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18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 00:09

« Associer le vin et la musique est un geste sans fondement, un parcours guidé par aucune étoile polaire... » voilà une fraîche honnêteté qui laisse bien augurer du projet de ces « dégustateurs de vinyles » et « écouteurs de bulles», ces iconoclastes, ces provocateurs : un DJ gastrophile musical et « un buveur qui écrit pour se payer le vice et se bat pour un développement buvable » deux italiens Donpasta né dans le talon de la botte le Salento dans les Pouilles, adepte du farniente « les montagnes il les contemple de loin, et ça le fatigue déjà... » Candide, « napolitain dans l’âme et gitan par choix, raconte être né sur la terrasse d’un café, où se trouvent ses seules racines et où il veut mourir. » Des phrases appelées à devenir culte telle que « Et surtout, le verre doit être troué, il se vide tout seul ! » Je partage avec eux la même philosophie sur le vin « il faut le boire. Rien ne sert d’en parler, et encore moins d’écrire dessus. » et la « même envie d’extraire le vin de la mise en scène théâtrale dans laquelle il est souvent enfermé. »


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Wine Sound System publié par autrement 17 euros est un opus joyeux et jubilatoire qui invite à jouer avec le vin en se laissant guider par ses sensations, à l’écouter en le partageant. Parler du vin en musique en débouchant une bouteille, en ne s’adressant qu’au cœur et à l’âme, en magnifiant le dolce farniente, c’est un vrai projet de vie où la légèreté, ce doux zéphyr qui élève, donne de la hauteur, prend la valeur d’une philosophie. Ce livre est tout sauf un guide, « nous ‘avons choisi que trente bouteilles », des coups foudre, choix fondé « sur l’amour et, parfois, l’émotion qu’a suscitée en nous la rencontre avec quelques producteurs et leurs vins. » Ces vins sont majoritairement compris dans la fourchette de 10 à 20 euros, parfois même moins de 10. Détail d’importance pour les chauvins que nous sommes « la présence d’un nombre important de bouteilles françaises. » Vous l’avez compris ce bouquin sans règles du jeu me botte – j’suis 100% italien en ce moment – « on peut s’y adonner avec n’importe qui et n’importe quel genre de musique ; à chacun de trouver le son qui s’accorde bien le vin. Alors... à vous de jouer ! »

 

Cet accord, et musical, et amical : les trois vignerons choisis sont des amis, me plonge dans une volupté abyssale. Francis, Olivier, Patrick qu’il est bon de nous connaître, « un peu de douceur dans ce monde de brutes... », nos liens par le vin, par cette amitié confiante et sereine, c’est une parcelle d’humanité, le bien le plus précieux : «  à la vôtre, à la nôtre et à tous les autres qui voudront bien partager avec nous notre goût immodéré de la convivialité... » Santé !

 

Champagne millésimé 1988 (Raymond Boulard)


« Qu’y  a-t-il de plus poignant qu’un vieux champagne ? Francis Boulard, compagnon de quelques aventures, nous a fait cadeau d’une bouteille de sa réserve familiale. Les bulles sont encore vives, mais l’effervescence a perdu a perdu de son ampleur. Nous reconnaissons le pain d’épices caractéristique. Le moelleux est équilibré par le coing et l’abricot. Les notes tertiaires sont les plus difficiles à décrire, comme il est difficile de dire la mélancolie qui accompagne nos journées les plus heureuses. Comme si la joie ne voulait pas oublier ses humbles origines, la fatigue dans les vignes et la douleur qui l’a fait naître. Une note de truffe blanche retrouvée devient, une fois que le verre est vide, le fil de mille pensées. »

Nina Simone


« J’ai vu Nina Simone en concert lorsque j’avais 14 ans, par une chaude journée d’août, sur la place de Lecce. La chaleur qui unit le corps et le monde. Adolescent encore imprégné des cris perçants du punk, j’ai vu la douleur se transformer en fierté et en sourire, pieds déchaussés et dos redressé, danse du bassin et regard de femme. 

Nina Simone m’a appris la limite entre la rage et le refus. Entre la violence et l’art. À travers le son des mots. Ceux qui font le plus mal. En cette nuit d’été, elle m’a offert le cœur que j’avais enfoui pour laisser la place à mes coups de poing colériques et à mes cris aphones. Pour elle, la révolte consistait à moduler sa voix pour parler le langage des bébés qui viennent de naître, lorsqu’ils sont tous égaux. Ne rien coupe. Je conseille tout de Nina Simone. Sinnerman et Srange Fruit sont mes préférés.

 

Amy Winehouse


« Mais pour une fois, je vais t’épargner le plaisir mélancolique de l’association vin rouge et chanson triste existentielle que j’aime tant, et je vais laisser la reine, Amy Winehouse, accompagner mon chablis. D’ailleurs, avec un nom pareil, elle doit s’y connaître »

« Miracle. Il existe encore des disques qui, certes, sont fait pour être vendus, mais qui savent aussi être incroyablement beaux. On avait un peu perdu leur trace, en raison de la stupidité des producteurs qui pensent que les gens sont complètement formatés.


(...) La production de l’album Back to Black d’Amy Winehouse est précieuse et soignée, mais en même temps roots et rétro, entre Motown et le hip hop des De la Soul (...) Back to Black est un album magnifique. Il faut espérer qu’il ne se fer pas écraser par le fantasme de l’artiste maudite, dont raffolent les maisons de disques et les journalistes, qui y trouvent le moyen de distraire les gens du caractère tragique du monde et de l’espoir d’un art plus pur. »

Chablis Bel Air et Chardy 2006 (De Moor)


(...) nous sommes entrés dans un bistrot pour acheter cette bouteille, comme c’est le cas le plus fréquent. La paresse se paie : il est un peu trop jeune, c’est la cuvée la moins minérale. Ce 2006 est très bon mais jeune, donc de caractère changeant. Il se présente en sourdine, timide, replié sur lui-même et protégé par sa réduction, mais en bouche, la trame est déjà magnifique, soyeuse. Il entre ensuite dans un état d’excitation et explose en un fruit de la passion charnu. Par excès de générosité, il perd son équilibre et fait de l’ombre à une belle veine minérale qui commence à se prononcer. Le peu qui a survécu à notre soif nous a séduits, quelques heures plus tard par sa finesse. De délicates notes de gingembre et de santal, la veine minérale et acide met de l’ordre et de la perspective. La timide et ténébreuse petite fille s’est transformée en une adolescente ébouriffée et extravertie, pour devenir, enfin, une magnifique bouteille de chablis. »  

Donpasta – Tu as déjà lu La danse immobile de Manuel Scorza ?

Candide ne l’a pas lu car il est allergique à la littérature sud-américaine. Moi non plus mais j’aime la littérature sud-américaine et l’anecdote contée par Donpasta est brûlante. Je ne la déflore pas mais ce corps à corps, cette valse d’union chantée par Léonard Cohen « je me déguiserai en fleuve, ma bouche sur la rosée de tes cuisses.. ». Ensuite il lui prépare un dîner d’amoureux où il dépense ce qu’il n’a pas dans ses poches. Nuit de bohème « un coteaux-du-layon accompagnait les crevettes à la papaye (...) Il ne repartit jamais. Elle, par contre, s’en alla. Légère. (...) Puis il écrivit La Danse immobile. » 

 

Coteaux-du-Layon SGN 1999 (Patrick Baudouin)


« C’est un vin imposant, qui a le caractère et la carrure de son producteur, Patrick Baudouin, dont il partage aussi le destin. Aimé ou détesté, profondément dans les deux cas. Il a l’air d’un vin monolithique avec ses cent dix grammes de sucres résiduels, mais il possède aussi des notes aromatiques intenses : des fruits secs (abricot) à la poire, en passant par la classique écorce d’orange. La première gorgée a le caractère direct et agressif d’un rouge, mais, après une entrée grandiose, la trame se déstructure et le monologue devient conversation. Des notes épicées, salines, citriques. L’acidité équilibre les sucres et la matière et réussit à imprimer au vin un second mouvement qui nous intrigue et finit par nous séduire, maintenant l’énergie du début, tout en devenant confidentiel, tendre. Ce geste initial presque agressif devient une caresse, une embrassade timide. »

 

Léonard Cohen


« Il a toujours dit qu’il faisait de la musique parce qu’on ne peut pas vivre de la poésie. Take This Walz est le résultat d’une plume heureuse, comme si dans la musique il avait continué à faire de la poésie. Sa première période est caractérisée par un folk raffiné aux influences dylaniennes incontestables. C’est de cette période que datent la plupart de ses chansons les plus connues : Suzanne, So Long, Marianne, entre autres. L’estime est partagée puisque Bob Dylan, à son tour, chante encore aujourd’hui Hallelujah de Léonard Cohen à chacun de ses concerts.

