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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 07:30

Samedi dernier, faisant fi des usages en vigueur en notre doulce France qui font de ce jour pour beaucoup de nos concitoyens, quittant d’ordinaire leur domicile le matin pour n’y rentrer que le soir, une sorte de jour de rattrapage : les courses, le ménage, le bricolage, le repassage et moult autres activités domestiques, dans ma chronique matinale link citant Anna Arendt, qui établissait une distinction nette entre animal laborans et Homo Faber, je tentais de mettre l’accent sur la dérive du haut artisanat de la couture, de la bouche et du vin. En un mot comme en un seul magnifier ce que fait la main et souligner que la couture, fusse-t-elle haute, a besoin de petites mains, et qu’il en allait de même pour la cuisine et le vin.

 

N’en déplaise à certains je suis de ceux qui estiment que le Couturier, le Chef de Cuisine ou le Vigneron ne sont pas des artistes mais des artisans, ce qui sous ma plume n’a rien de péjoratif. Et pourtant ils créent me direz-vous ! Oui à leur manière, même si souvent ils ne font que réinterpréter, dépoussiérer, épurer, revitaliser, approfondir, inventer même grâce aux techniques nouvelles. L’apport de ces créateurs est incontestable et mon propos pré-dominical n’était pas de le contester mais d’introduire dans la réflexion une donnée, qui certes n’est pas nouvelle mais fort prégnante, la puissance de l’argent.

 

Alors, afin de prolonger mon propos, mieux l’éclairer, vous amenez à réfléchir sur une dérive que nous pouvons déjà constater dans ce que j’ai dénommé, faute de mieux, la Haute Vitiviniculture, je vous propose de lire cet extrait de L’Introduction d’un livre de Sarah Thorton « Sept jours dans le monde de l’art » chez Autrement. Ces lignes sous la plume d’un auteur qu’il serait difficile de classer dans les pourfendeurs du système libéral (elle écrit entre autre dans The Economist) sont très intéressantes pour qui veut bien prendre la peine de les lire.

350px-GoldCalf.jpg« Paradoxalement, une des raisons expliquant la popularité de l’art est son coût. Les prix élevés font les titres des journaux, et ont à leur tour contribué à généraliser l’idée que l’art est un luxe et un symbole de statut social. Au cours des dix dernières années, les riches de tous les pays du monde sont devenus encore plus riches et le nombre des milliardaires s’est accru. Pour citer François Curiel, directeur de Christie’s en Europe : « Réussir comme entrepreneur ou homme d’affaires ne suffit plus. Pour être respecté et admis parmi l’élite – devrais-je parler de cirque ? » –, il faut avoir, et aimer avoir, de l’art sur les murs. »

Il ne fait pas de doute que le nombre des gens qui collectionnent, ou plutôt accumulent les œuvres d’art, est passé de quelques centaines à plusieurs milliers. En 2007, Christie’s a vendu sept cent quatre-vingt-treize œuvres à plus d’un million de dollars pièce. Dans notre monde virtuel, où tout se clone, des possessions artistiques équivalent à des biens immobiliers ; elles sont considérées comme de solides avoirs, qui ne risquent pas de disparaître. Et les maisons de vente aux enchères attirent à présent des gens qui jusqu’ici étaient plutôt tenus à l’écart de ce milieu. Comme la revente est assurée – ce qui est nouveau –, ils sont maintenant convaincus de faire un bon investissement, ce qui a rendu le marché plus fluide.

Les effets d’un marché aussi fort se sont rapidement fait sentir. Non seulement les prix sont devenus astronomiques, au désespoir des collectionneurs, mais les galeries ont doublé la surface de leurs locaux, et l’argent a fini par descendre jusqu’aux artistes, dont certains sont devenus aussi riches que des vedettes du showbiz. Les critiques remplissent les pages des journaux, les conservateurs quittent les musées pour des emplois mieux payés dans le monde des galeries. Mais le marché a aussi affecté les façons de voir, d’où les craintes que la validation d’un prix de marché ne vienne détruire toutes les autres formes d’appréciation : la critique positive, les récompenses et les expositions dans les musées. On a dénoncé certains artistes, comme Damien Hirst, dont le travail a déraillé suite à son immense envie de vendre. Même les marchands dotés d’un robuste sens des affaires vous diront que gagner de l’argent ne devrait être qu’un corollaire et non l’objectif principal d’un artiste. L’art a besoin de motifs plus profonds que la recherche du profit s’il veut conserver sa différence et sa supériorité sur d’autres formes culturelles. »

 

Soyez joueur : faites comme moi détournez certaines phrases vers notre cher nectar qui, après tout, n’est qu’une marchandise. Alors, à quoi bon se priver, comme le proclamait Guizot « Enrichissez-vous ! » qui est plus est, avec bonne conscience, puisque c’est sur le dos d’adorateurs du Veau d’Or.

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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 00:09

J'aime Lavilliers ! Pas compliqué le mec, brut de décoffrage le fils d'un employé de la fameuse Manufacture d'Armes et Cycles, primaire diront les intellos, rien à traire moi il me botte le stéphanois avec sa voix chaude et tout et tout et la salsa... Pas d'équivalent dans le panorama de la chanson française, pas une ride, du punch, de l'esbrouffe un peu mais aussi de la poésie avec un hommage à Léo Ferré. Lavilliers était à l’Olympia à Paris du 5 au 13 mars 2011et sa tournée 2011 part en province.

 

« Paraît-il que d’applaudir Bernard Lavilliers à Saint-Étienne est différent d’ailleurs… J’ai longtemps eu la chance de suivre ce « grand fauve d’Amazone » pour le compte de la presse locale, un peu comme son journaliste attitré. Ce papier-là remonte à décembre 2001. Nanar était revenu boire à sa source stéphanoise pour un magistral et captivant concert empreint, comme il se doit, de gravité, de dignité » 

 

Ce papier d’un localier, cheville ouvrière discrète de la presse régionale, me va bien et je vous le livre. 

