Oui, je sais, c’est un peu facile, un tantinet putassier, mais le feuilleton de l’été qui a fait irruption un petit matin de juin sur nos écrans nous réserve vraiment son lot de rebondissements. Le poids des mots le choc des photos, en l’occurrence ce sont surtout ces dernières qui nous ont bousculés. Déferlement, emballement, un vrai torrent de boue... et puis rebondissement, la tendance s’inverse et c’est à ce moment que resurgit Banon.
Banon est un charmant petit village des Alpes-de-Haute-Provence adossé au plateau d'Albion entre Lure et Ventoux dans les collines chères à Jean Giono. 878 habitants et plus de 100 000 livres à la librairie « Les Bluets » de Joël Gatefossé menuisier originaire de l’Essonne qui raconte avoir « cassé sa vie » à la mort de ses parents en 1990 et être venu s’installer un peu par hasard à Banon. Les débuts sont difficiles puis c’est le décollage et enfin le succès du au bouche à oreille.
Le banon est un petit fromage français de 6 à 7 cm de diamètre, au lait cru de chèvre d'une centaine de grammes issu d'anciennes recettes des fermes des Alpes-de-Haute-Provence. Les chèvres sont exclusivement de races provençale, rove et alpine et elles doivent paître sur les collines de la région pendant au moins 210 jours par an. Fromage à pâte molle à croûte naturelle, élaboré à partir de la technique du caillé doux et moulé à la louche avant d'être habillé, à la main, dans des feuilles de châtaigniers brunes et liées par un brin de raphia naturel (il est auparavant trempé dans l'alcool pour éviter les moisissures). Le ramassage des feuilles, qui doivent être récoltées brunes, se fait en automne lors de leur chute. Elles sont ramassées par des équipes de saisonniers sur le plateau d'Albion, dans les Cévennes, en Corse et en Ardèche.
Un premier affinage « nu » de 5 à 10 jours est suivi d'un second affinage dans la feuille de châtaignier d'une dizaine de jours. À l'abri de la lumière et de l'air, ce procédé unique lui confère une pâte onctueuse et un moelleux indescriptible, avec des arômes spécifiques, fruits de l'alchimie entre la fermentation au caillé doux et la migration des tanins de la feuille de châtaignier vers le fromage. Une soixantaine de petits producteurs dont la Fromagerie de Banon fournit à peine 50 tonnes par an sur le marché. Le Banon est une AOC depuis 2003. Son aire couvre 111 communes des Alpes-de-Haute-Provence, 33 communes des Hautes-Alpes, 21 communes de la Drôme et 14 communes du Vaucluse, soit un total de 179 communes pour la production du lait et la fabrication.
Pour le féminin de Banon, tristement, je m’abstiens, ce n’est pas de mon ressort. Quand on ne sait pas on se tait. Reste tout de même l’essentiel : imaginez-vous ressortant de la librairie « les Bleuets » où vous venez d’acquérir « Je bois donc je suis » de Roger Scruton link , une petite faim vous prend et vous vous souvenez que vous avez acquis sur le chemin de Banon, chez un petit producteur bien sûr, un petit Banon emmailloté dans sa feuille de châtaigner. Vous achetez du bon pain. Vous allez dans un café qui accepte les quidams qui se pointent avec leur panier. Vous sortez votre couteau. Vous tranchez le pain. Vous déficelez le Banon. Vous le désincarcérez de sa coque de feuilles. Vous lui prenez juste ce qu’il faut pour recouvrir votre tartine. Belle odeur ! Avant d’y planter vos dents vous vous dites que ce Banon a besoin d’un compagnon. « Hello tavernier ! » Moi je vous laisse le soin de commander la bouteille qui accompagnera cet en-cas. En attendant de faire votre choix vous pouvez ouvrir le livre que vous venez d’acquérir aux Bleuets ainsi vous conjuguerez les plaisirs de l’esprit et ceux de votre corps. Bon appétit et dites-nous vers où vous porte votre envie du moment du côté liquide...