Dans les années 1980, Léonard Cohen a complètement changé de style et s’est laissé séduire par des sons électroniques. Je pense qu’il est, avec Gainsbourg, le seul artiste à avoir utilisé sans dommage les synthétiseurs de cette époque. Dans I’m Your Man par exemple, les rythmes lents et raides du son digital mettant vraiment en valeur sa voix de papier de verre et de bourbon. »

Vraiment un livre à boire sans aucune modération...

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16 juillet 2011 6 16 /07 /juillet /2011 00:09

 

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Vin&Cie est de plus en plus un Espace de liberté qui s’enrichit chaque jour de vos contributions postées en commentaires. J’en suis bien aise. Contribuez, contribuez et, même si mon territoire équivaut à celui d'un timbre-poste, à celui d'un confetti de l’empire, qu’importe, c’est ainsi que nous donnons de l’oxygène à notre démocratie qui étouffe de bien-pensance et de l’affaissement de l’information déversée à flux continu par des médias sans boussole ni colonne vertébrale.

Ce matin donc, j’ouvre – je suis un demi d’ouverture qui s’ignore – une nouvelle rubrique : courrier des lecteurs. Profitez d’elle, au-delà de vos simples commentaires à chaud venez y déposer des textes plus réfléchis, plus écrits, ce qui ne signifie pas bien sûr des textes plus consensuels. Pour preuve quand un vigneron m’interpelle « excuse, mon frère, mais t'es à côté de la plaque... » à propos de mes écrits récents sur le chai de Cheval Blanc je ne monte pas sur mes grands chevaux, je poste. Et je poste sans plaidoyer en défense. À vous de juger, pas au sens de dire forcément qui a raison ou tort mais d’apporter votre propre contribution à un débat qui me semble en valoir la peine. Bonne lecture. Les commentaires sont toujours ouverts.

 

Mon cher Jacques,

 

 

Nous avons été invités, toi comme moi, à l'inauguration du nouveau chai de Cheval Blanc et ton sentiment est positif, enthousiaste, même, car tu me dis, devant mes réticences à peine expliquées, qu'il faut dissocier le « projet » qui est positif, de mon sentiment personnel que j'exprime sur la réalisation. Certes, je veux bien t’accorder que le « projet » qui consiste a booster les vignobles bordelais et les faire rentrer dans le XXIe siècle ne peut être taxé de mauvaise chose sous peine d'être soi-même taxé de rétrograde, de frileux. Et en cela, je suis d'accord avec toi : un chai moderne, quelle bonne, bonne « idée » ! Mais si au nom de « l'avancée moderne » je dois accepter ce paquebot lourd, froid, presque rétrograde et totalement inadapté a son usage, qu'est le « projet «  Arnault/Frère/Portzamparc, excuse, mon frère, mais t'es à côté de la plaque et comme, te connaissant, je sais que tu ne flagornes pas, je me demande alors ce qui te prend !

 

Le « projet » de la Grande Motte était louable : donner a la masse populaire le droit égal à celui de la bourgeoisie de pouvoir se prélasser au bord de l'eau. Dans la « réalisation », pourtant, quel massacre !Le « projet » des tours (de la Défense, du 15e, des périphériques...) était intéressant pour ce qu'il apportait comme image copiée sur les États-Unis, symbole jusqu'à peu, de vitalité et de domination conquérante sans vague a l'âme. Dans la réalité, que d'horreurs conçues, que de personnes étouffants dans des espaces équivalents à ces fameuse cages a lapins-lapins bourrés de myxomatose dont on sait aujourd'hui, qu'élevés en plein air sous cloches grillagées posées juste sur de l'herbe, ils ne sont et ne tombent jamais malades, sans parler de perspective massacrée qui peine l'oeil ad vitam. Vais-je continuer ainsi ma simpliste démonstration ?

 

Il y avait 12 millions sur la table, 13 avec les dépassements. 13 millions, Jacques : une bagatelle suffisante pour faire du « projet » Cheval Blanc une réalisation mêlant toutes les avancées extraordinaires de développement durable d'aujourd'hui ( matériaux recyclables, éclairages solaires, jardins sauvages de graminées utiles au sol, écochauffage, etc), toutes les audaces techniques du métier de vigneron, toutes les envies de faire découvrir ce métier formidable complexe au moyen de salles de dégustations privées et publiques représentant le meilleur de la tradition et du moderne. Las, ce paquebot est le reflet exact – et c'en est même incroyable – de ses maîtres et de ce qu'ils ont installé partout dans le monde : l'image Cheval blanc n'est qu'une image censée en jeter... Mais qui ne récolte rien... Ah, si, j'oubliais, du raisin –il en faut encore pour faire du vin – vite oublié par le prix du flacon. Non, vraiment, mon cher Jacques, mon « gout » personnel a peu à voir avec ta rhétorique. Le « projet » Cheval Blanc est un ratage magistral car, comment peut on avoir l'oeil amoureux devant cette réalisation sans audace aucune du XXIe siècle, et qui ne dégage rien ?

 

Je réserve donc mon « œil » amoureux pour d'autres réalisations architecturales viticoles ayant su mêler l'émotion de la terre, du bois, de la matière, du « jus » divin à la technique, au grandiose assumé magnifiant peut-être la puissance financière de celui qui l'a commandé, mais ayant compris ce qu'est réellement le vin : du plaisir, de la sensualité, du nectar des dieux, et cela éprouvé, ensemble : pardon de faire dans le style Gavalda, mais ensemble à Cheval Blanc pour y boire ce « jus » pourtant si délicieusement fait ? Non merci, cher Jacques. La prochaine fois que t’y vas, écris-tu, pour voir les tuyaux : parle seul au personnel technique, au maitre de chai, installe toi dans la salle de dégustation vite faite au dernier moment en alibi, cale toi prés d'une barrique : vis, sens le lieu avec ceux qui vont l'animer. Et dis-moi alors, si ceux qui font le vin à Cheval Blanc, auront pu animer avec leur flamme ce « projet » virtuel ?

 

Un vigneron désolé

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15 juillet 2011 5 15 /07 /juillet /2011 00:09

Je poursuis les gestes de mon vigneron de Vinzelles, avec un peu de retard car juin a été fort chargé tout en étant bien en avance sur le plan climatique. C’est une belle réflexion sur la mécanisation des gestes du vigneron, la mise en perspective de ce qu’était son travail dans les vignes. Je le dédie à la fois à mes amis du château Tire-Pé pour les pétulances de Coquette, et à la néo-vigneronne Catherine Bernard.

 

C’était l’époque où l’on souffrait à la main.

Mais cette technique comportait de graves inconvénients : malgré toutes les précautions prises, la main saupoudreuse ne témoignait pas d’une équité parfaite : ici, des catons de soufre s’amoncelaient inutilement ; là des feuilles et des grappes échappaient à la bénéfique distribution.

Et quelle lenteur dans l’exécution de la tâche, cependant que le fléau progressait à pas de géant, d’année en année.

Comment intervenir avec plus de promptitude et d’efficacité ? Les vignerons, pour une fois, ne se mirent pas en frais d’imagination ; les quincaillers vinrent à leur secours, leur proposant des appareils nouveaux ; certains utilisèrent une espèce de pomme d’arrosoir, munie, à sa base, d’un tamis aux mailles serrées. Il n’était que de secouer l’ustensile au-dessus des ceps. Les résultats déçurent : la vaporisation demeurait inégale, et le poignet subissait une véritable torture, trop vite lassé de cette redoutable gymnastique.

