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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 00:09

Même si ça ne voit pas, ou si ça ne se décèle pas, sous ma dure carapace de vieux squale ayant survécu au marigot des ors de la République, je suis un grand sentimental. Je n’aime rien tant que les rencontres où se croisent et s’entrecroisent mes souvenirs, le choc du présent et la plongée du regard par une fenêtre ouverte sur l’avenir. Les Français font beaucoup d’enfants (record de fécondité de l'Union européenne, avec un taux de 2,01, juste derrière l'Irlande (2,07), ils déclarent être heureux dans leur sphère privée mais il y a quelque chose d’étrange ou du moins de paradoxal, ils sont, selon un sondage BVA Gallup, les champions du monde du pessimisme. 61 % d’entre eux voient dans 2011 une nouvelle année de difficultés, contre 28 % en moyenne dans le monde.

 

Rassurez-vous je ne vais pas entrer dans de profondes et subtiles analyses, d’autres bien plus qualifié que moi, des experts, vous délivreront le kit d’explication. Au rationnel, si tant est que les sociologues ou les politologues puissent l’être, qui reste ma boussole, je greffe le baguenaudage sur les chemins de traverse. Lundi dernier, en un lieu fort désuet, le Cercle Militaire, j’arpentais le parquet lustré d’une belle dégustation bourguignonne organisée par l’inégalable Annie Ligen et le film de mes souvenirs s’est connecté avec le présent en faisant un petit détour par la magie des mots oubliés. Je suis ainsi fait j’adore, d’un seul regard, trouver l’angle d’une future chronique. Alors tout s’emboîte comme un puzzle et, au travers des mots, l’image se recréée.  

etiq-8-ouvrees-07.jpg

Là tout est parti des « 8 ouvrées » Domaine des Perdrix de la famille Devillard. J’emploie à dessein le mot famille car c’est en 1996 que Bertrand et Christiane Devillard reprennent l’exploitation du Domaine des Perdrix sur la Côte de Nuits. 12 hectares dans les beaux terroirs de Nuits-Saint-Georges et de Vosne-Romanée. Près de 5 hectares sont des Nuits-Saint-Georges Premiers Crus dont « Aux Perdrix » possédé en quasi-totalité. Face à moi, pour ma dégustation, Aurore et Amaury Devillard leurs enfants.

016

 

Moteur !

 

Ma petite machine à remonter le temps déroulait sa pellicule : «Mai 2001  René Renou, président du Comité Vins de l’INAO et Bertrand Devillard, président de la FEVS dans un face à face organisé par « Réussir Vigne » avec pour titre « Le vin français doit revoir sa copie » tombaient rapidement d’accord sur le constat. Bertrand Devillard déclarait « Historiquement et aujourd’hui encore la France couvre tous les segments. Elle doit continuer à le faire. Mais segment par segment, nous devons analyser les choses. Une partie de la copie est à revoir. La segmentation du marché se fait par les prix. » et René Renou de renchérir La segmentation du marché telle que la propose M. Devillard me convient parfaitement. Mais il y a un constat que nous devons faire : entre AOC, vins de pays et vins de table, il y a des erreurs de casting. » Conclusion « A marché et attitude de consommation différents, conditions de productions différentes. Il nous faut davantage de contraintes d’un côté et moins de l’autre ». Le tout est bien sûr pages 20-21 de mon rapport.

 

Fin de la minute rétrospective ! Passons à la séquence : « de la vivacité des mots du terroir »

 

« Œuvre, œuvrée, ouvrée, ces trois termes sont pratiquement synonymes même si, aujourd’hui, le terme d’ouvrée reste seul vivace... » écrit Marcel Lachiver dans son dictionnaire du monde rural. « L’œuvrée, c’est ce qu’on peut travailler en un jour, et ce travail est surtout celui du vigneron, même si la mesure s’applique parfois aux prés et aux saulaies ; d’où sa faible valeur. De la Bourgogne au Beaujolais, à la Franche-Comté et au Nivernais, c’est le terme d’ouvrée qui l’emporte ; en Beaujolais, on dit aussi hommée. La valeur type est de 4,28 ares pour les vignes de Bourgogne et de Franche-Comté, soit le huitième du journal, ou encore 45 perches carrées de 9,5 pieds de côté. » Chez mois nous comptions en boisselée « ce que peut contenir en boisseau. Une boisselée de froment. La superficie de terre qu’on peut ensemencer avec un boisseau de grains, superficie très variable » mais par exemple « à Nevers, deux hommées (équivalent de l’ouvrée) font un boisseau de 8,51 ares. »

 