 

Comment va le monde ? / Il est rouge sang / Et à mon avis il l’est pour longtemps. » La chanson de Lavilliers est, en ces premiers jours du siècle, désespérée. « Que veux-tu que je sois / Dans cette société-là ? Simplement un homme qui ne nous parle que de dignité. Non pour s’en draper comme on s’habille de vertu, mais pour la brandir, enflée d’une colère qui gronde dans un monde de Barbares. Pas pour lui le théâtre des armées, non, mais l’agora d’un monde qui souffre, d’un monde en guerres contre lequel, Petit, il crie : « Un enfant / Avec un fusil trop grand / Un enfant / Marche lentement / A pas hésitants / Au milieu du sang / Et du silence… » Immense émotion dans la salle qui, après avoir applaudi, comprend ce qu’elle vient d’applaudir. Acclamations renouvelées, d’une rare ferveur, on sent l’artiste comme chaviré, essuyant furtivement des larmes. Nous t’avions oublié, Petit, mais l’actualité se charge de te ramener au premier plan d’un monde en feu, d’un monde de fous. Le Lavilliers d’hier au soir est cette gravité imprimée dès l’entrée en scène, tonalité rock quasi irréelle, ne tirant de son répertoire que des chansons qui, mises en perspective, nous signifient qu’il n’a jamais chanté autre chose que cette folie des Hommes. Et qu’elle est plus grande que jamais. Lavilliers lucide, d’une autre race à l’évidence. Du Clan Mongol ! Et Bernard le voyageur, auto-baptisé « régional de l’étape », qui chante à domicile dans un chez-lui qui lui tient à cœur. « Bien sûr que ça me fait quelque chose de chanter ici » lance-t-il à une salle amie. Lavilliers est un grand frère qui est parti un jour de la maison mailler sa vie au contact de celle des autres. Et qui revient à terme échu nous parler de ses émotions, de ses indignations, de l’universalité. Ceux qui voyagent ne vieillissent pas et n’ont pas l’esprit étroit, non. « Jeunes et larges d’épaules / Bandits joyeux, insolents et drôles (...)

Dignité dans les textes de Lavilliers, dans sa posture de désormais référent de la chanson française (il suffit de constater l’amplitude d’âges de son public pour deviner qu’il touche tout le monde), dignité de ces gens qui ont rempli la salle et fait ovation à Petit et aux Mains d’or, à ces enfants à qui on impose guerre, à ces autres et plus grands à qui on retire travail. Tout Lavilliers est malheureusement d’une brûlante actualité. Tout Lavilliers porte l’estampille d’un de nos plus grands artistes. »

 

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 00:09

Haut Fonctionnaire, Haute Couture, Haute Cour, Haute Société, Haute Bourgeoisie, Haute École (attention il s’agit de cheval, pour les Écoles elles sont chez nous Grandes tout comme la Bourgeoisie), Haut Dignitaire, Haute Naissance, Haute Assemblée... de cette liste non limitative il est logique de tirer une première conclusion : les membres de ces groupes sociaux ont en général une Haute Idée d’eux-mêmes.  Ils occupent la pointe de la pyramide sociale, ils se vivent comme la crème de la société, l’élite, même si une nouvelle catégorie sociale prolifère : les Nouveaux Riches bousculant l’Ancien Monde en introduisant dans le système des Grands Prédateurs dont certains s’apparentent à une Haute Pègre en col blanc.

photoLgant.jpg Illustration de Romain Slocombe « L'homme élégant a compris que le plus difficile dans l'existence n'est pas d'obtenir ce que l'on désire, mais de s'en satisfaire» texte de Roland Jaccard

 

Reprenons de la hauteur pour remarquer que, contrairement aux cartons d’emballage toujours pourvu d’un HAUT et d’un BAS, il est extrêmement rare d’accoler Bas ou Basse à Fonctionnaire ou Société par exemple, exception faites de nos amis anglais qui osent Chambre Basse comme pendant de celle des Lords. Bien évidemment les rieurs pourraient m’opposer que dans le domaine parlementaire l’usage de basse-cour serait fort approprié. Reste que pendant fort longtemps nos départements, montagnards ou traversés par un fleuve, eurent droit à des appellations infâmantes telles que Basses-Alpes, Basses-Pyrénées, Bas-Rhin, Seine-Inférieure et Loire-Inférieure... De nos jours nous n'avons gardés que les Hauts et les Hautes : Corse, Garonne, Loire, Vienne, seuls les Alsaciens sont restés stoïques. Imaginez une seule seconde la tête des Bordelais si les législateurs de l’An VIII avaient affublée la Gironde d’une appellation du type de Garonne-Inférieure c’eut été d’un absolu mauvais goût.

 

Trêve d’ironie facile revenons à la trilogie de mon titre Haute Couture, Haute Cuisine, Haute Vitiviniculture pour souligner que la première appellation est fort répandue, la seconde revisitée par le chroniqueur gastronomique américain Michael Steinberger, la dernière de mon cru n’apparaît pas sur les écrans radars des médias car dans le vin c’est le produit final qui est magnifié : Grand Vin, Grand Cru Classé. Je concède que cette appellation est d’une laideur insoutenable et qu’elle retombera sitôt cette chronique dans la géhenne de l’oubli. Cependant je l’ai employé à dessein afin qu’elle puisse être comparée aux deux précédentes qui sont explicites : la couture est l’action de coudre, et la cuisine est l’action de cuisiner. En effet, même si j’aurais du écrire haute vinification pour traduire l’action de vinifier, l’appellation vitiviniculture traduit mieux la spécificité du monde de la vigne et du vin par rapport aux deux précédentes activités qui ne produisent pas elles-mêmes la matière qu’elles transforment.