D’un meilleur usage fut le soufflet, une sorte de soufflet à feu, nanti d’un réservoir de tôle, en forme de cône tronqué au sommet. Le soufre cheminait au travers un long tuyau, terminé par une spatule. L’engin crachait la poudre en un brouillard vaporeux, qui imprégnait grappes et feuilles, sous toutes leurs faces.

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Pourtant, c’était exténuant de tenir, toute une journée, à bout de bras cet outil, dans le va-et-vient continuel qu’il fallait imprimer aux deux poignets.

Aussi, en quatre-vingt-dix, accueillit-on avec faveur la soufreuse à hotte.

C’est avec un instrument de ce genre que le lendemain, à la première heure, le Toine se rend aux Fromenteaux.

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Sur le char, lui, le pulvérisateur, un sac de soufre. Tout ça, ça n’est pas trop lourd à traîner. Est-ce là la raison qui fait pétuler la Coquette ? Ou, songerait-elle que son maître va l’attacher après un saule à l’ombre savoureuse, avec une bride pas trop courte ? Ainsi, pourra-t-elle, en tirant sur la corde, et en allongeant le col, chaparder quelques bouchées d’herbe bien fraîche dans le pré du père Largipe.

Parvenu à destination, le Toine dételle sa jument, pour l’attacher au lieu de ses rêves.

Puis, il remplit de poudre sa soufreuse, récipient cylindrique, qui ressemble étrangement au petit poêle rond installé par le coiffeur de Sacy dans sa boutique : même forme, même grosseur ; dans l’ouverture circulaire ménagée à la partie supérieure de la paroi on pourrait emmancher son soufre, à l’aide d’un ustensile de sa fabrication, un demi cylindre de tôle, coupé dans un vieux tuyau de poêle, du côté épargné par les morsures de la rouille.

Le récipient plein jusqu’à la gueule, le Toine le saisit par les bretelles, le soulève jusqu’à la hauteur de son dos, et, avec une adresse consommée, enfile, l’une après l’autre, les cordelières : un sursaut des épaules, une traction des mains au bas des bretelles, et voici la hotte qui fait corps avec l’homme.

Le Toine va et vient au long des rangs, d’abord en montant, puis en descendant...

De la main droite, il actionne le levier de pression, de la gauche, il promène son tube lance-poudre, sur les sarments, l’agite de bas en haut, de haut en bas,et, parfois, d’une torsion du poignet, lui imprime un mouvement de semi-rotation : la vigne dissimule ses frondaisons, sous le halo jaune d’une impalpable poussière.

- « Quand même, murmure le Toine, c’est plus pratique que le soufflet. On transporte davantage de marchandise, et ça pèse moins lourd sur le dos qu’à bout de bras. Pis, avec le système de pression, la poudre se répartit encore mieux...

Maintenant, peut-être qu’on aura plus besoin de soufrer ? Y ‘en a qui flanquent le soufre dans la bouillie de sulfate... Moi j’attendrai de voir ce que ça donne avant de me lancer là-dedans. Les expériences, y’a des fois que ça coûte cher ! Quand on peut, y vaut mieux les laisser faire aux autres... »

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14 juillet 2011 4 14 /07 /juillet /2011 00:09

Si les loups sont entrés dans Paris en 68 par la voix de Reggiani link les ouvriers, eux, s’apprêtaient à en partir : le quai de Javel ne rimerait plus avec Citroën. Première délocalisation vers ce qui était la zone au-delà des barrières de l’octroi. Et le vin dans tout ça ? Il n’est plus lui aussi dans Paris – Bercy c’est fini – où « le Parisien ne croise plus d’ouvriers que son  garagiste, un plombier et, derrière la palissade qu’il longe en voiture, la Babel sans cesse renouvelée des immigrés du bâtiment. » Les premiers métros sont noirs. Marx ne pourrait plus écrire, comme en 1850 dans les Luttes des classes en France * « Si, par suite de la centralisation politique, Paris domine la France, dans les moments de séismes révolutionnaire les ouvriers dominent Paris. » et Baudelaire respirer l’air parisien forcément prolétarien. « L’ouvrier ne fait pas seulement la révolution à Paris, il a fait Paris » : creusé, monté pierre à pierre, érigé... Paris populaire «  atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? »  la gouaille d’Arletty dans Hôtel du Nord, de Gavroche à Montand, de Maurice Chevallier au Gabin jeune avec le renfort de Prévert, Renoir et Carné. » et que faisait « le sam’di soir après le turbin, l’ouvrier parisien... » L’ouvrier habitait à l’est des rues Saint-Denis et Saint Martin au nord de la Seine, Saint Jacques au sud : le Paris des classes dangereuses et le Paris convenable. Cette part de la ville réchauffait 2 bastions révolutionnaires : les faubourgs Saint Antoine et Saint Denis. Même les Grands Boulevards avaient un boulevard populaire d’un côté, un boulevard dandy de l’autre. C’est Haussmann qui fait véritablement de Paris deux villes, pas symétriques, concentriques : « Une riche et une pauvre. Celle-ci entourant l’autre. La classe malaisée est comme un immense cordon enserrant la classe aisée » selon le mot de Corbon » Et puis c’est la banlieue Nord qui va se teinter de rouge. Alors « qu’à Paris, la classe ouvrière était composite : pour partie conservatrice, pour partie anarchiste, pour partie réformiste et pour partie organisée autour de partis ouvriers » celle de la « banlieue rouge » va se calcifier sous la férule des staliniens du PC, puis se désagréger jusqu’à verser dans le marigot fangeux du borgne.  

     © Keystone

La popotte : ou comment faire entrer un cheval dans une gamelle en métal émaillé.

 

« Poulot raconte l’alimentation de l’ouvrier marié : « s’il demeure près de l’atelier, sa femme lui donne pour sa goutte du matin et son tabac ; s’il est éloigné, elle met dans un bidon ad hoc soupe et pitance, il achète le pain et le vin [...] La vie est très chère à Paris : les aliments, le vin, etc. sont souvent, par leurs prix élevés, une cause de gêne, mais le travailleur trouve encore les moyens de s’arranger : il prend les bas morceaux de la viande de cheval ».

 

L’Assommoir : le quand-est-ce-que ?

 

« Le marchand de vin, c’est le mastroquet, le minzingo, le marchand de coco. On s’y retrouve, entre autres occasions, pour le quand-est-ce-que ? abréviation de « quand est-ce payes-tu ta bienvenue, ton embauchage ? » Y avoir du crédit, c’est avoir de l’œil, et quand on n’en a plus, c’est que l’œil est crevé ; ne pas y payer, c’est faire un pouf. »

 

Les grands bars « au luxe tapageur, maisons aux enseignes éblouissantes de dorures, la façade crépie de couleurs criardes, fascinant les buveurs par les multiples bouteilles factices étagées en rangs serrés. Entreprises commerciales installées aux carrefours les plus passagers, elles appartiennent à des syndicats de gros négociants en vins et alcools, qui écoulent là des produits spécialement fabriqués en vue de la spéculation la plus productive. »

C’est-à-dire des produits qui doivent tout à la chimie et à peu près rien à la nature, le vin n’étant parfois que de l’eau colorée de campêche, de fuschine »

Une pancarte verte prévient que le marchand de vin ne garantit ni le contenant ni le contenu. À compter du 26 août 1894, la loi Griffe interdira aux débitants de vendre des vins mouillés, sous peine d’amende, de prison, de la perte des droits civiques et politiques. Pour 15 centimes, on boit là « un café avec un petit verre » ; pour la même somme un verre d’absinthe. »

 

« Sur le « boulevard du crime » les spectacles commencent dès six heures du soir et comptent 1é à 15 actes [...] Les cordonniers et les bronziers futurs fondateurs de l’Internationale, joue aux dominos au café de la Bastille, tenu par Cornu. Puis la partie de belote ou de zanzi remplacera, sous la III e République, les dominos ; le cinéma aura raison des théâtres du boulevard du crime. La passion des courses de chevaux « abrutissoir populaire » selon l’Almanach du père Peinard, ne semble pas, elle, prête de s’éteindre. »

