plutôt bien votre petit magasin de vins tout près de chez moi – pour mes lecteurs je précise que le Monde est logé au 80 Bd Auguste Blanqui et moi au 24 Bd St Jacques. Ces 2 boulevards sont bout à bout mais le premier est dans le 13e et le second dans le 14e, donc je suis à  

 

300 mètres du siège – et je vous imagine, chère Sandrine, conseillant les clients sur les accords mets-vins.

 

Mais bon je plaisante, je galèje et mon ami Hervé va me reprocher de profiter de l’occasion pour sournoisement placer mon plan drague. Revenons à vous, chère Sandrine Blanchard grande-prêtresse de notre Santé Publique, dites-nous qu’en pensez-vous ? Si vous désapprouvez cette VENTE PRIVÉE peut-être pourriez-vous pondre dans les colonnes du Monde un de ces papiers dont vous avez le secret. Vous savez dans le style : moi j’ai une éthique, je ne fréquente pas ces affreux pinardiers qui veulent pervertir notre belle jeunesse avec leurs fruits défendus. Un truc bien senti qui plairait tant à tous vos amis les grands protecteurs de notre santé qui nous disent de bouger, de faire ceci mais de ne pas faire cela, de ne pas manger de ceci ou de cela, ou bien je ne sais plus trop quoi si bien qu’à la fin de tout ça on n’en a la tête farcie et qu’y’se pourrait bien qu’on se mette en arrêt-maladie.

 

Donc chère Sandrine Blanchard, tout en étant désolé de vous avoir accolé, même avec des guillemets, cette horrible étiquette de « vendeuse de vins », et en ne pensant pas une seule seconde que vous fussiez complice de ce vil commerce, vous pourriez tout de même faire un petit geste de repentance en prenant la peine un jour de venir voir en leur terroir – vous savez la terre où poussent les pieds de vigne qui font le raisin qui pressé et fermenté donne ce foutu vin que vous vouez aux gémonies – les femmes et les hommes qui y travaillent. Peut-être qu’après ce petit voyage sur la terre vous pourriez descendre plus aisément de votre Olympe médicale et écrire des papiers plus équitables.

 

J’en ai fini de mon ironie et vous prie de recevoir mes saluts de voisin du Monde.

 

Jacques Berthomeau

 

img191

Partager cet article
Repost0
5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 00:09

XF8CAUPQ32SCAIAGZFDCAYD2ZW5CA12XV42CAU1TNGTCARXEFSICAD2EY3Y15 minutes 56 secondes de souvenirs mais aussi de sueur, de fumée et de petites pépés avec Johnny Rivers et son long blues, John Lee Hooker, vibrant hommage au bluesman, enregistré live en 1967 au Whisky à  Go-Go de Los Angeles www.whiskyagogo.com . Il est aussi connu pour avoir repris Memphis Tennessee de Chuck Berry.

 

« Contrairement aux albums précédents, John Lee Hooker a surtout trouvé un écho en France, s’imposant instantanément dans les discothèques. Grâce à son rythme irrésistible, hypnotique, ce rock bluesy au tempo moyen est un titre phare de l’époque ». –Boris Black 

Partager cet article
Repost0
3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 09:34

La dernière Lettre de la Mission Agrobiosciences du mois de décembre  http://du104w.dub104.mail.live.com/default.aspx  tombe à pic pour nos amis de Losse-en-Gelaisse car elle met à l’honneur deux des thèmes centraux de la 8ème édition du Salon de la qualité alimentaire (SISQA) qui se tiendra du 9 au 12 décembre prochains au Parc des Expositions de Toulouse : la construction du goût chez les jeunes et les cultures alimentaires des ados.

 

Le second sujet « Tais-toi et mange ! » Cultures et Qualité alimentaires : quels enjeux pour la santé des jeunes ? sera traité lors d’une conférence-débat le samedi 11 décembre (voir les détails sur le site)

 

Le premier a été traité au cours de l’émission de novembre 2010 de la Mission Agrobiosciences « Ça ne mange pas de pain ! » consacrée au goût des aliments, Sylvie Berthier recevait Natalie Rigal, psychologue chercheure, spécialiste de la construction du goût chez les enfants. Un entretien au cours duquel il fut question des préférences et des aversions universelles des bambins, de la manière de les amener à goûter divers aliments, afin d’enrichir leur palette gustative, mais aussi, fort de l’échec des recommandations nutritionnelles, de la place grandissante de la notion de la plaisir au coeur des politiques de santé publique.

 

Bien sûr ça nous intéresse, alors je mets en ligne cet entretien plein d’enseignements.

 

 Si partager un repas avec son enfant peut être une vraie partie de plaisir, l’expérience, quotidiennement renouvelée, s’apparente davantage à un fardeau dans certaines familles. Sortis du poulet-frites, du jambon coquillettes et du hamburger, impossible de faire goûter quoi que ce soit d’autre - sans même parler de betterave, de roquefort ou de céleri - à certaines chères têtes blondes ou brunes.

