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11 juin 2020 4 11 /06 /juin /2020 06:00

 

Le vin je me contente de le boire en ignorant les oracles « pinardières » qui font des entrechats, des double-salto, bouche pincée, gargarismes profonds, commentaires éculés, dont tout le monde se branle d’ailleurs, à part les copains de régiment et le dernier carré des rameurs de la vieille permanentée et du bedeau de B&D, mais fils d’un bouilleur ambulant et initiateur de la distillation obligatoire à bas prix sous Rocard, je reste sensible aux joliesses poussoniennes…

 

14 janvier 2009

L’art de la goutte : « Ni la tête ni la queue »  ICI 

 

29 mars 2018

La canadienne du père Arsène bouilleur ambulant lorsqu’il distillait la goutte avec son alambic mobile ICI 

 

Bien implanté dans mon statut de vieil homme indigne, droit d’en mes bottes comme Juppé qu’a eu raison de fuir Bordeaux – souvenir de lui, à la fête de la Fleur, où à la table d’honneur il s’emmerdait stoïquement, me confier mezzo voce « Monsieur Berthomeau, je ne comprends pas ce qu’ils veulent », j’en ras la casquette de radoter, alors va pour Pousson.

 

C’est bien léché, le sieur Pousson, revenu de son exil catalan, a le sens de l’étiquette…

 

La finalité du vin n’est pas l’alambic.

Par Vincent Pousson / 6 juin 2020 /

 

Dans ce blog, comme un peu partout dans le Mondovino, on ne parle finalement que d’élitisme, de bouteilles « imaginaires » pour le commun des mortels. Le vin populaire, celui des « gens », des « anonymes », pour reprendre les terminologies de l’époque, il n’en n’est jamais question chez ceux qui, comme moi, passent leur temps à enculer les mouches liquides. Pourtant, quand on roule sur l’autoroute, dans la plupart des régions qui vénèrent Saint-Vincent, cette boisson de masse est partout, ces immenses vignes plates comme la main dont la géométrie dessine le paysage. Pourtant, ces volumes qu’on tait constituent le gros de la troupe.

 

Bien que contemporain du splendide litron 5 étoiles, du bougnat moustachu, plus rutilant de teint que la robe de son 11°, délivrant le rouquin à la tireuse, éventuellement en casiers bois*, depuis que je suis petit, j’entends parler de la crise pinardière, de la bibine, des viticulteurs en colère. Et une fois de plus nous y sommes. À Bordeaux, en Languedoc, dans La Mancha, les cuves débordent. En fait, partout en Europe, et dans le Monde, où le vin industriel (mais pas que) se retrouve dans une impasse.

 

Impasse conjoncturelle, certes, la filière est une des grandes victimes du virus**. Mais comme le souligne avec pertinence Marion Ivaldi-Sepeau dans l’éditorial de Vitisphère, « le Covid-19 aura ainsi le mérite d’être un parfait écran de fumée sur les failles saillantes de certaines catégories de vin »***. Car voilà que les technocrates, appuyés par les syndicats agricoles, ressortent la baguette magique, so 70’s, de la distillation. Les hectos qui encombrent au point pour certains de ne pas savoir où rentrer le raisin des prochaines vendanges, on va le passer à la chaudière. Remarquez, maintenant que les fonctionnaires acceptent enfin qu’on en fasse du gel, de la solution hydro-alcoolique, ça peut servir****…

 

La suite ICI

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3 juin 2020 3 03 /06 /juin /2020 06:00

Dessin de Chappatte paru dans Le Temps, Lausanne. Dessin de Chappatte paru dans Le Temps, Lausanne.

Ma lecture du livre de Dov Alfon a éveillé en moi le besoin de me plonger dans le guêpier du conflit israélo-palestinien, le mythe des 2 États mis à mal par Le projet du gouvernement israélien d’annexer une grande partie des territoires palestiniens en Cisjordanie.

 

Terrain miné, j’ai choisi de publier deux points de vue de l’intérieur :

 

  • Comment le monde vat-il réagir à l’annexion de la Cisjordanie ? THE TIMES OF ISRAEL

 

  • Regardons la vérité en face ! Ha’Aretz TelAviv

 

Ils n’ont rien de complaisant, ils permettent de mieux comprendre, par-delà les postures officielles et les prises de position partisanes, les enjeux de cette annexion.

 

Israël. Qui pour s’opposer à  l’annexion ?

 

Le projet du gouvernement israélien d’annexer une grande partie des territoires palestiniens en Cisjordanie soulèvera-t-il plus que de simples protestations de la part de la communauté internationale ?

 

Ce journaliste israélien en doute

 

Le 16  novembre 1980, le Premier ministre Menahem Begin était interrogé lors d’une interview à la NBC sur la façon dont il pensait que la communauté internationale réagirait face à une annexion du plateau du Golan par Israël. À l’époque, un projet de loi étendant le droit israélien à la zone contestée avait été présenté à la Knesset, mais le gouvernement de Begin n’avait pas encore annoncé son soutien à cette initiative. « Comme nous n’avons pas encore pris de décision à ce sujet, je pense qu’il est prématuré de parler de réactions », avait-il répondu.

 

Environ un an plus tard, Begin a fait passer la loi sur le plateau du Golan [territoire syrien occupé en 1967] à la Knesset. La réaction de la communauté internationale n’a pas été surprenante, le Conseil de sécurité des Nations unies condamnant l’annexion de facto d’Israël comme une « menace permanente pour la paix et la sécurité internationales ». Et la résolution 497 de ce même Conseil, qui soutenait que la loi israélienne sur le plateau du Golan était « nulle et non avenue et sans effet », a été adoptée à l’unanimité – même l’administration Reagan a voté en sa faveur.

 

LePremier ministre Benjamin Netanyahu (G) et l’ambassadeur américain en Israël David Friedman (2e G) dans l’implantation d’Ariel, au nord de la Cisjordanie, le 24 février 2020. (Crédit : David Azagury/Ambassade des États-Unis à Jérusalem)

 

Avance rapide de quatre décennies : le Premier ministre Benyamin Netanyahou prévoit d’annexer toutes les implantations, la vallée du Jourdain et d’autres parties importantes de la Cisjordanie (voir carte ci-contre). L’accord de coalition entre son parti, le Likoud, et le parti Kakhol lavan [centre droit] de Benny Gantz doit lui permettre de faire avancer la question dans le prochain gouvernement, et ce dès le 1er juillet.

 

 

Comment la communauté internationale réagirait-elle à ce type d’annexion ?

 

Il y aurait certainement beaucoup d’opprobre, des « réunions d’urgence » du Conseil de sécurité et de la Ligue arabe, et peut-être quelques menaces de « conséquences » non précisées. Mais personne ne sait avec certitude si l’annexion – dont les conséquences réelles sur le terrain sont difficiles à prévoir – aurait des répercussions négatives concrètes pour Israël.

 

L’Union européenne adopterait-elle des sanctions contre Israël, comme elle l’a fait contre la Russie après son annexion de la Crimée en 2014 ?

 

Bruxelles pourrait, par exemple, geler certains accords bilatéraux, suspendre la coopération scientifique, annuler les tarifs préférentiels qu’elle accorde aux produits israéliens ou interdire totalement les marchandises de Cisjordanie. Certains États membres pourraient rappeler leurs ambassadeurs ou reconnaître un État palestinien.

 

L’administration américaine mettra son veto à toute tentative de condamnation d’Israël.

 

« Les réponses varient selon les pays, mais, à ce stade, les conséquences concrètes de l’annexion n’ont pas encore été précisées », a déclaré Nimrod Goren, le chef de Mitvim, l’Institut israélien pour les politiques étrangères régionales. « La réaction des Palestiniens sur le terrain – qu’elle soit violente ou non – sera également un facteur déterminant. »

 

De nombreux pays ont récemment souligné que les annexions unilatérales représentent une violation du droit international, ce qui, selon M. Goren, montre que les contestations de la décision de Netanyahou se feraient non seulement au niveau bilatéral, mais aussi dans l’arène juridique internationale. Mais l’ONU et l’UE sont « limitées dans leur réponse à l’annexion en raison du veto possible des alliés d’Israël », a-t-il déclaré.

 

Avertissements. Les États-Unis ont récemment réitéré leur soutien à une annexion israélienne, pour autant que cela se fasse dans le cadre du prétendu « deal du siècle » du président Donald Trump [plan de paix américain pour le Moyen-Orient de janvier 2020]. L’administration est sûre de mettre son veto à toute tentative de condamnation de l’initiative israélienne, mais à l’Assemblée générale des Nations unies, une résolution (non contraignante) serait adoptée à une écrasante majorité. Certains États membres de l’UE ont estimé que dans le contexte de la pandémie de coronavirus, ce n’était “pas le moment des menaces”.

 

Pourtant, aucun pays hormis les États-Unis n’a apporté son soutien à une annexion israélienne, et même nombre de ses amis proches l’ont clairement déconseillé. L’Allemagne a déclaré que cela aurait « des répercussions négatives graves sur la position d’Israël au sein de la communauté internationale », et la France a averti que cela « ne passerait pas inaperçu et ne serait pas négligé dans nos relations avec Israël ». D’autres pays, dont la Russie, la Chine, la Belgique, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie et la Norvège, ont fait des déclarations similaires.

 

Les dirigeants palestiniens ont salué « l’engagement de principe en faveur de l’application permanente et universelle du droit international, qui interdit strictement l’annexion » et ont appelé à « des mesures préventives et concrètes » contre Israël.

 

Bruxelles ne devrait pas prendre de mesures sévères, telles que la suspension de l’accord d’association

 

Il n’y a aucun moyen de savoir si le monde tiendra compte de l’appel de Ramallah [siège de l’Autorité palestinienne], mais Israël ne devrait pas attendre pour le savoir, a déclaré Yigal Palmor, un ancien porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien. « Ignorer les avertissements et les admonitions n’est pas une bonne politique, aussi imprécises que soient les menaces », a-t-il déclaré.

 

Les partisans de l’annexion prédisent souvent que le monde exprimera sa désapprobation pendant quelques semaines et adoptera peut-être quelques résolutions édulcorées, mais qu’en fin de compte la caravane avancera, sans davantage qu’une égratignure sur le statut international d’Israël. Si Begin s’était inquiété de la réaction du monde, il n’aurait jamais annexé le Golan ni Jérusalem-Est [en juillet 1980], affirment-ils.

 

En revanche, le député Yaïr Lapid, nouveau chef de l’opposition israélienne, est convaincu que l’application de la souveraineté sur certaines parties de la Cisjordanie déclencherait des « réactions sévères » de la part des Palestiniens, des Jordaniens, de la prochaine administration américaine (au cas où les démocrates reprendraient la Maison Blanche plus tard dans l’année) et bien sûr des Européens, a-t-il souligné cette semaine.

 

To u t e f o i s , M a y a S i o n Tzidkiyahu, qui dirige le programme de Mitvim sur les relations entre Israël et l’Europe, a noté qu’il a été pratiquement impossible d’obtenir l’accord des 27 États membres de l’UE sur des déclarations critiques à l’égard d’Israël. Bruxelles ne devrait pas prendre de mesures sévères, telles que la suspension de l’accord d’association, le principal accord entre les deux parties, a-t-elle poursuivi.

 

Cependant, elle peut encore envisager d’autres mesures, comme l’exclusion d’Israël du programme de recherche et d’innovation de l’Union. Cela serait douloureux pour la nation autoproclamée “start-up”, mais aussi pour l’UE elle-même, selon Sion Tzidkiyahu. « Une certitude est que dans un tel scénario dramatique, Israël pourrait toujours compter sur l’Allemagne pour adoucir le coup de bâton de l’UE », a- t-elle déclaré.

 

Efraim Halevy, un ancien dirigeant du Mossad qui a également été ambassadeur d’Israël auprès de l’UE, a mis en garde contre toute mesure susceptible de contrarier les Européens.

 

« La relation d’Israël avec l’UE n’est pas seulement politique, elle est aussi économique, scientifique et technologique. Et alors qu’Israël est confronté à probablement la plus grande crise économique de son existence, pourquoi devrions-nous subir la colère des Européens ? », a-t-il déclaré au Times of Israël lors d’un entretien téléphonique cette semaine.

 

 « Les dommages économiques qu’Israël subira même si les Européens n’annulent pas tous ces accords [bilatéraux] mais les mettent simplement en suspens, dépassent de loin tout ce que l’on peut imaginer aujourd’hui », a-t-il ajouté.

 

Avec plus d’un million de personnes sans emploi en raison de la pandémie de coronavirus, «pourquoi les dirigeants israéliens risqueraient-ils d’accroître les tensions avec l’UE, son plus important partenaire commercial ? », s’est interrogé M. Halevy.

 

« Dans la situation actuelle, où le monde entier est confronté à une crise sanitaire et économique sans précédent, il y aura peu de patience avec Israël », a-t-il averti.

 

« Nous sommes en terrain inconnu. Le point numéro un de notre liste de nécessités est de rétablir la santé et l’économie d’Israël. Il devrait supplanter tout autre type de considération, y compris l’annexion politique de zones que nous contrôlons de toute façon. »

 

Quelles seront les conséquences sur l’accord de paix avec la Jordanie ? la suite ICI 

Raphael Ahren

Publié le 3 mai

 

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas s’exprime lors d’une réunion du Conseil de sécurité au siège des Nations unies, le 11 février 2020. (Seth Wenig/AP)

Regardons la vérité en face !

 

Il est temps d’en finir avec les mensonges concernant la paix et la solidité de l’Autorité palestinienne, s’insurge cet éditorialiste israélien. Au moins, l’annexion fera réagir les Européens.

 

—Ha’Aretz Tel-Aviv

 

De quoi le centre gauche en Israël a-t-il peur à propos de l’annexion [de la Cisjordanie par Israël] ?

 

Pourquoi l’Union européenne et d’autres pays feignent-ils une telle colère contre un tel développement politique‑? L’annexion a toujours été présentée comme la mère de toutes les catastrophes, mais nous devons cesser de la craindre et même lui dire oui.

 

Elle s’avère être le seul moyen de sortir de l’impasse actuelle, le seul bouleversement possible qui pourrait mettre fin à ce statu quo de désespoir dans lequel nous sommes coincés et qui ne peut nous conduire nulle part de bien.

 

L’annexion serait effectivement une récompense intolérable pour l’occupant et une punition scandaleuse pour l’occupé. Elle légitimerait les crimes les plus graves et briserait le plus juste des rêves [le projet de deux États : israélien et palestinien]. Mais l’autre solution est encore pire. Une non-annexion éterniserait la situation criminelle qui se perpétue depuis longtemps ici. Au contraire, l’annexion acterait la réalité de l’apartheid qui sévit [dans les territoires palestiniens occupés]. Elle mettrait également un terme aux mensonges et obligerait tout le monde à regarder la vérité en face. Et la vérité est que l’occupation israélienne est là pour rester, qu’elle a déjà créé une situation irréversible : quelque 700‑000 colons juifs (y compris ceux de Jérusalem-Est) qui ne seront jamais expulsés, et sans leur expulsion, les Palestiniens ne se retrouveront avec rien d’autre que des bantoustans, ni un État ni même un pseudo-État.

 

C’est ce que craignent les opposants à l’annexion : sans annexion de fait, il sera toujours possible de continuer à se bercer d’illusions.

 

L’annexion, elle, menacera la fiction de l’Autorité palestinienne, qui continue de se comporter comme si elle était un État libre et souverain. Elle menacera le camp de paix israélien, qui continue de croire qu’il existe toujours une possibilité de solution à deux États. L’annexion mettra au défi l’Union européenne, qui pense qu’il suffit de condamner (fermement‑!) Israël, puis de ne rien faire contre l’apartheid, de le financer et de l’armer, et d’afficher ses “valeurs communes” avec Israël.

 

L’annexion mettra au défi les négateurs de la réalité qui n’ont jamais été mis de leur vie face à leurs contradictions. Il faut donc y être favorable malgré l’injustice et les catastrophes qu’elle est susceptible de créer : à long terme, le prix sera inférieur à celui de la situation actuelle.