 

Le dimanche c’est la « partie de campagne sur les bords de Marne, avec friture et canotage » On y part de la gare de la Bastille. Le prix du billet de chemin de fer était plus élevé le dimanche ce qui faisait s’insurger Nadaud « Élever le prix de nos moyens de circulation les jours de fête, c’est blesser la conscience de tous les travailleurs » ; c’est les pousser aux cabarets. »

 

 

Barrières : Vin et lapin (sauté) sont les deux mamelles de la barrière

 

« Vin et lapin (sauté) sont les deux mamelles de la barrière : le vin parce qu’ici, outre l’octroi, il est détaxé ; le lapin parce qu’on est déjà comme à la campagne. Le signe de croix du pochard se ponctue d’un triple « lapin sauté » ! [...] Aux barrières ont lieu des bagarres entre bandes rivales, les bals et les rassemblements revendicatifs ou politiques. Le vin y échappe à l’impôt, le corps à l’organisation du travail, l’expression à la répression policière. Mais la ville grignote sans cesse la frontière et le bourgeois (au sens de citoyen-citadin) rattrape l’ouvrier »

 

La zone et les apaches

 

La zone non oedficandi qui ceinture Paris, zone de servitude militaire de plus d’un millions de m2, comptait au début du XXe siècle 30 000 habitants, ouvriers pour majorité « plus d’un tiers étaient nés à Paris, dont ils avaient été chassés par l’haussmannisation. Plus de 40 000 personnes occupaient encore le tour des fortifs en 1926.

Les « apaches » habitent plutôt Belleville, Ménilmontant ou Charonne, et ne viennent à la zone que dans les guinguettes ; seuls les plus pauvres d’entre eux traînent sur les fortifs. »

 

Les apaches c’est le prolétariat encanaillé, l’illégalisme et l’immoralité sont ses synonymes. Pépé Marx le qualifiera de lumpenprolétariat, pépinière de voleurs, de criminels, d’individus sans métier précis vivant au crochet de la société, des « gens sans feu et sans aveu. » Des « brochets » équivalent des maquereaux, de la chair à guillotine.

 

Source de cette chronique Paris Ouvrier des sublimes aux camarades d’Alain Rustebholz chez Parigramme

     © Keystone

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12 juillet 2011 2 12 /07 /juillet /2011 00:09

Toute la presse parisienne en parle : de « la dernière née des pâtisseries fines parisiennes » (sic) Hugo&Victor, ça sent à plein nez le déjeuner de presse. Oui vous savez, ils sont venus, ils sont tous là, y’a même... ils se bousculent aux abords des saintes tables, se pourlèchent, cancanent, et parfois prennent des notes même si le dossier de presse est tout de même un sacré bon support.

 

Sans jouer les ramenards je me permets de signaler au troupeau que dans une chronique du 4 novembre 20010  Pèlerinage : Œufs coque de Marans, welsh rarebit, millefeuilles et un verre de Pouilly Ladoucette au Flore link j’écrivais « Marc, mon garçon à la face Fleurie, me demandait « un dessert ? » Comme je me sentais bien je lui répondais d'un « oui » franc et massif qui me valait le conseil d’un Millefeuilles de derrière les fagots en provenance récente de nouveaux venus au 40 rue du Bac Hugo&Victor http://hugovictor.com  . Je prends ! Vérigoud – pardon David – le Millefeuilles étant, avec le Baba au Rhum et l’Éclair au chocolat, l’une des rares pâtisseries que j’apprécie, hormis la tarte aux pommes que je fais moi-même. »

 

Vous me direz 8 mois d’avance c’est l’épaisseur du trait pour la peuplade vibrionnante des goûteurs patentés tout de même un peu mou du coude. Bref, dans le texte ci-dessus vous pourrez noter qu’hormis le Millefeuilles et le Baba au Rhum, j’adore l’Éclair au chocolat, d’où cette chronique un peu goguenarde. Au Flore le Millefeuilles m’avait semblé au niveau fort relevé des prix de cette crèmerie et je n’étais pas allé vérifier chez Hugo&Victor celui payé par le petit peuple du VIIe arrondissement de notre belle capitale. Alors, lorsque je suis tombé sur le déferlement médiatique j’ai noté le prix 5,20€. Sans tomber dans le vulgaire je me permets de souligner que cela semble être le prix syndical chez Hugo&Victor puisque c’est aussi celui de l’Éclair au chocolat.

 

Pour illustrer mon propos j’ai choisi le supplément Sortir de Télérama organe de presse bien-pensant, très donneurs de leçons, proche des préoccupations du peuple, avec bien sûr courrier des lecteurs très « je donne des leçons à tout le monde... » Qui lis-je sous la plume de G.Py qui s’extasie sur des produits « aussi beaux à regarder que délicieux à déguster.

« Éclair au chocolat. Cet éclair (5,20€) est définitivement l’un des plus goûteux de la capitale, grâce un crémeux parfait, fruit d’un savant mélange de chocolats grand cru. »

 

Remarque sur cet enthousiasme :

- le monsieur il déguste, il n’achète pas d’où son peu d’intérêt pour le niveau du prix.

- le monsieur déclare que c’est le plus goûteux de la capitale ce qui suppose qu’il a fait une dégustation comparative (voir l’éclair au chocolat d’un MOF élu le meilleur de Paris ci-dessous).

- le monsieur ne s’inquiète pas du prix de revient de la chose : quand on aime on ne compte pas et tout le différentiel est bien sûr dans les chocolats grand cru. (ça devait être dans le dossier de presse).

 

Qu’Hugues Pouget et Sylvain aient du talent je n’en disconviens pas puisque voilà huit mois j’ai apprécié leur Millefeuilles mais un peu de réflexion journalistique ne nuirait pas ou alors c’est à la limite de la promotion rédactionnelle. Pour pousser mes investigations d’un petit coup de vélo je suis descendu rue Wurtz cher Laurent Duchêne http://www.laurent-duchene.com MOF dont l’Éclair au chocolat fut élu il y a quelques années le meilleur de Paris. Le prix : 2,70€. Donc il ne me restait plus qu’à filer Bd Raspail, au 40, chez Hugo&Victor pour faire une dégustation comparative (coût de l’opération 6,90€)

L1020060.JPG Pour le comparatif du prix de nos deux éclairs au chocolat :

- le H&V pèse 85 g ce qui le met à 62€ le kg

- LD pèse 100g ce qui le met à 27€ le kg

- le H&D est donc plus que 2 fois plus cher que le LD.

- au plan de la présentation le LD est classique dans sa présentation, dodu, nappage extérieur glacé et placé sur un papier sulfurisé traditionnel ; le H&D est plus chichiteux : une plaque de chocolat est posé avec une pastille arborant le logo HV en lettres d’or. L’éclair est posé sur un carton en U frappé du nom des auteurs de l’œuvre.

- l’éclair de H&D a été placé dans une boîte de carton toujours au nom des concepteurs. Celle-ci a ensuite été déposée dans un beau sac toujours  floqué au timbre d’Hugo&Victor. Une serviette en papier ornée des 2 noms a été rajoutée. (Bilan carbone exécrable les petits loups mais vous ne pouviez pas savoir puisque vous, vous n’achetez pas vous vous contentez de déguster) Du côté de LD l’éclair a été emmailloté simplement mais élégamment dans un papier aux armes de Laurent Duchêne.

 

Mais quittant la boutique de Laurent Duchêne je passais devant Monop et l’idée saugrenue me vint de voir dans son rayon vins si je dégotais une belle bouteille à 5,20€. J’entrais donc. Croyez-moi si vous le voulez mais je n’ai pas trouvé une seule quille à ce prix : pas assez marchand de chaussures sans doute. Que faire ? Aller au-un peu au-dessus pour que les gastronomes en culottes longues ou en panty ne m’accusassent point de parti-pris. Je jetai donc mon dévolu sur un Clairet Château Sainte-Marie 2010 et ce pour 3 raisons :  L1020057.JPG

- j’adore le Clairet, nul n’est parfait ;

- ce vin a été sélectionné par le Jury Monoprix Gourmet drivé par Bettane&Desseauve (c’est du sérieux j’ai assisté à l’épreuve le 7/05/2009 À « Grains Nobles » une labellisation « Gourmet Monoprix » avec Bettane&Desseauve au pupitre  link - mes informateurs m’ont indiqués que Gilles&Stéphane Dupuch du château Sainte-Marie  sont de jeunes et excellent vignerons.