 

Le facteur commun dans la trilogie Haute couture, haute cuisine, haute vitiviniculture est très clairement l’artisanat : ce que fait la main. Mais, comme l’écrit Richard Sennett en citant Anna Arendt, il faut distinguer entre animal laborans et Homo Faber. Le premier « est l’être humain proche de la bête de somme, l’abruti condamné à la routine ». L’important, « la seule chose qui importe, c’est que ça marche, le travail est une fin en soi. » L’ «homme qui fait » est lui « le juge du travail matériel et de la pratique ; il n’est pas le collègue de l’animal laborans mais son supérieur. » Pour Arendt, les êtres humains vivent dans deux dimensions. « Dans l’une, nous faisons des choses ; dans cette condition, nous sommes amoraux, absorbés dans une tâche. Mais nous avons aussi un autre mode de vie supérieur dans lequel nous cessons de produire pour nous mettre à discuter et à juger ensemble. Alors que l’animal laborans se fixe la question du « comment ? », l’Homo Faber demande « pourquoi ? » Sennett conteste, à juste raison, cette division parce qu’elle « méconnaît l’homme concret au travail » En effet alors que pour Arendt l’esprit intervient une fois le travail accompli Sennett estime qu’il « entre dans le faire une part de réflexion et de sensibilité. »

 

Dans ce haut artisanat, cette main qui se veut même celle d’un artiste, d’un créateur, notre vieux pays se vivait depuis toujours comme atteignant l’excellence pour tout ce qui concernait la bouche : mets&vin et la mode. Inégalé, inégalable, avec une certaine condescendance nous toisions nos voisins italiens, nous moquions les espagnols et pensions que les anglais n’étaient que des excentriques dans leur vêture et tout juste bons à apprécier nos vins. Au-delà de l’Atlantique ces grands dadais d’Américains s’esbaudissaient devant tant de talents accumulés et se précipitaient à Paris pour prendre d’assaut les étoilés et dévaliser les couturiers tout comme les cheiks pétroliers et une floppée de dictateurs. Puis vinrent aussi les Japonais, fous de Vuitton et de colifichets siglés, gourmets et connaisseurs, avides de tout connaître. Et puis et puis, le mur de Berlin tombait, les hiérarques russes se goinfraient et puis encore du grand ressac de la mondialisation émergeait une cohorte de pays émergeants : la Chine s’éveillait, l’Inde étonnait, le Brésil galopait. Dans cette tectonique des plaques notre hexagone dans ses domaines d’excellence, tout particulièrement le luxe, gardait son rang et de beaux fleurons affichaient une santé insolente : Hermès, LVMH, et quelques grands toqués adossés à des groupes hôteliers. Les GCC de Bordeaux s’envolaient.

 

Alors tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes : l’amour du luxe, ce secret désir de consommer de façon ostentatoire, ce goût de provoquer ses semblables en exhibant sa capacité à gaspiller, à accumuler jusqu’à la déraison des signes extérieurs de richesses, atteignait des sommets inégalés. C’est, m'objecterez-vous, aussi vieux que le monde mais, avec l’irruption de la mondialisation des images par la télévision, puis maintenant l’Internet, tout un petit peuple de consommateurs d’une classe, dite moyenne, disputait aux riches le monopole de la déraison. Tous cherchaient à concilier un désir d’appartenance et un désir de distinction. Alors tous les hauts artisans : Dior, Saint-Laurent, Chanel, Hermès sont devenus, entre les mains des financiers et des marqueteurs, des marques locomotives, des pépites à cash via les produits dérivés : les parfums tout particulièrement. La haute cuisine s’est elle aussi engouffrée dans la brèche et les chefs étoilés sont devenus des marques. Les GCC Bordelais aussi. Mais alors qu’est devenue la main de l’artisan ? N’est-elle plus qu’un instrument manipulé par de grands calculateurs dopés aux surprofits ? Les créateurs laissent-ils la place soit à des provocateurs, type Galliano, qui portent le niveau de bruit médiatique très haut, soit à des conseils qui passent plus de temps dans les aéroports que derrière leurs fourneaux ou dans leurs chais? Certes ils subsistent encore de vrais artisans, des créateurs, des femmes et des hommes qui mettent encore la main à la pâte, qui savent encore placer une fronce ou bâtir un ourlet, vinifier, élever... mais ces anomalies ont parfois bien du mal à tenir dans la durée.  aus_fiche2.jpg

Face à ce mouvement de starification, d’amplification du bruit médiatique, de mise sur le pavois de gourous, de fabricants de tendance, le risque est grand, comme dans le monde de l’Art, de voir les normes du Marché, la dictature de la demande effrénée des Nouveaux Riches, la frénésie d’acquisitions de collectionneurs d’étiquettes prestigieuses, tordre la main de l’artisan, lui imposer un type qui maquille la standardisation en fausse distinction : une forme de Vuittonisation (il suffit de faire griffer un sac par un artiste à la mode manga, comme le japonais Takashi Murakami, pour redonner au modèle traditionnel un parfum de différenciation). Cette prise de contrôle, cette osmose entre finances et luxe, à l’œuvre depuis plusieurs décennies dans la mode touche, de proche en proche, la haute cuisine et la haute vitiviniculture, déplaçant ainsi vers des centres anonymes et mondialisés la réalité du pouvoir y compris créatif. Les prédateurs jettent leur dévolu sur les derniers beaux fleurons encore indépendants – même s’ils rencontrent de la résistance – l’entrée inamicale de LVMH dans le capital d’Hermès en est le plus récent exemple. Ainsi va le monde mondialisé me dira-t-on et encore heureux que ces groupes soient français. Certes, mais ce qui m’importe dans l’analyse que je viens d’esquisser c’est de m’interroger sur la capacité, de ce que nous considérions ,à juste raison, comme nos hauts savoir-faire, à se renouveler, à créer ou plutôt à revisiter la tradition car dans ces domaines, hormis l’apport d’autres cultures, tout change pour que rien ne change.

 

Avec une telle évolution le risque est donc grand de voir le fossé qui séparait déjà des secteurs de haut luxe florissants et de larges pans de la production, plus ou moins artisanaux, économiquement viables mais fragiles, s’adressant au gros ventre de la classe moyenne, se transformer en fracture irréductible. Phénomène éminemment dangereux pour ces derniers secteurs car, dans le même temps et de façon continue, la production pour la consommation populaire, via la GD et le HD, se délocalise dans les nouveaux pays émergeants. C’est déjà inscrit dans la réalité de la mode, c’est aussi un mouvement en marche pour la nourriture avec le Brésil qui domine les marchés de la viande de bœuf et de poulet par exemple, et c’est un phénomène qui pend au nez du vin français depuis une décennie faute de n’avoir su et surtout voulu anticiper sur la gestion de notre ressource vin. La persistance du grand tonneau des AOC indifférenciées porte en elle le germe des futures délocalisations de nos vignobles à forts volumes. Nous allons, si nous n’y prenons garde, nous Houellebecquiser, nous transformer en musée de la Haute Couture, de la Gastronomie et de l’Oenotourisme : nous pourrons ainsi mobiliser sur des écrans plats les monuments historiques que sont Jacques Dufilho avec sa visite du château et l’irremplaçable Pierre Desproges glosant sur son mépris de la Haute Couture.

