Succéder au charismatique et visionnaire René Renou à la présidence du Comité National Vins et Eaux-de-Vie de l'INAO pour mettre en oeuvre la réforme que celui-ci appelait de ses voeux et dont il avait fait acter les grands principes avant de nous quitter n'est pas une sinécure. La nomination d'Yves Bénard à ce poste stratégique, s'il a pu surprendre certains, me semble être le signe d'une vraie prise de conscience de l'importance d'une approche du produit réellement tournée vers la satisfaction de nos consommateurs et de ceux qui souhaitent le devenir. Homme d'équilibre et de dialogue, homme d'une grande région : la Champagne où la réussite semble naturelle, homme d'un grand groupe alliant marques et tradition, homme de la vigne aussi, Yves Bénard est bien armé pour prendre à bras le corps cette réforme avec le souci de la transparence et de l'efficacité. Bien sûr, l'oeuvre est collective, et une grande part de la dynamique viendra des professionnels eux-même. Tout naturellement Vin&Cie se devait de le soumettre à ses Trois Questions.
Question 1 : Pour Agnès Payan, une ex-INAo devenue vigneronne, la réforme de l'INAO c'est " on change la couleur de l'enseigne (syndicat en ODG) ; on repeint la façade, ça rafraîchi et on fait croire que l'on bouge alors que l'on prend les mêmes et on recommence..." Alors Yves Bénard pure cosmétique ou début d'un vrai changement ?
Cette réforme sera en partie ce que les professionnels voudront en faire, mais le législateur a prévu des évolutions fortes que l'INAO est chargée de mettre en oeuvre.
L'objectif central est une séparation des pouvoirs entre ceux qui font et ceux qui contrôlent - et entre le syndicalisme et la gestion des appellations - je parle de la création des ODG.
Bien sûr on aurait pu souhaiter des structures juridiques apportant plus de garanties à l'autonomie des ODG, mais les délais de mise en oeuvre étaient courts, tout en rappelant que l'INAO a la responsabilité de veiller à ce qu'il n'y ait pas de mélange des genres.
La mise en oeuvre de cette réforme en cours de ratification par le Parlement est prévue pour la vendange 2008 et j'espère qu'on y verra un changement avec - ne l'oublions pas - la réécriture des décrets, véritable cahier des charges où chaque appellation devra écrire ce qu'elle fera et faire ce qui aura été écrit.
J'attends de cette réforme de la transparence, de la crédibilité et de l'efficacité.
Question 2 : Michel Bettane, sur Vin&Cie, déclare " je ne crois pas à l'efficacité supérieure d'organismes indépendants car il n'y a par exemple aucun diplôme capable de garantir qu'un dégustateur est à même de juger de la conformité d'un vin à l'expression du terroir..." Quadrature du cercle, mission impossible, Yves Bénard, que faire pour redonner confiance en notre système ?
Je suis tout à fait d'accord avec les propos de Michel Bettane et c'est pourquoi le système actuel qui donne le baptême de l'appellation sur les seuls contrôles analytiques et organoleptiques n'est pas satisfaisant.
La réforme a prévu une procédure d'habilitation pour chaque opérateur, et un plan de contrôle pour chaque appellation qui portera sur une série de points critiques, qualitatifs depuis la vigne jusqu'à l'embouteillage.
Le respect de ces points de contrôle conférera l'appellation aux vins élaborés par l'opérateur concerné et lesdits vins seront dégustés par sondage et au plus près de leur commercialisation.
En outre les jurys de dégustation pourront être élargis à des professionnels autres que ceux de l'appellation concernée, en faisant appel par exemple à des sommeliers, cavistes ou consommateurs avertis.
Je souhaite personnellement que les dégustations portent plus particulièrement sur l'identification des défauts, rendant le vin non loyal et non marchand, car il n'y a pas qu'une seule expression du terroir et la complexité de nos vins AOC est une vraie richesse qu'il faut non seulement préserver, mais même susciter.
Question 3 : Le Ministre vous a chargé d'animer un groupe de réflexion sur la compétitivité des entreprises. A votre avis la mule n'est-elle pas déjà lourdement chargée avec des CVO pas toujours bien utilisées, des redevances et cotisations diverses qui maintiennent des structures en vie ? Vous le champenois, homme d'entreprise, seriez-vous partisan d'une simplification de notre organisation interprofessionnelle pour la rendre moins coûteuse, plus privéen et sans doute plus efficace ?
Telle qu'elle est formulée, votre question est une réponse en elle-même que je partage, même si le champagne est un exemple peu transposable dans les autres régions viticoles.
Beaucoup de travaux et de recommandations existent depuis Booz Allen en 1995, en passant par Cap 2010 et le seul vrai sujet porte sur la volonté de réforme, sur la décision politique de faire bouger les lignes et de remettre en cause les structures existantes qui pour certaines d'entre elles ont 70 ans, alors que le monde viticole a connu beaucoup de révolutions depuis cette époque.
Structures plus légères, lisibilité de l'offre, segmentation mieux adaptée aux marchés, fonds publics mieux utilisés, coûts de produits mieux maîtrisés, contrats amont-aval privilégiés = vous connaissez la musique et je ne compte pas proposer un rapport de plus, mais plutôt un plan d'action qui nécessitera de vrais changements.
RV au Printemps 2008.
Merci Yves Bénard. A vos claviers chers lecteurs.