- le prix 5,50€.

 

Sans  vouloir charger la mule du sieur de Télérama défenseur du pouvoir d’achat des couches laborieuses qui s’est « offert » pour faire couler les merveilles « un divin moscato d’Asti à 20,80€ »la boutanche « sélectionné par le fameux sommelier Frédéric Béal » moi je fais dans le populaire mais si l’addition totale se monte pour moi à 12,40€ (peut-être pourrais-je l’envoyer à Télérama auquel je sers un abonnement depuis une éternité ?). À noter que lorsque j’avions été chez H&D j’avions point vu le dit moscato d’Asti mais La Nine 2009 (entre autre) de JB Sénat (y’a pas à dire les Audois se positionnent dans les beaux quartiers).

L1020061.JPG L1020063.JPG

Voilà le résultat des courses chers lecteurs. La dégustation des deux éclairs s’est déroulée en 2 temps :

- chaque demi-éclair a été dégusté à l’aveugle, donc pas par moi ;

- les 2 autres demi-éclairs ont été dégustés par ma pomme.

 

Résultats :

 

- Pour la dégustation à l’aveugle la dégustatrice préfère le (1) Laurent Duchêne plus dans la tradition de l’éclair au chocolat dit-elle même si le (2) H&V est d’un goût assez subtil mais sa couverture de chocolat rigide se marrie mal avec l’ensemble, fait bande à part.

- Pour moi-même remarque cette dichotomie nuit à la dégustation de l’éclair, ça fait des petits éclats durs dans la bouche. Le plus de H&V c’est qu’il est beaucoup moins sucré que le LD et pour moi ça compte.

- En conclusion, même si ma dégustatrice et moi-même ne possédons certainement pas les hautes compétences gustatives de G.Py, mais nous sommes de réels amateurs et de chocolat et d’éclairs au chocolat, nous pouvons vous assurer qu’il n’y a pas vraiment pas 1,50€ de différence entre l’Hugo&Victor et le Laurent Duchêne. Ni les ingrédients, ni la main-d’œuvre ne le justifient, c’est le grand n’importe quoi des soi-disant stars de la spatule. Attention je ne les mets pas tous dans le même sac : je suis un fan de Pierre Hermé.

 

Permettez-moi pour tirer une morale de cette histoire, car il s’agit en l’occurrence de morale, de poser les questions suivantes : 

« Journaliste or not journaliste ? »

Et « est-il envisagé dans les grands organes de presse d’édicter un code de déontologie à l’attention du petit peuple des qui se disent chroniqueurs gastronomiques ? »

Et enfin « c’est quoi le respect du consommateur ? »

 

On peut me rétorquer que nul n’est obligé de s’offrir un Éclair au chocolat à 5,20€. J’en conviens aisément. Ce que je conteste c’est le mode opératoire qui se généralise des goûteurs patentés qui « découvrent » ce que l’on veut bien leur faire découvrir. Ils ou elles chassent en meute, vont là où elles ou ils sont invités (pas toujours bien sûr). Un petit effort camarades, bougez-vous le cul ! Venez donc jusque dans le XIIIe qui ne sent pas le gaz dégoter de bons artisans. Franchement faire, tous ensemble, de Hugo&Victor une découverte 8 mois après moi ce n’est vraiment pas sérieux mais ça le lecteur ne le sait pas... Autant le Millefeuilles de H&B mangé au Flore était sublime, autant leur éclair au chocolat n'est pas le phoenix de ces bois du père Py.

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11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 00:09

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La France est le troisième fournisseur du marché italien en volume et le premier en valeur. La présence de la France se fonde principalement sur le Champagne125.019 milliers d’euros sur un total de 156.289 milliers d’euros. Le marché du Champagne en Italie s'apparente à un marché mûr. Le Champagne représente plus de 95 % du volume et de la valeur des vins effervescents français importés par l'Italie. Les autres vins effervescents enregistrent de faibles résultats dans la mesure où l’Italie produit ses propres bulles avec le Proseco.

 

Le marché mondial des bulles se porte. Entre 2004 et 2009 les vins pétillants autres que le champagne ont progressé d'environ 2,6% pour atteindre 169,2 millions de caisses. Au plus fort de la récession, les vins pétillants n'ont enregistré qu'une baisse de 0,9%, bien moindre que les autres catégories. Par comparaison, les ventes de champagne ont chuté de 3,6%. Un rapport de ISWR sur les tendances 2010 pointait la crise économique mondiale comme étant à l'origine de l'augmentation de la demande pour les vins pétillants espagnols et italiens: «La corrélation entre la chute spectaculaire des ventes de champagne et la tendance à la hausse des marchés pour des produits moins chers comme le prosecco et le cava constitue une preuve irréfutable de l'abandon des produits de luxe pour des vins aux prix plus accessibles». Pour ma part je serai moins catégorique sur l’abandon des produits de luxe sur lequel, et tout particulièrement le Champagne, la crise a eu un effet à la fois sur le positionnement prix et le déplacement de la demande vers de nouveaux marchés.

 

Pour revenir à l’Italie il faut rappeler que le prix d'une bouteille de Spumante varie de 8,50 euros pour une qualité moyenne à 18 euros pour la meilleure qualité. Les meilleurs crus se vendent à 45 euros la bouteille, soit la moitié des champagnes de marques. Laissons là les chiffres pour s’en tenir à ma simple impression visuelle lors de mes pérégrinations vénitiennes. Chez mon caviste Dai do Cancari il est le seul produit mis en avant de façon significative (voir photo) flanqué d’une bouteille de Blanquette de Limoux.

L1010980.JPG

Au vol j’ai noté :

- en magnum Bollinger Spécial Cuvée 190€ et Roederer Cristal 2002

- en bouteille Charles Mignon brut grande réserve 1er cru, Palmes d’or vintage 1997, Ayala brut majeur 65 €, Louis Roederer brut premier 75€, Moët Réserve Impériale 58€

- pour la Blanquette de Limoux : Domaine de Fourn à Pieusse brut 2008 médaille d’or concours du SIA 32€  http://www.robert-blanquette.com

 

Pour le reste de l’offre de vins français j’ai noté :

- un Mercurey Faiveley 2005 La Framboisière Monopole

- un Grand Echezeaux DRC 1992 n°05996 sur 12211 bouteilles

- un Château Margaux 1994

- un Monbazillac Château la Sabatière magnum 240€

- un Sancerre 2006 Comte Laffont

 

Enfin, sans prendre de notes j’ai pu constater dans une autre vineria proche du pont du Rialto le même type d’offre avec toutefois une plus large offre de vins tranquilles français mais comme je cherchais un casse-graine je n’ai pas eu le temps de prendre des notes.

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Pour terminer ce rapide survol je ne puis m’empêcher d’ironiser sur nos chers cavistes black béret.  Imaginez-vous entrant chez l’une de ces stars de la quille boboïste et d’y découvrir des bonbonnes de vin. Horreur, malheur, vade retro satanas, péché mortel, excommunication, flagellation, crime contre le petit producteur qui fait tout à la main... Et pourtant, chez Dai do Cancari y’a des bonbonnes avec des petits tuyaux qui vont nicher leur bec dans les bouteilles des clients. Pire que cela, il le mette en avant dans leur vitrine et, pire encore, ils vendent du vin dans des bouteilles en PVC. Au risque de me voir traduit devant le tribunal des grands prêtres du vin de propriété et d’être exposé en place de Grève, je trouve ça sympa et intelligent. S’ils le font c’est qu’ils ont des clients pour ça. Oui c’est popu et alors, c’est très carbon neutral non ! Bon je n’en rajoute pas une couche mais au moins nos amis cavistes italiens sont des gens pragmatiques et plus soucieux de leurs consommateurs que leurs confrères prétentieux de notre doulce France. Je signale aux ceux qui me jetteraient aux chiens que Dai do Cancari propose à ses clients une belle gamme de vins bio.  L1010844.JPG

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9 juillet 2011 6 09 /07 /juillet /2011 00:09

Oui, je sais, c’est un peu facile, un tantinet putassier, mais le feuilleton de l’été qui a fait irruption un petit matin de juin sur nos écrans nous réserve vraiment son lot de rebondissements. Le poids des mots le choc des photos, en l’occurrence ce sont surtout ces dernières qui nous ont bousculés. Déferlement, emballement, un vrai torrent de boue... et puis rebondissement, la tendance s’inverse et c’est à ce moment que resurgit Banon.