 

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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 09:08

En bonus grâce à la vista de Jean Natoli, qu’il en soit remercié, un grand moment Desprogien pour compléter mes propos matinaux. Je signale à ce propos à mes lecteurs parisiens que Jean Natoli sera lundi prochain 14 mars à Paris

 

STRATAGÈME : une balade géologique et sensorielle dans les vins du Languedoc.

Une soirée conférence-dégustation aura lieu le 14 Mars 2011 à Paris Saint-Germain des Près.

 

Origine et histoire géologiques des terroirs du vignoble languedocien, sélection des terroirs, accompagner l’expression des terroirs en vinification…

 

Trois intervenants présentent leur travail de recherche géologique et œnologique entrepris dans le cadre du projet Stratagème : 11 terroirs, 11 expressions minérales, 11 vins.

 

Invitation réservée aux professionnels et aux lecteurs de ce blog. Inscription et renseignements auprès de Victorine Crispel v.crispel@lagencevinifera.fr

Venez-y passionnant !

 

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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 00:09

Les purs buveurs d’eau tout comme les hydrophobes militants me saoulent grave car je déteste les poseurs d’oukases. Pourquoi se priver d’un bon verre de vin pour faire couler la miette ou d’un bon verre d’eau fraîche pour se rafraîchir ? Rien ne le justifie sauf des raisons médicales ou une forme de crétinisme militant. L’interprétation favorable au vin de la célèbre phrase de Louis Pasteur « Le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons » est à relativiser car elle ne vaut que parce qu’à l’époque l’eau potable était rare. À trop vouloir prouver on s’expose à des prises de manche de râteau dans la gueule du type de celle que nous balance la Mireille Matthieu du coaching télévisuel : j’ai nommé  Christelle Ballestrero qui a de nouveau sévit au cours de l'émission Télématin en empruntant le versant médical de la consommation : boire du vin ferait grossir? Débat inepte puisqu’en effet comme me le faisait remarquer un grand prof de médecine, qui pouvait se le permettre car il y était passé : « Il n’y avait pas d’obèse à Mauthausen ». En effet, manger et boire au-delà des calories nécessaires fait grossir. Dans ma Vendée profonde les vieux pochtrons étaient aussi secs que des sarments de vigne.

 

Tout ça pour vous dire que ce matin je vais vous offrir un bel hommage à l’eau par le truchement d’un érudit des champs : Elisée Reclus (1830-1905) géographe anarchiste internationalement reconnu qui, dans son petit livre Histoire d’un ruisseau, glisse de la poésie dans la géographie. Comme le fait remarquer Jean Cornuault dans son Introduction le choix par Elisée Reclus du ruisseau pour nous parler de l’eau répond aux qualités de celui-ci. Il en retient trois qui me plaisent énormément :

- le ruisseau permet de faire de la géographie près de chez soi,

- le « simple » ruisseau ne paie pas de mine,

- le ruisseau isolé, l’ »humble courant » se joignant à d’autres fait de grandes rivières.

 

Et puisque l’origine d’un ruisseau c’est sa SOURCE je vous propose de lire le premier paragraphe du livre d’Elisée Reclus chez Infolio www.infolio.ch

 

« L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont traversé le granit, le calcaire et l’argile ; elles ont été neige sur la froide montagne, molécule de vapeur dans la nuée, blanche écume sur la crête des flots ; le soleil dans sa course journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ; la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées ; la foudre en a fait de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’un nouveau choc a fait ruisseler en eau ces éléments primitifs. Tous les agents de l’atmosphère et de l’espace, toutes les forces cosmiques ont travaillé de concert à modifier incessamment l’aspect et la position de la gouttelette imperceptible ; elle aussi est un monde comme les astres énormes qui roulent dans les cieux, et son orbite se développe de cycle en cycle par un mouvement sans repos. »

reclus_dessin.jpg

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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 08:00

Si vous m’avez suivi dans ma balade en territoire mêlé du Nord de la ville capitale et engrangé ainsi des saveurs et des flaveurs nouvelles vous ne pouvez que poursuivre votre chemin en ma compagnie pour emplir cette fois-ci votre cabas de petites bouteilles de notre melting-pot terroiriste. Découvreur je suis, découvreur je reste, adepte aussi du contre-pied je vais commencer par la fin en vous proposant d’emblée ma surprise.

L1000518.JPG

Mon énigme n’est trop difficile à élucider mais comme dans celles de notre enfance – vous savez les trucs du genre trouvez la petite bête qui se cache dans le dessin – vous pourrez trouver la réponse en bas de page.

 

Pour les nectars de nos terroirs, tous ici d’origine autrefois contrôlée et aujourd’hui protégée, j’ai choisi 3 rouges pour un blanc tout en sachant que les rouges sont plutôt noirs et que les blancs sont plutôt jaunes. En route, allons-y ensemble sur ces chemins qui mènent jusqu’aux vignes de nos terroiristes. Mes achats suivent le fil de mes pensées folâtres et ne comptez pas sur moi pour les justifier. Aux plus perspicaces d’entre vous de trouver dans l’entrelac de mes instincts ce qu’ils cachent. Bref, en voici la liste dans l’ordre du titre :

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1-     le premier des Coteaux est du Giennois : Les Têtes de chat 2004 AB  12€ Mathieu Coste Villemoison 58200 St Père 06 45 26 10 61

2-    le second des Coteaux est du Loir Pineau d’Aunis 10,80€ Domaine de la Charrière 2009 Vins Gigou 72340 La Chartre-sur-Loir  

3-    le Côte est une Côte Roannaise 7,60€ Domaine des Pothiers 2008 Denise&Georges Paire 42155 Villemontais

4-    le dernier est un Viré-Clessé Cuvée la Goutte d’Or 2007 AB 12€ Domaine de la Verpaille Baptiste&Estelle Philippe 71260 Viré 

