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3 juin 2008 2 03 /06 /juin /2008 00:02

 

Comme vous le savez je suis un peu simpliste. J’aime les raccourcis. Il aura fallu que Florent Pagny tombe amoureux de "Azécuna" une indienne de Patagonie, et qu’il devienne propriétaire d'un ranch qu'il fera construire sur 4000 hectares en Patagonie pour que l’usager moyen du métro parisien découvre que le Chili ne se réduisait pas aux groupes de chiliens en exil soufflant imperturbablement dans leurs flutes de pan dans les couloirs de leur migration quotidienne. Pour les plus jeunes la tendance se situait du côté des Red Hot Chili peppers, le groupe de rock californien. Et puis le Nouveau Monde des vins déferla sur l’Ancien : le long pays calé aux flancs de la Cordillère des Andes se révélait un concurrent redoutable de notre vieux pays sûr et dominateur. Et, ô surprise, le bon peuple découvrait que certains de nos compatriotes était du lot de ceux qui « s’éclataient » au Chili : Bernard Dauré est de ceux-là. Je devrais écrire la famille Dauré mais avec Bernard Dauré j’ai une tranche d’histoire commune que je vous conterai, comme j’ai aussi l’esprit d’escalier, après avoir pondu mon papier sur l’aventure chilienne des Dauré.

Qui n’a pas un jour rêvé de rompre avec le quotidien, de larguer les amarres et de partir vers des contrées nouvelles, ne peut comprendre la démarche des « pionniers ». Bien sûr le Chili n’est pas l’Ouest américain, mais c’est à 14 h 10  de Roissy-Charles de Gaulle, certes on y parle espagnol, mais y acquérir 160 hectares de terres nues et se lancer dans la création d’un vignoble et d’une bodega n’est pas une mince affaire. Pour les Dauré tout a commencé en 1997 par un voyage au Chili puis l’acquisition dans la vallée de l’Apalta d’un domaine entouré de Casa Lapostolle et Viña Montes.  Nom de baptême « Las Niñas » : les filles… C’est leste. Clin d’œil ponctuant un zeste de dévergondage mais aussi reconnaissance que les dames de la famille comptent : ici c'est Sabine Dauré qui donne le la ; je confirme, celles que je connais, Sabine, l’épouse de Bernard, et sa fille Estelle, ont du caractère. Beaucoup. De la belle ouvrage, contemporaine et nostalgique, que cette photo sépia des Viña Las Niñas. Mais, comme toujours, je galope : avant de parler du flacon il me faut commencer par la vigne.

Au Chili,  les meilleures zones pour la vigne se situent en bordure de Pacifique car elles sont soumises à l'influence du courant de Humboldt. La température diurne en été varie entre 33° et 28°, mais l'amplitude thermique se située entre 15° et 22°. Bernard Dauré me confie « j'ai connu 30° le jour et 8° la nuit ». Les 160 ha sont plantés « franc de pied » avec une densité de 4 à 6000 pieds à l’hectare Les cépages sont méditerranéens tels la Syrah et le Mourvèdre, et bien sûr le cépage emblématique du Chili, le Carmenère, d’origine bordelaise. Du côté de la bodega, lorsqu’on connaît la passion de Sabine et de Bernard Dauré pour l’art contemporain, elle ne pouvait que s’inscrire résolument dans son temps. La conception est donc confiée à Mathias Klotz dont Horacio Torrent écrivait dans son introduction au GG Portfolio 1997 : « Ce jeune architecte, malgré sa courte carrière et une œuvre construite limitée, inscrit son travail dans cette "géographie insensée" qui s'étend — comme un effort passé de synthèse — le long d'une étroite bande de territoire, à l'ouest des Andes, alternant les lieux les plus sublimes, depuis le désert aride jusqu'à l'humide forêt du sud. Mathias Klotz semble vouloir révéler la générosité de la nature et il le fait, dans une apparente contradiction, sur les traces d'un modernisme réactualisé… » Les photos, ci-dessous témoigneront, bien mieux que ma plume, de la pureté et de la transparence de l’édifice. L’approche avant-gardiste de Klotz, comme le conclut Torrent révèlent la désorientation architecturale du sous-continent et apporte une profonde bouffée d'air frais du sud."

 





Pour les vins, ce matin, je me cantonnerai au « El Blanco superstar » de la nouvelle ligne : « Tacon Alto » le premium de « Las Niñas » (je chroniquerai une autre fois sur l’ensemble de la ligne de produits, au packaging toujours très original, née sous la baguette avisée et passionnée d'Estelle Dauré). Né avec le millésime 2006, ce Chardonnay, a fait sensation. Cueillis tôt le matin dans des cagettes, triés dès réception, les raisins gardent leur fraîcheur et le jus fermente dans des barriques neuves. Ce « Tacon Alto » altier est mis en bouteille au bout de 4 mois.  Je devrais écrire que l’élégant se glisse, se love, dans une étrange chaussure, ocre et jaune, à mi-chemin entre l’escarpin et la bicolore italienne. Androgyne en diable le coquin à séduit lors du
concours annuel de "Chilevid" où il a été désigné comme le meilleur Chardonnay du Chili. Bravo les « petits frenchies »de l’extrême South of France  , je n’ai pas osé chapeau « les filles » ! Ça couronne presque dix années d’efforts, de défis relevés et comme me le dit souvent, via Skype, Bernard Dauré lorsqu’il est au Chili « l’émulation là-bas est une formidable machine à faire toujours mieux, à innover, à se dépasser… » Message passé à tous ceux qui ne voient dans ces challengers du Nouveau Monde que des « privilégiés ». Autre point d’importance : « notre entreprise française a été plus que confortée par nos productions chiliennes… » conclut Bernard Dauré ce qui m’amène à revenir à Cases de Pène pour vous conter un peu d’histoire ancienne.