 

C’est précisément l’opposant juré à l’annexion Shaul Arieli [un expert du conflit israélo-palestinien] qui a le mieux décrit ses avantages. Dans un article récent, il a énuméré comment l’Autorité palestinienne s’effondrerait, les accords d’Oslo seraient annulés, l’image d’Israël subirait des dommages et un autre cycle d’effusion de sang pourrait éclater.

 

Ce sont de vrais dangers à ne pas prendre à la légère, mais Arieli dit aussi : “Le pas de l’annexion porterait un grand coup aux fragiles équilibres de la situation actuelle.” Et pourquoi pas, Shaul Arieli‑?

 

La stabilité que l’occupation a créée, sa normalité de routine [cohabitation entre Autorité palestinienne, armée israélienne et colonies juives], sont les grands ennemis de tout espoir d’y mettre fin. En fait, l’annexion est après tout davantage réversible que les colonies : la politique d’annexion peut un jour se transformer en démocratie [un seul État binational judéo-arabe englobant Israël et les territoires occupés, une formule qui relève du cauchemar pour l’immense majorité des Israéliens].

 

Nous attendions ce pas. C’est notre dernier espoir. Quiconque connaît Israël sait qu’il n’y a aucune chance qu’il se réveille un matin de son plein gré et dise : “L’occupation n’est pas agréable, mettons-y un terme.” Quiconque connaît les Palestiniens sait qu’ils n’ont jamais été aussi faibles, isolés, fragmentés et dépourvus de tout esprit de combat. Et quiconque connaît la communauté internationale sait à quel point elle est lasse de ce conflit. Alors maintenant, Israël va venir et, avec les encouragements du célèbre pacificateur de Washington [Donald Trump], sortir cette réalité de sa torpeur : l’annexion des collines et des vallées [des colonies juives en Cisjordanie], puis de la zone C [partie de la Cisjordanie] et finalement de toute la Cisjordanie.

 

Comme aucun dirigeant israélien n’a l’intention d’accorder de droits égaux aux Palestiniens, Israël se déclarera de facto État d’apartheid. Deux peuples, l’un avec tous les droits et l’autre sans aucun droit. Est-ce trop naïf ou optimiste de croire que la majeure partie de la communauté internationale ne restera pas silencieuse ni même un grand nombre d’Israéliens‑? Existe-t-il un autre plan réaliste‑? Alors, cessons d’avoir peur et laissons-les annexer.

 

Gidéon Lévy

Publié le 10 mai

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29 mai 2020 5 29 /05 /mai /2020 06:00

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L’Institut National Agronomique de Paris-Grignon dit l’Agro, de nos jours Agro-Paris-Tech, et l’ENGREF : l’école qui formate les anciens ingénieurs du Génie Rural, des Eaux et des Forêts (IGREF) devenus pour cause d’alignement sur le corps des Ponts&Chaussées qui termine la carrière haut plus de l’échelle lettres, les IPEF : Ingénieur des Ponts des Eaux et des Forêts, mène à tout, sauf à  fouler la glaise des champs, l’herbe grasse des prés, le terroir de nos vignes, à la politique tels Michel Cointat, Pierre Méhaignerie, NKM, au nouveau roman comme Alain Robbe-Grillet, à la direction des hôpitaux comme Jean de Kervasdoué.

 

Le Temps de Genève présente Jean de Kervasdoué comme un spécialiste respecté du système de santé français. C’est vrai, je lui ai taillé ICI un vrai costar en tant qu’expert agricole pour reconnaître d’éminents mérites dans celui de la Santé Publique, de la constance et de la pertinence dans ses analyses.

 

« Économiste spécialiste des hôpitaux, il est très critique du système de santé français, dénonçant le peu d'attention accordée au malade et la trop grande intervention de l'État. Il plaide par exemple pour une plus grande autonomie des hôpitaux et dénonce les acteurs des hôpitaux, qui, selon lui, « confondent service du public et service public, voire défense du statut public ». Il dénonce la centralisation excessive du système de santé et prêche pour l'autonomie complète des établissements hospitaliers. »

 

Le Ségur de la santé lancé par le gouvernement, co-piloté par Nicole Notat, ex-patronne de la CFDT, me donne l’occasion de vous faire connaître ses analyses.

 

Lundi 25 mai, Édouard Philippe a donné le coup d’envoi à sept semaines de négociations pour améliorer le secteur de la santé. Les personnels soignants, en “première ligne” dans la lutte contre le Covid-19, ont de fortes attentes, prévient la presse étrangère.

 

« Après avoir fait la sourde oreille pendant des mois, face aux demandes d’amélioration des salaires et des conditions de travail dans les hôpitaux du pays, Emmanuel Macron a fait une promesse au début de la crise du coronavirus : un plan massif d’investissement et de revalorisation  pour le secteur de la santé, se souvient El País. »

 

Car si le système de santé français, « l’un des plus généreusement financés au monde », a résisté à la pandémie, explique The Daily Telegraph, celle-ci en a aussi révélé les faiblesses. « Début mars, lorsque les courbes de l’épidémie s’envolaient vertigineusement, on craignait le pire », ajoute Le Soir. « Mais grâce aux efforts de tous et notamment des cliniques privées, le nombre de lits d’accueil en réanimation a doublé. Et le transfert de patients […] vers des territoires plus épargnés a permis d’éviter la saturation. »

 

Le 25 février 2018 dans Slate, alors que le 13 février 2018, dans un hôpital général, le Premier ministre Édouard Philippe et la ministre de la Santé Agnès Buzyn annonçaient qu’ils ouvraient le chantier des réformes du système de santé et, pour ce faire, créaient 5 groupes de travail, Mr K nous disait :

 

Pourquoi notre système de santé est en si piteux état ICI 

 

Extrait :

 

Contrôle de la qualité des soins

 

Notre système n’est guère préparé à ces évolutions. Nous avons beaucoup d’hôpitaux, nous hospitalisons beaucoup et nous choisissons toujours le plus cher: l’hôpital plutôt que la ville, les spécialistes plutôt que les généralistes, les médecins plutôt que les infirmières et nous prescrivons beaucoup de médicaments et d’examens complémentaires.

 

Plus grave que ces coûts souvent injustifiés est le fait qu’il existe de fortes inégalités, non pas tant dans l’accès aux soins que dans les soins eux-mêmes. Pauvre, on peut être très bien soigné à un endroit; plus aisé, on peut être mal soigné à un autre. La raison est connue: en France, les prescriptions de médicaments, d’hospitalisations, d’actes ne sont jamais contrôlées a posteriori.

 

Par ailleurs, la nature des produits remboursés comme le calcul des tarifs se font sans transparence et parfois sans logique. Selon l’acte, la rémunération implicite de la minute de chirurgien varie en France de un à … vingt-cinq!

 

Réformer la tarification est une nécessité. Le paiement au parcours de soins est une bonne idée, mais elle sera limitée, longue à mettre en œuvre et également inflationniste si l’on ne contrôle pas le bienfondé du dit «parcours». Les mécanismes économiques, aussi élaborés soient-ils, ne peuvent pas se substituer au contrôle de la qualité des soins.

 

Jusqu’à présent, la corporation médicale a été suffisamment puissante pour éviter ce moment de vérité. Son arme la plus ancienne, et la plus efficace, a été la protection du secret médical. Pour contrôler, il faut des informations et aujourd’hui de l’informatique. Comment faire sans dossier informatisé, sans accès facile à des données codifiées?

 

Bien entendu, je suis très sensible à la protection des données personnelles et très partisan de lourdes peines pour celui qui en divulguerait, mais la défense du secret médical a été l’arme première de la défense de la corporation médicale et va continuer à l’être.

 

Il faut certes que les médecins conservent leur liberté de prescription au moment des soins, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne doivent plus rendre de compte ultérieurement.

 

Depuis vingt ans, je suggère de créer dans chaque région un conseil médical composé de médecins-conseils de l’Assurance maladie et de professionnels chevronnés, qui aurait pour rôle d’examiner les pratiques inutiles, dangereuses ou déviantes et d’en parler à leurs confrères. Ils les connaissent!

 

 

«On confond, en France, la santé et la médecine»

 

Publié mardi 26 mai 2020

Interview de Jean de Kervasdoué par Richard Werly dans le Temps

 

«Le Temps» :

  • Peut-on dire, comme l’a répété lundi 25 mai le premier ministre Edouard Philippe, que le système de santé français a «tenu bon» dans la crise du Covid-19, malgré le lourd bilan de 145 279 personnes contaminées et de 28 457 morts?

 

Jean de Kervasdoué: Oui, le système a tenu… en faisant voler en éclats énormément de règles et de normes qui se sont imposées aux hôpitaux français depuis une trentaine d’années! Croire que cette crise conforte l’organisation actuelle du système de santé, et penser que celui-ci, comme on l’entend dire souvent par nos responsables politiques, demeure «le meilleur du monde» est une grave erreur d’appréciation.

 

L’épidémie a au contraire souligné ses insuffisances, et ce qu’il faut changer. Elle a d’abord montré l’inefficacité du fameux principe de précaution, puisque ni les masques ni les tests n’ont été disponibles en quantité suffisante. Elle a également prouvé la mauvaise coopération entre hôpitaux publics et privés, au point que de nombreux lits en service de réanimation dans les cliniques sont restés inoccupés.

 

Autre lacune: le retard gravissime dans l’activation des laboratoires vétérinaires, qui étaient dès le début parfaitement en mesure de traiter un grand volume de tests PCR. Le drame du système français de santé est qu’en pleine crise sanitaire l’Etat a continué de penser en priorité à lui-même, à l’hôpital public, au respect des normes, aux procédures d’appels d’offres pour l’achat de masques en urgence. On le voit encore avec le déconfinement: on publie une carte des deux France, rouge et verte, mais on continue de raisonner sur une base nationale, sans discernement régional et encore moins départemental.

 

  • La bonne nouvelle est que les leçons semblent avoir été tirées. Le «Ségur» de la santé, cette grande négociation avec les personnels médicaux, a été lancé lundi pour remédier aux erreurs passées…

 

J’ai été, dans les années 1980, directeur des hôpitaux au Ministère de la santé. Et j’ai vu se mettre en place ce «système» qui, aujourd’hui, est défaillant. La vérité est que le personnel soignant paie le prix de son statut, qui est celui de la fonction publique. Tout est calculé, figé au niveau national, en fonction de critères qui ne tiennent ni compte de la localisation géographique de votre hôpital, ni de vos compétences. Est-il normal qu’une infirmière perçoive le même niveau de rémunération dans une ville moyenne de province, où son salaire mensuel de 2000 euros est dans la moyenne locale, et à Paris où elle doit, pour se loger, passer trois heures par jour dans les transports en commun?

 

Cet égalitarisme n’a pas de sens. La France a abandonné le système des conventions collectives qui, paradoxalement, reste en vigueur et fonctionne bien dans les 19 centres de lutte contre le cancer dont l’Etat est propriétaire! Les contraintes de la fonction publique pèsent trop lourd sur les hôpitaux, et elles empêchent une bonne et saine coopération avec la médecine de ville et le secteur hospitalier privé.

 

  • Justement, cette négociation peutelle permettre de rebattre les cartes à la lumière des douloureux enseignements et du lourd bilan humain de l’épidémie?

 

Il le faudrait, mais cela suppose une révolution culturelle que la France a le plus grand mal à opérer, et à accepter. L’un des problèmes centraux est que l’on confond, en France, la santé et la médecine. Ce sont deux choses différentes. La santé n’est pas la médecine. Un médecin s’intéresse d’abord à ses malades, auxquels il tente de dispenser les meilleurs soins possible. Un expert de la santé, même s’il est médecin, regarde les statistiques, les chiffres d’alcoolémie, la pyramide des âges, les facteurs socio-économiques… et il impose des normes et des règles au détriment des praticiens. La vérité est que le gros des troupes de l’administration de la santé, en France, ont des compétences juridico-politiques. Elles s’empêtrent dans leurs propres règles.

 

  • L’engagement a pourtant été pris par le gouvernement: remettre les malades au cœur du système de santé. N’estce pas la bonne réponse?

 

Ce qu’il faut, c’est accepter de s’attaquer au problème névralgique du système de santé: à savoir l’organisation des soins. Laquelle n’est pas seulement une question de remboursement et de financement. La France a un système de santé très généreux en termes de prise en charge des patients. C’est un très bon point. Mais il ne suffit pas d’arroser les hôpitaux d’argent public pour qu’ils se réforment et que les personnes se sentent revalorisées et bien dans leur peau! Il faut réhabiliter d’urgence certaines notions de base, comme le coût de l’acte médical. La consultation à 25 euros, ce n’est pas raisonnable. A force de fixer des tarifs qui ne sont pas conformes à la réalité, l’Etat provoque soit la pénurie, soit la rente car il décourage certains médecins et en encourage d’autres qui font revenir les malades plusieurs fois pour augmenter le nombre de prescriptions. En matière de santé, l’Etat s’est donné en France des pouvoirs qu’il n’est pas capable d’exercer. C’est cet engrenage qu’il faut casser.

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11 mai 2020 1 11 /05 /mai /2020 12:00

 

Assemblée générale @ Philippe Vermès

Penser à mai 68, crise politique majeure, le pouvoir a vacillé, de Gaulle est allé se faire adoubé par Massu à Baden-Baden, peut paraître complètement loufoque j’en conviens ; mai 68  fut un mois de bruit et de fureurs, d’illusions, de peur : la grande manifestation des Champs Elysées en fut la preuve, les Français avec le retour de l’essence à la pompe s’empressèrent d’envoyer une Chambre bleue horizon au Palais Bourbon et de se ruer sur les routes des Congés Payés. Sous les pavés la plage, mon cul ; alors que notre mois d’avril 2020 a plongé nos villes pétaradantes, Paris pour moi, dans un profond silence, la peur est sur la ville, le coronavirus rôde, crainte de la pénurie, de la mort, il est de bon ton d’applaudir les invisibles, les indispensables, les travailleurs ne sont pas en grève mais en chômage partiel ou en télétravail. L’économie est quasiment à l’arrêt.  

 

Et c’est là où mon étrange parallèle avec mai 68 prend quelques couleurs, en effet l’économie française fut à l’arrêt pendant presque 3 semaines, entre six et huit millions de travailleurs sont en grève. La France est paralysée.

 

J’ai écrit parallèle et non comparaison, la croissance en France est alors particulièrement forte (+5,2%) et même supérieure à celle de la majorité des autres économies occidentales (+2,4%) et c’est le quasi-plein emploi (moins de 500.000 demandeurs d’emplois en mai 68), l'économie de la France de 1968 ressemble peu à celle d'aujourd'hui. Ce boom économique est alors couplé à un boom démographique. Au début de cette décennie, la population s’accroît en effet de plus de 500.000 personnes par an. À l'époque, le pays profite de la dynamique des 30 glorieuses. La progression du pouvoir d'achat entraîne une hausse de la consommation, ce qui incite les entreprises à investir davantage. Malgré cela, l'économie française comporte tout de même quelques faiblesses structurelles importantes : rigidité dans les entreprises, inflation, hausse des inégalités...

 

Les accords de Grenelle, avec la CGT de Séguy obtient des avancées sociales majeures : hausse de 35% du salaire minimum et des autres salaires de 10%, création de la section syndicale d’entreprise.

 

A court terme, Mai 68 marque le triomphe du salariat dans le cadre de la société fordiste. Nous assistons à ce moment-là à un retour au compromis de 1945 (le patronat accepte de mieux traiter les salariés pour qu’ils consomment plus et que la production s’accroisse), dont les accords de Grenelle sont le symbole : les salaires sont relevés de 10% et le Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti) de 35%.

 

Les années qui suivront verront aussi un renforcement des droits collectifs des salariés. La transformation du Smig en Smic (salaire minimum interprofessionnel de croissance, dont l’évolution suivra désormais celle du pouvoir d’achat) et la généralisation de la mensualisation sont des conséquences directes de 1968 qui vont améliorer les conditions de vie des salariés les plus modestes.