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Je rappelle que j’ai acquis ces breuvages d’extraction fort modeste mais de haute authenticité à la Cave de Don Doudine Marchand de vins sise au 16 rue Myrha. Mon souhait le plus cher est que dans un avenir proche, avec l’appui des résidents, nous puissions sortir un « Château Rouge » embouteillé à la propriété. Sur ce sujet j’ai ma petite idée sur l’origine du vin, son élevage, son lieu précis d’embouteillage, mais ne comptez pas sur moi pour dévoiler mes batteries. Un détail tout de même le graphisme de l’étiquette : je lance auprès du Collectif des Xérographes http://xerographes.free.fr un appel à création en leur indiquant qu’il existe déjà un précédent avec la Cuvée Château Gonflable  link 

 L1000519.JPG

 

 

Création

3 février 1948

Dates clés

1990, rachat par le groupe Castel

Personnages clés

Michel Palu (DG), André Siaka (DGA)

 

Forme juridique

Brasserie

Siège social

Agence de Koumassi (Douala)

Actionnaires

BGI (75%), Heineken (8,8%), Paul Biya (? %)[1]

Activité(s)

Brasserie, embouteillage, distribution, commercialisation

Produit(s)

Bière, Soda, Eau minérale, Boissons gazeuses, Sirop

Société mère

BGI

Filiale(s)

SEMC, SOCAVER, CAVINEX, CDC

Effectif

env. 2000

Site Web

www.lesbrasseriesducameroun.com

 

Capitalisation

237,4 M€[2]

Chiffre d’affaires

98,8 M€ (1998)

Résultat net

6,39 M€ (1998)

 

« La SABC fut fondée le 3 février 1948 par la société française BGI et commença ses activité dès 1950 avec la fabrication et la vente de bière et de sodas au Cameroun. En 1963, la société obtient une licence pour fabriquer la marque Coca-Cola puis, en 1980, celle de la marque Schweppes.

 

En 1982, le premier concurrent de la SABC est créé, les Nouvelles Brasseries Africaines (NOBRA) et d'autres sociétés viendront s'ajouter sur le marché des boissons. En 1990, la BGI est rachetée par le groupe français Castel. L'année suivante, en 1991, la SABC rachète son concurrent International Brasseries au groupe Fotso et le fusionne en 1993. En 2008, elle répète la même action en achetant son concurrent SIAC Isenbeck. » in Wikipédia

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8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 08:00

Rassurez-vous je n’ai pas trop forcé sur le Comtes de Champagne de Taittinger mais je me dois, en ce Mardi Gras, de régler des comptes avec le Champagne en vous contant ma journée d’hier en 3 contes de Champagne.

 

Le premier : à dix heures je pars récupérer ma nouvelle auto, une Twingo, au garage Renault de l’avenue de Choisy. En effet, j’ai profité des soldes de fin d’année de Carlos Ghosn pour m’acheter un nouveau char. C’est une native de l’Ile d’Yeu qui règle avec moi la paperasse puis elle me met entre les mains d’un préparateur qui m’aide à me débrouiller avec l’électronique embarquée. Après il faut que je signe d’autres papiers du service qualité pour certifier que je suis content. Enfin, juste avant le dernier paraphe le préparateur m’annonce que j’ai bien mérité de ma bouteille de Champagne, ce qui me permet de lui répondre qu’il a de l’humour. Et le voilà qui sort de son armoire une boutanche qu’a tout l’air d’une roteuse de vin de pays de la Marne. Je dis merci car je suis un garçon poli. L’étiquette porte le nom d’un certain René Lallement Champagne Brut Réserve et en tout petit en bas : élaboré par Champagne Vranken. Bon c’est t’y du bon, j’en doute un peu mais bon je n’allais pas me taper en milieu de matinée une coupe de champagne tiède pour lever le doute. Offrir une bouteille de Champagne à un client ça part d’un bon sentiment mais si c’est de la mousse de bas de rayon ce n’est pas très bon pour le Champagne. Affaire à suivre...  photoReno.jpg

Le second : dans ma boîte aux lettres, juste avant le déjeuner, je trouve une enveloppe provenant de Reims : Champagne Henriot maison fondée en 1808. Donc pas un vulgaire René Lallement, du lourd, du sérieux, alors je déchire l’enveloppe qui me déverse :

- Une lettre recto-verso signée J.Henriot

- Un bon-cadeau : deux demi-bouteilles

- Un chèque de réduction de 26€ signé de la même signature que la lettre

- Une petite enveloppe que j’ouvre : elle contient une étiquette de la cuvée Rose Noire Réserve Privée dont le dos est occupé par un baratin écrit à la main.

- Un bon de commande + une enveloppe à ne pas affranchir.

De la paperasse encore, beaucoup trop, inutile pour me dire en définitive que la maison Henriot me propose 6 bouteilles de sa Cuvée Rose Noire Réserve Privée pour 153€ au lieu de 179€ si j’envoie le chèque avant le 9 avril (écrit en PS en bas de la lettre de J.Henriot) plus un coffret bois avec les 2 demi-bouteilles si je réponds avant le 19 mars (écrit en PS en bas de la lettre de J.Henriot). Simple non vous ne croyez-pas. Je crois que chez Henriot ils me prennent pour un retraité de la Poste ou pour un ...

 

Le troisième : le soir après le turbin je suis allé boire au Lutetia une coupe de Taittinger Réserve du Centenaire Grand Cru rien que pour signifier aux gens de la noble Champagne : primo que je ne suis pas rancunier, secundo qu’entre le Lallement du bas des lattes offert à l’acheteur de petite Renault et la Cuvée Rose Noire Réserve Privée toute emberlificotée pour nouveau riche qui se la pète il faudrait peut-être adopter une politique tarifaire correspondant à quelque chose ayant avoir avec la qualité réelle du produit. Franchement quand je lis sur la lettre Henriot que « la dénomination Réserve Privée vous rappelle que depuis des années, ce champagne est exclusivement destiné aux clients de la Maison et à quelques amateurs qui, comme vous aujourd’hui, ont un accès direct à ces bouteilles bien gardées » j’hallucine vu que cette noble Maison m’appelle Madame, Monsieur... Ne connaissent ni mon nom, ni mon prénom, pour un client et pis un happy few on fait mieux vous ne trouvez pas... Franchement voir le service marketing d’Henriot jouer dans la cour de la retape ça me défrise. Je suis sans doute vieux jeu mais bon je me soigne...