Certains, chaque matin en se rasant, pensent qu’ils sont promis à un bel avenir. Moi je ne peux pas puisque que je ne me rase pas et que mon avenir est plutôt derrière moi. Cependant si j’évoque ce passage quotidien devant le miroir c’est que, depuis toujours, pour moi c’est le moment privilégié des informations : la tranche matinale de nos radios nationales reste encore un espace où le citoyen peut ouvrir ses oreilles à la vie du monde et de la cité. En 1998, j’étais encore jeune et beau et je vivais comme un homme des bois dans ma grande maison de la Chapelle-en-Serval. À l’époque j’écoutais Europe 1 et, un matin, dans ma salle de bains, mon oreille fut attirée par une publicité dans une langue étrange, rocailleuse, dure. Qu’est-ce donc me dis-je ? C’était du catalan, pur jus Séguéla pour le compte du Comité des Vins Doux Naturels. Étrange, à postériori j’y vois un signe du destin puisque quelque temps plus tard je débarquais à Perpignan pour faire le médiateur. À l’épicentre de la « tornade catalane », un homme, dont le nom était quasiment une marque, Bernard Dauré.

En bon vendéen que je suis-je n’aime ni couper les têtes qu’on me réclame, ni me soumettre au discours politiquement correct, alors entre les procureurs autoproclamés – y’en avait une flopée – et ceux qui, comme Bernard Dauré, avaient tenté, au travers du Plan Rivesaltes, de retrouver le chemin des réalités du marché, je n'eu aucun mal à choisir. Dans la touffeur de ce mois d’août, campant dans salle Pams transformée en quasi-confessionnal, certains me confiaient outrés : « en plus il a investi au Chili… » La belle affaire, comme si, tout en restant bien implanté sur ses terres d’origine : Château de Jau, Clos des Paulilles et Mas Christine, la famille Dauré trahissait la « cause catalane » en tentant l’aventure du Nouveau Monde. Ça me rappelait la phraséologie du Che – celui de Belfort qui est monté au ciel avant de redescendre – et me confortait dans mes analyses : le CIVDN, pourtant construit sur le même modèle que le CIVC (Champagne), en assurant une « petite rente » aux viticulteurs, sans tenir compte du déclin de la demande, avait, avec les meilleures intentions du monde, généré un système d’assistanat ravageur qu'il fallait enterrer sans fleurs ni couronnes...

C’est donc ainsi que Bernard Dauré, si je puis m’exprimer ainsi, est entré dans ma vie et que ce matin m’est venue l’envie de parler de lui et de "ses drôles de dames *"

* Drôles de dames (Charlie's Angels) est une série télévisée américaine, en 116 épisodes de 50 minutes, créée par Ivan Goff et Ben Roberts et diffusée entre le 22 septembre 1976 et le 24 juin 1981 sur le réseau ABC. En France, la série a été diffusée à partir du 8 janvier 1978 sur Antenne 2. Le pilote et la saison 5 ne furent diffusés qu'ultérieurement sur M6. Le Pilote (1976) s'intulait : Quand le vin est tiré (Charlie's angels)

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2 juin 2008 1 02 /06 /juin /2008 00:07

 

L'encre des vacheries de François Simon, dans son dernier opus "Aux innocents la bouche pleine" chez Robert Laffont, sur le petit monde des étoilés et autres tables diverses et variées, est très rouge sang. La plume est assassine dans la plus pure tradition vacharde.  Pour faire passer ses traits acérés, le dandy culinaire, très Paris-Première, se complaît souvent dans le style détaché des privilégiés, de ceux qui en sont, revenu de tout et de rien, et qui aiment par-dessus tout qu’on le sache. La sauce est parfois allongée pour faire dans le genre écrivain, mais peu importe, les écrits des écrivains de table sont aussi inutiles et futiles que les dessous affriolants des filles mais quel extrême plaisir que de les effeuiller. La jouissance a souvent des ressorts si peu avouables que notre vieille et poussive tradition judéo-chrétienne nous a appris à les enfouir au plus profond. J’avoue, sans aucune honte, faire parti de la tribu de ceux qui explorent toute la palette des plaisirs sans modération mais avec un goût immodéré de la rareté. Si vous êtes ainsi fait, ou si vous aspirez à le devenir, je vous conseille de lire le livre de François Simon au lit – façon Jean-Pierre Léaud : Antoine Doinel et Claude Jade : Christine Darbon dans Domicile Conjugal de François Truffaut – ça détend, ça apaise avant de tomber dans les bras de Morphée, ça vaut mieux que de compter les moutons. Extraits les plus saignants d'un ensemble à l'image de beaucoup de tables à la mode : c'est joli à voir mais on sort souvent avec une belle faim chevillée au corps. Seul avantage : vous ne risquez pas la surcharge pondérale, ça n'encombre guère la mémoire, sitôt bu sitôt pissé, pardon sitôt lu sitôt oublié.


