Sale temps pour les toqués du « repas gastronomique français» alors qu’ils voguaient en pères pénards sur la grand mare des canards deux coups de torchons viennent de jeter sur leur immaculée parure des taches bien mal venues alors que leurs adorateurs venaient tout juste d’emboucher les trompettes de la renommée pour saluer l’inscription de leurs œuvres au
patrimoine mondial de l’humanité. En effet, coup sur coup, deux scuds lancés l’un de notre propre territoire par 2 perfides plumitifs gaulois : Aymeric Mantoux et Emmanuel Rubin : Le livre noir de la Gastronomie Française chez Flammarion, l’autre de l’autre côté de l’Atlantique par un de ces américains qui aiment tant la France qu’ils la châtient bien, un certain Michael Steinberger qui nous fait le énième remake de La cuisine française, un chef d'oeuvre en péril publié chez Fayard (c’est la traduction française d’un livre publié aux USA).
Pour ne rien vous cacher, moi qui ne suis ni journaliste, ni chroniqueur gastronomique, je confesse une grande réticence face à des titres aussi lourds qu’une sauce destinée à masquer le peu de qualité de la bidoche ou de la fraîcheur du merlan. L’usage abusif du Livre Noir nuit souvent à la santé des arguments. En effet, c’est sucer la roue du Livre Noir du communisme, c’est sous-entendre qu’il y a des morts dans les placards, du sang sur les murs, que la Guépéou ou la Stasi veillent pour mieux étouffer dans l’œuf toutes les velléités de dissidence. Pour preuve de cette stratégie éditoriale putassière le fameux Livre Noir de la Psychanalyse de notre hédoniste Caennais qui ne rit amais. Plus c’est du supposé gros calibre plus ça attire le chaland. Y’a pas photo,le contenu et le fumet des poubelles ça rameute le troupeau en mal de sensations fortes, ça aiguise notre face cachée : le mauvais côté de la force. Fort bien me direz-vous mais alors pourquoi ramener ma science alors que je conteste la qualité du fricot ? Tout bêtement pour vérifier si ce que je subodorais correspondait à la réalité. À la guerre comme à la guerre : pour dire si la sauce est gâtée il faut l’avoir goûtée !
Ce matin je m’en tiendrai à l’opuscule franchouillard car pour le ricain il me faut aller l’acheter pour pouvoir vous en causer. Vous noterez que, n’étant pas du sérail, je ne fais pas l’objet de service de presse, je paie mes opus : 19€ pour Le livre noir de la Gastronomie Française. Donc mercredi soir j’ai acquis ce qui s’annonçait un brûlot. Pensez-donc la Quatrième de couverture n’y allait pas avec le dos de la cuillère : « Guides gastronomiques corrompus, chefs soumis aux diktats des géants de l’agro-alimentaire, chroniqueurs cornaqués par la grande distribution, collusions entre cuisiniers et politiques, ce ne sont que rivalités, jeux de pouvoir, haines et passions. Nulle part ailleurs l’influence se concentre en si peu de mains. Politiques, industriels et chefs étoilés partagent sur fond de loges maçonniques un mot d’ordre unique : toujours plus, toujours pour les mêmes. » Au secours ! Qu’Eva Joly revienne nettoyer les écuries d’Augias ! Putain c’est pire que Dallas, un univers impitoyable peuplée de prédateurs sans foi ni loi. Le peuple se pourlèchait déjà les babines, ça allait saigner !
Eh bien la réponse est non ! Moi qui ne suis pas un habitué du sérail ce livre ne m’a rien appris que je ne savais déjà de ces fameuses coulisses des toqués français. Si, grande découverte des auteurs : l’appât du gain est en train de tuer la cuisine française. Tiens, tiens, notre chroniqueur gastronomique américain du New York Times et du Financial Times aurait-il tapé dans le mille. Franchement les trois-quarts du bouquin c’est du réchauffé, une suite d’historiettes à la française fondées sur des entretiens avec l’auteur, pas de quoi casser trois pattes à un canard de Challans pour qu’il ait envie d’aller se faire cuisiner au sang à la Tour d’Argent. C’est du sensationnel à la sauce Capital. Le énième couplet sur le Guide Rouge, les sagas des frères Blanc, des Costes, du couple Gault&Millau, de l’empereur Bocuse, du piment bien fade de la franc-maçonnerie, une cuillerée à soupe de politiques pour faire joli, la mondialisation de la gastronomie, la vieille rengaine sur les critiques gastro-collabos, le combat de la TVA du père Daguin, le parcours du combattant de JR Pitte, une louche de Masterchef... j'en passe et des pas meilleures. Rien de très nouveau sous le soleil d’Austerlitz. Si mes amis : les vacheries entre amis, qui est une spécialité bien française.