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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 00:09

 

Il est de bon ton pour dire toute la chance que nous avons eu de les vivre de repeindre les années 60 en rose bonbon, temps d’insouciance et de légèreté lest’s twiwt again, houla hoop, blousons dorés et yéyés décérébrés mais elles furent surtout pour beaucoup de nous un temps de bascule, de rupture, où l’engagement politique s’assimilait à un combat. Années dures, violentes : le Vietnam, qui déboucheront sur celles qualifiées de plomb avec l’Italie des Brigades Rouges. 

Alors comme j’ai un esprit un peu folâtre je me suis saisi d’un nom : fanon* qui dans ma jeunesse faisait parti du vocabulaire de mon pépé Louis éleveur et toucheur de bœufs blancs. 

 

* fanon, s. m. 1. Peau pendante que les taureaux, les bœufs ont sous la gorge. 2. Ornithologique. La pièce de peau charnue, rouge et nue, qui pend sous la gorge de certains oiseaux, notamment du dindon. 3. Terme de vétérinaire. Touffe de poils à la partie postérieure du boulet et au pli de la peau du bœuf et du mouton, située à la partie inférieure du cou. Le fanon cache l’ergot du cheval.

 

Et puis dans la cascade de mes souvenirs revint Fanon Maurice un chanteur français contemporain de Brel et Ferrat dont j’ai acheté le 33 tours, la galette, son seul grand succès, en 1963 : L’écharpe. Chanson qui fut reprise par Pia Colombo son ex-femme, Cora Vaucaire, puis par le yéyé Hervé Vilard et plus récemment par la chanteuse française Robert sur son album Princesse de rien (1997).

 

Et puis le révolutionnaire en peau de lapin que je fus en 68 ne pouvait ensuite que vous mettre sous le nez Fanon Frantz : l'un des fondateurs du courant de pensée tiers-mondiste avec son livre emblématique Les Damnés de la Terre, publié aux Éditions Maspero en 1961, préfacé par Jean-Paul Sartre. images-frantz.jpg

Cet homme avait tout pour déplaire à la société rabougrie des années 60 : il était noir, médecin, philosophe : élève de Maurice Merleau-Ponty, psychiatre, penseur très engagé, et surtout compagnon de route du FLN qu’il rejoint à Tunis après son expulsion en 1957 d’Algérie où il était médecin-chef d'une division de l'hôpital psychiatrique de Blida-Joinville. Pensez-donc un homme qui, en 1943, avait rejoint les Forces françaises libres puis s'était engagé dans l'armée régulière après le ralliement des Antilles françaises au général de Gaulle, un homme qui avait combattu avec l'armée française du général De Lattre de Tassigny et qui avait blessé dans les Vosges, rejoignait les fellaghas. Atteint d'une leucémie, il se retira à Washington pour écrire Les Damnés de la Terre. Il décèdera quelques mois avant l'indépendance algérienne le 6 décembre 1961 à l'âge de 36 ans. Il repose au cimetière des «Chouhadas» (cimetière des martyrs de la guerre) près de la frontière algéro-tunisienne, dans la commune d'Aïn Kerma (wilaya d'El-Tarf).

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Si vous avez eu le courage de me suivre jusqu’ici : merci et bon dimanche.  

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5 mars 2011 6 05 /03 /mars /2011 00:09

 

Sale temps pour les toqués du « repas gastronomique français»  alors qu’ils voguaient en pères pénards sur la grand mare des canards deux coups de torchons viennent de jeter sur leur immaculée parure des taches bien mal venues alors que leurs adorateurs venaient tout juste d’emboucher les trompettes de la renommée pour saluer l’inscription de leurs œuvres au

patrimoine mondial de l’humanité. En effet, coup sur coup, deux scuds lancés l’un de notre propre territoire par 2 perfides plumitifs gaulois : Aymeric Mantoux et Emmanuel Rubin : Le livre noir de la Gastronomie Française chez Flammarion, l’autre de l’autre côté de l’Atlantique par un de ces américains qui aiment tant la France qu’ils la châtient bien, un certain Michael Steinberger qui nous fait le énième remake de La cuisine française, un chef d'oeuvre en péril publié chez Fayard (c’est la traduction française d’un livre publié aux USA).

 

Pour ne rien vous cacher, moi qui ne suis ni journaliste, ni chroniqueur gastronomique, je confesse une grande réticence face à des titres aussi lourds qu’une sauce destinée à masquer le peu de qualité de la bidoche ou de la fraîcheur du merlan. L’usage abusif du Livre Noir nuit souvent à la santé des arguments. En effet, c’est sucer la roue du Livre Noir du communisme, c’est sous-entendre qu’il y a des morts dans les placards, du sang sur les murs, que la Guépéou ou la Stasi veillent pour mieux étouffer dans l’œuf toutes les velléités de dissidence. Pour preuve de cette stratégie éditoriale putassière le fameux Livre Noir de la Psychanalyse de notre hédoniste Caennais qui ne rit amais. Plus c’est du supposé gros calibre plus ça attire le chaland. Y’a pas photo,le contenu et le fumet des poubelles ça rameute le troupeau en mal de sensations fortes, ça aiguise notre face cachée : le mauvais côté de la force. Fort bien me direz-vous mais alors pourquoi ramener ma science alors que je conteste la qualité du fricot ? Tout bêtement pour vérifier si ce que je subodorais correspondait à la réalité. À la guerre comme à la guerre : pour dire si la sauce est gâtée il faut l’avoir goûtée !

 

Ce matin je m’en tiendrai à l’opuscule franchouillard car pour le ricain il me faut aller l’acheter pour pouvoir vous en causer. Vous noterez que, n’étant pas du sérail, je ne fais pas l’objet de service de presse, je paie mes opus : 19€ pour Le livre noir de la Gastronomie Française. Donc mercredi soir j’ai acquis ce qui s’annonçait un brûlot. Pensez-donc la Quatrième de couverture n’y allait pas avec le dos de la cuillère : « Guides gastronomiques corrompus, chefs soumis aux diktats des géants de l’agro-alimentaire, chroniqueurs cornaqués par la grande distribution, collusions entre cuisiniers et politiques, ce ne sont que rivalités, jeux de pouvoir, haines et passions. Nulle part ailleurs l’influence se concentre en si peu de mains. Politiques, industriels et chefs étoilés partagent sur fond de loges maçonniques un mot d’ordre unique : toujours plus, toujours pour les mêmes. » Au secours ! Qu’Eva Joly revienne nettoyer les écuries d’Augias ! Putain c’est pire que Dallas, un univers impitoyable peuplée de prédateurs sans foi ni loi. Le peuple se pourlèchait déjà les babines, ça allait saigner !