 

Mais, paradoxalement, Mai 68 annonce aussi, à plus long terme, la naissance d’une forme de libéralisme économique qui va questionner le compromis de 1945 et le fonctionnement de la société fordiste. L’antagonisme entre ces deux tendances apparaît bien dans les slogans de l’époque. Tandis que les ouvriers criaient « Pompidou, des sous », les étudiants voulaient « jouir sans entraves » : ils n’avaient clairement pas les mêmes revendications ! Cet hédonisme individuel va déboucher sur une remise en question du modèle de production, des droits collectifs qui y sont associés et des corps intermédiaires.

 

 

J’arrête-là, mais il y a eu dans notre vieux pays, le monde d’avant mai 68 et le monde d’après mai 68, certains l’abhorrent  d’autres l’idéalisent. Je me contente pour ma part de constater que mai 68 a changé ma vie, notre vie  ICI 

 

CHRONIQUE

Redémarrer une économie à l’arrêt : la leçon de Mai 1968 ICI 

14/04/2020 OLIVIER PASSET ALTERNATIVES ECONOMIQUES N°401

 

d’Histoires d’A, film de Charles Belmont et Marielle Issartel, 1973 Courtesy : Monique Frydman

 

À propos du questionnaire proposé par Bruno Latour

 

Il fut beaucoup question d’un article de Bruno Latour, publié par AOC le 30 mars dernier, par lequel il nous invitait, en reprenant les propos du Président de république sur les gestes barrières, à « imaginer les gestes-barrières contre le retour de la production d’avant crise » et à devenir « d’efficaces interrupteurs de globalisation ». Ce programme m’enthousiasmait et je m’étais promis de remplir dès que possible le questionnaire qui concluait l’article, espérant qu’il m’aiderait à préciser ma conception d’un monde dé-globalisé.

 

J’ai rempli le questionnaire mais je ne suis pas parvenu à ce résultat et je vais essayer d’expliquer pourquoi.

 

Bruno Latour nous invite d’abord à dire quelles sont les activités aujourd’hui suspendues dont nous aimerions qu’elles ne recommencent pas. Comme la question porte sur « les activités suspendues » et non sur « nos activités suspendues », elle nous conduit à réfléchir à la fois à la dimension collective du confinement - les arrêts d’activités à l’échelle du pays - et à sa dimension individuelle - ce que nous avons cessé de faire en restant chez nous.

 

La chute de 32% en mars et avril du PIB français s’explique par l’effondrement du secteur de la construction (baisse de 79% de l’activité), de l’industrie (-39%), des services (-38% en particulier l’hôtellerie-restauration, le commerce, les transports et l’entreposage, les activités scientifiques et techniques ; en revanche les secteurs « finance-assurance » et « activités immobilières » n’enregistrent aucune baisse d’activité ); l’agriculture et de la pêche enfin perd -13% d’activité.

 

Un regard plus personnel sur les deux mois qui viennent de s’écouler me conduit à établir la liste suivante des activités que j’ai abandonnées en raison du confinement :

 

  • la fréquentation des bars, des restaurants ou des distributeurs automatiques de sandwichs de mon lieu de travail pour m’alimenter lorsque je me rendais au bureau;

 

  • les déplacements hors du territoire de ma commune ;

 

  • les visites ou l’accueil de mes proches ;

 

  •  le recours à une femme de ménage au profit de l’exercice personnel de ces tâches ;

 

  • la fréquentation des librairies, cinémas, salles de concert et théâtres.

 

J’ai aussi modifié la façon dont je réalisais mes achats (recours aux achats par internet et abandon des marchés au profit du supermarché), mais mon volume de consommation de biens alimentaires et autres produits d’entretien n’a pas fondamentalement changé.

 

En résumé, l’effondrement de l’économie a restreint mon accès à certains biens et services culturels, limité mes relations avec les autres, et orienté défavorablement mes modes de consommation vers internet et les supermarchés au détriment des produits de qualité offerts directement ou par des circuits courts de distribution.

 

J’en tire deux conclusions provisoires.

 

La première c’est qu’entre l’arrêt des activités du pays et les modifications de mon comportement individuel, il n’y a qu’un recoupement très partiel.

 

La seconde, c’est que je ne souhaite pas conserver grand-chose de ce qui a changé dans mon mode de vie après la crise.

 

Quant au pays, l’arrêt de l’activité est une menace terrible et non une chance.

 

L’arrêt prolongé de la construction n’est ni possible ni souhaitable. Nous manquons de logements, la qualité des logements existants doit être améliorée, notamment leur isolation thermique. L’amélioration de la qualité de vie de centaines de milliers de gens en dépend, ainsi que la réduction du gaspillage énergétique. Bien sûr, j’aimerais que nous relancions l’activité du BTP sans construire de nouveaux centres commerciaux inutiles, sans défigurer encore plus nos périphéries urbaines, en réfléchissant à un urbanisme plus humain et capable de nous protéger des fléaux contemporains. Malheureusement, les modes de consommation favorisés par le confinement ne nous engagent pas du tout dans cette direction.

 

L’industrie était déjà mal en point. Elle le sera encore plus après cette crise. Certains secteurs devront être progressivement reconvertis, par exemple les activités pétrolières, à mesure que d’autres moyens de mobilité permettront de remplacer les voitures individuelles à moteurs thermiques pour les personnes et les camions pour les marchandises. Mais cette transition demandera au moins 10 ans. Dans le même temps, la pandémie a révélé l’état de dépendance dramatique dans lequel nous nous trouvons et devrait nous avoir convaincus que nous devrions redévelopper la fabrication en France de médicaments, de tests, de masques, de produits agricoles et agroalimentaires et de beaucoup d’autres choses indispensable à notre sécurité collective et à l’exercice de notre souveraineté. Bien sûr il faudra veiller à ce que le développement de ces activités soit aussi économe de ressources que possible, mais quoi que nous fassions, un surcroît d’activité n’ira pas sans une consommation additionnelle d’énergie et de matières premières résultant de la « renationalisation » de pollutions que nous avons délocalisées massivement depuis des années dans des pays où l’absence de droits sociaux garantit le faible coût du travail.

 

Le tourisme de masse est insoutenable. Le gouvernement français souhaitait attirer 100 millions de touristes étrangers dans notre pays. Cet objectif ne sera sans doute pas atteint de sitôt et c’est une bonne chose. Mais l’arrêt complet de l’activité touristique aurait des conséquences dramatiques pour des dizaines de milliers de nos concitoyens. Elle est dans beaucoup de territoires français la seule activité qui reste et elle reprendra après la crise pour que des gens puissent continuer à en vivre et pour que d’autres puissent profiter des richesses naturelles et patrimoniales offertes pas la France. Il faudra beaucoup de doigté pour favoriser un tourisme plus durable sans enlever la possibilité aux moins riches de prendre des vacances et de se déplacer, alors que la moitié des ménages ne partait déjà pas en vacances.

 

 

La question suivante pose des problèmes encore plus redoutables puisqu’elle nous invite à décrire :

 

a) en quoi les activités suspendues nous apparaissent comme nuisibles / superflues/ dangereuses / incohérentes,

 

b) en quoi leur disparition/ mise en veilleuse/ substitution rendrait d’autres activités que nous favorisons plus faciles/ plus cohérentes ?

 

La question me fait revenir sur des deux seuls renoncements personnels liés au confinement que je juge positivement :

 

Ne plus fréquenter quotidiennement les transports en commun me fait gagner du temps sans que mon travail en souffre trop à court terme. La multiplication des déplacements professionnels oblige la collectivité à construire des réseaux de transport complexes, chers et polluants. La réduction durable du nombre de ces déplacements permettrait de limiter les travaux d’agrandissement des réseaux (les projets du Grand Paris par exemple), dispenserait de les rendre plus denses qu’ils ne le sont et permettrait d’en réduire l’impact sur un environnement urbain déjà très mal en point.

 

Le fait de ne plus me rendre au bureau me permet d’organiser différemment mon travail. Mais le télétravail ne donnera  plus de liberté aux salariés que si le travail lui-même est repensé, ce qui n’est pas le cas. Si l’on fait le même travail qu’avant à distance, les difficultés de l’éloignement s’ajoutent aux lourdeurs habituelles des organisations. Au bout du compte, le temps gagné en déplacements évités et en réunions moins nombreuses et  plus courtes, est perdu en recherche d’informations, dispersion, et perte d’efficacité.

 

Je n’évoque pas les activités qu’il ne faudrait pas reprendre après le confinement, comme la question m’y invitait, car la plupart d’entre elles doivent reprendre, me semble-t-il, pour répondre à des besoins collectifs indispensables, même si elles doivent être orientées différemment. Je ne désigne pas non plus les victimes de mes choix individuels, comme j’y suis invité ; elles ne sont d’ailleurs pas très nombreuses car j’ai renoncé à peu de choses et je souhaite que mes renoncements ne soient que temporaires.

 

La question suivante me rappelle que je ne suis pas allé dans la bonne direction :

 

Quelles mesures préconisez-vous pour que les ouvriers / employés / agents / entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités ?

 

On a beaucoup dit que la crise avait redessiné la carte des emplois essentiels et de ceux qui l’étaient moins. L’affaire est entendue : sont essentiels les médecins, les infirmières et infirmiers, les éboueurs, les enseignants, les personnels d’accueil des crèches, les agents des supermarchés (pas seulement les caissières), les paysans, les chauffeurs routiers, les aides-soignants dans les EHPAD . Les autres non.

 

Mais l’effondrement de l’activité de construction témoigne-t-il de l’inutilité des entreprises de ce secteur et de ceux qui y travaillent ? Non, nous en avons besoin et la « transition énergétique » ne pourra pas se faire sans une intense activité de construction et de reconstruction de logements et de bureaux qui sont des passoires énergétiques.

 

Faut-il souhaiter que les hôtels et restaurants que nous ne fréquentons plus disparaissent ?

 

Je ne le pense pas. Pas plus que l’arrêt des activités de recherche scientifique ne démontre leur inutilité.

 

A l’inverse, le fait que les secteurs  « finance-assurance » et « activités immobilières » traversent la crise sans frémir démontre-t-il leur caractère indispensable ?

 

La question posée est-elle la bonne ?

 

Personne ne défendra, je pense, à la sortie du confinement que les centaines de milliers de personnes actuellement en chômage partiel et tous les CDD et intérimaires qui n’en bénéficient pas devront y rester et s’engager dans des programmes de formation et de reconversion vers d’autres activités.

 

Et d’ailleurs lesquelles ?

 

Employés de plates-formes internet, magasiniers chez Amazon ou Cdiscount, livreurs à domicile, traders, pour prendre des activités maintenues pendant le confinement ?

 

En réalité, à court terme des mesures de soutien massif aux entreprises de tous les secteurs à l’arrêt seront prises pour éviter leur faillite et la progression de la misère, ce qui n’interdit pas d’orienter leur activité en conditionnant les soutiens au respect de règles de production préservant l’environnement.

 

A long terme, les politiques publiques doivent favoriser le passage à une autre économie. Mais il faudra du temps. Parler du changement sans en décrire les étapes, les moyens, les contraintes et les leviers permettant de les lever, c’est exprimer un vœu pieux. Nous venons, en France, de passer trois ans à élaborer une Programmation Pluriannuelle de l'Énergie pour 2023 et 2027. Mais il est vite apparu que cette période de temps était trop courte et l’on travaille déjà pour essayer de dire à quoi pourraient ressembler la consommation et la production d’énergie en 2050 et de définir les politiques publiques à mettre en œuvre en conséquences, malgré les incertitudes que comportent des échéances aussi lointaines.

 

L’échelle individuelle est complètement inadaptée pour traiter des questions de cette ampleur.

 

Si mes préférences individuelles devaient prévaloir, nous fermerions les magasins de vêtements ou de produits de luxe de toute nature, les boutiques d’objets de décoration et de bien d’autres produits inutiles à mes yeux. Le retour au tourne-disque et à une télévision publique avec deux ou trois chaînes ne me chagrinerait pas. Mais cette indifférence à une grosse partie de ce qu’offre le marché des biens et services actuel n’exprime que mon âge et sans doute une forme de nostalgie. Elle ne décrit pas le monde de demain et n’aide pas à faire des choix d’avenir.

 

D’où ma difficulté à répondre à la question suivante :

 

Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent / reprennent ou celles qui devraient être inventées en remplacement ?

 

Je suis un mauvais candidat à cet exercice car je souhaite retrouver au plus vite la plupart des activités auxquelles j’ai dû renoncer, puisqu’il s’agit de:

 

  • la possibilité d’aller et de venir sans contrainte ; rencontrer les gens que j’ai envie de voir sans contrainte et sans distanciation physique

 

  • fréquenter une librairie ou un marché sans être canalisé par des forces de police et sans contrôle d’identité et d’autorisation de sortie ;

 

  • recevoir mes amis à la maison ;

 

  • aller au cinéma, au concert ou au théâtre ;

 

  • voyager un peu

 

Je manque sans doute d’imagination mais je ne vois pas ce qui pourrait remplacer cela et je ne souhaite pas que ces activités disparaissent.

 

Ma perplexité a augmenté à la question suivante consistant à décrire

 

a) pourquoi les activités dont je souhaite le retour m’apparaissent positives

 

b) comment elles rendent plus faciles/ harmonieuses/ cohérentes d’autres activités que je favorise et permettent de lutter contre celles que je juge défavorables ?

 

Il m’a semblé alors que le questionnaire omettait un point essentiel. Ce qui a été mis en suspension depuis le 17 mars, c’est l’exercice de nos droits fondamentaux, à commencer par la liberté d’aller et de venir, la résistance à l’oppression (au travers des lois d’exception qui donnent un pouvoir anormalement étendu aux autorités administratives), le droit de voir les gens que nous souhaitons rencontrer, le droit de manifester…

 

L’exercice des libertés fondamentales n’a pas à être justifié. Je sais que l’exercice de ma liberté n’est pas inconditionnel, qu’il trouve ses bornes dans la possibilité qu’auront les autres de l’exercer pareillement. De cela, je veux bien discuter. Si l’on me dit que je ne dois pas sortir de chez moi sans masque parce que je mets les autres en péril, je mettrai un masque, mais je revendique aussi que l’on me teste pour savoir si je constitue  une menace pour les autres et que les autres soient également testés et sachent quel comportement ils doivent adopter. Je souhaite que nous passions d’une mesure de police générale, à une politique de santé publique reposant sur la bonne information des citoyens et faisant appel à leur responsabilité. 

 

Pour le reste, je ne suis pas certain que ma façon de travailler pendant le confinement soit plus favorable à l’environnement que lorsque je prenais le RER tous les jours. Mes interminables journées devant un ordinateur génèrent une forte consommation d’énergie pour faire tourner à plein régime d’énormes usines de traitement de données. Les outils électroniques que nous utilisons entraînent une surexploitation de terres rares, d’eau, de transports et d’énergie qui n’a rien de comparable avec les dégâts que nous provoquions lorsque nous faisions la même chose avec un papier, du crayon, une règle à calcul et le service de la poste. Les conséquences du télétravail sur notre santé mentale et les modifications des relations sociales et de travail qu’il induit restent à étudier. Enfin, je n’oublie pas que les GAFA sont pour le moment les entreprises qui profitent le plus de la crise, avec Tesla et quelques groupes pharmaceutiques susceptibles de mettre au point un vaccin contre le covid 19.

 

Le questionnaire prend ensuite un tour choquant puisqu’il me demande d’énoncer les mesures que je préconise pour aider les ouvriers / employés / agents / entrepreneurs à acquérir les capacités / moyens / revenus / instruments permettant la reprise / le développement / la création de cette activité ?

 

Me voici élevé au rang de DRH du pays. La démarche proposée est d’ailleurs conforme à  l’analyse habituelle expliquant le chômage par l’inadaptation de la qualification de la main d’œuvre aux besoins des entreprises. Mais le chômage ne résulte-t-il pas d’abord des crises économiques répétées et de la faiblesse de la croissance économique qui conduit certains économistes à évoquer une dépression séculaire ?

 

Et puis, cette question souffre d’un biais économiste que j’ai du mal à accepter. Ce que je souhaite retrouver au plus vite, c’est la jouissance de mes libertés fondamentales : la possibilité de me promener dans un bois, sur un chemin de campagne, sur une plage, de recevoir mes amis, bref de profiter d’activités qui n’ont rien d’économiques et dont je ne veux surtout pas qu’elles le deviennent.