« Il y a une vingtaine d’années, c’était à Noël, le 20 décembre 1985, nous sortions d’un repas insensé ; de ce genre calvaire breton fait de granit et de chagrins salés. Les vins avaient dû couler à flots ; avec probablement l’adéquation scandée par les spécialistes : le gras avec le gras (le sauternes sur le foie gras), les vifs avec les toniques (le muscadet sur l’iode), les ronds avec les dodus (bourgogne avec volaille), les délurés saignants avec les tordus (côtes-du-rhône sur gibiers) pour tout avouer, ce genre de redondance appartient à l’esprit de la sommellerie que je soupçonne de courte vue. Avec eux le monde semble sortir d’une vignette d’école maternelle. Un lapin se cache dans le paysage… Sauras-tu le retrouver ? Du gras avec du gras, certes, et pourquoi pas rajouter du beurre salé sur le pain de campagne toasté, du saindoux en cube. Il y a un angélisme bien carré, un bon sens (joliment antipopulaire) qui les pousse à boire des vins trop chauds (champagne, vins blancs) dans des verres trop petits, en quantité trop grande. Ah les  sommeliers…, il faudrait peut-être les noyer et nous laisser boire à notre guise… »
* chez Alain Senderens Lucas-Carton
 

« Dans ce passage *, il y avait aussi un bar à vin, tenu par Mark Williamson et Tim Johnston. C’est ce dernier qui m’a appris le vin. J’ai beau demander à mes confrères œnologues de me donner les clés de la cave, ils n’étaient pas tellement chauds pour entrouvrir le caveau. Ils étaient au frais, bordés de bouteilles pour trois générations, pourquoi laisser rentrer les juniors. Ce pli de rapiat est sans doute leur marque de fabrique. Mêmes leurs articles étaient empreints de cette suffisance égoïste. Pas étonnant que les Français n’y pigent que couic en vin, leurs spécialistes sont endormis dans leur hamac, pelotonnés contre leur magnum de morgon. Tim, lui, commença à m’apprendre la prononciation correcte des vins des « kôt diou rwone » : « kôt rwotiii, tchat’o’nef du ‘pap et autres kôôôônasses… »
* passage Berryer place de la Madeleine

" Ce soir-là, avec un camarade, nous avions décidé de demander une belle bouteille pour saluer un évènement (la brasserie * c'est cela aussi). Mal nous en prit en choisissant un grand vin de Bourgogne à 118 euros : de la flotte. Que voulez-vous ? le jour où la Bourgogne cessera de faire des vins transparents, freluquets (mais prétentieux), le jour où les restaurants cesseront d'ajouter des marges saignantes, on reviendra vers elle. Il existe des Bourgognes extra, pas chers, mais pourquoi donc se planquent-ils ? "
* chez Georges porte Maillot

Après de tels amuse-gueules ceux qui trouvent que j'ai la dent dure vont sûrement me trouver trop gentil, complaisant même. Quand aux corporations mises en cause rien ne leur interdit de riposter : les commentaires sont ouverts sur l'utilité des critiques gastronomiques...

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 00:02

Ceux qui n’ont pas vécu l’effervescence échevelée du mois de mai 68 ne peuvent pas comprendre l’étrange état, mélange de frustration, de manque, d’envie de repasser les plats, dans lequel se sont retrouvés certains lycéens qui avaient du se contenter, dans leur bahut de province, du rôle de spectateur de la chienlit chère au vieux général. Beaucoup d’entre eux avaient bien sûr organisé des répliques, des poussées d’acné juvénile, de la contestation contre la machine à ingurgiter, mais ce n’était que des ersatz. Alors, ceux d’entre eux qui étaient monté à Paris pour entrer en Prépa, avaient élevé les évènements au rang d’un mythe fondateur. Ils ne touchaient plus terre. Ils ne voulaient pas descendre de leur petit nuage. Ce coïtus interruptus, fin prématurée de la grande fête de printemps, les plongeaient dans une forme avancée de fouteurs de merde professionnels. L’ordre régnait à nouveau mais la sève vive de ces jeunes pousses, à la tête bien faite, ne demandait qu’à gicler. Et elle giclait : du règlement intérieur tatillon, avec ses contrôles, ses justifications d’absence, du cérémonial des mandarins, du folklore poussiéreux de Louis-le-Grand, ils font table rase. Le tout est possible est autoproclamé. C’est le règne du bon vouloir d’une poignée de trublions. La hiérarchie s’écrase. S’incline. Se couche. La spirale du bordel s’installait.