 

Eh bien la réponse est non ! Moi qui ne suis pas un habitué du sérail ce livre ne m’a rien appris que je ne savais déjà de ces fameuses coulisses des toqués français. Si, grande découverte des auteurs : l’appât du gain est en train de tuer la cuisine française. Tiens, tiens, notre chroniqueur gastronomique américain du New York Times et du Financial Times aurait-il tapé dans le mille. Franchement les trois-quarts du bouquin c’est du réchauffé, une suite d’historiettes à la française fondées sur des entretiens avec l’auteur, pas de quoi casser trois pattes à un canard de Challans pour qu’il ait envie d’aller se faire cuisiner au sang à la Tour d’Argent. C’est du sensationnel à la sauce Capital. Le énième couplet sur le Guide Rouge, les sagas des frères Blanc, des Costes, du couple Gault&Millau, de l’empereur Bocuse, du piment bien fade de la franc-maçonnerie, une cuillerée à soupe de politiques pour faire joli, la mondialisation de la gastronomie, la vieille rengaine sur les critiques gastro-collabos, le combat de la TVA du père Daguin, le parcours du combattant de JR Pitte, une louche de Masterchef... j'en passe et des pas meilleures. Rien de très nouveau sous le soleil d’Austerlitz. Si mes amis : les vacheries entre amis, qui est une spécialité bien française.

 

Dans ce petit monde de paraître, comme dans le show-biz, on s’embrasse beaucoup, comme l’écrit avec humour François Simon « les mains dans le dos et les bécots échangistes » mais les couteaux assassins sont bien aiguisés pour être plantés dans le dos du « cher ami » dès qu’il a le dos tourné. J’adore cette confraternité de pleutres. Bref, là où nos deux plumitifs lâchent vraiment les chiens c’est sur leurs confrères et plus particulièrement sur l’icône Jean-Luc Petitrenaud. Passé à la moulinette, haché menu, fricassé jusqu’à en être carbonisé le Lou Ravi de la bouffe de terroir. Je vous offre donc ce morceau de bravoure avant de m’en aller quérir chez mon libraire La cuisine française, un chef d'oeuvre en péril de Michael Steinberger, Fayard, 295 pp., 19,90 €. Et que les auteurs ne viennent pas me dire que mes écrits ne sont pas gentils : investir presque 40€, soit pour les vieux la bagatelle de 250 de nos anciens nouveaux Francs, ça vous donne tous les droits même celui d’aller se plaindre à la DGCCRF pour tromperie sur la dénomination de la marchandise. Je plaisante bien sûr mais, à force de nous prendre pour des cons de payants, les éditeurs et leurs auteurs feraient bien d’éviter de n’être plus que des tiroirs-caisses eux aussi.

 

Petitrenaud se fait petit

 

« Ils ne sont pas les seuls. Les critiques aussi, à force de se démultiplier, de cumuler, finissent même par lasser un public qui leur était pourtant acquis. Comme Jean-Luc Petitrenaud, longtemps le critique de L’Express, aujourd’hui remplacé par François-Régis Gaudry. Radio (Europe 1), télévision (France 5), livres, guides, Petitrenaud se démultiplie à l’envie. Il est l’archétype du faux gentil devenu quelqu’un. Au début de sa carrière, il parle sincèrement d’un sujet qu’il connaît assez bien, la France bistrotière, avant d’en faire une philosophie récupérée par l’industrie. La Journée du goût dans les écoles, c’est lui. Cette manifestation, créée en 1990, en cheville avec les industriels du sucre, est devenue depuis la Semaine du goût. Et cet évènement marketing est devenu un écran de fumée à l’industrie sucrière. Jean-Luc Petitrenaud est le grand représentant de cette France cadenassée du saucisson et de la nappe à carreau. Petitrenaud s’enferme dans une stature qui dessert également la cuisine. Mais tout laisse à croire que sa position intellectuelle ne dupe plus les chefs : »Je ne veux plus mentir à son micro, nous a confié un chef adepte de la cuisine évolutive. Avec lui, il faut parler de sa grand-mère. Son style, c’est Bernard Loiseau. Petitrenaud a détechnicisé la cuisine, il a fait du cuisinier le portrait-robot d’une sorte d’artisan à l’ancienne,  de Lou Ravi de la crèche, qui sifflote en faisant la cuisine. » Le carcan qu’il a créé empêche toute possibilité d’inventer, de vivre et d’évoluer, ce qui est terrible pour les cuisiniers qui ont peur de lui déplaire. Petitrenaud joue de surcroît un rôle insupportable de donneurs de leçons notamment envers la critique. Il excelle dans ce poujadisme populaire et dénonce ainsi tous ses petits camarades à qui il nie le droit de critiquer : « Comment ? Il ose exercer un jugement, son libre-arbitre de critique ? Mais qui êtes-vous pour juger ? », ceci alors qu’après avoir confié la gestion de ses droits Internet à une agence de communication, Jean-Luc Petitrenaud passe son temps à critiquer en imposant sa façon de penser dans tous les médias où il exerce. »

 

Fermez le ban !

 

Détail : Jean-Luc Petitrenaud me gonfle donc ma citation n'a pas valeur d'un quelconque plaidoyer mais de simple illustration de la verve des auteurs.

 

A mon tour une vacherie : puisque l’un des auteurs est le cofondateur du Bureau du Fooding j’aurais hautement apprécié qu’en couple il exerça sa verve sur les heurts et les malheurs de cette charmante chapelle. Mais là ce serait trop lui demander : copinage et acoquinage sont les deux mamelles des donneurs de leçons.

