L'actualité est bonne fille et les grands médias moutonniers : « La liste noire des prix qui flambent » de 60 Millions de Consommateurs tombe comme un scoop. Va-t-on, comme au temps de François Missoffe : suivre le boeuf, en l'occurrence ici la vache au lait d'argent... Alerte à Matignon, les fins limiers de la DGCCRF sont lancés sur la piste broussailleuse des marges, le petit jeu « de ce n'est pas moi c'est l'autre» : Buisson de l'ANIA d'un côté, l'omniprésent MEL de l'autre, fait fureur, au Salon de l'Agriculture c'est l'omerta du côté des producteurs... Certains vont même regretter le contrôle des prix. Pour ma part, déjà quelque peu agacé par l'hypocrisie ambiante, j'avais commis, voici une dizaine de jours cette petite chronique que je tenais au chaud, je vous la livre en pleine surchauffe médiatique.
« Cherche pouvoir d’achat, désespérément ! »
Vaste programme !
Ma réponse simplette, même si elle ne satisfera ni les économistes distingués qui vont brocarder mon approche par l'infiniment petit, ni les politiques plus portés sur les grandes envolées que sur le riz au lait, a au moins le mérite de dégager, sans effet de manche, du pouvoir d’acheter sonnant et trébuchant.
En clair, faire pour moins cher soi-même vaut mieux qu’acheter le moins cher du moins cher de chez Leclerc qu'est déjà beaucoup trop cher. Economiser 2 euros par ci, 2 euros par là, tout en s’offrant un produit de qualité équivalente voire supérieure, n’a rien à voir avec se serrer la ceinture, piocher dans son épargne, mais relève d’un choix intelligent.
Je signale à mes détracteurs que ma proposition redonne du pouvoir au consommateur-citoyen. Et qu’on ne vienne pas me dire que mon fichu riz au lait si on ne le fait pas soi-même c'est par manque de temps : un petit quart d’heure pris sur les 5 heures en moyenne de la sacro-sainte téloche ce n’est pas le grand retour des corvées domestiques. Rassurez-vous mesdames, sous le flou de mon «on» ne se cache aucune femme renvoyée devant ses fourneaux, la gente masculine peut, sans aucun problème technique, s'atteler à la fabrication du riz au lait. J'en suis le plus bel exemple.
J’en viens maintenant à ma petite démonstration qui consiste à comparer :
- le prix au kg d’un riz au lait à la vanille de la marque la plus vendue sur le marché : La laitière du groupe Nestlé *
à
- 1 kg de riz au lait à la vanille fabriqué par mes soins avec des ingrédients équivalents
et à
- 1 kg de riz au lait à la vanille fabriqué toujours par mes soins mais avec des ingrédients de haute qualité.
* Le choix de La Laitière n'est pas innocent : cette marque créé par Chambourcy avant que cette entreprise ne tombe dans l'escarcelle de Nestlé, avec son identité «produit fait comme autrefois» renforcé par la référence au tableau de Vermeer, joue sur des codes faux et passéistes, son leitmotiv, « le vrai bon goût des vraies bonnes choses », tout à fait en phase avec les nouvelles aspirations des consommateurs : caractère rassurant, terroir, qualité... Alors, je les prends au mot les marketeurs aux idées courtes : je fais la Laitière moi-même et j'y gagne...
RIZ au lait Saveur Vanille la Laitière NESTLE :
Prix au kg constaté : Carrefour-Leader Price entre 4,33 euros/kg et 4,46 euros/kg
INGREDIENTS : lait entier (61%), sirop de saccharose-glucose (eau, sucre, sirop de glucose), eau, riz (10%), crème (3%), sucre, amidon de riz, émulsifiant(E471), stabilisants (carragbénanes, gomme de xanthane, farine de graines de caroube), sel, arôme vanille, colorant (rocou).
RIZ au lait Maison avec ingrédients équivalents :
1 Litre de lait entier stérilisé Leader-Price : 0,76 euros/kg
250g de riz rond ED : 0,17 euros
1 sachet de sucre vanillé Alsa : 0,26 euros
100 g de sucre blanc : 0,16 euros
20 cl de crème fraîche Carrefour : 0,50 euros
Total : 1,85 euros/kg
RIZ au lait cru de vache jersiaise dit Berthomeau :
1 Litre de lait cru de vaches jersiaises : 1,92 euros/l
250 g de riz rond blanc d’Italie : 0,43 euros
½ gousse de vanille bourbon : 1 euros
100 g de sucre roux Bio : 0,29 euros
Total : 3,64 euros/kg
Le compte est bon :
- le pouvoir d’achat gagné est de l’ordre de 2,40 euros pour la première comparaison ;
- pour la seconde, avec un produit de haute qualité gustative, on arrive encore à gratter de l’ordre de 0,60 euros ce qui donne une idée de l'ampleur des marges que se tassent les «têtes d'oeuf » de Vevey.
Si j’écris de l’ordre c’est, qu’en effet, je ne suis pas en mesure de chiffrer le coût du gaz ou de l’électricité nécessaire à la cuisson de mon riz qui doit équivaloir à l’épaisseur du trait.
De plus, vous l'aurez constaté, dans mon riz il n’y a que du riz, du lait et un peu de sucre, les nombreuses « cochonneries », l’eau, le glucose et le sel sont éliminés et, au bout du compte, je propose plus de matière en poids résiduel que le produit manufacturé. Le delta de pouvoir d’achat dégagé par ma main à la pâte est donc légèrement supérieur aux chiffres affichés.
Enfin, je ne génère aucun déchet : mon riz je le sers dans des ramequins de verre alors que la Laitière est livrée en pots plastiques et suremballage. Pas de transport non plus, donc c’est bon pour la taxe carbone.
Attention, moi qu'on estampille «homme des marques» je ne suis pas en train de jeter aux orties tous les produits manufacturés et marketés, je me permets seulement de mettre en exergue que l’innovation produit, proche de zéro, sur le riz ou la semoule au lait ne justifie pas un tel surcoût et, qu’au-delà des grands débats consuméristes ou liés à une production plus respectueuse de l’environnement, des antiennes des chantres du soi-disant toujours moins cher que moins cher, des discours éculés des y’a ka augmenter le pouvoir d’achat, les consommateurs-citoyens ne peuvent se contenter de pures incantations, ils se doivent de modifier leurs comportements, de prendre pour la part d'autonomie qui leur reste leurs responsabilités, et adopter des pratiques où l’on réintroduit dans le quotidien de la valeur travail. Les choix micro-économiques, dans nos économies complexes, permettent aux grands acteurs économiques d’intégrer les nouvelles donnes : trop de marketing nuit à notre porte-monnaie. L'économie domestique, même si elle a régressé sous les coups de boutoir du prêt à consommer, reste la matrice de notre mode de vie. Bien sûr, mes histoires de riz au lait vont faire s'esclaffer les beaux esprits qui vont me mettre au piquet pour faute grave contre les grands modèles macro-économiques. Par avance je les en remercie mais sans faire de mauvais jeu de mots avec mes histoires de riz au lait : rira bien qui rira le dernier...