 

Quelque chose ne fonctionne pas dans l’articulation entre l’échelle individuelle et collective qui nous est proposée.

 

Bruno Latour inscrit la démarche qu’il propose dans une sorte de prolongement des Etats-généraux de 1789. Nous en sommes pourtant loin. Dans un cas, Louis XVI voulant contraindre l’aristocratie à des réformes indispensables (il s’agissait en particulier de lui imposer de payer des impôts) a suscité un grand mouvement dans tout le pays. Le tiers État qui n’était rien et voulait devenir quelque chose, a utilisé cette occasion pour se regrouper, tenir des milliers de réunions locales et exprimer collectivement des aspirations traduites dans des cahiers de doléances. Ici, on nous demande de désigner parmi nos renoncements ceux dont nous souhaitons qu’ils soient définitifs, parce que le salut collectif dépend de nos renoncements individuels. Mais c’est précisément le collectif qui manque dans cette démarche.

 

Les éboueurs, postiers, agriculteurs, infirmier(e) s, paysans seront peu nombreux à lire AOC et à répondre au questionnaire. En pratique, la démarche proposée revient à demander à ceux qui comme moi peuvent travailler à domicile et touchent leur salaire de désigner parmi ceux dont le travail s’est arrêté et qui touchent au mieux le chômage partiel, lesquels doivent disparaître, avec des mesures d’accompagnement bien sûr.

 

Loin d’y voir un renouvellement de la démocratie je crains plutôt que la réflexion proposée n’en manifeste la régression. Il ne s’agit pas de l’organisation d’une délibération collective sur des solutions communes, au contraire, chacun est renvoyé à ses préférences individuelles, laissant à une autorité mystérieuse qui n’est pas désignée, le soin d’arbitrer entre elles.

 

L’autorité qui à toutes les chances de s’imposer comme le véritable arbitre pourrait bien être encore une fois l’économie. La crise économique violente que nous allons vivre risque de conduire à des arbitrages sévères entre les activités qui doivent disparaître parce qu’elles ne sont pas rentables et celles qui seront préservées parce qu’elles sont profitables. Il ne sera pas tenu compte des préférences individuelles et s’il n’y a pas de mouvement collectif pour s’y opposer, ce sont encore une fois les intérêts des plus faibles, qui ne sont pas nécessairement les moins utiles comme nous l’avons brutalement constaté ces dernières semaines, qui seront frappés de plein fouet.

 

Jean-François Collin

8 mai 2020

Petit clin d’œil

 

Même si beaucoup d’acteurs auraient été surpris à l’époque si vous leur aviez dit qu’en dérégulant la société fordiste le résultat aurait été l’érection d’un monde où la reconnaissance des droits individuels et la naissance d’une société plus fluide vont à l’encontre du collectif. Il n’est donc pas étonnant que certains anciens soixante-huitards comme Daniel Cohn-Bendit ou Romain Goupil se reconnaissent dans cette société libérale-libertaire.

SOCIÉTÉ

Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise ICI

PHILOSOPHE ET SOCIOLOGUE

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7 mai 2020 4 07 /05 /mai /2020 12:00

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Titre, emprunté et actualisé, à Frédéric Pommier @fred_pom 4 mai

 

On est censé déconfiner dans huit jours et je n'ai toujours pas fait de pain ni terminé Proust. J'ai honte.

Le style farmer vu par le Bon Marché : c'est 4640 euros sans les ...

"Monsieur le Président, il est temps de déclarer l’état d’urgence culturelle" - La lettre d'Isabelle Adjani lue par

billet - Le blog de JACQUES BERTHOMEAU

Séquence culture ce matin, le secteur culturel le grand oublié de nos technocrates du gouvernement. Petit rappel : 8 janvier 2020

 

Le PIB culture « la culture créait autant de valeur ajoutée que toute la filière agricole et agro-alimentaire et sept fois plus que l’industrie automobile » ICI 

 

  • le cinéma, je m’inquiète pour l’avenir de 1000 et une production la boîte de production de mes enfants. ICI

 

 

Interruption des tournages : le dilemme kafkaïen des assurances

 

Les contrats ne couvrant pas les risques liés au Covid-19, les producteurs en appellent à l’intervention de l’Etat.

Par Nicole Vulser

 

Imaginons le tournage d’un film dans le monde d’après. Les principaux comédiens, le réalisateur et le chef opérateur s’engagent sur l’honneur à se confiner chez eux après leurs prestations sur le film. Le tournage, lui, se déroule sous l’œil vigilant d’une infirmière présente à chaque instant, ou à défaut est surveillé par des caméras thermiques qui permettent d’exclure toute personne susceptible d’être infectée par le Covid-19. L’équipe, bien entendu, est masquée, gantée. La cantine n’existe plus, troquée contre des plateaux-repas individuels. Les figurants sont convoqués en toute fin du tournage pour ne pas risquer de contaminer les acteurs qui tiennent les rôles-titres… C’est l’un des scénarios envisagés par le principal courtier du cinéma français, Hugo Rubini, pour amadouer les assureurs.

 

L’heure est kafkaïenne pour les producteurs cinématographiques contraints d’arrêter leurs tournages mi-mars en raison du confinement imposé par le Covid, et pour ceux qui s’apprêtaient à filmer – une trentaine de longs- ou courts-métrages étaient en tournage et cinquante-huit en préparation. Dans une lettre du 20 avril adressée au ministre de l’économie, Bruno Le Maire, dix-huit producteurs, sous la houlette de Georges-Marc Benamou (Siècle Productions), affirment que, pour reprendre leurs tournages, « ils doivent impérativement être assurés contre les risques d’arrêt ou de suspension liés au coronavirus ». Or, expliquent les signataires, « les compagnies d’assurances excluent toute prise en charge de ce risque, pour l’avenir ». Ce qui « entraîne de fait le blocage de toute création cinématographique et audiovisuelle en France ». Cela au pire moment, puisque le printemps et l’été constituent la pleine saison des tournages.

 

Des résultats attendus mi-juin

 

Comment débloquer cette situation ? Déclarer ce phénomène pandémique en catastrophe naturelle ? Un décret permettrait ainsi d’indemniser les personnes lésées grâce à ce fonds abondé par une taxe qui existe déjà sur chaque police d’assurance. Mais les assureurs n’en veulent pas. Créer un nouveau fonds pour les risques sanitaires majeurs, identique à celui consacré aux catastrophes naturelles ? Il faudrait dans ce cas l’abonder, ce qui pourrait prendre des mois, sauf à faire appel à l’Etat. Certains experts préconisent aussi de s’inspirer de la création du risque contre les attentats, mis en place en 2001.

 

Face à l’urgence, d’autres producteurs ont d’ores et déjà saisi les institutions européennes pour que soient mises en place, grâce au fonds industriel européen de relance prôné par Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, des dispositions exceptionnelles face à ce problème qui dépasse nos frontières. A Bercy, on assure « travailler pour trouver une solution », si possible européenne dans l’hypothèse d’un nouveau fonds. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a créé un groupe de travail à la direction du Trésor, consacré au développement d’une couverture assurantielle des pertes d’exploitation liées aux pandémies. Un autre groupe de travail sur ce même sujet, et dont les résultats sont également attendus mi-juin, a été mis en place à la Fédération française de l’assurance (FFA), qui a par ailleurs désigné un groupe d’experts sur le cinéma et l’audiovisuel. Toutes les pistes sont à l’étude, le ministère de la culture, le CCHSCT cinéma et le Centre national de la cinématographie (CNC) sont directement concernés par cet imbroglio.

 

Négociations ardues

 

Dominique Boutonnat, le président du CNC, a travaillé dix ans chez l’assureur Axa, avant de se lancer dans le cinéma en 2005. Ce qui pourrait l’aider dans les négociations ardues avec la FFA. « La reprise des tournages sera un problème-clé lors du déconfinement », assure Olivier Zegna-Rata, délégué général du Syndicat des producteurs indépendants (SPI). « La trésorerie des sociétés de production est déjà très tendue, certaines ne tiendront pas le choc », redoute-t-il. Les pertes d’exploitation liées au confinement (les frais financiers ou les surcoûts parfois colossaux liés à la non-livraison des films) ne sont pas couvertes par les assurances. La course contre la montre est engagée pour tous les films aujourd’hui à l’arrêt.

 

 « Et si le film peut se poursuivre, les comédiens seront-ils libres pour la fin du tournage ? Les enfants engagés n’auront-ils pas trop grandi ? », se demande Hugo Rubini. Sans compter que personne ne sera à l’abri d’une deuxième vague de confinement… Pour l’heure, certains assureurs proposent des contrats aux montants stratosphériques pour assurer « l’indisponibilité des personnes » à la reprise des tournages. Auparavant, seules les têtes d’affiche faisaient l’objet de surprimes pour les cas de maladie, désormais tout le plateau est à égalité face à l’aléa potentiellement mortel du Covid, plaident les assureurs.

 

Hugo Rubini tente de faire revenir les assureurs dans la course. Il espère que le risque lié au Covid s’atténuera avec le temps, au point qu’il soit simplement considéré comme une maladie comme une autre. Les deux points de vue entre producteurs et assureurs restent diamétralement opposés et inconciliables. La FFA se dit prête à chercher une solution, mais pour l’heure, rien ne bouge.

 

Antoine Gallimard

 

  • « Si la librairie, maillon faible, casse, toute la chaîne du livre déraille » Antoine Gallimard ICI 

 

Si les ventes de livres numériques n’ont pas franchi des seuils pharaoniques chez Gallimard, le PDG apprécie tout de même les résultats. De 2 % du marché, on passe à 4 % — de même pour les livres audio –, mais cela ne couvre pas les pertes de livres papier. Invité par France Inter, il est revenu sur les efforts fournis par les éditeurs durant cette période, mais également les réflexions à apporter à la profession.

Si les ventes de livres numériques n’ont pas franchi des seuils pharaoniques chez Gallimard, le PDG apprécie tout de même les résultats. De 2 % du marché, on passe à 4 % — de même pour les livres audio –, mais cela ne couvre pas les pertes de livres papier. Invité par France Inter, il est revenu sur les efforts fournis par les éditeurs durant cette période, mais également les réflexions à apporter à la profession.

 

Quelques chiffres : quotidiennement, 1,4 million de livres se vendent en France, et 700.000 sont empruntés. En temps normal, souligne le patron de Gallimard, Flammarion, Casterman. Or, cette période de confinement, et celle qui la suivra, n’a pas été propice au commerce du livre, pas plus qu’au prêt. En numérique, certes, mais cela ne fait pas bouillir la marmite. Et les libraires qui ont cherché des solutions de replis n'ont pas généré pour eux-mêmes un chiffre d'affaires classique.

 

L’enjeu du confinement, indique Antoine Gallimard, aura été de maintenir le lien avec les lecteurs — pour sa maison comme chez les confrères. Et pour ce faire, la seule voie possible fut internet, et la diffusion gratuite, par exemple, de livres. Ceux de la collection Tracts de crise ont ainsi fait l’objet d’un traitement spécial, pour alimenter tant en pensées qu’en lectures (et inversement), les internautes-lecteurs.

 

 Le maillon qui casse...

 

Pudiquement, le patron de la holding Madrigall ne répond pas directement quand on lui demande si l’industrie connaîtra des vagues de licenciements et de fermeture de librairies. Et si seuls les grands groupes s’en sortiront. « Cela nous préoccupe beaucoup. Dans la chaîne, il y a des maillons faibles : le maillon faible, c’est la librairie. » D’ailleurs, son groupe possède aujourd’hui de neuf établissements et connaît le sujet. « Si ce maillon faible casse, c’est toute la chaîne qui déraille. Et c’est grave. »

 

Les auteurs apprécieront, alors que les systèmes d'aides gérés par la SGDL, avec l'argent fourni par le Centre national du livre, entre autres, sont des plus opaques. Et ce, malgré une révision récente des critères d'éligibilité.

 

Pour autant, le risque de concentration, et de perte de la diversité éditoriales existe, reconnaît-il, mais les prêts et subventions sont là pour tenter de panser les plaies, un peu.

 

L’édition, qui représente 5 milliards € de chiffre d’affaires, attend du président d'Emmanuel Macron 500 millions € d’aides. Mais également des initiatives comme les chèques-livres pour aider les jeunes à retrouver le chemin de la librairie. Et peut-être réviser les normes de sécurité : on parle actuellement de 10 personnes pour 100 m2, la souplesse pourrait être de mise.

 

Mais de toute cette mise au repos forcé, le PDG note surtout que La Poste n’a pas pu aider les libraires. La question de tarifs postaux revient de manière récurrente, libraires et éditeurs soulignant que les frais de port sont particulièrement lourds. Bruno Le Maire avait été sollicité pour une intervention urgente : les points de vente qui ne pouvaient pas assurer de click & collect étaient en effet doublement pénalisés, par l’impossibilité de procéder à une vente à distance.

 

Savez-vous, monsieur le ministre, que pour envoyer par La Poste un livre de 250 pages (qui pèse environ 300 g), il en coûte 5,83 € en lettre verte, soit plus d’un quart du prix du livre (sauf à le vendre à un tarif indécent) ? Savez-vous que pour envoyer un livre qui dépasse 3 cm d’épaisseur, il faut le faire par Colissimo, au prix de 7,14 € HT ? Et ces tarifs augmentent chaque année, alors que le prix du livre, lui, est fixe.

 

 

« Ce qui est important, c’est que l’on réfléchisse, que le gouvernement réfléchisse aux frais de port, aux frais de Poste pour le livre, comme il y a pour les journaux », insiste Antoine Gallimard.

 

Appel à suivre, enfin ?

 

On appréciera également les interventions de Pauline Fouillet, gérante de la librairie Livres et vous, qui s’est débattue, durant la crise sanitaire, pour fournir à ses clients des offres spécifiques de lectures et jeux. Emission à réécouter (intervention à 2h20) :

 

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Le ministre Franck Riester et Emmanuel Macron lors de l’annonce des orientations du « plan pour la culture », à l’Elysée, le 6 mai.

Coronavirus : ce qu’il faut retenir des annonces d’Emmanuel Macron pour la culture ICI

Joseph Zimet, le minustre de la culture minister Franck Riester, la sécrétaire génèrale Anne de bayser et le président Emmanuel Macron lors d ela viosonfèrence à l’Elysée sur la question de la culture.

Discours de Macron pour la culture : aide-toi et l’État t’aidera ! ICI

Franck Riester au campus des territoires de La Republique en marche à Bordeaux. Photo : AMEZ / ROBERT/SIPA

Franck Riester : “Je ne suis pas du tout sur cette ligne de date lointaine : dès qu’on peut, on ouvre !” ICI

Interpellé de toutes parts pour sa “non gestion” des conséquences de la pandémie, le ministre répond à “Télérama”, à la veille de la conférence que doit tenir Emmanuel Macron sur le sauvetage de la culture.

 

Une pétition d’artistes directement adressée au président de la République via Le Monde pour se plaindre de son ministre de la Culture et lui demander de prendre les choses en main, un « avis de recherche » dudit ministre ironiquement lancé sur les réseaux sociaux… Depuis sa nomination au portefeuille de la Culture en octobre 2018, Franck Riester subit aujourd’hui les pires camouflets de sa brève carrière ministérielle. Et les reproches quasi unanimes d’une profession anéantie par les conséquences du coronavirus et de la nécessaire politique sanitaire pour le combattre.

 

Fermeture de 2 000 cinémas, 2 500 salles de musique, 1 000 théâtres, 1 200 musées, 3 000 librairies, 16 000 bibliothèques, arrêt de la plupart des 3 000 festivals d’été… Comment les 274 000 intermittents du spectacle que compte la France de 2020 pourront-ils accumuler les 507 heures de travail annuel qui leur donnent droit à des allocations-chômage ?