 

Banon est un charmant petit village des Alpes-de-Haute-Provence adossé au plateau d'Albion entre Lure et Ventoux dans les collines chères à Jean Giono. 878 habitants et plus de 100 000 livres à la librairie « Les Bluets » de Joël Gatefossé menuisier originaire de l’Essonne qui raconte avoir « cassé sa vie » à la mort de ses parents en 1990 et être venu s’installer un peu par hasard à Banon. Les débuts sont difficiles puis c’est le décollage et enfin le succès du au bouche à oreille.  41591_38604058314_1093205_n.jpg

Le banon est un petit fromage français de 6 à 7 cm de diamètre, au lait cru de chèvre d'une centaine de grammes issu d'anciennes recettes des fermes des Alpes-de-Haute-Provence. Les chèvres sont exclusivement de races provençale, rove et alpine et elles doivent paître sur les collines de la région pendant au moins 210 jours par an. Fromage à pâte molle à croûte naturelle, élaboré à partir de la technique du caillé doux et moulé à la louche avant d'être habillé, à la main, dans des feuilles de châtaigniers brunes et liées par un brin de raphia naturel (il est auparavant trempé dans l'alcool pour éviter les moisissures). Le ramassage des feuilles, qui doivent être récoltées brunes, se fait en automne lors de leur chute. Elles sont ramassées par des équipes de saisonniers sur le plateau d'Albion, dans les Cévennes, en Corse et en Ardèche.

 

Un premier affinage « nu » de 5 à 10 jours est suivi d'un second affinage dans la feuille de châtaignier d'une dizaine de jours. À l'abri de la lumière et de l'air, ce procédé unique lui confère une pâte onctueuse et un moelleux indescriptible, avec des arômes spécifiques, fruits de l'alchimie entre la fermentation au caillé doux et la migration des tanins de la feuille de châtaignier vers le fromage. Une soixantaine de petits producteurs dont la Fromagerie de Banon fournit à peine 50 tonnes par an sur le marché. Le Banon est une AOC depuis 2003. Son aire couvre 111 communes des Alpes-de-Haute-Provence, 33 communes des Hautes-Alpes, 21 communes de la Drôme et 14 communes du Vaucluse, soit un total de 179 communes pour la production du lait et la fabrication.  250px-Banon.jpg

Pour le féminin de Banon, tristement, je m’abstiens, ce n’est pas de mon ressort. Quand on ne sait pas on se tait. Reste tout de même l’essentiel : imaginez-vous ressortant de la librairie « les Bleuets » où vous venez d’acquérir « Je bois donc je suis » de Roger Scruton link , une petite faim vous prend et vous vous souvenez que vous avez acquis sur le chemin de Banon, chez un petit producteur bien sûr, un petit Banon emmailloté dans sa feuille de châtaigner. Vous achetez du bon pain. Vous allez dans un café qui accepte les quidams qui se pointent avec leur panier. Vous sortez votre couteau. Vous tranchez le pain. Vous déficelez le Banon. Vous le désincarcérez de sa coque de feuilles. Vous lui prenez juste ce qu’il faut pour recouvrir votre tartine. Belle odeur ! Avant d’y planter vos dents vous vous dites que ce Banon a besoin d’un compagnon.  « Hello tavernier ! » Moi je vous laisse le soin de commander la bouteille qui accompagnera cet en-cas. En attendant de faire votre choix vous pouvez ouvrir le livre que vous venez d’acquérir aux Bleuets ainsi vous conjuguerez les plaisirs de l’esprit et ceux de votre corps. Bon appétit et dites-nous vers où vous porte votre envie du moment du côté liquide...

 

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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 00:09

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Les éditions ACTES SUD viennent de me faire parvenir un très bel ouvrage « Le Monastère de Solan » Une aventure agroécologique de Thierry Delahaye. Les sœurs de l’abbaye orthodoxe de Solan je les ai découvertes voici plus de deux ans, alors que deux d’entre elles vendaient leur vin, au parc de Floral de Vincennes au salon Marjolaine. J’ai écrit une chronique sur l’un de leur vin mais je ne la retrouve plus dans mon capharnaüm. Peu importe car ce qui compte c’est que depuis 1992 elles ont entrepris, sur les terres d’un ancien domaine, de reconstituer les sols, de gérer le circuit de l’eau, de réaménager la forêt, de mettre en œuvre de nouvelles pratiques culturales. Ce livre retrace cette aventure « agroécologique » sur cette mosaïque de parcelles où alternent les terres cultivées et les zones sauvages, vignes et forêts, jardin potager et vergers. « Ainsi, préserver, voire enrichir la biodiversité du domaine permet d’obtenir des produits de qualité (vin, fruits, légumes...) mais témoigne aussi et avant tout d’une exigence de respect de la vie. De même, parvenir à une autosuffisance alimentaire et énergétique relève d’une préoccupation d’ordre vivrier, mais reflète aussi une option fondamentale de sobriété et de rejet d’une logique productiviste. »

img297.jpg« Pierre Rabhi avait conseillé aux sœurs de valoriser l’existant : « Allez à la rencontre de votre terre ! »Seule la vigne était susceptible de fournir un revenu monétaire. Le vin resterait donc le moteur de l’activité économique du domaine. Les diverses études, réunions et consultations des années 199_-2000 ont débouché sur la nécessité d’aménager le terrain et de professionnaliser la vinification et le commercialisation. En 1999, une grande étape est franchie, non sans péripéties : la totalité de la récolte est vinifiée au monastère. À partir de 2001, un programme de plantation est conduit, pour ramener la superficie viticole à huit hectares, après l’arrachage de trois hectares eb 1995. Et entre 2003 et 2005, un patient labeur de revivification de vieilles vignes est réalisé, par le drainage des parcelles, le brossage des ceps et la lutte contre les maladies. « Tout cela pour faire un vin qui soit en cohérence avec notre terre... Ce sera comme en Bourgogne, un vin de terroir. » Les 20 pages du chapitre : Du Vignoble au chai sont très intéressantes mais je ne vais pas tenter d’en faire un condensé car ce serait faire injure à la plume de l’auteur. Pour vous donner un aperçu j’ai choisi de vous reproduire un extrait de la partie concernant : La conduite de la vigne.

