Toute la presse parisienne en parle : de « la dernière née des pâtisseries fines parisiennes » (sic) Hugo&Victor, ça sent à plein nez le déjeuner de presse. Oui vous savez, ils sont venus, ils sont tous là, y’a même... ils se bousculent aux abords des saintes tables, se pourlèchent, cancanent, et parfois prennent des notes même si le dossier de presse est tout de même un sacré bon support.
Sans jouer les ramenards je me permets de signaler au troupeau que dans une chronique du 4 novembre 20010 Pèlerinage : Œufs coque de Marans, welsh rarebit, millefeuilles et un verre de Pouilly Ladoucette au Flore link j’écrivais « Marc, mon garçon à la face Fleurie, me demandait « un dessert ? » Comme je me sentais bien je lui répondais d'un « oui » franc et massif qui me valait le conseil d’un Millefeuilles de derrière les fagots en provenance récente de nouveaux venus au 40 rue du Bac Hugo&Victor http://hugovictor.com . Je prends ! Vérigoud – pardon David – le Millefeuilles étant, avec le Baba au Rhum et l’Éclair au chocolat, l’une des rares pâtisseries que j’apprécie, hormis la tarte aux pommes que je fais moi-même. »
Vous me direz 8 mois d’avance c’est l’épaisseur du trait pour la peuplade vibrionnante des goûteurs patentés tout de même un peu mou du coude. Bref, dans le texte ci-dessus vous pourrez noter qu’hormis le Millefeuilles et le Baba au Rhum, j’adore l’Éclair au chocolat, d’où cette chronique un peu goguenarde. Au Flore le Millefeuilles m’avait semblé au niveau fort relevé des prix de cette crèmerie et je n’étais pas allé vérifier chez Hugo&Victor celui payé par le petit peuple du VIIe arrondissement de notre belle capitale. Alors, lorsque je suis tombé sur le déferlement médiatique j’ai noté le prix 5,20€. Sans tomber dans le vulgaire je me permets de souligner que cela semble être le prix syndical chez Hugo&Victor puisque c’est aussi celui de l’Éclair au chocolat.
Pour illustrer mon propos j’ai choisi le supplément Sortir de Télérama organe de presse bien-pensant, très donneurs de leçons, proche des préoccupations du peuple, avec bien sûr courrier des lecteurs très « je donne des leçons à tout le monde... » Qui lis-je sous la plume de G.Py qui s’extasie sur des produits « aussi beaux à regarder que délicieux à déguster.
« Éclair au chocolat. Cet éclair (5,20€) est définitivement l’un des plus goûteux de la capitale, grâce un crémeux parfait, fruit d’un savant mélange de chocolats grand cru. »
Remarque sur cet enthousiasme :
- le monsieur il déguste, il n’achète pas d’où son peu d’intérêt pour le niveau du prix.
- le monsieur déclare que c’est le plus goûteux de la capitale ce qui suppose qu’il a fait une dégustation comparative (voir l’éclair au chocolat d’un MOF élu le meilleur de Paris ci-dessous).
- le monsieur ne s’inquiète pas du prix de revient de la chose : quand on aime on ne compte pas et tout le différentiel est bien sûr dans les chocolats grand cru. (ça devait être dans le dossier de presse).
Qu’Hugues Pouget et Sylvain aient du talent je n’en disconviens pas puisque voilà huit mois j’ai apprécié leur Millefeuilles mais un peu de réflexion journalistique ne nuirait pas ou alors c’est à la limite de la promotion rédactionnelle. Pour pousser mes investigations d’un petit coup de vélo je suis descendu rue Wurtz cher Laurent Duchêne http://www.laurent-duchene.com MOF dont l’Éclair au chocolat fut élu il y a quelques années le meilleur de Paris. Le prix : 2,70€. Donc il ne me restait plus qu’à filer Bd Raspail, au 40, chez Hugo&Victor pour faire une dégustation comparative (coût de l’opération 6,90€)
Pour le comparatif du prix de nos deux éclairs au chocolat :
- le H&V pèse 85 g ce qui le met à 62€ le kg
- LD pèse 100g ce qui le met à 27€ le kg
- le H&D est donc plus que 2 fois plus cher que le LD.
- au plan de la présentation le LD est classique dans sa présentation, dodu, nappage extérieur glacé et placé sur un papier sulfurisé traditionnel ; le H&D est plus chichiteux : une plaque de chocolat est posé avec une pastille arborant le logo HV en lettres d’or. L’éclair est posé sur un carton en U frappé du nom des auteurs de l’œuvre.