 

Certains parlent de véritable « tsunami social et culturel », de la mort annoncée de lieux, de jeunes compagnies, d’associations. Et le ministre semble aux abonnés absent depuis de longues semaines. De quoi l’accuser d’un manque de soutien aux professions inquiètes qui font la culture. D’un manque de clarté sur la réouverture d’espaces culturels déjà éprouvés par les grèves contre la réforme des retraites. D’un manque d’ambition quant aux moyens affectés à un secteur aussi essentiel à notre vie individuelle et collective, festive et spirituelle, qu’à notre vie économique et touristique. D’un manque de vision, enfin, pour les années à venir, où rien sans doute ne sera pareil. Nous avons voulu l’interroger.

« L’absence de vision politique à long terme sur le cinéma et l’audiovisuel est désespérante »

 

Tribune. Sept milliards d’euros pour relancer l’industrie aéronautique, rien encore pour le cinéma et la télévision, qui pourtant nous accompagnent quotidiennement dans notre vie confinée, seules fenêtres ouvertes sur un monde devenu inaccessible.

 

Dans les journaux télévisés du soir, on parle plus de l’avenir des fleuristes que des salles de cinéma. D’où vient ce désamour de nos politiques pour ce secteur dont la valeur ajoutée est bien supérieure à celle de l’automobile et qui emploie plus de personnes que l’aéronautique ?

 

Grâce à des femmes et des hommes politiques visionnaires, le secteur industriel du cinéma et de l’audiovisuel a été le seul en France à organiser sa régulation financière, notamment en se dotant d’une taxe spéciale, la TSA [taxe spéciale additionnelle sur les entrées en salles], copiée par beaucoup de pays. Ce système a si bien montré son efficacité que notre gouvernement a pu ainsi justifier de prélever plus de 300 millions d’euros sur le budget du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) depuis 2011, montant qui pourrait aujourd’hui participer à amortir les effets de la crise que nous traversons.

 

Paupérisation accélérée

 

Certes, des plans d’urgence ont été mis en place, à commencer par l’extension à nos métiers du chômage partiel qui permet à nos entreprises de continuer à rémunérer ses salariés en l’absence de revenus. Tant mieux, la catastrophe a été évitée. Mais pour reprendre des formules utilisées pour décrire la crise climatique, vers quel monde s’achemine-t-on ? Car en l’absence de pensée politique forte et de moyens conséquents, le secteur culturel risque bien de ne pas pouvoir se relever de la crise qu’il subit de plein fouet.

 

D’où vient ce désamour de nos politiques pour ce secteur dont la valeur ajoutée est bien supérieure à celle de l’automobile et qui emploie plus de personnes que l’aéronautique ?

 

Dans la mutation majeure amorcée bien avant la crise, c’est l’ensemble des acteurs de la filière qui doit se réinventer et c’est le financement global des œuvres ainsi que leur diffusion qui doivent être repensés. Car, sinon, cette mise à l’arrêt totale, inédite, n’aura servi qu’à une paupérisation accélérée et à un abandon coupable du monde de la création.

 

Plusieurs actions sont à mener urgemment :

 

Les grands gagnants de cette crise, les plates-formes, contrairement à tous les autres opérateurs du secteur, ne payent pas d’impôts, et pourtant s’appuient et prospèrent sur un écosystème vertueux, où des auteurs et des producteurs vivent de leurs droits et doivent pouvoir continuer à le faire.

 

L’application en France de la directive européenne « Services de médias audiovisuels » (SMA), en discussion au sein de la réforme audiovisuelle et reportée sine die, devait s’y atteler. Ces acteurs internationaux majeurs, pour certains plus puissants que des Etats, doivent contribuer à financer la relance globale de notre économie.

 

Les salles de cinéma sont au premier rang dans la chaîne d’exploitation des films. Cette fenêtre premium les oblige. Elles doivent impérativement redonner confiance aux créateurs et aux ayants droit en s’engageant réellement à leurs côtés pour amener et défendre leurs films devant leur public. Sans cela, les plates-formes, bien plus puissantes, sauront donner des gages (comme elles l’ont prouvé avec les réalisateurs Alfonso Cuaron ou Martin Scorsese) pour les séduire et capter leurs œuvres pour leurs seuls abonnés.

 

Diversité

 

Les salles de cinéma savent depuis très longtemps, bien avant l’invention de la carte illimitée, que la fidélisation de leur public passe par la programmation de toute la diversité, donc par des partenariats vertueux avec les distributeurs indépendants et pas seulement avec les studios américains.

 

En 2019, 80 % des films ont été sortis par des distributeurs indépendants. Ils se sont partagé seulement 32 % des séances en France sur l’année. Ces mêmes indépendants ont pourtant su faire découvrir la majorité des films présents à Cannes en 2019, et la plupart des premiers films et films d’auteurs français et européens. La crise actuelle ne doit pas nous faire oublier l’importance de la régulation des films en salles au profit de la plus grande diversité du cinéma. Car, comme pour le climat, la reprise aura beau jeu de permettre tous les écarts à une régulation vitale amorcée dans le monde d’avant.

 

Le service public doit affirmer son rôle dans la création et la diffusion. Prendre exemple sur Arte qui, avec peu de moyens et sans être rivée uniquement sur l’audimat, offre chaque jour à son public des films, des documentaires et des séries audacieuses, sachant allier la satisfaction et la curiosité de ses téléspectateurs.

 

Au cours de cette crise, France Télévision a redécouvert l’attrait du cinéma sur ses antennes, dont acte, mais au seul profit de films multidiffusés et de catalogues déjà ultra-amortis des grands groupes. Les spectateurs confinés n’auraient pas le goût de voir des films plus récents, plus en phase avec notre monde ? Prendre des risques, innover, travailler avec des auteurs et producteurs émergents, voilà ce que l’on attend d’un véritable soutien public à la création.

 

Un monde sans artistes ?

 

Enfin va-t-on cesser d’avoir peur de lutter efficacement contre le piratage qui a explosé depuis le début du confinement et qui prive les ayants droit d’une grande partie de leurs ressources ?

 

A l’instar de la transition écologique, cette crise, si elle ne tue pas intermittents, auteurs, artistes, salles de proximité, producteurs et distributeurs indépendants, doit être l’occasion d’affirmer une politique culturelle digne de ce nom.

 

L’absence de vision politique à long terme portée sur notre secteur est désespérante. Si le gouvernement est capable d’injecter des milliards dans des secteurs notoirement responsables de notre crise climatique – faut-il rappeler que la pollution tue chaque année plus de 40 000 personnes, à quand ce décompte chaque soir aux journaux télévisés… –, ne doit-il pas s’interroger sur la nécessité de préserver et renforcer notre modèle culturel, vecteur autant d’emplois que de cohésion sociale ?

 

Posons-leur la question : de quel monde rêvez-vous pour vos enfants ? Un monde sans images, sans artistes, sans émotion ? Ou un monde plus juste et plus grand ? Et si oui, quoi de mieux que la création artistique sous toutes ses formes pour en être le berceau ?

 

Carole Scotta dirige la société de production indépendante Haut et Court.

À Paris, les tournages de films et de séries reprendront sous conditions ICI

Omar Sy en Arsène Lupin ou Romain Duris dans la peau de Gustave Eiffel vont pouvoir reprendre le travail. Seule ombre au tableau : les assurances.

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4 mai 2020 1 04 /05 /mai /2020 12:00

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Dans ma vie ordinaire de retraité j’ai du temps ; dans celle de confiné j’en ai beaucoup. Alors plutôt que de passer ce temps long avachi sur un canapé à regarder les toutologues aligner leurs certitudes, en bouffant des chips, je préfère éclairer ma lanterne si peu brillante en écoutant des voix discordantes qui font du bien dans la cacophonie actuelle.

 

Celle de Jean-Dominique Michel en est une, il tient un blog ICI

 

Merci à un lecteur vigneron de m’avoir transmis l’info venue de Suisse qui avait échappée à ma sagacité louée par Pax.  

 

Notre invité: Jean-Dominique Michel, anthropologue - Vidéo - Play RTS

 

Le samedi après-midi du 25 avril 2020, nous nous sommes rendus à Genève à la rencontre de Jean-Dominique Michel, anthropologue et expert de renommée mondiale en matière de santé publique.

 

Après avoir étudié pendant plus de 30 ans les pratiques de soins et dispositifs sanitaires en Europe et dans le monde et avoir enseigné dans une quinzaine de programmes universitaires et Hautes écoles en Suisse et à l’étranger, il a travaillé comme nul autre ces dernières semaines pour comprendre et mettre en perspective ce qui nous arrive.

 

Dans son bureau de l’Association Pro Mente Sana dont il est le secrétaire général, il nous présente, avec sagacité, ouverture et sans langue de bois l’anatomie de la crise que nous vivons.

 

Mise en perspective à partager sans modération.

 

Êtes-vous un auteur

Jean-Dominique Michel

Mon parcours ICI

 

Des clients font leurs courses dans les magasins alimentaires de la Rue des Martyrs, à Paris le 11 avril 2020. Photo / Julie Limont / Hans Lucas / AFP Reportage.

 

Dans la rue des Martyrs,

 

à Paris, la

 

 

vie continue ICI
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2 mai 2020 6 02 /05 /mai /2020 12:00

 

Je ne vous le présente pas c’est ICI 

 

Pendant que moi, vieux bobo confiné, je faisais des babas au rhum, Jean-François lui se posait des questions et me transmettait le soir venu le fruit de sa réflexion.

 

 

Le vieux 68 hard, non révisé que je suis ne peut qu’adhérer à son constat : Nous sommes comme des enfants, ils nous prennent pour des ados attardés, choyés par la vie soudain apeurés, attendant tout, ou presque, de la sphère des hauts décideurs parisiens, j’ose une image osée, ce sont « nos souteneurs », qui tout en râlant, en s’épanchant sur les réseaux sociaux, en changeant d’avis au gré des déclarations contradictoires des toutologues, oublient qu'ils sont des citoyens, membres d'une communauté politique organisée

 

« On dit communément que chaque libre citoyen du monde a deux patries, la sienne et puis la France »

Blaise Cendrars, Bourlinguer, 1948

 

La servitude volontaire, chère à Etienne de la Boétie

 

Chose vraiment surprenante (...) c'est de voir des millions de millions d'hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu'ils soient contraints par une force majeure, mais parce qu'ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d'un, qu'ils ne devraient redouter, puisqu'il est seul, ni chérir, puisqu'il est, envers eux tous, inhumain et cruel.

 

Mais est-ce bien nouveau cet asservissement, le général, en bon militaire, nous qualifiait déjà de veaux

 

Charles de Gaulle, biographie et citations - Club de Réflexion ...

 

L’Amiral Philippe de Gaulle fils du général confirme : « Il l'a souvent employée quand il les voyait ne pas réagir ou se considérer comme battus avant même d'avoir engagé le fer. Au début de juin 1940, par exemple, à Londres, à l'hôtel Connaught, à voix basse pour ne pas être entendu des convives qui dînent à la table voisine. Il vient de stigmatiser l'armistice au micro de la BBC. Je le vois alors serrer son couteau nerveusement avant de le reposer avec délicatesse. Puis il me souffle: « Ce sont des veaux. Ils sont bons pour le massacre. Ils n'ont que ce qu'ils méritent. »

 

Michel Rocard (là je taquine un peu Jean-François en le citant) dans Décoloniser la province au colloque de Saint-Brieuc en décembre 1966, fustigeait la centralisation française et prônait une plus grande autonomie des territoires pour en finir avec « une tradition politique qui, des rois aux républiques, en passant par les empereurs, gouverne à l’intérieur par ses missi dominici, ses intendants et ses préfets en étouffant les pouvoirs locaux. »

 

Au risque de choquer, mais je le prends, cette mise en laisse des français, ce collier qui se resserre sur les libertés individuelles, ils l’ont bien mérité à force de gober le prêt-à-penser, à force d’élire des aligneurs de promesses jamais tenues, à force de privilégier ceux qui les brossent dans le sens du poil pour mieux les manipuler.

 

Je m’en tiens là, je ne suis qu’un vieux monsieur indigne à qui le sentiment de finitude ôte toute peur de mourir, ma seule crainte c’est d’être dépendant, à la charge de la société, et puis aussi, depuis ma grosse gamelle à vélo de souffrir : « de 1 à 10 situez votre douleur » était le leitmotiv de mes soignants à Cochin, pendant 3 jours et 3 nuits j'avouais 8 alors que je pensais 10...

 

 

 

Le premier ministre a indiqué le 28 avril que les mesures de confinement seraient progressivement allégées après le 11 mai. Personne ne sait vraiment dans quelle mesure tant le plan est confus. Notre seule certitude est notre situation verte ou rouge sur la carte de France.

 

Ce plan de déconfinement progressif ne met pas fin aux pouvoirs exceptionnels dont dispose le gouvernement depuis le début du mois de mars. Bien au contraire, il demandera au Parlement, la semaine prochaine, de prolonger l’état d’urgence sanitaire et les pouvoirs exceptionnels dont il dispose jusqu’au 24 juillet. Le parlement, soumis à l’exécutif, lui accordera cette prolongation, il n’y a pas de doute là-dessus. Le plus inquiétant est qu’il n’y aura sans doute pas beaucoup plus de résistance de la part des forces politiques minoritaires et de la société civile, tant domine l’idée que le pouvoir de l’Etat est notre seule protection quand les choses vont mal. On ne reproche pas au pouvoir de réduire à néant nos libertés fondamentales, mais de ne pas être capable d’acheter à la Chine des masques de protection.

 

Nous sommes placés, désormais, sous la protection du «couple préfet-maire », nous disent le Premier ministre et le Président de la République. Comme s’il s’agissait d’un couple, alors que l’un dicte à l’autre ce qu’il doit faire, que le préfet contrôle les actes des maires même en période normale, que les préfets ont imposé pendant le mandat précédent, des centaines de regroupements forcés de communes, amputant ainsi le pouvoir d’autant de maires dans des communautés de communes et d’agglomérations.

 

Qui sait ce qui restera du renforcement du pouvoir exceptionnel du gouvernement après le 24 juillet, si l’état d’urgence est levé à cette date?

 

La plupart des  mesures d’exception adoptées après les attentats du Bataclan du 13 novembre 2015, au nom de la guerre contre le terrorisme, ont été intégrées à notre droit ordinaire, au motif de donner un cadre légal permanent aux actes du gouvernement.

 

Auparavant, l’extension temporaire de son pouvoir était justifiée par la théorie élaborée par le Conseil d’Etat au sortir de la première guerre mondiale « des circonstances exceptionnelles »; le juge administratif ne censurait pas des actes illégaux de l’administration lorsque ceux-ci étaient pris pour faire face à des circonstances exceptionnelles.

 

Le gouvernement a fait adopter le 23 mars 2020 une « loi d’urgence sanitaire » qui donne une base légale aux pouvoirs exceptionnels qu’il exerce. Le Conseil d’Etat n’a rien trouvé à y redire. Le conseil constitutionnel ne s’est pas montré plus vigilant ; il a repris à son compte la théorie du conseil d’Etat sur les circonstances exceptionnelles, ce qu’il n’avait pas fait jusqu’à maintenant.

 

L’Allemagne donne une autre image du contrôle des actes de l’autorité politique ; l’interdiction de manifester décidée par un gouvernement régional a été invalidée par le juge fédéral au motif que les impératifs sanitaires ne pouvaient justifier une interdiction générale et absolue de manifester.

 

Ne vaut-il pas mieux que le gouvernement agisse en dérogation aux règles ordinaires quand les circonstances sont extraordinaires et qu’il s’en explique devant les citoyens, le Parlement et les juges, plutôt que d’intégrer dans notre ordre juridique la possibilité permanente d’extension des pouvoirs de l’appareil d’Etat ?

 

Ce qui est certain, c’est que le gouvernement s’habitue à exercer les pouvoirs exorbitants dont il dispose et que nous nous habituons à le supporter.

 

L’histoire des sociétés « développées » est celle de l’extension continue du pouvoir de l’Etat sur les individus, pour le meilleur et pour le pire.

 

Cette extension s’opère souvent maintenant à la demande des citoyens.

