Si vous souhaitez mettre un pet d’animation dans un petit mâchon de « francs buveurs » risquez-vous à mettre le sujet des vins naturels sur le tapis. Ça peut facilement tourner au vinaigre, si je puis m’exprimer ainsi sans être taxé de prendre parti pour l’un des camps, et finir comme dans le célèbre dessin du dîner de famille de Caran d’Ache, « ils en ont parlé » (détail historique Caran d’Ache était antidreyfusard car notoirement antisémite). L’animation, certains diront même la provocation, étant ma vocation première, et comme cette maison n’est pas une maison close – la maison close est très tendance en ce moment grâce je crois à un truc chic et choc sur Canal + et les gros bouquins rouges sur le sujet ornent les rayons de Noël – je ne résiste pas au plaisir de le faire. Simplement la maison à en sainte horreur les horions, elle déteste les pugilats avec coup bas, elle ne tolère pas – normal vu la référence précédente – les procès d’intention.
Ici donc Espace de liberté, et j’ouvre en conséquence ce matin ma porte à deux auteurs : Laetitia Laure et Hervé Guillaume qui m’ont fait parvenir un charmant petit opus cartonné titré : Balade œnologique Vignerons « nature » de la Loire. C’est beau comme un bonbon emmailloté dans un papier. Et puis c’est un petit éditeur Le lou du lac. Et puis ils ont pris soin de mettre des guillemets à « nature ». Et puis la Loire c’est au-dessus de chez moi, ça parle à mes souvenirs : l’île de Behuard, le stade Marcel Saupin et la biscuiterie LU, Maurice Genevoix... mai 68... le quai de la Fosse. Et puis dedans il y a plein de vignerons que j’aime. Bref, j’ouvre grande la porte ! J’offre l’hospitalité.
Qu’est-ce qu’un vin naturel ?
« Il est bien difficile de trouver une définition académique au « vin naturel ». On le dit « naturel » par opposition au vin technologique, industriel, conventionnel, « formaté ». Ce qualificatif est-il le bon ? Le nombre de détracteurs qu’il rassemble est tel que cela n’est pas si sûr.
Mais on ne peut pas pour autant parler de vin « bio », la réglementation ne le permet pas – une notion était en débat à la Commission Européenne, mais le projet a été abandonné en juin 2010, en particulier en raison d’un désaccord sur les doses de soufre ajouté. Seul le raisin peut être bio ; le vin est un produit issu de raisins de l’agriculture biologique. De fait, pour identifier une catégorie de vin, le mot qui s’est imposé depuis quelques années est le qualificatif « naturel », de plus en plus souvent, vin « nature ».
Il y a néanmoins un leitmotiv qui rassemble les faiseurs du vin naturel : le moins d’intervention possible. Une conduite de la vigne au plus proche de la nature, culture en biologie ou en biodynamie, zéro pesticide, zéro désherbant. Pas d’utilisation de molécules issues de la chimie de synthèse.
Autrement dit, pas d’intrant non plus à la vinification, parce que le raisin est vendangé mûr et sain. Ni acidification, ni chaptalisation, pas de levure de synthèse mais des levures indigènes, très peu de soufre, parfois pas du tout. La vigne, puis le vin, sont simplement « guidés », accompagnés.
Il n’existe pas de cahier des charges précis. Les hommes qui élaborent du vin naturel souscrivent à un cahier des charges intellectuel, qui n’est ni encadré, ni reconnu officiellement.
Pour ces vignerons, la vigne est l’expression de la nature, la vendange (le raisin) exprime le sol, le terroir ; cela justifie l’application des méthodes les plus douces : l’agriculture biologique pour les uns, la biodynamie pour les autres.
De la même manière qu’il ne faut pas confondre vin « naturel » et in « bio », et même si la tendance est forte à réduire l’apport de soufre en vinification, il ne faut pas réduire le vin naturel à l’absence (ou presque) de soufre ajouté. »
Voilà la réponse à la question, suivent, jusqu’à la page 43, les travaux de la vigne, les traitements, la vendange et la vinification. Le restant visite des vignerons dont le naturel est incomparable – moi je suis incorrigible – en remontant la Loire à partir de Sancerre, Pouilly puis l’Orléanais, Cheverny, la Touraine, en passant par Montlouis, Vouvray puis par les Coteaux-du-Loir et Jasnières en traversant la Sologne et la vallée du Cher, en musardant du côté de Chinon, Bourgueil, Saumur, en descendant en Anjou pour allez ensuite près de chez moi en Muscadet et dans les Fiefs Vendéens.
Vais-je ajouter mon grain de sel ? La réponse est non. Non au nom d’un quelconque poncepilatisme, qui n’est pas vraiment dans ma nature, mais parce que, contrairement à ce que j’ai écrit en exergue de ma chronique je ne souhaite nullement faire de la provocation, mettre de l’huile sur le feu, mais bien au contraire pacifier la question, dépasser les controverses stériles pour que chacun puisse vivre sa vie sans se croire obliger de montrer ses voisins du doigt ou inversement se retrouver dans la position d’un paria. Ce n’est pas du consensus que j’appelle de mes vœux mais tout bêtement la recherche d’un socle commun permettant de faire progresser le plus grand nombre vers une viticulture de précision, respectueuse de la pérennité de son terroir et de la construction d’une viticulture durable. Faire des choix ne signifie pas pour autant estimer qu’il n’y a qu’une seule et unique voie à choisir, sinon nous retournons immédiatement au pugilat et là je me dis je n’aurais pas du en parler...
Ceci dit vous il ne vous pas interdit d'en parler sur mes lignes...