- l’éclair de H&D a été placé dans une boîte de carton toujours au nom des concepteurs. Celle-ci a ensuite été déposée dans un beau sac toujours floqué au timbre d’Hugo&Victor. Une serviette en papier ornée des 2 noms a été rajoutée. (Bilan carbone exécrable les petits loups mais vous ne pouviez pas savoir puisque vous, vous n’achetez pas vous vous contentez de déguster) Du côté de LD l’éclair a été emmailloté simplement mais élégamment dans un papier aux armes de Laurent Duchêne.
Mais quittant la boutique de Laurent Duchêne je passais devant Monop et l’idée saugrenue me vint de voir dans son rayon vins si je dégotais une belle bouteille à 5,20€. J’entrais donc. Croyez-moi si vous le voulez mais je n’ai pas trouvé une seule quille à ce prix : pas assez marchand de chaussures sans doute. Que faire ? Aller au-un peu au-dessus pour que les gastronomes en culottes longues ou en panty ne m’accusassent point de parti-pris. Je jetai donc mon dévolu sur un Clairet Château Sainte-Marie 2010 et ce pour 3 raisons :
- j’adore le Clairet, nul n’est parfait ;
- ce vin a été sélectionné par le Jury Monoprix Gourmet drivé par Bettane&Desseauve (c’est du sérieux j’ai assisté à l’épreuve le 7/05/2009 À « Grains Nobles » une labellisation « Gourmet Monoprix » avec Bettane&Desseauve au pupitre link - mes informateurs m’ont indiqués que Gilles&Stéphane Dupuch du château Sainte-Marie sont de jeunes et excellent vignerons.
- le prix 5,50€.
Sans vouloir charger la mule du sieur de Télérama défenseur du pouvoir d’achat des couches laborieuses qui s’est « offert » pour faire couler les merveilles « un divin moscato d’Asti à 20,80€ »la boutanche « sélectionné par le fameux sommelier Frédéric Béal » moi je fais dans le populaire mais si l’addition totale se monte pour moi à 12,40€ (peut-être pourrais-je l’envoyer à Télérama auquel je sers un abonnement depuis une éternité ?). À noter que lorsque j’avions été chez H&D j’avions point vu le dit moscato d’Asti mais La Nine 2009 (entre autre) de JB Sénat (y’a pas à dire les Audois se positionnent dans les beaux quartiers).
Voilà le résultat des courses chers lecteurs. La dégustation des deux éclairs s’est déroulée en 2 temps :
- chaque demi-éclair a été dégusté à l’aveugle, donc pas par moi ;
- les 2 autres demi-éclairs ont été dégustés par ma pomme.
Résultats :
- Pour la dégustation à l’aveugle la dégustatrice préfère le (1) Laurent Duchêne plus dans la tradition de l’éclair au chocolat dit-elle même si le (2) H&V est d’un goût assez subtil mais sa couverture de chocolat rigide se marrie mal avec l’ensemble, fait bande à part.
- Pour moi-même remarque cette dichotomie nuit à la dégustation de l’éclair, ça fait des petits éclats durs dans la bouche. Le plus de H&V c’est qu’il est beaucoup moins sucré que le LD et pour moi ça compte.
- En conclusion, même si ma dégustatrice et moi-même ne possédons certainement pas les hautes compétences gustatives de G.Py, mais nous sommes de réels amateurs et de chocolat et d’éclairs au chocolat, nous pouvons vous assurer qu’il n’y a pas vraiment pas 1,50€ de différence entre l’Hugo&Victor et le Laurent Duchêne. Ni les ingrédients, ni la main-d’œuvre ne le justifient, c’est le grand n’importe quoi des soi-disant stars de la spatule. Attention je ne les mets pas tous dans le même sac : je suis un fan de Pierre Hermé.
Permettez-moi pour tirer une morale de cette histoire, car il s’agit en l’occurrence de morale, de poser les questions suivantes :
« Journaliste or not journaliste ? »
Et « est-il envisagé dans les grands organes de presse d’édicter un code de déontologie à l’attention du petit peuple des qui se disent chroniqueurs gastronomiques ? »
Et enfin « c’est quoi le respect du consommateur ? »
On peut me rétorquer que nul n’est obligé de s’offrir un Éclair au chocolat à 5,20€. J’en conviens aisément. Ce que je conteste c’est le mode opératoire qui se généralise des goûteurs patentés qui « découvrent » ce que l’on veut bien leur faire découvrir. Ils ou elles chassent en meute, vont là où elles ou ils sont invités (pas toujours bien sûr). Un petit effort camarades, bougez-vous le cul ! Venez donc jusque dans le XIIIe qui ne sent pas le gaz dégoter de bons artisans. Franchement faire, tous ensemble, de Hugo&Victor une découverte 8 mois après moi ce n’est vraiment pas sérieux mais ça le lecteur ne le sait pas... Autant le Millefeuilles de H&B mangé au Flore était sublime, autant leur éclair au chocolat n'est pas le phoenix de ces bois du père Py.