 

Jusqu’aux années 1970, les mouvements démocratiques défendaient les libertés fondamentales contre l’Etat (liberté d’expression, de manifestation, d’aller et de venir). Ensuite sont venues les revendications de « droits à quelque chose… » (droit d’avoir un enfant, de choisir de son sexe, etc.). Pour que ces droits soient effectifs, il ne suffit plus que l’Etat s’abstienne, il faut qu’il intervienne pour garantir le remboursement d’actes médicaux qui ne l’étaient pas, pour modifier le code civil… Ainsi s’est étendue l’emprise de l’Etat sur la vie privée des gens considérée comme une victoire démocratique.

 

Nous nous habituons à la soumission aux institutions qui agissent légitimement puisque c’est pour notre bien, au pouvoir de la médecine qui veille sur nous, de la science qui pourtant devrait nous aider à comprendre plutôt qu’à nous résigner.

 

Nous nous habituons à accepter l’inacceptable : rester enfermés, ne pas sortir sans un papier signé, nous sentir coupables de rester plus d’une heure dehors…

 

Nous sommes comme des enfants.

 

D’ailleurs, ne trouvons-nous pas un certain plaisir à nous retrouver dans cette situation d’infantilisation ?

 

Adultes confinés, nous échappons à l’inconfort des transports en commun, au regard des collègues et des chefs qui ne nous voient que si nous le voulons dans le demi-anonymat des conférences téléphoniques et des visioconférences tremblotantes. Nous sommes débarrassés de l’obligation de nous apprêter pour faire bonne figure. Ce petit bénéficie nous rend encore plus enclins à accepter de perdre notre liberté plutôt que notre vie.

 

Mais n’est-ce pas un marché de dupes ? Jean-Pierre Dupuy a fort bien expliqué comment nous ne croyons pas vraiment ce dont pourtant nous sommes certains. Il en est ainsi de notre propre mort.

 

Rappelons que dans le même temps nous trouvons tout à fait normal que d’autres soient obligés de sortir, pour que nous puissions nous nourrir, bénéficier d’infrastructures de télécommunications fonctionnelles, pour nos rues ne soient pas envahies d’immondices et que les malades soient soignés.

 

Toute réflexion est à l’arrêt et je n’ai guère entendu qu’André Comte-Sponville s’élever contre cet abrutissement collectif, dire qu’il y avait des choses plus graves que le Covid-19 dans la vie. Que nous devrions nous faire plus de souci pour l’avenir de nos enfants que pour notre risque de mourir, assez faible au demeurant. Que nous devrions nous souvenir qu’être heureux permet souvent d’être en bonne santé mais que la bonne santé ne peut pas devenir l’unique but de notre existence.

 

Quand allons-nous nous réveiller ?

 

L’opposition qui patauge, reprochant un jour au gouvernement de trop nous confiner, le lendemain de nous déconfiner trop vite, les syndicats qui s’opposent à la reprise du travail tant que les conditions ne seront pas réunies (?) ne devraient-ils pas plutôt s’intéresser à la défense de nos libertés fondamentales en période de crise dont dépendent les conditions dans lesquelles le monde se remettra en route demain ?

 

La communication chaotique du pouvoir exécutif conduit les médias à le présenter comme affaibli, mais je crains qu’à long terme, le confinement ne lui profite. Quelle énergie et quel désir de vivre libre reste-t-il à un peuple dominé par la peur ?

 

Le 29 avril 2020 

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Etat d’urgence sanitaire : de nouvelles mesures d’isolement et de suivi des malades provoquent des tensions dans la majorité

Le conseil des ministres doit adopter samedi le texte prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 23 juillet. Les débats ont fait rage sur les mesures susceptibles d’imposer des privations de liberté et un fichage.

 

L’état d’urgence sanitaire ne va pas prendre fin avec le déconfinement programmé à partir du 11 mai. Paradoxalement, il pourrait même voir prospérer des dispositions encore plus coercitives que celles imposées à chacun depuis la loi du 23 mars créant ce régime dérogatoire au droit commun en raison du péril représenté par l’épidémie au Covid-19.

 

Le conseil des ministres doit adopter, samedi 2 mai, le projet de loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire de deux mois, jusqu’au 23 juillet. Annoncé mardi 28 avril lors de la présentation du plan de déconfinement devant l’Assemblée nationale par le premier ministre, Edouard Philippe, ce texte devait comprendre en outre des dispositions pour pouvoir mettre à l’isolement des personnes atteintes du virus et la création d’un fichage des malades et même des personnes susceptibles d’être infectées par le virus.

 

Mais le gouvernement a été contraint de revoir sa copie dans les dernières heures en raison des risques d’inconstitutionnalité que soulevait son projet. De l’aveu d’un ministre, le texte en l’état aurait pu mettre « le bordel dans la majorité et l’opposition ». Si la prolongation de deux mois de l’état d’urgence sanitaire ne semble pas faire débat, une des mesures envisagée par le gouvernement, en revanche, interroge quant au respect des libertés publiques, au point de faire douter un exécutif soucieux de ne pas fragiliser encore plus une union nationale déjà branlante.

 

Privation de liberté

 

L’article 2 de l’avant-projet de loi, révélé par L’Opinion et l’Agence France-Presse, et que nous avons pu consulter, prévoyait en effet qu’une personne testée positive au Covid-19 pourrait être contrainte à un isolement à son domicile ou un lieu qui lui serait affecté « en cas de refus réitéré des prescriptions médicales d’isolement prophylactique », car elle ferait courir « un risque grave de contaminer d’autres personnes ». Un tel placement à l’isolement serait prononcé par le préfet à la demande de l’Agence régionale de santé (ARS). Dans des conditions similaires, des personnes suspectées d’avoir été en contact avec une personne malade pourraient être placées en quarantaine par l’autorité administrative.

 

Ces mesures de police administrative sont autrement plus restrictives que celles intégrées en novembre 2015 dans la loi sur l’état d’urgence au nom de la lutte contre le terrorisme. A l’époque, le Conseil constitutionnel avait validé les assignations à résidence sans contrôle du juge judiciaire car l’astreinte à domicile était limitée à douze heures par jour. Un contrôle a posteriori du juge administratif était possible.

 

Ici, dans un régime d’isolement ou de quarantaine plus sévère, il ne s’agit plus d’une « restriction de liberté », mais d’une « privation de liberté » dont seul le juge judiciaire est à même d’apprécier la justification. Cette fois, le gouvernement comptait écarter le juge administratif et permettre, si la personne n’est pas d’accord avec la mesure, un recours devant le juge des libertés et la détention (JLD), le même magistrat qui est saisi lorsqu’il s’agit d’incarcérer une personne sans attendre qu’elle soit jugée coupable.

 

Un dispositif jugé insuffisant au regard des exigences constitutionnelles par d’éminents juristes. « Vu la gravité de la privation de liberté, le régime pourrait être celui qui s’applique en droit des étrangers avec un JLD appelé à statuer dans les 48 heures sur un placement en rétention décidé par le préfet », estime Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble.

 

« Aucun caractère incitatif »

 

Le premier ministre, Edouard Philippe, avait pourtant insisté mardi lors de son discours à l’Assemblée sur « la responsabilité individuelle de chacun ». « L’isolement doit être expliqué, consenti et accompagné », avait jugé M. Philippe, tout en prévenant : « Nous prévoyons des dispositifs de contrôle s’ils devaient être nécessaires. »

 

Cette disposition, telle que décrite dans l’avant-projet de loi, a fait aussi sursauter certains membres de la majorité. « La France reste le pays des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’agit de rester dans quelque chose de nécessaire et proportionné, estime Sacha Houlié, député (La République en marche, LRM) de la Vienne. Les mesures qui ont montré leur efficacité dans l’état d’urgence sanitaire sont celles qui ont été acceptées socialement. C’était le cas du confinement. »

 

A droite aussi, où l’on a pourtant voté la loi d’urgence sanitaire en mars, le sujet fait débat. « Il y a un hiatus entre la déclaration du premier ministre mardi et cet article », remarque Damien Abad, président du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale, qui souhaiterait « une réécriture de l’article 2 plus respectueuse des libertés publiques », avec un isolement « ciblé ». Son collègue LR de Vaucluse, Julien Aubert, regrette pour sa part que la mise en quarantaine soit décidée par une autorité administrative, et non pas médicale. « C’est uniquement coercitif à ce stade, il n’y a aucun caractère incitatif », regrette le député.

 

« Pas arbitré »

 

Tout au long de la semaine, Edouard Philippe s’est efforcé de rassurer son monde, appelant lui-même certains députés de la majorité. « Ce n’est pas arbitré », répétait-on, jeudi, à Matignon. Jeudi soir, lors d’une visioconférence réunissant les députés LRM, le chef du gouvernement a même assuré, selon plusieurs participants, que la disposition ne figurerait pas dans le texte qui sortira du conseil des ministres. Contacté vendredi après-midi, l’entourage du premier ministre n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.

 

« Il y a toujours des projets différents qui circulent tant que le texte n’est pas passé en conseil des ministres, c’est le processus législatif classique, estime Yaël Braun-Pivet, présidente (LRM) de la commission des lois à l’Assemblée nationale. Nous sommes dans une période où l’on se pose tous des questions afin de savoir ce qui est le plus judicieux à mettre en place. »

 

Stéphanie Hennette-Vauchez, professeur de droit à l’université de Paris-Nanterre, rappelle que « la quarantaine sanitaire existe dans le droit français depuis avant la Constitution de la Ve République, depuis l’époque de la lèpre ». D’ailleurs, les préfets de la Guyane ou de la Réunion y ont eu recours ces dernières semaines. « Mais ces textes, jamais soumis au Conseil constitutionnel, datent d’une époque où les garanties des libertés fondamentales n’étaient pas aussi importantes qu’aujourd’hui ». L’universitaire estime « coupable de reprendre la plume sur le sujet sans mettre à jour son cadre juridique ».

 

« Mise en place de fait » de StopCovid

 

Un autre article du texte pourrait également se révéler « touchy », aux dires d’un membre du gouvernement, dans les discussions à venir au Parlement : l’article 6, qui crée un « système d’information » – en clair, un fichier – permettant de recenser les personnes infectées au Covid-19 « ou susceptibles de l’être », et les personnes ayant été en contact avec elles.

 

Les médecins, a annoncé Edouard Philippe, seront « en première ligne » pour identifier ces cas, puis faire remonter leur identité à l’Assurance-maladie, qui sera secondée par des « brigades » devant constituer des listes, ou alerter les personnes concernées afin de les inviter à se faire tester. Cette infrastructure informatique recueillera également les informations liées aux « prescriptions médicales d’isolement » ainsi que les données liées aux résultats des tests médicaux. Le projet de loi autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en place ce « système d’information ».

 

« Si on ne fait pas ça, on ne peut pas suivre la chaîne de contamination et la casser », souligne-t-on au sein de l’exécutif. « Nous sommes sur du fichier Excel, sur le principe ce n’est pas un traçage numérique, on ne peut pas être contre tout », juge Sacha Houlié, farouche contempteur de l’application StopCovid sur laquelle travaille le gouvernement.

 

A LR, on estime au contraire qu’il s’agit là ni plus ni moins que d’une « mise en place de fait » de StopCovid, dont l’activation a été retardée par l’exécutif. « Nous demandons la saisine de la CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] », réclame Damien Abad, pour qui le gouvernement doit « jouer franc jeu et arrêter d’avancer masqué sur ce sujet ». « Aucune garantie » n’accompagne l’article, s’alarme enfin Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR. Le système serait « centralisé et créé pour un an, alors que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire est de deux mois ! », souligne le sénateur de Vendée.

 

Le projet de loi du gouvernement devrait être examiné lundi, au Sénat, puis dans la foulée à l’Assemblée nationale. Un calendrier peu propice à un débat approfondi sur des questions pourtant aussi fondamentales que le consentement au soin, la collecte de données médicales personnelles, et la liberté d’aller et venir.

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26 avril 2020 7 26 /04 /avril /2020 06:00

Marcel Proust et "Le petit pan de mur jaune avec un auvent, petit pan de mur jaune"

     
 

 

Mon déjeuner de Pâques. ICI

 

« Mazette ! Quand le Taulier fait bombance, le roi n'est pas son cousin !

 

L'eau m'en vient à la bouche. J'ai montré ce menu illustré à mon épouse préférée, alléché par cette assiette de bœuf Wagyu avec cette présentation coupée en branchette très appétissante. »

 

Croulant sous les compliments du confiné de Collioure, j’ai lévité, je me suis transporté par la pensée jusque sous une tonnelle enrubannée de glycine, j’ai sorti un Havane que m’avait offert J.P.K, je l’ai fait crisser à mon oreille, je l’ai guillotiné, je l’ai chauffé amoureusement puis je l’ai allumé. Assis dans un fauteuil style Emmanuelle, j’ai savouré le café préparé par Marie-Louise pendant que Nane mordillait le bout de mes Richelieu, j’ai écouté religieusement le conte de Pâques de Pax. 

 

 

 

Petit pan de mur... Petit pan de mur...

 

Pour Bergotte * il était jaune ce petit pan de mur du tableau « Vue de Delft » de Vermeer. Un pan de mur apparemment exceptionnel qui l’emporta dans une Epectase esthétique fatale comme le raconte Marcel Proust dans « La Prisonnière ».

 

Celui qui vous est proposé ici est sans danger et aura la couleur de votre choix.

 

Oui, c’est à vous que je m’adresse.

 

Vous venez de régler votre note d’hôtel  et terminez de charger les bagages dans le coffre de la voiture familiale. Votre femme et les enfants achèvent leur petit déjeuner. Votre femme sort de l’hôtel et vous rejoint non sans avoir récupéré un dépliant du présentoir du hall. Elle est suivie par les enfants dont l’aîné a raflé une poignée de bonbons dans le panier sur le comptoir de la réception. Hilare de son bon coup, il est suivi par sa sœur qui réclame une part du butin.

 

Voilà, vous êtes tous réunis. C’est fini pour cette ville, en avant pour la suivante sur l’itinéraire des vacances. Il n’y a plus rien à voir.

 

En êtes-vous sûr ?

 

Vous avez visitez la cathédrale. Vous avez fait le tour avec les enfants courant en tous sens puis, consciencieusement vous êtes entrés pour voir l’intérieur. Votre femme s’est dirigée, à gauche, vers la boutique de souvenirs et de cartes postales pour s’enquérir d’un petit guide de l’édifice. Vous l’avez attendue à l’entrée de la nef repérant à l’avance ce qui, d’après vos souvenirs, seraient à voir, la rosace, la chaire, le jubé… Le temps que votre épouse vous rejoigne, votre fils avait entrepris, au beau milieu de la nef, le cheminement du labyrinthe à cloche pied suivi par sa sœur à quatre pattes.

 

Vous êtes passé devant le bâtiment du tribunal érigé par le même architecte que celui du théâtre, comme quelques autres édifices similaires dans la région et même, sauf erreur disiez-vous, à Paris. Va pour le théâtre aussi.

 

Vous n’avez pas manqué le musée et ses diverses sections. Vous avez, un temps, su capter l’intérêt des enfants. Ils vous ont cependant très vite échappé quand votre propre attention de visiteur a été captée par une de ces peintures que vous affectionnez. Vous avez récupéré les enfants  affalés sur une banquette. Ils s’empiffraient des bonbons de l’hôtel. Un gardien, jouant au croque mitaine avait mis fin à leur jeu de cache-cache entre les présentoirs et les dispositifs permettant l’exposition des œuvres et autres trésors.

 

Étant un touriste, particulier et averti, vous n’avez pas manqué de passer voir, selon votre habitude, la prison de la cité. Cela nous en apprend beaucoup disiez-vous, sur l’histoire et le traitement de la délinquance à rattacher à l’histoire de la cité concernée.

 

Tout cela est fort bien, la suite vous attend Il est temps de se mettre en route.

 

Encore un moment s’il vous plait. Vous avez manqué quelque chose d’essentiel.

 

Certes on en trouve dans toutes les villes mais chacune à quelque chose de particulier. Cela vaut de s’y arrêter.

 

Faites une dernière promenade. Les yeux légèrement en l’air, soyez attentifs. Vous le trouverez aisément même si les enfants vont rechigner et qu’il vous faudra acheter leur patience avec une glace. Vous ne pourrez pas manquer ce trou béant laissé par un immeuble démoli dans l’attente d’une nouvelle construction.