 

« Le vignoble est donc cultivé en agriculture biologique depuis 1992, sans herbicides ni pesticides de synthèse. Au début les sœurs ont tenté la biodynamie. Selon cette méthode, la plante est capable de réagir aux interactions avec son environnement et de réguler sa croissance en constituant un système équilibré. Quand l’écosystème est en déséquilibre, l’intervention humaine vise à sa dynamisation en suivant des règles assez contraignantes (dosages, calendrier, cycles lunaires et planétaires, préparats...). « Un jeune conseiller fut embauché, qui venait une fois par semaine faire le tour des terres et nous dire ce qu’il fallait entreprendre. Dynamisations, bouse de corne, 500 et 501, jours fruits ou feuilles, nous voilà propulsées dans un monde totalement nouveau. Le petit-fils des anciens propriétaires suivait les instructions, un peu étonné de nos méthodes, et parfois, il faut le dire, rechignant aux contraintes horaires imposées par le calendrier biodynamique. En 1993, 80% de la récolte fut ravagés par le mildiou, et nous comprîmes à nos dépens ce que veut dire le mot « urgence » quand il s’agit de traitement antifongique de prévention... Le vignoble était alors en reconversion et le raisin continuait à partir vers la cave coopérative du village, avec les difficultés économiques que l’on peut imaginer. En 1995, notre jeune conseiller partit vers d’autres horizons, et la rencontre providentielle d’un biodynamiste à la retraite nous fit bénéficier de sa longue expérience dans ce mode de culture. Toutefois, peu à peu, nous en vînmes à remettre en question le choix strict de la biodynamie. Les contraintes humaines et économiques qui en découlaient étaient au-dessus de nos possibilités et la philosophie sous-jacente n’était pas non plus la nôtre. Par souci de simplicité, nous en restâmes à la certification en agriculture biologique. »

 

Bien évidemment le projet des sœurs de Solan ne se limite pas à la vigne et au vin, si vous êtes intéressés par leur aventure faites l’acquisition de ce beau livre 29€. « Nous n’étions pas venues faire de l’agriculture mais fonder un monastère... » quand elles sont arrivées du Vercors en juillet 1992 « les bâtiments n’étaient pas habitables, il fallait refaire les toits, transformer l’écurie, la bergerie, les granges en pièces d’habitation, installer le chauffage et l’assainissement » mais elles avaient avec leurs paquets, leurs deux camions de déménagement, « leur bonne humeur et leur confiance en Dieu. » Si vous êtes intéressés par leurs produits 3 possibilités :

- y aller Monastère de Solan 30330 La Bastide d’Engras (le domaine est situé sur la D144 entre Saint-Laurent-la-Vernède et Cavillargues)

Le monastère et le cellier sont ouverts du mardi au dimanche, de 11 heures à 17 heures.

- aller sur le site internet www.monastèredesolan

- les retrouver sur des salons locaux ou régionaux tels Marjolaine à Paris ou le salon Primevère à Lyon par exemple.

 

« Au matin nous nous lèverons pour aller dans les vignobles. Nous verrons si la vigne bourgeonne, si les fleurs annoncent les fruits, si les grenadiers sont en fleurs... »

Cantiques des Cantiques VII, 12

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7 juillet 2011 4 07 /07 /juillet /2011 00:09

Comme je l’ai écrit hier je suis tombé sur ORTO par hasard, je cherchais un bar pour picorer des cichetti. La Calle delle botteghe m’ouvrait les bras, paisible et, levant d’abord les yeux je découvrais une belle enseigne : vineria Dai do Cancari puis en les baissant mon regard d’aigle captait la proie. Je poussai bien sur la porte accueilli gentiment par Zeno Stringa qui me conseillait d’aller chez son voisin le plus proche pour me restaurer. Bonne pioche ! Je revins donc quelques jours plus tard pour faire mon reportage.

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Pour ne rien vous cacher, l’éclectique Guillaume Nicolas-Brion, avant mon départ avait placé ce nom sur ma feuille de route en le soulignant en rouge mais comme je ne suis pas de ceux qui courent derrière des quilles mais plutôt derrière les filles, j’ai remisé l’info dans la partie la plus reculée de mon cerveau. Sauf que le bougre de Michel Thoulouze, en bon homme des médias, était là où je ne l’attendais pas. Faut dire que son patronyme évoquait chez moi des souvenirs. Renseignements pris, je comprends parfaitement que naître à Pézenas dans l’Hérault en 45, qu’être rentré en journalisme en 68, qu’être le créateur de 7 sur 7 en 1981, qu’avoir été le directeur de l’info de la 2 sous Desgraupes en 82, que recevoir un 7 d’or en 1997 pour les Nuls, que claquer la porte à la gueule JMM moi-même, prédisposait bien évidemment Michel Thoulouze à entamer sur le tard une carrière de vigneron-star dans un petit paradis, l’île de San Erasmo au cœur de la lagune de Venise.

 

« C’était au tournant du siècle. « J’ai appris que Venise avait eu ici un vignoble, jusqu’au XVIIe siècle. Je l’ai vérifié sur d’anciennes cartes », raconte-t-il à un journaliste. En 2002, « répondant au défi d’amis italiens, il décide alors, sans rien y connaître, de planter des vignes autour de son domaine. » 11 hectares, les gens du cru le prennent pour un pazzo, un fada. Pour un défi c’était un vrai défi que de réimplanter de la vigne dans une île où les agriculteurs cultivaient le petit artichaut violet. Les convaincre d’abord puis trouver les bons cépages. Ce fut Alain Graillot, l’homme de Crozes-Hermitage, qui s’est chargé de sélectionner les cépages retenus. Des cépages locaux, italiens du nord, la malvasia istriana, un cépage de Vénétie, auquel a été rajouté du vermentino et du fiano di Avellino pour constituer « un assemblage précis, tout en fraîcheur et en acidité contrôlée. » plantés « francs de pied ». Pour le travail préalable du sol, avant les plantations, c’est le couple Claude et Lydia Bourguignon, « qui ont déclaré la terre de San Erasmo idéale pour réaliser un beau vin blanc. » Vignes hautes, deux mètres, « grâce à de minuscules canaux en forme de dents de peigne, l’eau de la lagune vient chaque jour purifier la base », le vin du domaine d’Orto est vinifié par Graillot, dans le chai de vinification spécialement construit pour l’aventure. « Une aventure qui a un coût : 1 million d’euros environ ». L'Orto est en 2008 sur les tables des restaurants de Venise.

 

Michel Thoulouze en est donc à sa quatrième récolte d'un blanc baptisé Orto Venezia (Jardin de Venise), un vin « sec et rectiligne » dont on dit qu’il est « charpenté et si minéral qu'on le croirait presque salé » J’en ai acquis une bouteille pour la somme de 30€. Pour la déguster je convoque ce jour le GJP : le Grand Jury Parisien : ce qui se fait de mieux sur la place de Paris ce qui créé bien sûr d’énormes jalousies. En son temps je vous communiquerai leur implacable jugement, de Paris bien sûr. Enfin comme à Venise l’Histoire est toujours présente sachez que désormais, Michel Thoulouze possède un privilège unique : « ouvrir et fermer lui-même les écluses de San Erasmo. « C’est le magistrat des eaux de la ville qui m’a remis les clefs », raconte-t-il avec fierté. »

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Toutes les citations sont extraites de 2 articles :

- le JDD.fr du 26 septembre 2009 signé Benoît Simmat

- L’Expansion.fr du 1 novembre 2010 signé Bernard Poulet

Merci à eux.

 

Merci aussi à Marco Nordio le propriétaire de la vineria do Dai Cancari www.daidocancari.it et à Zeno Stringa. Je pondrai une autre chronique sur l’offre de vins français de leur boutique.

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6 juillet 2011 3 06 /07 /juillet /2011 00:09

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La tentation de Venise, le maire de Bordeaux, de nouveau Ministre de nos Affaires Étrangères, pris dans la tourmente songea à ce retrait. Faire retraite, s’éloigner de la fureur du moment, de la dictature du paraître, mettre de la distance ou tout bêtement retrouver le goût des choses simples, couper les ponts (à Venise c’est osé comme volonté) : plus de clavier, plus d’écran, plus de SMS, plus d’e-mail et plus du flux de Facebook.  Dans ma jeunesse, nos curés, bonnes sœurs et bons frères, nous imposaient des retraites. Je les détestais car loin de nous permettre dans le silence de réfléchir, de nous retirer du monde, les ensoutanés faisaient preuve à notre endroit d’un prosélytisme outrancier. Prendre du recul, partir d’un coup d’aile, se retrouver, dans le grouillement de la cité des Doges gorgée de touristes étiquetés, bruyants et errants en bandes derrière des guides, obsédés du cliché débile, c’est pour moi faire retraite. M’isoler. Nul paradoxe dans ce choix car à Venise, hormis ses monstrueux nœuds touristiques, il est facile de se perdre, de se retrouver seul ou presque. Pas de voitures ! Ici l’Histoire est partout, il suffit de lever le nez, de se poser, de regarder, de pousser des portes, de flâner. C’est un luxe j’en conviens mais je l’assume sans aucune espèce de contrition.

