Lorsque je croise certains d’entre vous quelques-uns s’inquiètent gentiment de mon stakhanovisme de chroniqueur, ils m’imaginent tel un Epagneul breton la truffe au vent à la recherche du sujet du jour puis suant et eau face à mon clavier pour accoucher de ma copie. Si tel était ma condition, eut égard à mon peu de goût pour la besogne, il y a fort longtemps que j’aurais posé mon sac. Je travaille bien sûr mais, par je ne sais quelle grâce, une foultitude de sujets viennent à moi, me tendent les bras, sans que j’eusse à déployer beaucoup d’efforts. Pour faire simple disons que depuis que je baguenaude sur mon petit espace de liberté j’ai très largement ouvert mon angle de vision ce qui me permet de capter et de glaner du matériau.
Tel est le cas aujourd’hui. Samedi dernier j’allumais au passage Matthieu Pigasse, « le banquier du Monde » en écorchant les débiles des Inrockuptibles avec leur titre à la Marianne « La viande tue » Le lundi matin suivant en me rasant – expression d’origine contrôlée ne correspondant chez moi à aucune réalité – j’entends dans la revue de presse de France Inter un insert sur le portrait à la pointe sèche du jeune banquier Lazariste dans la revue XXI. Quelque temps auparavant, toujours sur les ondes du SP, les propos d’un des fondateurs de cette revue m’avaient déjà fort intéressé mais je n’avais pas pris le temps de l’acheter. Profitant d’un voyage en TGV j’ai donc fait l’acquisition du N° 13 de cette revue mensuelle. Je l’ai abordée par le versant Pigasse bien évidemment « Le Banquier du Monde » » enquête sur Mathieu Pigasse par Jean-Pierre Perrin. Lecture agréable, c’est de la belle ouvrage sur le terrain difficile du portrait où il est si facile de véhiculer des clichés qui plaisent tant au bon peuple et de se contenter de vendre l’image ici du jeune loup de la gauche dites « caviar » versus Costes pressé, à qui tout réussi. Sans vouloir faire l’intéressant je dois avouer que ce profil de gus ne m’impressionne guère, j’en ai tant croisé au temps où je chalutais sous les ors de la République que ça sonne creux. De plus, comme notre sémillant banquier d’affaires de gauche « ne célèbre jamais une victoire. Jamais de champagne, il ne boit que du Coca... Il refuse la simple satisfaction d’un repas. » et qu’il déclare « Je n’ai aucun plaisir à manger. J’ai peur de la sensation d’être repus et je fais tout pour la repousser. Il faut être sous tension, sinon vous n’êtes plus dans le combat. » je repliais mes gaules prestement.
Feuilletage en retour arrière de la revue : un titre « Les derniers français d’Algérie » Au lendemain de l’indépendance deux cent mille Français décident de rester en Algérie. C’était en 1962. Ils ne sont plus qu’une poignée. André, Henriette, Adrien et Germaine ont tout traversé : nationalisations, rancunes, guerre civile. Sans jamais renoncer à leur bout d’Algérie. Par Géraldine Schwarz. En 1974-75 lors de mon séjour à Constantine j’ai côtoyé quelques-uns de ces résistants si attachés à leur terre. Alors en traversant les verts pâturages de Bourgogne je me plongeais dans la lecture de ce remarquable reportage en un territoire disparu où les derniers survivants ont une épaisseur humaine, de la chair, du sang et des larmes, mais aussi une capacité extraordinaire à vivre tout simplement. Du bon journalisme, un rendu d’écriture sans pathos, un vrai voyage dans un pays, l’Algérie, que les jeunes générations françaises de toutes origines connaissent si mal. Bien sûr, en écrivant cette chronique forte est l’envie de vous parler de Germaine Ripoll, 80 ans, de son restaurant d’Arzew aux volets bleus, avec ses nappes à carreaux, ses serviettes blanches, son pain craquant et son anisette formidable dixit Adrien, 81 ans, le roi du champignon de couche. Je m’en tiendrai à cette citation « La mer d’Algérie, étourdissante, se déploie sous les fenêtres de la maisonnette de Germaine : « C’est pour ça que je suis restée, c’est mon petit paradis. » Chaque matin, elle descend son escalier vertigineux pour se baigner dans l’eau limpide où les calamars viennent lui caresser les orteils.»
Je vais m’arrêter sur André Féral dont la famille de propriétaires terriens « n’étaient pas riches, mais ils vivaient bien. A l’été 62 le père Féral refuse de partir et André son fils, adolescent, décide de rester avec lui. « L’exode des pieds-noirs achevé, André et son père découvrent un nouveau pays : « Tout avait été déserté. Les administrations, les écoles, étaient vides. Des quartiers entiers aussi. C’était un pays fantôme. » De cela, le père Féral se fiche, seule compte sa terre. Quand l’Etat algérien s’en saisit, il meurt subitement. « Je pense que c’est ça qui l’a tué. Ça l’a foudroyé. On lui avait enlevé l’œuvre de sa vie et de ses parents »
« On avait le vin dans le sang »
« André se retrouve seul, plus rien ne le retient. Il reste. Et restera, malgré les échecs répétés, malgré les invites au départ. Au nom du devoir filial à respecter « jusqu’à la mort ». André Féral cherche « dans un tiroir en fouillis, il tire une petite boîte noire et en fait glisser le couvercle. » Il en tire un écusson rouge et vert « Ce sont nos armoiries, les armoiries des Féral. » C’est « écusson gravé d’un « F » majestueux. » André Féral s’explique ému « J’ai remonté notre arbre généalogique. Nous avions des ancêtres en Corrèze. J’y suis allé, exprès. C’est là que j’ai trouvé l’écusson ». Et si vous avez eu le courage de m’accompagner jusqu’à maintenant je vous livre cet extrait qui donne sa chair au titre de ma chronique.
« Dans les archives de Corrèze, André découvre également que les aïeux de son père avaient déjà des vignes. « Ça été comme un coup, je me suis dit qu’on avait ça dans le sang, le vin. » De retour à Oran, il décide de renouer avec l’histoire, cherche une terre. Sans trouver. Jusqu’à ce qu’il s’associe avec un Algérien.
Il déplie, sur un coin de bureau, une carte d’Algérie et pointe une région proche de la frontière avec le Maroc : « C’est un coin avec un sol de qualité et protégé des grosses chaleurs. » La maison Féral produit du rouge, du blanc et du rosé. Trois bouteilles en attestent exhibées tels des trophées dans la pièce sans autre éclat.
Le commerce est difficile. Traditionnellement bons consommateurs de vin, les Algériens se sont pliés aux diktats des islamistes. En quelques années, plus de cent cafés ont fermé à Alger. Le soir, les rues de la capitale sont tristes, l’ennui suinte. « A croire que tout le monde à oublié la vie d’avant les islamistes et les années de plomb. »
Voilà, encore deux points importants :
1° Moi je m’abonne à XXI : bulletin téléchargeable sur www.larevue21.fr
2° Je suggère que via Géraldine Schwarz nous aidions, dans la mesure où cela possible, André Féral à commercialiser ses vins.