 

Il faut dire que la construction du goût chez les pitchouns est une affaire complexe, combinant inné, sensibilité sensorielle, environnement familial, social et culturel. Que faut-il savoir, comment s’y prendre et quelles attitudes éviter pour que la table ne se transforme pas en véritable lieu de conflit ? Réponses avec Natalie Rigal, psychologue chercheur à l’Université Paris X, auteure de « La naissance du goût » paru en 2000 aux éditions Agnès Vignot, et d’un cahier au titre éponyme téléchargeable, sur le site de la Mission Agrobiosciences.

 

 

Sylvie Berthier. Natalie Rigal, que faut-il absolument savoir de la construction du goût chez les enfants ? Par exemple ont-ils, tous, les mêmes préférences ou aversions alimentaires ?

 

Natalie Rigal. On retrouve chez l’ensemble des enfants des aliments favoris ; en général, des aliments très denses sur le plan énergétique, qui ont donc la capacité de rassasier durablement. Dans cette catégorie, on trouve des desserts avec, en priorité, les glaces, mais aussi les gâteaux et, dans une bien moindre mesure, les yaourts et les fruits. Ces derniers, s’ils ont l’avantage d’être sucrés, manquent de densité pour contenter les enfants. on y trouve également les féculents, qui, en raison de leur forte teneur en sucres lents, ont la capacité durable à calmer la faim. Concernant les aliments les moins appréciés des enfants, un certain consensus concerne deux catégories de produits : d’abord, ceux très forts en bouche – les fromages forts, le poisson et les condiments, par exemple- ; ensuite, les légumes très certainement en raison de leur très faible densité énergétique. Une étude de terrain a montré que le corps des enfants de 2-3 ans (ce n’est pas intellectualisé) est capable de reconnaître les aliments rassasiants de ceux qui ne le sont pas. Au-delà de ces préférences, qui sont assez universelles, il existe évidemment des différences entre enfants. Elles sont liées, d’une part, à des expériences culturelles particulières – selon les familles, on ne mange pas les mêmes aliments et on a l’habitude d’apprécier les aliments que l’on consomme souvent -, mais aussi à un facteur génétiquement déterminé : la sensibilité gustative et olfactive. On sait que dès les premiers jours de vie, des enfants sont très réceptifs à l’amertume et sont capables, par exemple, de percevoir la quinine à très faible concentration, alors que d’autres ont besoin d’une concentration beaucoup plus forte pour distinguer cette tonalité amère. Les enfants les plus sensibles sur le plan gustatif, notamment à l’amertume, seront les plus difficiles, ultérieurement, dans leurs choix alimentaires.

 

Sylvie Berthier On connaît l’intérêt de faire goûter aux enfants afin qu’ils enrichissent leur palette gustative. Mais s’ils ne veulent pas goûter, que faut-il faire ou ne pas faire ?

Natalie Rigal Déjà, il faut savoir qu’il est normal que les enfants aient du mal à goûter ce qu’on leur propose, notamment les aliments nouveaux, car comme toutes les espèces omnivores, le petit de l’homme est réticent à ingérer des produits qu’il ne connaît pas. C’est une façon de se protéger d’une potentielle intoxication. Goûter les aliments, notamment les végétaux qui ont un fort potentiel toxique, relève d’apprentissages. Cette difficulté à goûter est donc normale, au sens de la protection, au sens adaptatif, mais aussi au sens statistique : 75% des enfants entre 2 et 6 ans sont difficiles dans leurs choix alimentaires. Il ne s’agit pas de caprice, d’opposition, de refus ou de rejet familial, mais d’une période normale du développement. Le savoir rassure un peu les parents. Cela permet de mettre un peu moins de drame dans les repas. La littérature scientifique nous enseigne un certain nombre de stratégies qui semblent efficaces pour aider les enfants à dépasser leurs dégoûts. La méthode la plus simple et la plus efficace reste la consommation répétée, car plus on goûte un aliment plus on l’apprécie. C’est d’ailleurs, certainement, avec ce mécanisme de consommation répétée que nous-mêmes, adultes, en sommes venus à apprécier des sensations que nous rejetions au départ telles que l’alcool, le café, l’amertume du chocolat noir. A force d’en goûter, on a oublié que ces produits nous semblaient déplaisants.

 

Sylvie Berthier Vous dites qu’il ne faut pas punir ou faire chanter l’enfant sur l’air : « si tu ne goûtes pas ça, tu n’auras pas de dessert ». Y-aurait-il un danger à adopter une telle attitude ?

