Les vins NICOLAS, et les boutiques qui vont avec, pour les parisiens surtout, sont partis intégrantes de notre patrimoine historique et culturel. Cette vieille maison, 1822, a su au travers du temps cultiver et maintenir une image de caviste généraliste de qualité. A noter, pour la nouvelle génération de cavistes qui ne vendent que des vins de propriétés, que la maison Nicolas à toujours su proposer tous les vins de France, vin de table y compris, à sa clientèle et marier avec bonheur son statut de négociant et de distributeur de vins et spiritueux. Le service du vin, conseils et livraisons, fait aussi parti de la culture de cette entreprise. Reste un point : l'innovation produit et publi-promotionnelle, où Nicolas fut un pionnier comme en témoigne la diversité et l'originalité des objets publicitaires : affiches et matériel publicitaire d'un goût très sûr. Quand est-il aujourd'hui, où la déferlante packagière semble résumer à elle seule le génie des concepteurs de produits ?
Avant de répondre à cette question, je vous inflige quelques souvenirs persos. Tout d'abord, mes premiers achats de vin à Paris je les ai fait chez Nicolas. Le gérant, vu l'état limité de mes finances, me conseilla un St Georges d'Orques, VDQS du Languedoc sympathique et à la hauteur d'un palais de jeune consommateur formaté à la piquette du pépé Louis. Ensuite, dans mes années SVF, à Gennevilliers-Port, avec ma petite équipe : Alain et Gilbert , nous avons gagné contre les gens de chez Castel le contrat de sous-traitance de l'embouteillage des vins de table de Nicolas. Ce fut une belle compèt et un challenge dont on nous disait - notre PDG surtout, ce cher Axel R...) qu'il n'était pas tenable. Ironie de l'histoire, deux années après SVF tombait dans le giron du groupe Castel qui avait racheté aussi Nicolas. Moi j'étais ailleurs et ce n'est pas sans émotion que je reçus, dans la salle à manger du Ministre, l'ensemble des élus du CCE de la SVF.
Mais revenons à ma chronique du jour : l'innovation produit chez Nicolas. Pour moi, l'irruption du concept Petites Récoltes, au début des années 90 je crois, dans l'univers ringard de vins qui singeaient les grands, fut une anticipation géniale. Tout y est simplissime, sans prétention, frais comme les étiquettes colorées, léger comme les bouteilles transparentes, doux comme les prix et surtout une déclinaison de ce que doivent être les vins de pays : des venus de petits coins de France aux noms qui fleurent bons les vacances : Côtes de Thongue, Collines de la Moure, Pays d'Aigues, Pays des Maures, Cité de Carcassone... Simple et de bon goût, on a plaisir à poser la bouteille sur la table de pique-nique ou tout près du barbecue. Quelle belle famille ! Une famille qui est toujours présente et qui n'a pas pris une ride. Du beau travail de négociant distributeur.
Et puis voilà t'y pas que sous la pression des barbares onefépluke koozé de vins de cépages : Chardonnay, Sauvignon, Syrah, Pinot noir, Cabernet Sauvignon, Merlot et quelques autres. Nicolas comme les autres s'y colle et ça donne une étiquette où le cépage en gros caractères s'expose en mettant en avant les initiales : par exemple Sy pour Syrah ou Gr pour Grenache. Fort bien, moi quand ça sort, il y a 3 ans je crois, ça ne me convainc pas. Peu importe me dis-je, c'est le consommateur qui décidera. La sortie récente de la ligne Grains de Cépage, qui relooke la gamme cépage, semble montrer que mon peu d'appétit pour la présentation ancienne a été partagé par les acheteurs. Les marketeurs maison cette fois-ci jouent dans la cour de la mode en invoquant l'esprit de collection et en déclinant dix robes irrésistibles... à coordonner en toutes saisons... Du premier coup d'oeil on sent la filiation avec petite récolte par la bouteille et les tons des fonds d'étiquette, avec une touche classieuse : le gris de la coiffe et du fond du nom " grains de cépage ". C'est de la belle ouvrage mais ça manque de génie. Encore trop rigide, trop engoncé, guindé, ça manque de liberté, les grains de cépages manquent d'un soupçon de grains de folie, de la signature d'un vrai créateur : un jeune loup de la mode, chic et branché.
Quant au petit commentaire sur l'étiquette : par exemple pour le Pinot Noir : fin et vrai, il révèle un nez de griotte confite et de cassis ou pour le Chenin : aux aromes d'abricot, de fruits blancs et d'accacia il offre une belle rondeur, ça me gonfle. Mais bon ça doit plaire au jeune cadre dynamique qui se la pète. Enfin, la grande question qui colle aux vins de cépage : d'où viennent-ils ? L'info est renvoyée sur la contre-étiquette : 4 viennent d'Oc Cabernet sauvignon, Chardonnay, Chenin et Merlot ; 1 Comté Tolosan Gamay ; 1 pays de l'Ile de Beauté ; 1 Jardin de la France Sauvignon ; 1 Portes de la Méditerranée : Syrah. Sur le catalogue il est écrit qu' " être né quelque part..." pour un vin aussi c'est important oui mais rien n'empêche, selon les opportunités, de trouver une autre origine à chacun de ces cépages. Dernier point d'importance, je n'ai goûté aucun de ces vins, mes remarques sont de pure forme et, après tout, ce qui compte c'est ce qu'il y a dans la bouteille. Séduire est une chose, charmer en est une autre, tous mes voeux accompagnent ces grains de cépage.