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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 00:09

Chère Françoise,

 

Si ce n’était vous jamais je ne me serais autorisé une telle liberté mais puisque viennent d’être publiées les « Mémoires d’un paysan », mémoires posthumes de Jean Pinchon, votre époux, le temps est venu pour moi d’écrire que vous êtes une grande amie. Bien sûr c’est par Jean que nous nous sommes connus. Il était Président de l’INAO et moi grouillot au cabinet de Michel Rocard 78 rue de Varenne. Très vite nous devînmes, chère Françoise, deux grands amis, complices, toujours alliés dans les discussions vives et passionnées qu’affectionnaient Jean, autour des grandes tables de votre maison d’Epaignes au Bosc-Carré, ou le soir chez Georges près de la Porte Maillot entre nous trois. Fine, cultivée, rebelle, non-conformiste, passionnée, curieuse de tout, je partageais avec vous de nombreux territoires et, à l’image de Montaigne et de La Boétie, si on me pressait de dire pourquoi cette immense amitié, je répondrais « je sens que cela ne peut s’exprimer » avant d’ajouter en marge, par deux fois « parce que c’était vous », puis d’une autre encre « parce que c’était moi ».

 

Rappelez-vous Françoise, dans nos discussions sur la religion, la Vendée, ma Vendée crottée et confite de religion, revenait souvent sur le tapis. Jean l’avait découverte en des circonstances dramatiques « À la mi-juin*, nous apprenons que les Allemands, et, 6 heures avant leur entrée dans Selles, nous partons affolés : à presque 15 ans, je dois conduire une voiture. Nous roulons sans nous arrêter jusqu’à la Guitardière de Nesmy, tout près de la Roche-sur-Yon ; là, nous observons, malgré le tragique de la situation, l’agriculture vendéenne, et nous nous rendons compte que bien des paysans français sont en retard par rapport à nous (...) À la Guitardière, nous sommes 17, toute la famille s’étant repliée là : même la gouvernante nous a suivis. L’armistice est signé et nous vivons les évènements au jour le jour. » Ce fossé entre deux mondes, si proches et si lointains, ne sera jamais réductible et il expliquera le sens de nos trajectoires et marquera nos constructions intimes. (* 1940)

 

Plus que tout la mort ferme à jamais les plis et replis de nos cœurs et de nos mémoires. Dans son livre Jean nous confie sa vérité et comme l’écrit dans sa préface Edgard Pisani « un homme est ce qu’il est. Un homme est ce qu’il fait. Il est accompli lorsque son action exprime son être. » De toutes les qualités reconnues à Jean, la plus indestructible était son indéfectible sens de l’amitié. C’est sur ce roc que nous nous sommes brisés. Nos personnalités ne pouvaient s’accommoder de demi-mesures et, quelle que fut la douleur de notre éloignement, je sais tout ce je lui dois et je n’ai jamais renié son affection. Par deux fois, Michel Rocard Premier Ministre a proposé à Jean de devenir Ministre de l’Agriculture : en mai 1998  lors de sa nomination par François Mitterrand réélu et c’est ainsi qu’il m’appela le soir même pour me dire « Jacques vous auriez été mon Directeur de Cabinet, maintenant il ne vous reste plus qu’à rejoindre Henri Nallet. » Ce que je fis. Puis, comme il l’écrit « Lorsqu’en octobre 1990, le Premier Ministre  Michel Rocard et son directeur de cabinet Jean-Paul Huchon me proposent de succéder à Henri Nallet qui quitte le Ministère de l’Agriculture et devient Garde des Sceaux, je refuse, car j’ai le sentiment que le monde rural a trop changé depuis l’époque où j’ai commencé de le servir, près de quarante ans auparavant, en entrant à la FNSEA ; et puis, je pense aussi en moi-même ce que je me disais enfant quand mes parents me conduisaient au cirque : « La musique est colorée et brillante, mais le trapèze est dangereux. » Je n’ai donc jamais été son Directeur de Cabinet mais je partage avec lui un grand privilège : avoir été Directeur de Cabinet d’un Ministre de la Ve République sans être fonctionnaire. Je me suis contenté, pour lui faire plaisir, de lui succéder au BNICE, Interprofession du Calvados, et ce ne fut pas ce que je fis de mieux dans ma vie.

 

Mais, chère Françoise, si j’ai pris la liberté, certains diront l’impudeur, d’écrire ce que je viens d’écrire, c’est que dans son livre Jean parle de vous. Il est rare que les grands chênes entrouvrent leur écorce. Jean le fait et son hommage est juste et plein d’une sincère admiration à votre endroit. Mes chers lecteurs me pardonneront j’en suis sûr de ne pas publier les pages où Jean parle de ses 21 années passées à la tête de l’INAO. Je joins à cet envoi une photo où je suis à votre gauche Françoise. Elle a été prise en décembre 1991 dans l’Aveyron, chez Germaine à Aubrac, la reine de l’aligot où nous partagions le pain et le sel avec André Valadier l’homme du renouveau du fromage Laguiole.

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Jean écrit à la dernière page de ses Mémoires « Me voici donc arrivé au terme de ma vie. Pendant un peu plus de 80 ans, j’ai été un homme heureux, parce que j’ai fait ce que j’ai voulu : élève à l’Agro, je ne voulais pas être un fonctionnaire carriériste, et effectivement, je ne le suis jamais devenu ; je n’ai jamais cessé d’apprendre, d’avancer. À 25 ans, j’ai eu la chance de rencontrer Françoise qui est devenue mon épouse et qui a vraiment partagé ma vie ; je regrette beaucoup de l’avoir sacrifiée, car, en lui demandant de quitter la librairie de Pierre Berès, je l’ai contraint à renoncer à une activité qui la passionnait pour élever nos trois enfants, Laure, Jean-Gustave, Alexis, si attachants dans la diversité de leurs caractères, leurs multiples qualités et leur affection pour moi malgré le peu de temps que j’ai pu leur consacrer et qui est un de mes profonds regrets. Grâce à Laure, j’ai un petit fils, Christopher, que j’aime beaucoup et qui, je l’espère, aura une belle vie.  »

 

Françoise, comme Jean j’ai eu la chance de vivre une belle vie. Lui comme vous, mais vous encore plus que lui, vous en avez fait partie. Recevez, chère Françoise, ma sincère amitié.

 

Jacques

 

 

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