 

Le mur de l’immeuble de gauche, rendu visible par la démolition ne présente aucun intérêt : c’est son mur, de couleur uniforme en moellons beigeasses. Celui de l’immeuble de droite est plus curieux: c’est un mur mitoyen. Il ne peut pas être démoli sauf à ouvrir aux quatre vents toutes les pièces latérales de cet immeuble.

 

Regardez bien. Il présente des pans de murs multicolores et racontent une partie de l’histoire dernière de l’immeuble abattu.

 

Regardez les murs des pièces des cinq étages. Elles se répartissent de chaque côté de la cage d’escalier. Cette grande balafre grise qui coupe en deux, verticalement, le centre de la façade Son étroitesse et ses demi-paliers par rapport aux traces des planchers en bas de chaque pan de murs, fait qu’on ne peut pas se tromper.

 

Vous voyez celui, avec le papier peint à fleur, c’était vraisemblablement une chambre à coucher. On voit encore la trace du chevet du lit et le fil électrique qui pendouille terminé par son interrupteur en olive qui permettait d’éteindre le plafonnier sans avoir à se relever.

 

Là, avec un papier peint à larges rayures verticales, trop sérieux pour une chambre d’enfant ou même une salle à manger, un salon peut-être ?

 

Vous vous prenez au jeu et à présent. C’est vous qui montrez et expliquez à votre femme, le mur bleu comme on faisait autrefois. Certainement une cuisine. On y remarque la trace de l’évier avec, au-dessus, ces quelques carreaux blanc percé du robinet qui sort du mur, à la bonne hauteur. Là encore un papier joyeux avec une frise d’animaux : une chambre d’enfant. Regarde au premier étage, avec les grosses indiennes sur le mur : il y a encore le manteau de la cheminée !

 

Maintenant c’est votre femme qui joue aux devinettes et vous fait remarquer les traces laissées par des tableaux. Regarde, là au troisième à gauche, en rose, on dirait qu’il reste un calendrier des postes. Ailleurs un miroir au-dessus d’un lavabo ayant miraculeusement échappé à la démolition. Là encore, une série de cartes postales fixées au mur, l’une, en biais, ne tenant plus que par une punaise, l’autre avec les coins qui rebiquent.

 

Main dans la main, vous vous mettez à imaginer ce que fut la vie dans cet immeuble.

 

La peinture ou les papiers peints relativement récents indiquent les derniers arrivants. Au contraire, les plus passés devaient avoir pour occupant une grand-mère, veuve esseulée. Elle comptait les jours la séparant des vacances scolaires où les petits enfants lui étaient confiés. Puis l’âge venant, elle n’attendait plus que des cartes postales. Seule la Toussaint ramenait tout son petit monde comme en pèlerinage pour une visite au cimetière. Parfois, sur la route des vacances ils faisaient étapes et venaient l’embrasser.

 

Dans tel autre, il y eut des cris, des scènes de ménage. Dans celui-là, un professeur qui donnait des cours particuliers pour arrondir ses fins de mois.

 

On pouvait imaginer aussi la période heureuse du choix en commun des papiers peints, de la peinture et des rideaux. C’était signe d’entente avant que ce décor ne devienne banal et ne présente plus rien au regard de la vie qui passe.

 

Est-ce que la dame du quatrième, toujours maquillée et fantasque avait séduit un habitant des autres étages ? Qui fréquentait qui ? Qui était solitaire ou timide. Qui avait divorcé gardant pour lui le logement ? Les descentes bousculées du gage d’escalier, par les enfants «  le premier arrivé à gagner ! ». Le jeudi il n’y a pas classe alors on se retrouve, pour jouer, ensemble sur le trottoir. Il y a peut-être des clans .Tels étages contre tels autres.

 

Et ainsi de suite.

 

On pourrait continuer jusqu’au soir, l’imagination galopait. Vous marquez, l’un et l’autre, un temps d’arrêt entre chaque proposition. Moins pour réfléchir que prendre la respiration de la vie que vous devinez. Les vies que vous inspirent ces petits pans de murs multicolores. Votre épouse vous a serré la main un peu plus fort. Vous avez cherché des yeux les enfants que vous n’aviez plus entendus depuis quelques temps. Ils ne faisaient pas de bêtise. Assis par terre, devant la palissade condamnant l’accès au futur chantier, ils décollaient, par petits bouts le bas des affiches placardées.

 

Voilà, vous pouvez reprendre la route. N’oubliez pas la visite de la prochaine ville. Vous savez à présent qu’elle ne sera pas complète si vous ne trouvez pas, chercher bien car il s’y trouve certainement, ces  petits pans de murs bleus, roses, verts, jaunes qui vous raconteront une histoire. Peut-être même, un jour, les enfants devenus un peu plus grands, vous demanderons. « Dis papa on va voir le mur qui raconte la vie ? »

 

Bonne route et bonnes vacances.

 

Collioure – Pâques 2020

Voir Vermeer et mourir. La formule est usée, mais l'idée reprend vie quand Marcel Proust la fait sienne dans À la recherche du temps perdu. On expose des toiles de Vermeer à Paris, dont la Vue de Delft. Aux portes de la mort, l'écrivain Bergotte rassemble ses forces et se rend sur les lieux de l'exposition.

 

"Enfin il fut devant le Vermeer, qu'il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. "C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune." Cependant la gravité de ses étourdissements ne lui échappait pas. Dans une céleste balance lui apparaissait, chargeant l'un des plateaux, sa propre vie, tandis que l'autre contenait le petit pan de mur si bien peint en jaune. Il sentait qu'il avait imprudemment donné la première pour le second. "Je ne voudrais pourtant pas, se dit-il, être pour les journaux du soir le fait divers de cette exposition".

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21 avril 2020 2 21 /04 /avril /2020 06:00

Jean-François Collin

Je vais vous la faire à la Jean-François, sans fioritures, lorsque le porte-flingue de Louis Mermaz me le présenta pour occuper le poste de conseiller technique aux affaires internationales, il avait tout pour me déplaire, pensez-donc être cornaqué par le prototype même du haut-fonctionnaire arriviste, le moi je veux être placé en numéro 1 sur l’organigramme du cabinet, le conseiller auprès du Ministre, maire de l’Isle d’Abeau, ça me défrisait. Autre cerise sur le gâteau, JFC ne portait pas certains rocardiens dans son cœur, ceux qui viraient au libéralisme à tout crin, tel J.P Huchon, là j’avoue que je ne lui donnais pas tout à fait tort mais je me disais où se situe-t-il sur la grille de lecture des socialos ?

 

Bref, passé ce moment de suspicion légitime, JFC se révéla un collaborateur de haut vol, son mentor se vautra lamentablement avant de retourner sa veste pour des raisons que je n’ai pas à expliquer ici, et il gagna la confiance de Louis Mermaz, et ce n’était pas une tâche aisée croyez-moi, il le driva patiemment lors de la première réforme de la PAC qui déplaisait tant à Raymond Lacombe que notre Ministre appréciait tant.

 

Puis la roue tourna, alors qu’il coulait des jours heureux à Bonn, j’eus la bonne idée de le recommander à Louis le Pensec nommé Ministre de l’Agriculture dans le gouvernement Jospin, puis lorsque celui-ci parti pantoufler au Sénat il rejoignit Dominique Voynet à l'Environnement pour diriger son cabinet et se faire envahir par les chasseurs…

 

Voilà le Jean-François était tendance VERTS.

 

Nommé Ministre conseiller pour les Affaires Economiques à l'ambassade de France à Moscou, je le présentais ainsi :

 

Jean-François Collin, même si sa modestie doit en souffrir, fait partie pour moi de ces hommes qui font honneur au Service Public. En ces temps où il est de bon ton de décrier les fonctionnaires, de les assimiler à des "quasi-parasites", de penser que réformer la machine de l'Etat se réduit à leur pure décrue, il m'est agréable de donner la parole à ce que, faute d'une autre appellation à ma disposition, on nomme généralement un grand serviteur de l'Etat.  L'homme a un petit côté austère, c'est sa réserve naturelle, mais il  est de ceux avec qui il est très agréable de travailler, précis, pertinent et, suprême qualité dans les palais de la République, Jean-François n'a pas l'échine souple : au service de l'Etat certes mais pas un poil serviteur.

 

18 avril 2008

Trois Questions à JF. Collin en direct de Moscou ICI 

 

Ensuite, JFC, fit un tour du côté de la mairie de Paris, puis au Ministère de la Culture sous Filippetti avant de gagner la Cour des Comptes présidée par un ex-mermazien défroqué nommé par Sarko : Didier Migaud.

 

Ça lui va comme un gant.

 

Il nous arrive de déjeuner ensemble chez Giovanni Passerini.

 

Image

 

Lundi matin à 10 h j’ai reçu de lui ceci…

 

 

Changer le monde après la crise. Oui, mais comment ?

 

Les appels à changer le monde d’après fleurissent. Mais comment allons-nous faire pour passer des déclarations à leur réalisation ?

 

1) Retrouver notre souveraineté économique

 

Du Président de la République au citoyen ordinaire, nous avons brutalement découvert à quel point nous étions dépendants de l’extérieur, incapables d’assurer par nous-mêmes notre existence.

 

Certains n’y verront qu’un accident de parcours et continueront à défendre que les avantages de la division mondiale du travail et de la spécialisation de chaque pays dans ce qu’il sait le mieux faire sont les conditions d’une amélioration globale du niveau de vie de l’humanité. 

 

Mais il sera tout de même difficile de justifier après cette crise notre incapacité à fabriquer des respirateurs, des réactifs permettant de tester les malades, du gel hydro alcoolique ou du paracétamol.

Cette dépendance a eu de graves conséquences sanitaires. Ses conséquences économiques sont aussi considérables, le confinement étant la seule solution dont nous étions capables, faute de moyens, et avec lui l’arrêt de l’essentiel de l’activité.

 

Et il faut enfin dire à quel point le commerce mondial est un désastre environnemental ; qu’il ne peut se développer qu’accompagné par des grands mouvements d’hommes ; ceux qui se concentrent dans des conditions déplorables dans les cités « des ateliers du monde », ceux qui organisent ces échanges et transportent les marchandises.

 

Cette division mondiale du travail pousse à la déforestation massive au Brésil et ailleurs pour cultiver le soja que consommeront les animaux des pays développés dans des ateliers de production intensifs, hier encore présentés comme la meilleure solution économique.

 

La destruction de l’environnement favorise le développement de nouvelles maladies et le mouvement des hommes leur propagation.

 

Ce constat semble, en ce moment, largement partagé. Mais comment passer du constat à la reconquête de notre souveraineté économique ?

 

Sommes-nous conscients de notre niveau de dépendance aux importations ?

 

Plusieurs personnes ont essayé de vivre quelques mois en n’achetant que des produits français et ont rendu compte de leur expérience dans des documentaires télévisés et des articles de presse. Le résultat dépassait largement les rêves les plus fous de la frugalité heureuse. Leur vie devenait parfaitement impossible et ils ne parvenaient pas à se procurer les biens essentiels à la vie.

 

La situation de notre commerce extérieur est catastrophique. Nous sommes déficitaires dans presque tous les secteurs. L’énergie, bien sûr, mais aussi dans la plupart des secteurs industriels et même pour les échanges agroalimentaires, qui furent longtemps un fleuron français. Seul le secteur des vins et spiritueux et celui des produits laitiers restent excédentaires. Nous importons massivement les fruits et légumes que nous mangeons, la viande, et les produits transformés.

 

Nous sommes tous favorables à la transition énergétique, mais celle-ci est pour le moment fondée sur l’importation massive de panneaux solaires chinois, de terres rares indispensables au fonctionnement des éoliennes et des outils électroniques qui permettent le fonctionnement des « réseaux intelligents » qui permettent de mieux gérer la consommation d’énergie.

 

Le bilan est le même dans la plupart des secteurs

 

Passer d’une telle situation de dépendance à une plus grande autonomie demandera du temps, des investissements et des politiques économiques et commerciales favorables.

 

Une période de transition difficile et douloureuse.

 

Notre dépendance au reste du monde a deux visages:

 

  • nous en dépendons par ce que nous lui achetons et que nous sommes plus capables de faire.

 

  • nous en dépendons par ce que nous lui vendons et que nous ne pourrons plus vendre si le monde de demain est celui de la fragmentation économique, accompagnée inévitablement de la fermeture de certains marchés pour nos ventes d’avions, de matériel de transport ou de production d’énergie, de vin ou de fromages… A terme, la reconquête du marché intérieur ouvrira d’autres débouchés, mais la longueur du terme n’est pas indifférente et beaucoup d’entreprises peuvent périr pendant la transition avec la misère supplémentaire qui peut  en résulter.

 

Identifier les secteurs dans lesquels nous voulons restaurer notre souveraineté

 

Qui sera chargé de le faire ? Une commission gouvernementale, le Parlement, le Conseil économique, social et environnemental, les régions ; les communes, les dirigeants des entreprises, les syndicats, les chercheurs, les citoyens par reférendum ?

 

Sans doute un peu tous ceux-là, sous des formes qu’il faudra déterminer.

 

Dire jusqu’à quel point nous souhaitons redevenir souverains.

 

Prenons l’exemple de la santé. Nous devons être capables de produire dans des délais rapides les équipements de base qui nous manquent aujourd’hui (masques, réactifs pour les tests, respirateurs, paracétamol, antibiotiques). Mais la recherche médicale progresse grâce à la coopération entre chercheurs du monde entier. Il n’existe pas encore de vaccin ou de traitement du covid-19, mais le séquençage génétique du virus a été partagé par les équipes chinoises peu de temps après le début de l’épidémie, permettant aux équipes du monde entier de travailler à la recherche d’une solution.

 

Il faudra donc trouver un chemin permettant de restaurer notre souveraineté tout en maintenant un cadre de coopération scientifique et économique avec le reste du monde.

 

Quelle politique de reconquête de notre souveraineté économique ?

 

Une fois que nous aurons défini les secteurs dans lesquels nous voulons être souverains et le degré d’indépendance que nous souhaitons, il faudra mettre en place les moyens d’y parvenir.

 

C’est à la fois simple et compliqué. Plusieurs raisons expliquent notre situation.

 

Nous avons un problème de compétitivité : nos produits, souvent de moyenne gamme, ne sont pas assez sophistiqués pour le marché des produits de qualité (le marché automobile est un bon exemple qui peine à remonter la pente malgré une amélioration de la qualité des voitures françaises), et sont trop chers par rapport à la concurrence des pays à bas prix pour le reste.

 

Comme on ne transforme pas une telle situation en quelques mois, et qu’aucun plan de relance, même massif et même financé par des euro bonds ne réglera ce problème, il faudra protéger notre marché intérieur, notamment par des tarifs douaniers sur certains produits sensibles et subventionner certains secteurs industriels pour les remettre à niveau.

 

Ce n’est pas possible dans le cadre du marché unique européen et du droit de la concurrence actuel.

 

Il faudra donc renégocier le pacte européen. Le refonder comme un pacte entre Nations souhaitant coopérer de façon approfondie, en respectant les différences de niveau de développement des pays participant à ce pacte et en leur laissant les marges de manœuvre nécessaires à une convergence progressive de leurs économies.

 

La France doit pour cela accepter l’idée qu’elle ne fait plus jeu égal avec l’Allemagne dans une Europe économiquement unifiée sous la coupe de ce binôme. Elle doit utiliser ce qui lui reste d’influence, avec d’autres pays européens, pour renégocier les conditions de sa participation à une construction européenne plus réaliste, dont la marche ne sera plus dictée par les seules exigences d’une monnaie unique qui impose l’alignement sur le pays le plus performant économiquement, au prix de la disparition des activités non rentables dans les pays moins performants et d’un ajustement par la libre circulation des travailleurs qui iraient se localiser là où existe l’activité. 

 

Tout cela est évidemment très compliqué et peut paraître irréaliste. Mais si l’on considère que ce n’est pas possible, qu’il n’y a pas de majorité en Europe pour cela et qu’il n’y en aura jamais, il ne faut pas faire semblant de croire que nous pourrons retrouver notre souveraineté économique même dans les seuls secteurs mentionnés par le Président de la République dans son allocution du 16 mars dernier. 

