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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 00:09

Bien plus que les bateleurs géotrouvetout qui s’agitent sur les écrans plats – les étranges lucarnes se sont englouties – pour aspirer de l’audience je préfère les journalistes qui s’astreignent à enquêter sur le terrain, à écouter, à entendre. Éric Dupin à pris son temps, le nez au vent (une méthode que je m’efforce chaque jour de faire mienne) pour « aller à la rencontre des Français sans idée préconçue, sans préjugé, sans arrière-pensée ». La lecture de son livre Voyage en France La fatigue de la modernité au Seuil m’a convaincu de sa sincérité. Il a atteint son objectif. Contrairement à ses confrères journalistes « qui partent habituellement sur le « terrain » avec une idée assez précise de ce qu’ils doivent relater (...) qui recueillent des témoignages pour nourrir une histoire qu’ils connaissent déjà. » Dupin, à pied, à vélo, en auto, s’est vraiment glissé dans quelques plis et replis de la France. Pour autant il n’a pas mis en scène « la France qui souffre », ni celle des « terroirs » il s’est contenté d’écouter et de « prendre la température de cette curieuse contrée qu’est la France, un royaume de râleurs perçu comme un pays de Cocagne à travers le monde. » Merci à lui. Enfin, et c’est à souligner, Éric Dupin s’est bien « gardé, la plupart du temps, de porter des jugements sur les propos de (ses) interlocuteurs, ce qui ne signifie assurément pas, (qu’il) les approuve tous. » et, je lui sais gré, de ne pas avoir « non plus alourdi les témoignages en les lestant des analyses qu’ils pouvaient (lui) suggérer. » Pour susciter la réflexion rien ne vaut en effet le brut de décoffrage.

 

Mon choix de l’histoire de Gilles Merlet dont la famille était de bouilleur exclusif de Hennessy, à Saint-Sauvant, depuis le début du XXe siècle, tient à un fait d’histoire : lors de ma mission dans la zone délimitée Cognac j’ai rencontré Gilles Merlet par l’entremise de GA Morin je crois. Je ne sais s’il s’en souvient, moi si. Moi aussi j’ai fait du terrain, pas tout à fait le nez au vent, mais sans idée préconçue, sans à priori, pour comprendre. Je ne sais si j’y suis parvenu mais tout au moins j’ai essayé et Dieu sait si les pressions qui s’exerçaient sur moi étaient grandes. www.merlet.fr

 

« Á l’inverse, Gilles Merlet illustre la mondialisation heureuse. Barbe blanche et regard acéré, ce chef d’entreprise me reçoit dans la pièce où il est né, transformée en bureau, de sa maison familiale. Nous sommes dans le village de Saint-Sauvant, entre Saintes et Cognac. Gilles appartient à une famille de viticulteurs depuis quatre générations. Son père distillait du cognac « On était bouilleurs exclusifs d’Hennessy depuis le début du XXe siècle. »

Gilles a repris l’exploitation familiale au début des années 1970 ; C’était l’époque de la « première grande crise du cognac ». Celui-ci est à 95%  un produit d’exportation. « En France, on invite les gens à l’apéritif, plus au dessert. Le marché du digestif est mort dans ce pays. Les Français boivent du whisky, pas du cognac. On l’exporte un peu partout dans le monde, aux Etats-Unis, en Angleterre, mais aussi en Asie et notamment au Japon. » Or, les ventes de cognac plongent quand les affaires ne marchent pas très bien. D’où une sévère surproduction dans les années 1970. Les surfaces plantées avaient été exagérément agrandies et, pour ne rien arranger, des faux cognacs, produits en Espagne ou en Russie, inondaient le marché.

Pour s’en sortir, Gilles décide, avec succès, de se diversifier dans le jus de raisin : « On a ici un cépage l’Ugni Blanc qui donne des vins un peu acides mais qui est excellent pour faire du jus de raisin. » Il se lance ensuite dans la plantation de cassis après avoir découvert un moyen de mécaniser sa récolte. Gilles produit de la liqueur de cassis et même du kir tout prêt en bouteille.

Ce goût des mélanges le mènera loin. En 2000, un ancien champion de tennis américain, désireux de lancer un cocktail à base de cognac, le contacte. »Je me charge de promouvoir la marque, et vous serez mon producteur exclusif », lui propose-t-il. « Il voulait quelque chose de fun pour les jeunes, un truc assez costaud pour résister à la fonte des glaces. » Comprenez que le breuvage doit être suffisamment corsé pour qu’un amas de glaçons dans le verre, un usage courant outre-Atlantique, ne fasse pas totalement disparaître son goût. Gilles multiplie les formules plus ou moins savantes mais rien ne satisfait l’Américain.

Je vous en prépare une dernière », le somme-t-il un jour. Un produit bizarre de couleur bleue où se mêlent cognac, vodka et six ou sept fruits différents. Les papilles de Gilles ne sont pas vraiment emballées. « Il ne vont quand même pas boire ça », se dit-il in petto. Et bien si. L’Américain est ravi : »Ne touche à) rien, c’est parfait ! » Gilles comprendra coup l’une des raisons de son succès. « Je me suis rendu compte que mon cocktail avait le même rapport sucre/acidité que le Coca-Cola. » Il le baptisera « Hypnotic » et le conditionnera dans des sortes de bouteilles de champagne au design avant-gardiste.

Astucieusement lancé dans le milieu  du show-biz new-yorkais grâce à la complicité d’un rappeur et d’un disc-jockey, Hypnotic fait fureur. Gilles en expédiera pas moins de 825 000 caisses en 2003, année de l’apogée de cette étrange boisson. Après son heure de gloire, le produit passe de mode, Gilles jette son dévolu sur la « cachaça », une eau-de-vie brésilienne fabriquée à partir de la canne à sucre. Il achète en 2008  une distillerie au Brésil et fait vieillir l’eau-de-vie dans de vieux fûts de cognac.

L’entreprise Merlet emploie désormais une cinquantaine de salariés, majoritairement de la région. Elle a rompu avec Hennessy et tente de lancer sa propre marque de cognac. Gilles est aussi et surtout fier de ses gammes de liqueurs, au cassis ou au citron, et de cocktails de fruits variés. « Le cognac mène à tout à condition d’en sortir », conclut-il en regrettant que beaucoup de viticulteurs de la région de Cognac se conduisent un peu trop en rentier... »

imageshypnotic.jpg

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commentaires

R
<br /> <br /> Pour info, depuis la rédaction de l'ouvrage d'Eric Dupin, Gilles Merlet a effectifement lancé son propre cognac.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Un grand merci pour votre très sympathique note sur mon livre. Vous en avez bien saisi l'esprit. Et je puis effectivement vous garantir la "sincérité" de ma démarche. En espérant avoir l'occasion<br /> de vous rencontrer un jour...<br /> <br /> <br /> <br />
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