 

Je débarquais dans ce happening permanent, où ce pauvre Lagarde, le coéquipier de Michard, connu de tous les potaches de France et de Navarre pour ses manuels de littérature, tête de turc n°1, harcelé, bousculé lors d’un concours blanc, débordé, s’écroule victime d’une crise cardiaque dans l’indifférence générale. La Cause du Peuple, le grand organe révolutionnaire, osera écrire « Lagarde meurt mais ne se rend pas ; en l’occurrence l’imbécile réactionnaire pique sa crise cardiaque. Et, alors que l’administration, les réformistes et les révisos s’empressent autour de la sommité académique à terre, le camp antiautoritaire continue son action ; pourquoi s’arrêter pour une autorité académique ? Peu nous importe le sort d’un pauvre type, du moment qu’il cesse de répandre ses insanités ! » Ce n’est pas du karcher mais du lance-flammes. Féroces les tigres de papier, adeptes de l’eugénisme « intellectuel », ils règnent sans partage sur « Base Grand ». Tout le monde s’écrase, le proviseur et le censeur sont aux abonnés absents, les surgés ne voient et n’entendent rien, alors les insurgés s’enhardissent, libèrent le « jardin privé » du proviseur, le portrait du Grand Timonier orne le monument aux morts.

Le soir de mon rendez-vous avec les chefs du groupe Action de la GP, la cellule « gépiste » de « Base Grand  se réunissait. L’ambiance était électrique car la semaine précédente, à l’issue de la projection de l’Orient rouge, opéra socialiste-réaliste à la sauce aigre-douce chinoise du Grand Timonier, où, bien sûr, les larges masses paysannes triomphaient des affreux contre-révolutionnaires, les « nouveaux enragés » s’étaient payés le luxe d’envahir la salle voisine où se tenait une réunion d’une association de parents d’élèves « réac ». Bombages des visons de ces dames, croix gammées sur les murs, horions divers et variés : pourris, bourgeois décadent, crises de nerfs, en dépit de la position minoritaire des larges masses étudiantes les mâles bourgeois décadents laissaient les gardes rouges humilier leurs dignes épouses. En dépit du caractère minable, honteux, de cette action, les « partisans » de « Base Grand » sont donnés en modèle. Portés au pinacle de la Révolution prolétarienne. En entrant dans le hall du vénérable lycée, avec mon jean et mon perfecto, j’eus l’impression de pénétrer sur la scène d’un théâtre d’avant-garde où les acteurs singent le réalisme en se fagotant de guenilles et sur-jouent pour persuader le public de leur engagement extrême à la cause des masses opprimées. Les larges masses de la cellule « gépiste » de « Base Grand », comme me l’avait dit cette ordure de Gustave, n’étaient qu’un ramassis de petits frelons : des impuissants dangereux.

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31 mai 2008 6 31 /05 /mai /2008 08:44

 

À Lourdes c'est plutôt l'eau qui a la cote depuis le scoop de la petite Soubirous à la grotte de Massabiel alors pourquoi sur un site dédié au vin faire une chronique sur un homme qui, avec Jean Prat, dans mes jeunes années, avec son club emblématique du rugby : le FC Lourdes, symbolisait le beau jeu à la Française fait d'inspiration et de panache ? Le Roger Couderc avec sa verve habituelle l'avait surnommé Peter Pan. Quand je suis allé à Lourdes avec le curé-doyen de la Mothe-Achard et les copains enfants de chœur mon imaginaire était plus intéressé par les exploits de Jean Gachassin que par la retraite aux flambeaux et le commerce des gourdes et des cierges. Avec la FC Nantes en football, le FC Lourdes représentait la quintessence du génie français.Tout le problème est là : un choix cornélien entre le beau jeu et l'efficacité ?

Prendre le risque d'ouvrir c'est s'exposer au contre meurtrier. Le 26 mars 1966 la passe de Jean Gachassin à André Boniface que le vent de l’Arms Park rabat dans les bras de l’ailier gallois Stuart Watkins qui file vers l’essai qui va priver le XV de France de son premier Grand Chelem : pensez-donc 9 à 8, un score de marchand de chaussures. ’’Peter Pan’’ Gachassin et les ‘’’Boni’’ seront virés. L’heure des efficaces a sonné avec sa litanie de Fouroux et autre Laporte. Le XV enfile des Grands Chelems, va en finale de la Coupe du Monde mais ne décroche jamais le trophée hésitant dans la dernière ligne droite entre la rigueur mécanique et la libre expression de ses talents individuels. En football, l’Aimé Jacquet avec sa ténacité stéphanoise, trouvera le moyen de décrocher la Coupe du Monde avec un jeu sans génie mais efficace. Et le FC Nantes avec son jeu léché n’a jamais fait des étincelles en Coupe des Champions… Alors me direz-vous, y’a pas photo, ce qui compte c’est de gagner, les moyens d’y parvenir importent peu…
" ... Gachassin fait une passe à Boniface, Stuart Watkins surgit, intercepte l'ovale, crochète Darrouy, feinte à droite, passe à gauche, crochète Lacaze et plonge dans l'embut français : Galles 9 - France 8 !!!" signé BOSC un gars né à Aigues-Vives dans le Gard.