 

2)  Revoir les hiérarchies sociales

 

En plus d’un problème de compétitivité, nous avons un problème de mentalité collective. A force de dire qu’il était bon de laisser les pays en développement faire le travail de production tandis que nous devions nous spécialiser dans les tâches de conception et les nouvelles technologies, nous avons perdu sur tous les tableaux. Nous ne produisons plus grand chose et nous ne sommes pas non plus un pays remarqué pour ses capacités d’innovations « disruptives » comme on dit aujourd’hui.

 

Nous avons surtout développé une large bureaucratie publique et privée, la multiplication des « bullshit jobs » si bien décrits par David Graeber, qui produisent surtout des réunions et des « power point ».

 

Pourquoi un médecin ou un ingénieur gagnent-ils beaucoup moins qu’un énarque ou une personne ayant suivi une école de commerce, sauf si le médecin abandonne la médecine pour aller travailler dans un groupe pharmaceutique ou si l’ingénieur s’oriente vers des carrières de « manager » et abandonne la production ? D’où sort cette conception selon laquelle la production mérite moins d’être rémunérée que les tâches bureaucratiques ou financières ?

 

Pourquoi une infirmière, un enseignant, un éboueur… sont-ils moins rémunérés qu’un consultant, un administrateur territorial ou un député ?

 

Cette question était déjà posée par Saint-Simon en 1819, qui comparait les dégâts respectifs causés par la disparition de ceux qui produisent et de ceux qui administrent et dirigent. Nous avons vu pendant la crise quels étaient les emplois indispensables et ceux qui l’étaient moins. Nous devrions en déduire une révision profonde de la hiérarchie des salaires. Comme les ressources ne sont pas infinies, il faudra pour financer la hausse des salaires des professions les moins bien payées, qui sont aussi les plus nombreuses, prendre à celles qui sont mieux servies aujourd’hui. Comment parvenir à ce résultat sans crise violente, sans affrontements entre les couches sociales ? Comment passer des applaudissements aux fenêtres à la redistribution sociale ?

 

Il faudrait que les partis et les syndicats sortent des déclarations générales et fassent des propositions de méthode, présentent des objectifs, proposent un calendrier.

 

3) Consommer moins, économiser les ressources

 

La crise nous aurait appris la sagesse en nous maintenant à la maison et en nous obligeant à réfléchir à ce qui était vraiment important.

Prenons cette idée comme point de départ.

 

Mais un mode de consommation ne se modifie pas en un tour de main, à la suite d’une révélation.

 

Nous avons redécouvert que les services publics étaient essentiels. Parlant de la santé, le président de la république a même dit que son financement n’était pas une charge pour le pays. Enfin et tant mieux !

 

Alors abandonnons ce discours, qui est une idéologie, sur « les prélèvements obligatoires » qui mêlent impôt sur le revenu, TVA, cotisations sociales destinées à financer la santé et la retraite, taxes affectées au développement de tel secteur économique.

 

Abandonnons cet objectif fixé par le Président de la République au début de son mandat de ramener à moins de 50% du PIB la part des « prélèvements obligatoires ».

 

Que l’éducation soit financée par l’impôt ou par des frais de scolarité exorbitants, la dépense n’en est pas moins obligatoire pour les familles, mais dans un cas elle financée de façon solidaire, dans l’autre seuls les riches peuvent permettre à leurs enfants d’étudier.

 

Que la santé soit financée par des cotisations sociales ou par le malade qui paie directement des frais de santé considérables aux médecins et aux hôpitaux, la dépense n’en est pas moins obligatoire (on n’est pas malade par plaisir), mais dans un cas le financement des dépenses de santé est mutualisé, les bien portants permettent aux malades, riches ou pauvre de se soigner, dans l’autre les riches peuvent payer leurs soins, les pauvres non.

 

L’objectif du discours tenu depuis quarante ans en faveur de la réduction des prélèvements obligatoires, est d’en finir avec ce qui existait de solidarité entre les humains, quelle que soit leur situation de fortune. Ce discours est né de la sécession des riches dans les années mille neuf cent quatre-vingt. Il est temps de dire qu’il doit être abandonné.

 

Pour qu’il y ait des services publics, il faut qu’il y ait des ressources publiques, donc des impôts, donc du partage. Il faut que les premiers de cordée reprennent leur place au-milieu des citoyens.

 

Il faut aussi que le service public reprenne sa place dans la cité en rendant des comptes sur son efficacité.

 

Quant à notre consommation de biens, elle évoluera sous différentes impulsions.

 

La prise de conscience est nécessaire, elle n’est pas suffisante.

 

Nous devrons accepter de payer plus cher des biens relocalisés et d’en consommer moins.

 

Mais ce que les économistes appellent le « signal prix » a ses limites. Les SUV ont beau être plus chers qu’une voiture ordinaire et supporter une taxe d’immatriculation de plusieurs milliers d’euros, ils se vendent de mieux en mieux en raison des effets de mode, de différenciation sociale, de la publicité… Pourquoi ne pas interdire la fabrication de voitures dépassant une certaine consommation et une certaine vitesse ? Le monde sera moins fun mais il faut savoir ce que nous voulons.

 

Changer de mode de consommation sera un renoncement. Il faut en définir les modalités. Qui décidera de ce à quoi nous devons renoncer et comment ?

 

Il ne peut pas y avoir de politique sérieuse de modification des comportements de consommation sans une politique économique d’égalisation des conditions.

 

Les plus riches sont ceux qui émettent le plus de gaz à effet de serre et consomment le plus. Réduire de 10% la consommation de tous quand certains consomment 1000 et d’autres 10 et polluent à proportion, n’est pas une méthode acceptable.

 

La redistribution sociale est la condition de la modification profonde des modes de consommation, ce par quoi il faut commencer. A défaut, il y aura d’autres crises « des gilets jaunes », d’autres mouvements de ceux qui n’ont déjà pas grand-chose et auxquels on demande de renoncer tandis que ceux qui ont tout…

 

4) La démocratie

 

Ce qui est devant nous est considérable : redéfinir notre façon de produire, de consommer, réévaluer la hiérarchie sociale et ce qui la fonde, refonder notre relation aux autres pays européens et au reste du monde.

 

A l’évidence, notre mode de gouvernement hyper-centralisé et si peu démocratique ne permettra pas d’organiser une telle transformation.

 

La comparaison entre les résultats de l’Allemagne et de la France dans la gestion de cette crise, sans parler des résultats dans les autres domaines est cruelle.

 

Dé-présidentialiser la France, redonner du pouvoir à un parlement mieux élu, représentant mieux le pays et qui ne soit plus une chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif, est une nécessité.

 

Il faut décentraliser les décisions. La centralisation de la gestion du système de santé français a montré son inefficacité.

 

Les citoyens doivent être responsabilisés et incités à aller au-delà de la protestation. C’est une belle tâche politique que d’imaginer une démarche collective qui permette aux citoyens de réfléchir à ce qu’ils veulent, de confronter leurs aspirations, d’en voir les contradictions et les conditions de réalisation. Bruno Latour a fait une proposition intéressante de démarche pour définir ce que nous voulons. D’autres peuvent être faites. L’essentiel est de mettre les citoyens en mouvement lorsqu’ils sortiront du déconfinement pour qu’ils transforment en actes ce qui n’est aujourd’hui que déclaration de bonne intention.

 

Jean-François Collin

20 avril 2020

Jean-François Collin ICI

Conseiller maître à la Cour des comptes [Secrétaire de l'Iddri]

Agriculture : la pandémie ravive le débat sur l’autonomie alimentaire de la France ICI
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18 avril 2020 6 18 /04 /avril /2020 06:00

L’image contient peut-être : texte

Face à la crise sanitaire que nous subissons, vu l’état de déliquescence des partis politiques, la Constitution de la Ve République, en passe de devenir la plus résistante à l’usure du temps (62 ans contre 69 pour la IIIe), en dépit des critiques, semble l’outil le plus adapté.

 

C’était l’avis de mon ami Guy Carcassonne dont Christiane Taubira, garde des Sceaux lors de son décès en juin 2013 disait : « Grand professeur de droit public, il était devenu une figure incontournable du débat public et constitutionnel contemporain. Défenseur acharné de la Constitution, doué d'un sens critique de nos institutions rare et fécond, il avait érigé sa science de la Constitution en un art de l'interprétation rigoureuse et intuitive. Attaché à son activité de professeur qu'il a toujours souhaité exercer parallèlement aux responsabilités importantes dont il a été investi, il a formé plusieurs générations d'étudiants, leur transmettant sans relâche les bases immuables d'un État de droit juste et exigeant. »

 

Il est l’auteur du PETIT DICTIONNAIRE DE DROIT CONSTITUTIONNEL

 

PETIT DICTIONNAIRE DE DROIT CONSTITUTIONNEL

 

La France connaît, avec les institutions de la Ve République, une démocratie stable depuis six décennies – fait rarissime dans notre histoire. Chacun doit connaître notre Constitution, pour comprendre comment le pouvoir est attribué et exercé, pour se saisir des droits et libertés que chacun peut désormais invoquer.

 

Loin des idées reçues, ce livre commente notre texte fondamental, article par article, avec un mélange exceptionnel de rigueur et d'humour, de précision et d'esprit critique. Ainsi est-il devenu la bible des étudiants, des journalistes, des élus et, de plus en plus, des citoyens.

 

Guy Carcassonne a écrit ses onze premières éditions. Marc Guillaume a ensuite pris le relais pour faire vivre cette œuvre fondamentale.

 

Il serait «vain et même indigne, d'affecter de gouverner, dès lors que les partis ont recouvré leurs moyens et repris leurs jeux d'antan» de Gaulle

 

Le père de la Constitution de la Ve République, Michel Debré a traduit dans celle-ci l’exécration de Charles de Gaulle pour ce qu’il qualifiait avec mépris de régime des partis. Devant ses ministres réunis le dimanche 20 janvier 1946, il expliquait qu'il serait « vain et même indigne, d'affecter de gouverner, dès lors que les partis ont recouvré leurs moyens et repris leurs jeux d'antan ».

 

Il s'agit, dans son esprit, de bien choisir entre un gouvernement qui gouverne et une assemblée omnipotente, ne faisant que déléguer à un gouvernement pour accomplir ses volontés.

 

Dans ses Mémoires de guerre (Le Salut), de Gaulle s’expliquait : « J'entrai, serrai les mains et, sans que personne s'assit, prononçai ces quelques paroles : « Le régime des partis a reparu. Je le réprouve. Mais, à moins d'établir par la force une dictature dont je ne veux pas et qui, sans doute, tournerait mal, je n'ai pas les moyens d'empêcher cette expérience. Il me faut donc me retirer. Aujourd'hui même, j'adresserai au Président de l'Assemblée nationale une lettre lui faisant connaître la démission du Gouvernement. Je remercie bien sincèrement chacun de vous du concours qu'il m'a prêté et je vous prie de rester à vos postes pour assurer l'expédition des affaires jusqu'à vos successeurs soient désignés. »

 

Dans une chronique à propos du 49-3 et des ordonnances je posais la question : À quand le retour des apparentements que le gouvernement de la Troisième Force avait fait voter dans une loi électorale de mai 1951 qui instaure les apparentements. La Troisième force fut une coalition politique française sous la quatrième qui rassemblait les socialistes de la SFIO, le MRP et les radicaux plus quelques petits partis centristes. Cette loi prévoyait que, dans un scrutin proportionnel, deux listes distinctes pouvaient annoncer qu'elles s'apparentaient. Dans ce cas, elles additionnaient le nombre de voix qu'elles ont obtenues. Si à elles deux elles obtenaient la majorité absolue des suffrages, elles recevaient tous les sièges au sein d'une circonscription. Ce système favorisait les partis de la Troisième Force qui pouvaient s'apparenter, alors que les gaullistes ou les communistes ne pouvaient pas le faire. Le triomphe du régime des partis !

 

Trêve de politicaillerie la parole est à notre titulaire d’un D.U. Expert en Œuvres d’Art - Panthéon/Assas/Paris II

 

Fondation Giacometti - Picasso‑Giacometti

 

PICASSO ET GIACOMETTI – octobre 2016 – PARIS

                                               «  En revenant de l’exposition » Chanson populaire

 

Thomas MANN a écrit un petit ouvrage intitulé « GOETHE et TOLSTOÏ » indiquant d’emblée que c’est bien de cela qu’il entendait parler, que ce n’était pas une erreur et qu’il n’avait que faire de rajouter à la liste des études sur Goethe et Schiller ou Tolstoï et Dostoïevski, aussi bonnes pussent-t-elle être, son avis sur ce type de comparaison.

 

Les apparentements sont des sujets délicats, pleins de risques et qui, souvent manquent leur coup.

 

Celui de « Picasso et Giacometti » est de ceux-là.

 

Expo : Picasso et Giacometti au Musée Picasso | A Nous Paris

 

L’exposition qui se tient actuellement au Musée PICASSO n’est faite que d’une juxtaposition d’œuvres . On a beau chercher, aucune filiation ne saute aux yeux. Les apparentements avancés, sont fragiles et souvent fabriqués pour le besoin du raisonnement.

 

Ces deux artistes ont traité le même sujet : la belle affaire ! Il faudrait alors rechercher s’il existe une parenté entre tous les artistes d’une même époque et qui auraient ou suivi les cours de l’un d’entre eux ou été l’élève d’un autre et, par ce qu’ils auraient traité le même sujet mériterait une étude comparative eu même une exposition/confrontation.

 

Si le but recherché semble échouer, l’exposition donne cependant à revoir des œuvres de Giacometti dans leur simple présence, dépourvu de tout l’appareil muséographique qui aujourd’hui, passage obligé hélas, pollue la perception des œuvres comme si le visiteur était incapable de recevoir, à sa manière et avec sa sensibilité les qualités des œuvres que sa curiosité l’a amené à venir voir. A persévérer dans cet assistanat on va créer des handicapés de la sensibilité qui seront comme une poule devant un rasoir mécanique incapable de toute réaction.

 

Les œuvres de PICASSO, pour leur part, ne sont pas parmi les meilleures. On pourra cependant trouver satisfaction à contempler des œuvres de jeunesse rarement exposées. Elles illustrent cette phrase rabâchée mais qui n’est pas qu’une boutade : «  enfant je peignait comme VELASQUEZ et j’ai mis 60 ans à peindre comme un enfant. Les portraits  de famille et/ou auto portait réalisés entre l’âge de 15 et 20 ans et présentés ici illustre cette affirmation. Dans la même salle se trouvent également des peintures de GIACOMETTI, même sujet, même précocité qui permet un rapprochement mais constitue un élément par trop mince pour justifier l’exposition.

 

La salle ou sont rassemblées les sculptures animalières des 2 artistes montrera combien est différentes l’œuvre de GIACOMETTI .Il introduit le mouvement dans ses sculptures alors que celles de PICASSO sont statiques, figées comme un monument.

 

Certes il peut  être intéressant de rechercher ce que GIACOMETTI doit à PICASSO, lui qui semble s’en défendre Mais cela vaut-il une exposition ?

 

Cette exposition semble trouver son public, vraisemblablement plus  en raison du nom de PICASSO tant ce diable d’homme constitue un mystère qui n’est pas prêt de se lever, que du nom de GIACOMETTI et/ou de la problématique que voudrait épuiser l’exposition.

 

On pourra préférer une visite au musée BOURDELLE. On apprendra que GIACOMETTI fréquenta  son atelier. Cependant, tout au long de sa vie, il minora l’influence de ce maître alors que là, justement, les apparentements crient le contraire. 

On pourra également rapprocher des sculptures de BOURDELLE avec des peintures de PICASSO telle «  Deux femmes courant sur la plage » (La Course) 1922 dont la proximité est saisissante comme quelques autres peinture de la « Période Rose » Mais laissons aux historiens de la peinture démêler les fils qui relient ces trois artistes cela peut donner un« Arbre généalogique » plus instructif et intéressant qu’un apparentement quelque peu gratuit.

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