Dans ce petit monde de paraître, comme dans le show-biz, on s’embrasse beaucoup, comme l’écrit avec humour François Simon « les mains dans le dos et les bécots échangistes » mais les couteaux assassins sont bien aiguisés pour être plantés dans le dos du « cher ami » dès qu’il a le dos tourné. J’adore cette confraternité de pleutres. Bref, là où nos deux plumitifs lâchent vraiment les chiens c’est sur leurs confrères et plus particulièrement sur l’icône Jean-Luc Petitrenaud. Passé à la moulinette, haché menu, fricassé jusqu’à en être carbonisé le Lou Ravi de la bouffe de terroir. Je vous offre donc ce morceau de bravoure avant de m’en aller quérir chez mon libraire La cuisine française, un chef d'oeuvre en péril de Michael Steinberger, Fayard, 295 pp., 19,90 €. Et que les auteurs ne viennent pas me dire que mes écrits ne sont pas gentils : investir presque 40€, soit pour les vieux la bagatelle de 250 de nos anciens nouveaux Francs, ça vous donne tous les droits même celui d’aller se plaindre à la DGCCRF pour tromperie sur la dénomination de la marchandise. Je plaisante bien sûr mais, à force de nous prendre pour des cons de payants, les éditeurs et leurs auteurs feraient bien d’éviter de n’être plus que des tiroirs-caisses eux aussi.
Petitrenaud se fait petit
« Ils ne sont pas les seuls. Les critiques aussi, à force de se démultiplier, de cumuler, finissent même par lasser un public qui leur était pourtant acquis. Comme Jean-Luc Petitrenaud, longtemps le critique de L’Express, aujourd’hui remplacé par François-Régis Gaudry. Radio (Europe 1), télévision (France 5), livres, guides, Petitrenaud se démultiplie à l’envie. Il est l’archétype du faux gentil devenu quelqu’un. Au début de sa carrière, il parle sincèrement d’un sujet qu’il connaît assez bien, la France bistrotière, avant d’en faire une philosophie récupérée par l’industrie. La Journée du goût dans les écoles, c’est lui. Cette manifestation, créée en 1990, en cheville avec les industriels du sucre, est devenue depuis la Semaine du goût. Et cet évènement marketing est devenu un écran de fumée à l’industrie sucrière. Jean-Luc Petitrenaud est le grand représentant de cette France cadenassée du saucisson et de la nappe à carreau. Petitrenaud s’enferme dans une stature qui dessert également la cuisine. Mais tout laisse à croire que sa position intellectuelle ne dupe plus les chefs : »Je ne veux plus mentir à son micro, nous a confié un chef adepte de la cuisine évolutive. Avec lui, il faut parler de sa grand-mère. Son style, c’est Bernard Loiseau. Petitrenaud a détechnicisé la cuisine, il a fait du cuisinier le portrait-robot d’une sorte d’artisan à l’ancienne, de Lou Ravi de la crèche, qui sifflote en faisant la cuisine. » Le carcan qu’il a créé empêche toute possibilité d’inventer, de vivre et d’évoluer, ce qui est terrible pour les cuisiniers qui ont peur de lui déplaire. Petitrenaud joue de surcroît un rôle insupportable de donneurs de leçons notamment envers la critique. Il excelle dans ce poujadisme populaire et dénonce ainsi tous ses petits camarades à qui il nie le droit de critiquer : « Comment ? Il ose exercer un jugement, son libre-arbitre de critique ? Mais qui êtes-vous pour juger ? », ceci alors qu’après avoir confié la gestion de ses droits Internet à une agence de communication, Jean-Luc Petitrenaud passe son temps à critiquer en imposant sa façon de penser dans tous les médias où il exerce. »
Fermez le ban !
Détail : Jean-Luc Petitrenaud me gonfle donc ma citation n'a pas valeur d'un quelconque plaidoyer mais de simple illustration de la verve des auteurs.
A mon tour une vacherie : puisque l’un des auteurs est le cofondateur du Bureau du Fooding j’aurais hautement apprécié qu’en couple il exerça sa verve sur les heurts et les malheurs de cette charmante chapelle. Mais là ce serait trop lui demander : copinage et acoquinage sont les deux mamelles des donneurs de leçons.