Jeu ou enjeu, le sport n’est plus un spectacle mais le champ clos d’un affrontement entre des équipes nationales ou des équipes cotées en Bourse qui n’ont plus droit à l’erreur. Alors c’est la  « guerre », les jeux du cirque, avec leur lot de chauvinisme, de hooliganisme, de xénophobie… Tout ça pour produire des droits de TV pharaoniques qui irriguent un système de transferts et de salaires « indécents ». Lors de la rétrogradation du RC Lens en ligue 2 j’ai entendu un brave supporter chti Sang et Or vitupérer contre les joueurs du Club qui ne possédaient plus les valeurs traditionnelles de l’ex-pays minier alors que lui se privait de tout sur son déjà pas beaucoup pour aller au Stade. Quand on fait la « guerre » avec des mercenaires se plaindre du peu d’amour qu’ils aient pour les couleurs qu’ils défendent me laisse rêveur. Au tout mercanti sans valeurs j’oppose, non l’autre monde des alters, mais celui des citoyens-consommateurs qui, s’ils relient les deux lobes de leur cerveau ont le pouvoir d’acheter des « produits responsables » au lieu de se gaver de daubes à la Télé et de consommer soit le moins cher du moins cher, soit le plus cher de ce qu’ils croient être le luxe, tout en braillant contre la mondialisation. Bref, j’aime le beau, j’aime le vrai, j’aime ceux qui osent, j’aime aussi ceux qui gagnent, j’aime ceux qui savent perdre avec panache, je suis un petit humain plein de contradictions qui ne se soigne pas…

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30 mai 2008 5 30 /05 /mai /2008 00:08

Le rose est tendance. Très. Il s'affiche. Il s'en fiche. S'en contrefiche. Arrogant. Intrigant. Ardent. Provoquant. Mais aussi charmant. Rosissant. Rafraîchissant. En flacons, tels mille pétales, ils sont pâles, acidulés, vifs, tendres, bonbons anglais, rose bonbon, vieux rose, pas à l'eau de rose mais en bois de rose, orangé, saumoné, de saigné, trémière, de Noël : ellébore j'adore... Séducteurs en diable ces coquins, ces mutins, ils font briller les yeux des filles sur les terrasses des cafés. Elles se prennent toutes pour la BB qui aimait Charrier - Jacques - du temps des robes Vichy et des ballerines. Aujourd'hui, en Vélib, elles volent vers la place Clichy et puis débarquent chez Tati pour le sac à carreaux assortis. C'est de la folie je vous dis. Bon, pour ne pas rajouter une couche de rose supplémentaire, je ne vais en plus vous en tartiner des kilos sur mon pull rose fluo qu'est pourtant si beau. Pour le bourre et bourre et... de pink et pink c'est, vous vous en doutez, un pied de nez aux culs pincés...

Mon premier est rose diaphane, très élégant avec ses 3 filles chapeautées, AB par-dessus le marché, il vient de chez Guy Rambier qu'habite avec ses enfants au pied du Pic St Loup, c'est un 2007 VdP d'Oc, 11%5 et ça vaut dans les 8 euros à la Grande Epicerie du BM. Pour les autres vins allez sur  www.rambier-aine.com/ -

Mon second a un nom prédestiné, domaine Montrose, c'est un rosé saumoné et par-dessus le marché issu des Côtes de Thongue chères à mon coeur. Imaginez des tongs rose saumoné. C'st un 2007, 12%5 dans la même zône de prix que le premier et toujours à la GE du BM. Pour plus de renseignements www.domaine-montrose.com

Mon troisième est un rigolo : l'arrosoir à rosé n°4, rose cerise, embouteillé par une coopé pour Frantz Vènes à Siran dans l'Hérault. Toujours VdP d'Oc 2007, 12%5 et pour le prix un peu plus petit que les deux autres et toujours au Béhème...

 

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 00:04

La citation est de Vincent De Moro-Giafferi. J’en ai fait le titre de ma chronique de ce matin qui est un trois en un : une photo, un texte et un vin…

 

La photo est celle d’une affiche apposée sur la porte vitrée d’un restaurant de la rue Boulard dans mon 14ième arrondissement. Elle m’a plu. Je l’ai mis en boîte. La voici…

Le texte est extrait d’un Cours de Géographie destiné aux Écoles d’Arts et Métiers et est daté de 1938. C’est le seul passage (avec un autre équivalent en volume sur la végétation) sur la Corse dans un ouvrage de 600 pages. Significatif du peu de cas fait en ce temps de la Corse qui n’exportait que ses enfants…

 

« Les ressources de la Corse sont très peu utilisées. Les cultures ne couvrent que 27% de la superficie et le blé ne rapporte que 8 hl à l’ha (moyenne de la France 16). Elles ne comptent vraiment que dans quelques cantons privilégiés : la presqu’île du Cap Corse, la Châtaigneraie, la Balagne et les vallées du Sud-Ouest (Ajaccio). Quand aux plaines de l’Est elles sont infestées par la malaria »

 

Le vin est le Rosé Clos Pioggiale de mon ami Robert Skalli.

 

Médaille d’Or au Concours Général Agricole 2008.

Élaboré à base de Syrah et de Nielluccio.

C’est le petit dernier de Wine Family Skalli, le top du top en tirage limité chez les cavistes et sur les meilleures tables de restaurant...

http://www.clospoggiale.com/vignobles/vignobles.php?pays=1&LangueSite=fr

Comme je ne suis qu'un échotier
qu'un petit écrivain
du vin
ma plume folle
frivole
se laisse-aller
aux plaisir de l'Île de Beauté
oui
je le dégusterai
bien frais
frappé
sur mon yatch
mouillant aux Lavezzi
ou dans une paillotte
picorant des figatelli
avec des amis
ou à la Villa Corse à Paris...