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Tout ce long préambule pour vous éclairer sur ma double vie qui d’ailleurs s’apparente bien plus à une valise en carton avec de multiples fonds ou à ce que l’on dénommait autrefois un secrétaire à secrets. Rassurez-vous je ne vais pas vous déballer toute ma vie mais, comme j’ai profité de mon escapade vénitienne pour mettre en ligne en début de semaine dernière deux chroniques : « mais que fait Berthomeau ? » et « qu’est-ce qu’a fait Berthomeau ? », non pour justifier mon activité ou afficher mon glorieux CV mais tout bêtement pour vous dire, chers nouveaux lecteurs, d’où je viens et ce qui fait la trame de mes jours, je vais me laisser aller à quelques confidences. C’est un peu le questionnement de François Audouze en commentaire qui m’y incite. « Pourquoi écrit-il tous les jours ce Berthomeau ? » Quelle motivation ? La réponse facile, échappatoire commode, serait : pour la gloire du vin ! En effet, ma marque de fabrique « Vin&Cie » l’espace de liberté semblerait, à première vue, m’enfermer dans de pures chroniques sur le vin. Tel n’a jamais été mon projet, depuis l’origine, même si le vin reste au centre, mon propos, mes lignes ne s’interdisent aucun chemin qu’il soit de traverse ou, comme ceux de mon enfance bocagère, creux. Les quelques-uns qui me suivent et me supportent depuis l’origine peuvent en témoigner.

 

Vin&Cie l’espace de liberté doit beaucoup à mes amis du groupe de réflexion stratégique, ce sont eux qui ont accepté de faire un bout de chemin avec moi, de réfléchir, de se remettre en question, de cosigner un document, qui n’est pas mon rapport et qui n’a pas pris une ride. Ils ont pris des coups mais, n’en déplaise au GC récurrent, c’est leur fierté et leur fidélité qui m’a fait chaud au cœur. Dans mon placard, face à la neige de mon écran, dans la solitude domestique où se lever le matin devient vite routine, les deux Jean-Louis surtout, Jean-Marie et Robert aussi, et quelques autres m’ont donné envie de sortir de mon costume terne d’éminence grise pour endosser celui un peu plus chatoyant de mes propres idées, pour les défendre, pour tenter de me faire comprendre, être moi-même. Qu’ils en soient remerciés. Ainsi, petit à petit j’ai ouvert en grand les portes et fenêtres, je me suis laissé aller à une langue plus drue, plus ferme, moins policée. Et surtout moi, le médiateur, le monsieur qui cherche toujours à recoller les morceaux, j’ai pu enfin prendre mes distances avec tous ceux que par facilité je qualifierais « des toujours du bon côté du manche » et de « je ménage ceux qui pourraient me servir ». Chemin faisant je me suis dit que le &Cie n’était pas là que pour faire joli mais constituait un vaste champ où je pouvais semer ce qu’il me plairait. À mon grand étonnement la plupart d’entre vous m’ont suivi. Bien évidemment je ne puis savoir toujours très précisément lesquels mais ce dont je suis sûr c’est que mon lectorat s’est à la fois élargi et enrichi. Et puis, c’est une réalité, je me suis fait de nombreux amis (e) avec qui j’aime partager le pain et le sel. Je ne suis pas allé les chercher : ils sont venu(e)s à moi.

 

Reste la question récurrente lorsque je rencontre certains d’entre vous : « mais ça vous demande beaucoup de temps ? » La réponse est simple : « le temps je le prends tout le temps pour tout ce j’entreprends » En effet, je suis de ceux qui adorent ne rien faire, flâner, bavasser, rêvasser, mais dès que je m’engage dans un ouvrage je vais au bout quoiqu’il m’en coûte et, en l’occurrence pour mon blog ça ne me coûte rien car c’est du pur plaisir. Quoi de plus excitant que d’écrire ? J’écris quand ça me prends, à n’importe qu’elle heure du jour et de la nuit. L’important dans mon métier comme ici sur mon espace de liberté c’est de rendre sa copie en temps et en heure. Au temps où je faisais le nègre de mes Ministres en écrivant leurs discours je ne pouvais arriver la gueule enfarinée et leur déclarer : je n’ai pas eu le temps ce sera prêt demain. Mon souvenir le plus fort c’est un discours confié à une autre plume que je dus réécrire dans la nuit, à la Préfecture d’Angers, pour un Congrès de la FNSEA, le premier de mon cher Ministre qui arriva à l’ouverture, sans prévenir personne, pour aller s’asseoir au premier rang. Succès assuré !  Je glissais les feuillets manuscrits les uns après les autres sous la porte de la chambre ministérielle. Ce fut sportif mais nos chers syndiqués de la grande maison, qui adorent les gens de gauche, se laissèrent amadouer. Même Georges-Pierre, alors bras droit de Raymond Lacombe, en fut tout estomaqué.

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Alors, oui, je vais au gré de mes intuitions qui ne sont pas, loin s’en faut, exclusivement nourries par le vin. Mon parti c’est celui de la curiosité sans exclusive. Lorsque je pars à Venise ce n’est pas pour écumer les bars à vin, les cavistes pour dresser la cartographie de l’offre des vins italiens. Pour ne rien vous cacher dans la cité des Doges je me gave d’abord de peinture : du Tintoret à Marcel Broodthaers en passant par Jackson Pollock et Maurizio Cattelan. Dans les églises, les palazzo, les expos à chaque détour de calle, le Peggy Guggenheim et la Punta Della Dogana de François Pinault... c’est un régal. J’adore l’intimité de la Fondation Peggy Guggenheim, une poignée de visiteurs, m’asseoir dans la salle consacrée à Jackson Pollock dont son Alchemy peint en 1947 avec la technique révolutionnaire du dripping. J’entre en osmose. De lui, James Jonhson Sweeney du comité consulatatif du MOMA écrivait dans une brève introduction d’une de ses expositions, le 8 novembre 1943, « Comme George Sand l’écrivait de Flaubert : « Le talent, la volonté, le génie sont des phénomènes naturels, comme le lac, le volcan, la montagne, le vent, l’étoile. » Le talent de Pollock est volcanique. Il en a le feu. Il est imprévisible. Il est indiscipliné. Il se répand en une prodigalité minérale non encore cristallisée. Il est généreux explosif, brouillon. Mais les jeunes peintres, et notamment les Américains, tendent à être trop prudents dans leurs opinions. Trop souvent le plat a tout le temps de refroidir avant d’être servi. » Je m’en tiens là car je ne veux pas étaler mes émotions esthétiques qui n’intéressent personne. Pour clore cette petite escapade hors les murs du vin un coup de chapeau à François Pinault pour la splendide restauration de l’ancienne douane de Venise : la Punta Della Dogana et une exposition de haute tenue : l’éloge du Doute où j’ai découvert avec émotions les neuf gisants de marbre de Maurizzio Cattelan. Et dire que la friche Renault de l’île Seguin aurait pu être le réceptacle de cette Fondation : vive la bureaucratie française !

L1010926.JPGReste que dans ce périple, sans que je ne le cherche, le vin est venu à moi dès le premier jour. Au hasard de mes pas je suis tombé sur un jeune caviste sympathique Zeno Stringa de la vineria do Dai Cancari, dans le quartier San Marco. L’occasion d’une belle découverte d’un vin unique qui fera bien sûr l’objet d’une prochaine chronique. Telle est la vie d’un petit chroniqueur qui folâtre, s’amuse, creuse quand il faut creuser, joue quand il faut jouer, laisse la discussion ouverte, avec toujours une petite idée derrière la tête : faire en sorte que le petit monde du vin sorte de son nombrilisme, de son goût immodéré pour l’entre-soi. En effet, les gens du vin qui plaident face aux prohibitionnistes masqués, pour que soit reconnu au vin un statut de boisson sociable, ne sont guère crédibles face à une opinion publique qui n’y comprend goutte et qui se tamponne comme de sa première chemise des doctes conclusions de nos goutteurs professionnels. Dès que l’on aborde le sujet du vin la plupart de nos interlocuteurs s’excusent de ne rien y connaître. Bravo donc à nous tous pour notre savoir-faire ! Tous ensemble, tous ensemble, continuons sur cette voie... de garage (salut Jean-Luc!)    

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