Les « 8 ouvrées » sont donc un arpent de 4,28 ares x 8 soit le tiers d’un hectare. Un joli confetti tel qu’on les aime sur la Côte-de-Nuits qui nous propose, chaque année, 1600 à 1800 bouteilles d’un – j’ose – «mini-Echezeaux» dont j’ai dégusté le millésime 2007. Nous y voilà enfin me direz-vous : tout dégustateur patenté sachant déguster aurait, déployant avec ampleur et aisance toutes les facettes de son art, commencé par là. J’en conviens aisément mais que voulez-vous j’aime prendre mon temps, baguenauder, converser ce qui me permet de vous dire que, depuis que je hante les travées des lieux dit de dégustation, Aurore et Amaury Devillard sont toujours présents, avenants, disponibles, sans se mettre en avant. Ils sont derrière leurs vins s’essayant, souvent avec bonheur, à faire partager leur passion, leur enthousiasme avec une simplicité pleine d’élégance. Sans jouer les petits chroniqueurs distribuant des bons et des mauvais points, pour moi dans l’univers parfois un peu stéréotypé des salons ils pratiquent le difficile métier de la vente avec le ton juste, la bonne distance, qui laissent à tout un chacun ce qu’il faut d’espace pour aborder le vin.

 

Reste que lorsque j’étais enfant j’ai dit un jour à mon père, du haut de mes 10 ans, que je voulais être « gentleman-farmer » ce qui signifiait pour moi avoir le même amour que lui de sa terre mais avec la touche d’élégance que ma couturière de mère conférait aux vêtements qu’elle me cousait. « Les 8 ouvrées » 2007  Aux Perdrix collent parfaitement à cet état d’esprit : du beau velours côtelé, avec de la tenue, sans ostentation mais avec une touche d’élégance terrienne. Du beau, de l’indémodable, de la belle matière avec la touche de la famille, ce petit quelque chose fait de distinction qui sort du lot commun. Tout le contraire du bling-bling, mais un de ces petits must qui va aussi bien à mes envies irrépressibles de Tartare épicé qu’à ma délectation pour une belle tranche d’andouille de Vire aux flaveurs inquiétantes ou qu’à mon goût toujours renouvelé pour les petits chèvres secs bien violet.   

 

Si vous souhaitez aller explorer la gamme des vins de la famille Devillard allez sur www.domaines-devillard.com pour ma part, hormis mes « 8 ouvrées » j’ai beaucoup aimé le Bourgogne Chardonnay Le Renard 2009 et le Château de Chamirey 2008 La Mission. Merci de m’avoir accompagné une fois encore dans ma petite promenade matinale sur les « 8 ouvrées » avec Aurore et Amaury et à demain, je l’espère, sur mes lignes pour d’autres aventures.

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commentaires

G
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le qualité des vins "Devillard", tant cex de côte Chalonnaise que de Côte de Nuits. Quelle densit, quele profondeur .<br /> <br /> <br /> Juste une précision concernant la dégustation au Cercle national des Armées : elle est organisée par Ecrivin, la structure éditrice du magazine Bourgogne Aujourd'hui. Certes  avec l'aide de<br /> "l'inégalable" Annie, comme vous le soulignez.<br /> <br /> <br /> Et c'est avec grand plaisir que nous vous y accueillons.<br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> <br /> Thierry Gaudillère - directeur de la publication de Bourgogne Aujourd'hui<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> « Ouvrée, ouvrée, la cage aux perdrix<br /> <br /> <br /> Regardez les s’envoler, c’est gris<br /> <br /> <br /> Les enfants si vous voyez<br /> <br /> <br /> Un p’tit Château de Chamirey<br /> <br /> <br /> Montrez-moi la porte de l’ébriété ... »<br /> <br /> <br /> Et pardon à Pierrot, ai pas son talent mais sa chansonnette me trottait dans la tête.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Non loin de Mercurey, à Chassey-le-Camp en pleine côte chalonnaise, se trouve un hôtel assez sympa, halte habituelle des Belges en<br /> transhumance : L’Auberge du Camp Romain, ainsi appelée car un peu au-dessus se trouvent des vestiges d’un habitat néolithique et d’un oppidum. Développé au fil des ans par la famille<br /> Dressinval d’une modeste petite auberge pleine de charme à un véritable complexe de détente, j’y avais goûté pour la première fois les vins des Devillard dans les années ’80. J’en garde aussi<br /> d’innombrables souvenirs d’étape : de la croissance de mes enfants, de leurs mères respectives, et d’autres qui n’étaient pas encore mères, ni non plus toujours mûres ... C’est cela,<br /> vieillir ! Actuellement, repris par un trio de professionnels du CHR, l’hôtel a perdu un peu de son charme campagnard et les nouveaux tarifs me le rendent moins accessible, mais il a<br /> conservé toutes ses qualités de calme, de sérénité et de gastronomie.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Jacques, une fois de plus, ta position parisienne fait que tu as été plus rapide que moi : je n'ai pas encore rencontré les enfants Devillard, mais ça ne saurait tarder. Un grand salut à<br /> Bertrand, leur père, un Monsieur qui m'a accompagné lors de mes débuts dans le vin. Bertrand, mets de côté un flacon ou deux pour une de mes prochaines tournées !<br /> <br /> <br /> <br />
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