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28 mai 2008 3 28 /05 /mai /2008 00:04

Le bon vin réjouit le coeur de l'homme. Proverbe tiré d'un passage de la Bible (Ecclésiaste Chap. XL... verset 20). L’histoire qui suit, celle du père Baty, « le dernier des marchands de vin » de Montparnasse selon Apollinaire l’illustre avec les extravagances et les hautes couleurs des riches heures du Montparnasse des artistes, des écrivains assidus de son chapelet de cafés : Le Dôme, La Rotonde, Le Select et la Coupole… L’âge d’or.

 

Le père Baty, lui, est un mastroquet – tenancier d’un débit de boissons, le terme troquet dérive de cette appellation – sorte d’auberge de campagne, au coin des boulevards Raspail et Montparnasse. Né à Nohant, la patrie de George Sand, il y a été apprenti pâtissier et, à ce titre, il a livré une grosse tourte à la « bonne dame » mais il est plus féru de bons crus que de l’œuvre de l’auteur de la Mare au diable. Pour la suite de l’histoire je laisse la plume à Jean-Paul Caracalla auteur d’un Montparnasse L’âge d’or chez Denoël 1997 remarquable.

 

« Avec cet air grognon qui ne le quitte guère, le père Baty reçoit dans son restaurant le Tout-Montparnasse des arts et des lettres. Giraudoux l’amadoue en lui révélant les amours ardentes de George Sand ; Apollinaire y entraîne des renégats de Montmartre, Salmon et Carco ; tandis que Cocteau écoute les propos édifiants de Max Jacob, nouveau membre de l’église militante. Le peintre Charles Guérin, émerveillé par les boutades et saillies du dessinateur-graveur Bernard Naudin, en oublie de boire son Vouvray pétillant, puis assure à la cantonade qu’une bouteille à chaque repas est la juste mesure d’un honnête homme.

    Le peintre Diriks, quant à lui, n’a jamais oublié le Beaune, à quatre francs la bouteille, vidée un soir chez Baty. Communiquant son enthousiasme à ses amis et connaissances de sa lointaine Scandinavie, il est, depuis, le placier le plus actif des vins de Bourgogne en Europe du Nord.

    Chez Baty, le client oublie le fricot médiocre en buvant un Chateauneuf-du-Pape gouleyant, un Beaune admirable, un Montlouis exquis, et ce, à petits prix. Le patron éprouve pour sa cave une sollicitude inquiète. On le voit dans la salle humer le vin des clients en chauffant le verre dans sa main pataude et remplacer la bouteille si, au nez ou au palais, il ne l’estime pas suffisamment accompli.

    Une fille morte prématurément, un fils tué à la guerre, le père Baty n’a personne à qui confier la clef de sa cave. Il se retire dans sa petite villa de la Marne, évoquant, dans la solitude, les chaudes soirées de Montparnasse et l’ardoise que Trotski lui a laissée.

    Si le Tout-Montmartre déserte peu à peu la Butte pour Montparnasse, Achille, l’ancien garçon et disciple de Baty, repreneur du fonds, n’en a cure. À quelques temps de là, il s’installe en haut de la rue Lepic. L’élève ayant, dit-on, surpassé le maître, on voit alors, en dépit de la vogue, certains amateurs de grands vins reprendre le chemin de la Butte : Bonum vinum laetificat cor hominis et pour cela qu’importe le lieu."   

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27 mai 2008 2 27 /05 /mai /2008 16:13



Ce matin je suis triste. Un de nos amis vient de nous quitter. Je n’aime pas les départs. Amateur de vin, de bonne chère et d’art, inconditionnel de la France et de l'Italie, Sidney Pollack vient de prendre le dernier train : bon voyage monsieur Pollack, merci pour tout, mais surtout pour ces 3 Jours du Condor http://www.berthomeau.com/article-3508162.html avec votre acteur fétiche Robert Redford que je revois toujours avec le même plaisir. De tous les hommages rendus c’est celui de Georges Clooney que je préfère : « «Sydney rendait le monde un peu meilleur, les films un peu meilleurs et même le dîner un peu meilleur»


À un de ces jours monsieur Pollack...

Un de vos très nombreux admirateurs.  

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27 mai 2008 2 27 /05 /mai /2008 00:02

Nos amis américains champions du monde du gaspillage, de la malbouffe bovétienne, de l’obésité, des sectes et des églises, jamais en reste de percées conceptuelles, aussi fulgurantes qu’inattendues, viennent de faire émerger après les carnivores et les omnivores une nouvelle espèce : les « locavores ». http://www.locavores.com/ Comme l’écrit Corinne Lesnes dans le Monde : « les membres de cette tribu ont fait vœu de ne manger que des produits locaux. Adieu café, riz, chocolat et huile d’olive : tout ce ni pas été produit, préparé et emballé dans un rayon de 160 Km est interdit dans les assiettes… »  http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/05/21/le-regime-locavore-delices-et-delires-par-corinne-lesnes_1047775_3232.html

 