 

Natalie Rigal Non, il ne faut pas exagérer ! Tout ce dont nous parlons jusque-là relève du développement normal, pas de troubles psychiatriques ou de pathologies très particulières que sont l’anorexie ou la boulimie. Alors, danger non, puisque si l’enfant craint de ne pas avoir de dessert, il va goûter, et plus il goûte, plus il apprécie. Cependant pour que cet effet d’une consommation répétée marche bien il faut qu’elle se déroule dans un contexte positif. Les pratiques dont vous parlez se déroulent dans un contexte coercitif de punition, de chantage, de pression… qui risque vraiment de diminuer l’impact positif de cette consommation répétée. Par ailleurs, il faut essayer, en général, de ne pas décentrer l’enfant, quand il mange, de ses sensations alimentaires, à savoir le goût de l’aliment, son croquant, son odeur, son apparence, mais aussi les sensations de satiété qu’il procure. Car plus on mange avec son corps, avec son sens, avec son ventre, plus on risque d’avoir un comportement alimentaire adapté. Et toutes ces pratiques qui sont « Mange pour faire plaisir à papa, pour faire plaisir à maman, pour avoir du gâteau, pour éviter une punition… » sont des messages qui détournent l’enfant des propriétés même de l’aliment et qui risque de perturber, mais pas au sens de la pathologie, de déréguler le comportement alimentaire de l’enfant.

 

Sylvie Berthier Après les crises sanitaires comme celle de la vache folle, dans les années 2000, les discours et les débats s’étaient centrés sur la question de la sécurité des aliments. N’avez-vous pas l’impression que la notion de plaisir est remise au goût du jour depuis assez peu finalement. Et pour quelle raison ?

Natalie Rigal Absolument. Il y a eu une évolution progressive en 10-20 ans, qui a remis au centre des discours la notion de plaisir, de sensorialité et de convivialité autour de l’alimentation. Même les médecins sont d’accord, aujourd’hui, pour dire que la recherche doit surtout se développer sur le comportement alimentaire, et non plus sur les questions nutritionnelles. Pourquoi le plaisir revient au centre des débats ? Très certainement parce qu’on constate que la seule information nutritionnelle ne marche pas. Selon certains auteurs, elle aurait même un effet contre productif. Aux Etats unis, par exemple, plus il y a d’obésité, plus il y a d’informations nutritionnelles. On peut traduire cette réalité par plus il y a d’informations nutritionnelles, plus il y a d’obésité, car on ne sait pas dans quel sens marche le lien. Finalement n’est-ce pas à force d’embêter les gens avec des questions nutritionnelles, qui sont de l’ordre cognitif et non du plaisir, de la sensation, de la faim, de la convivialité, que l’on perturbe les comportements alimentaires des mangeurs ? En revanche, cette notion de plaisir est surtout centrale en France, car la culture française l’a toujours mise cela au centre de son art culinaire. Et puis parce, contrairement à ce qu’on a longtemps pensé dans notre société judéo-chrétienne, le plaisir ne serait pas régulateur. C’est à dire que si on apprend à manger avec plaisir sans culpabilité en respectant ses sensations alimentaires sa faim sa satiété ça ne serait pas le meilleur moyen d’avoir un comportement alimentaire le plus adapté possible : plaisir inné à consommer ce qui est nourrissant et plaisir appris à manger les aliments au départ rejetés, tels que les légumes.

 

Sylvie Berthier - Vous avez récemment travaillé sur le goût d’adolescents obèses. Quelles en sont les grandes conclusions ?

 

Natalie Rigal Que l’on peut leur apprendre à apprécier les légumes à force de leur en proposer, de façon répétée, et bien cuisinés. Mais cet apprentissage est plus difficile pour les adolescents les plus sensibles aux composés amers.

 

Discussion avec les chroniqueurs

 

Valérie Péan. Quand l’enfant est dans l’utérus, est-ce que ce que mange la mère peut avoir une influence sur le comportement alimentaire de l’enfant, plus tard.

 

Natalie Rigal Quelques études ont effectivement montré que si, au cours du dernier trimestre de grossesse, la maman consomme de l’ail ou de l’anis, des molécules olfactives très fortes, l’enfant, à sa naissance et quelques temps après, se tournera préférentiellement vers ces odeurs par rapport à des enfants qui ne les auraient pas connues durant leur vie intra-utérine. Ce niveau d’étude est très intéressant parce qu’il montre que l’exposition répétée aux odeurs fonctionne dès la vie intra-utérine. Néanmoins, on n’en est pas à un niveau de preuves pour demander aux femmes enceintes de manger le plus varié possible et être sûr que leur enfant aura un comportement alimentaire très varié.

 

 

Lucie Gillot. Concernant les femmes qui allaitent, un certain nombre d’aliments sont proscrits, comme le persil, au risque que le lait aurait un goût trop amer, un drôle de goût. Est-ce prouvé ou de l’ordre de préconisations hypothétiques ?