On relocalise donc tout achat de nourriture sur la base des fameux miles always : 1 mile = 1,6 km. C’est d’une simplicité désarmante, je n’ose écrire affligeante. Si l’égotisme absolu de nos sociétés dites postmodernes, gavées, globalisées, provoque ou accouche de telles réponses c’est que certains d’entre nous sont vraiment déboussolés, ou plus précisément n’ont plus qu’une seule boussole leur nombril. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Le plus grand chic fut d’être « carbon neutral »  (mot de l’année 2006 pour le New Oxford American Dictionary, « locavore » étant celui de 2007), en gros compenser toute émission indue de CO2 en plantant des arbres, peut apparaître séduisant, déculpabilisant pour l’urbain isolé, stressé par la tyrannie technologique, mais c’est scientifiquement hasardeux car personne n’est capable de prédire quand les dits arbres vont le relâcher ce foutu C02. Voilà aujourd’hui l’irruption du localisme alimentaire forme nouvelle, à front renversé, car les locavores ne produisent rien, ou presque (on signale un apiculteur qui a 15 ruches sur les toits de Manhattan), de l’autarcie des sociétés primitives, forme dévoyée du luxe de nantis, même si la compote de rutabagas ou la glace aux haricots ne sont pas à proprement parlé des produits de luxe.



Que nous nous interrogions sur l’utilité de faire voyager en cargo la crevette pêchée et congelée par les bateaux écossais de Young’s Seafood dans la mer du Nord pour qu’elle aille se faire décortiquer à moindre frais en Thaïlande puis revenir en Écosse pour se faire conditionner en barquettes me semble relever du bon sens. 27000 km parcourus soit 900 tonnes de CO2 pour 600 tonnes de crevettes trimballées, c’est aberrant. Comme par ailleurs, ces braves crevettes décortiquées vont, dans de gros camions isothermes, gagner les plates-formes de distribution de Carrefour, Leclerc&Cie, pour être rééclatées vers les hypers où pleins de petits urbains ou de petits ruraux avec leurs petites autos iront les acheter pour les entasser dans leurs congélos, la plaisanterie coûte encore plus cher. Pour autant je ne demande pas de ressusciter les chasse-marées et leurs boulonnais (les boulonnais flatulent, donc CO2) pour ramener sur nos étals de poissonniers des belles crevettes bien fraîches, sitôt pêchées, sitôt achetées, sitôt consommées, mais convenez-en, tout ce gâchis, pour « économiser » le geste épuisant de décortiquer ces foutues crevettes à deux balles et pour pouvoir en bouffer en toute saison, confine à l’absurde. Le voyage des tomates produites à Almeria et errant dans la vaste Europe participent elles aussi, comme bien d’autres produits frais, à l’absurdité des modes de distribution, dits modernes.


Tout aussi absurde est l’isolationnisme alimentaire des locavores car il ne peut constituer une alternative crédible aux dérives actuelles liées à des modes de distribution qui déconnectent la majorité des consommateurs du rythme des saisons et les amènent à acheter des produits de plus en plus préparés : par exemple des pommes pelées, prédécoupées en barquettes operculées. Ce type de comportement extrémiste de repus décrédibilise des actions de relocalisations des productions, de circuits courts, de réintroduction de gestes simples dans les cuisines, qui responsabilisent les consommateurs. De plus, il faudra m'expliquer comment le modèle est applicable aux habitants des mégapoles urbaines et comment cet "égoïsme" alimentaire prend en compte les produits solidaires et les producteurs de vanille, de bananes, ou autres denrées exotiques ? Exit ? Le simplisme des locavores fait dire à un journaliste « qu’il est plus écologique pour un New-Yorkais de boire du vin français qui arrive par bateau que du vin californien qui a traversé le pays en camion. »  À ce propos je me permets de rappeler que nos voisins britanniques avec le programme d’action déchets et ressources (WRAP) qui finance depuis 2006 un projet encourageant les producteurs internationaux et les metteurs en marchés britannique à importer du vin en vrac pour l'embouteiller au Royaume-Uni, afin de doper la production de verre britannique, en particulier de verre recyclé devrait nous faire réfléchir.

On va m’objecter que les locavores on s’en tamponne la coquillette et que ce ne sont pas eux qui changeront la face d’un monde alimentaire en  pleine crise. J’en conviens sans problème mais je me permets de signaler que notre charmant nectar, produit de luxe ou de pure festivité, donc n’entrant pas dans la ration alimentaire de base, ne peut continuer dans notre beau pays de tradition d’ignorer ce type d’attitudes qui sont le terreau de phénomènes « répulsifs ». Les attaques contre nos « vignes sales », nos vins « bourrés de pesticides », nos vins à quelques euros qui se baladent en bouteilles, forment le terreau de base pour ceux qui appellent au boycott de Vinexpo. La guerre économique que j’évoquais dans ma chronique sur les pesticides http://www.berthomeau.com/article-18312616.html ne relève pas de la paranoïa mais d’un strict constat. L’ignorer, faire comme-ci ça n’arrive qu’aux autres, relève de l’inconscience. Nos débats actuels sur la gouvernance de la filière : interprofession nationale or not interprofession nationale, en se concentrant sur les structures, les « pompes à finances », passent à côté de l’essentiel : les questions d’intérêt général communes à l’ensemble des régions et des métiers.

 

Je n’ai pas planté de tomates sur mon balcon cette année… Bonne journée à tous avec mention particulière à ceux qui ont des potagers…

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25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 00:00

Avant de me rendre au rendez-vous à « Base Grand » je demandais à mes commanditaires de me faire parvenir un papier sur Robert. Je ressentais le besoin de le décoder, de mieux comprendre sa trajectoire afin d’éviter de me prendre les pieds dans le tapis avec ses petits camarades qui l’avaient « excommunié ». Ce type me glaçait. Je pressentais en lui tout le capital d’intransigeance des hommes d’appareil, sûr d’eux-mêmes, de leurs implacables analyses, imperméables à tout ce qui n’était pas la cause, insensibles aux petitesses de la réalité. Et pourtant, à l’atelier, sur les chaînes, dans le système Citroën, la vie de tous les jours ne collait pas avec les attentes de cet intellectuel en mal de contact avec les prolétaires. Loin d’être comme un poisson dans l’eau, mon Robert se retrouvait sur du sable sec, privé de son élément naturel, incapable d’agir selon ses schémas, soumis comme les autres à la chape du boulot, de la fatigue extrême, de la routine des gestes, de la connerie des petits chefs, de la suffisance des impeccables, de la soumission et parfois même du stakhanovisme de beaucoup de collègues, du temps qui file, des soucis familiaux, de la peur des nervis, de la débrouillardise et de la bonne humeur de ces damnés de la terre. Ici on survit. On s’économise. Parfois, comme une houle soudaine, la masse s’anime pour protester contre un temps de pause écourté. On court tout le temps après le temps. Tout n’est que parcelle, les conversations, les pauses, la cantine, l’embauche, la fin de la journée. On s’égaille. Les « larges masses » ne sont que des escarbilles, aussi grises que les poussières de l’atelier de soudure, qui flottent sans jamais vraiment prendre en masse. Je voyais bien que Robert était désemparé.

 

Le PQ des RG sur Robert au temps de sa gloire de grand timonier de l’UJC (ml) alors que les barricades s’érigeaient au Quartier Latin et que les « émeutiers » s’affrontaient avec les mobiles et les CRS et qu’il campait à Ulm dans son splendide et orgueilleux isolement, comme à l’habitude consistait en un ramassis de ragots de fond de chiottes et d’analyses foireuses. Il en ressortait tout de même que notre homme ne dormait plus, vivait dans une excitation extrême car, déjà, la réalité échappait à ses schémas théoriques. Lui qui rêvait debout de la jonction des étudiants avec le prolétariat assistait au dévoiement d’un puissant mouvement par des « petits bourgeois ». C’était infantile. Il enrageait. Voir des non-organisés confisquer le grand élan de la révolution populaire, la transformer en un happening violent, à coups de pavés, de manches de pioches, dans les quartiers bourgeois, le plongeait dans un abime d’incompréhension. Lui et ses amis prochinois avaient beau distribuer un tract « Et maintenant aux usines ! » pour exhorter les étudiants à migrer vers la banlieue, la où vivent et travaillent les larges masses, ils sont à côté de la plaque. Hors la vie, comme toujours. La garde rapprochée de Robert, même si certains sont ébranlés, comme Roland et Tiennot, par la spontanéité et la force de la rue, ne réfute en rien sa dialectique impeccable. La force des avant-gardes, ce noyau dur, d’acier trempé, est d’avoir raison contre tous. Personne n’ose l’interrompre, il sur l’Olympe, sourd dans sa bulle d’exaltation. Sauf, et c’est le genre de détail qui fait bander le RG de base, qu'une voix discordante s’est élevée pour contester le n°1, l’interrompre, c’est Nicole, sa femme. Crime de lèse-majesté, cette femelle osait lui balancer que les choses ne se passaient plus ici, dans ce huis-clos surréaliste, mais dans la rue. Le maître l’avait viré sans ménagement, avec un argument d’autorité : " elle n’avait pas le droit de parler dans ce Saint des saints des détenteurs de la vérité révolutionnaire." Le reste, insinuations sur qui couche avec qui, ne présentait aucun intérêt, sauf bien sur pour les gros cons de la Grande Maison que ça excitaient.

 

Pour Robert c’était le début de la chute aux enfers. Il souffrait. Ne mangeait plus. Divaguait. Il déraillait. Il décollait. Il fuyait le réel dans un discours de fou. Ses lâches compagnons de route, même s’ils s’inquiètaient de son état, soit se planquaient, soient le laissaient délirer au nom de je ne sais qu’elle soumission à la toute puissance du guide. La dernière clé d’explication d’une situation qui lui échappait c’était bien sûr la théorie de la machination, d’un complot ourdi par une improbable alliance entre le pouvoir et les social-traîtres. Bouclé à double tour dans son hermétisme, il savait. Jamais il n’en démordrait. Mes petits camarades listaient alors un incroyable enchaînement de faits qui montraient que le brillant intellectuel passait la frontière de la raison. Ses actes étaient autant de degrés dévalés qui précèdaient l’effondrement. Robert soraitt de sa tour d'ivoire, de son réduit, pour se rendre rue le Peletier, au siège du PC, pour offrir son soutien à Waldeck Rochet, sauver la classe ouvrière contre elle-même. Refoulé par les sbires il rédigeait alors une lettre d’insulte à Mao qui s’est déclaré en faveur des barricades. Accompagné d’un ami, il  prenait un train, se sentant traqué il sautai en marche. Tout cela me paraît totalement fou, je doute. En définitive Robert est hospitalisé et se retrouvait en cure de sommeil. Tout ça et bel et beau et bien sûr sert mes plans : je vais cyniquement mettre le doigt où ça fait mal et exploiter le Dieu déchu.

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