 

Natalie Rigal Un drôle de goût ? Cela dépend dans quel sens on entend le mot goût. Le goût au sens pur comprend quatre saveurs de base : sucré, salé, acide, amer. Effectivement, tous les bébés du monde aiment la saveur sucrée et rejettent l’acidité et l’amertume. Alors, oui, le lait de la maman se parfumant de ce qu’elle consomme, si elle mange des aliments très amers, il pourrait être difficile pour le petit de téter ce lait là. Mais ce n’est pas si simple que cela, parce que l’amertume, finalement, on ne sait pas très bien ce que c’est. Il n’existe pas de molécule de l’amertume, comme il en existe pour l’acidité. On ne sait pas bien ce qui est réellement amer de ce qui ne l’est pas, et on n’est pas vraiment sûr que manger une endive donne un goût amer au lait. Voilà pour la saveur. Mais, finalement, dans les aliments la saveur représente une toute petite quantité de la formation du goût : seulement 20% en moyenne. Les 80% restants sont dus à l’odeur. Prenez l’ail : il a une odeur très forte, mais très peu de saveur. Et là, on sait, qu’il n’y a aucune bonne ou mauvaise odeur universelle, à part peut-être la vanille qui suscite des réponses de plaisir, et les odeurs de protéine en décomposition du déplaisir. Mais le chou, l’ail, tout ce qu’on demande aux mamans de ne pas consommer ne sont pas des odeurs rejetées a priori par le nouveau-né. C’est à force d’apprentissage qu’il va apprendre à les rejeter.. Au contraire, on pourrait dire que si la maman veut habituer son enfant au goût du chou, de l’ail, etc., elle peut commencer à le familiariser à travers l’allaitement. De nombreux travaux scientifiques montrent qu’un des facteurs permettant de d’augmenter les chances qu’un enfant ne sera pas difficile est l’allaitement. Cela ne s’explique pas par une catégorie socioprofessionnelle plus élevée, mais bien parce que le bébé qui boit le lait de sa mère est soumis à un univers olfactif très varié, alors que celui nourrit au biberon a toujours le même goût et la même odeur en bouche, pendant 3 mois voire 6 mois de sa vie.

 

Gérard Garrigues, cuisinier. Une question sur l’apprentissage des enfants – et peut être des adultes aussi. Est-ce que le fait de faire participer les enfants aux préparations culinaires – je ne parle pas que de la pâtisserie-, pourrait donner envie aux enfants de manger des produits qu’ils ne mangeraient pas sous « la menace » ?

 

Natalie Rigal C’est un point très intéressant. Malheureusement, il n’y a pas de travaux scientifiques qui peuvent répondre à cette question. Cependant, de nombreuses observations empiriques ont montré que quand les enfants participent à la préparation des repas, ils ne vont pas forcément aimer ce qu’ils ont confectionné, mais au moins ils vont goûter. Et on a vu combien c’est important. Sachant que l’enfant n’aime pas ce qu’il ne connaît pas, le fait de l’impliquer dans la préparation du repas, est une manière de le familiariser avec l’aliment et tout l’univers qui lui est lié : le contexte dans lequel on l’a acheté, le toucher, les odeurs qui se dégagent pendant la préparation, un partage affectif avec l’adulte, la curiosité de l’expérimentation… Toutes sortes de sensations très importantes pendant l’enfance sont mises à participation pendant la préparation du repas et permettent de familiariser le petit avec le produit. Une fois que l’aliment sera cuisiné, ce n’est plus comme s’il était totalement inconnu. Cette expérimentation lors de la préparation est une autre stratégie que la consommation répétée.

 

Donc le lien familial est très important

Le partage des savoir-faire… Concernant cette notion de plaisir, on parle beaucoup de la réintroduction de la cuisine à la maison. Mais ce n’est pas si simple, par manque de temps ou le choix de consacrer du temps à d’autres activités… Et parce que de nombreuses personnes ne savent plus faire la cuisine, pour toutes sortes de raisons. Nombre de programmes notamment en faveur des personnes défavorisées, essaient d’inciter les gens à retourner dans la cuisine… avec tout ce que cela peut impliquer sur le plan idéologique et le féminisme comme sous-entendus. ou de céleri - à certaines chères têtes blondes ou brunes. Il faut dire que la construction du goût chez les pitchouns est une affaire complexe, combinant inné, sensibilité sensorielle, environnement familial, social et culturel.

Partager cet article
Repost0

  • : Le blog de JACQUES BERTHOMEAU
  • : Espace d'échanges sur le monde de la vigne et du vin
  • Contact

www.berthomeau.com

 

Vin & Co ...  en bonne compagnie et en toute Liberté pour l'extension du domaine du vin ... 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

Archives

Articles Récents