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21 octobre 2021 4 21 /10 /octobre /2021 00:06

Assiette de spaghettis pour un.

"Le repas fait maison d'une personne, avec du levain auto-cuit sera le KFC d'une autre, ou encore quelque chose sur du pain grillé d'une autre." Photographie : Romas Foord/The Observer

Bashung toujours, dans la tête…

 

Et il vaut mieux lire la presse anglaise plutôt que la nôtre, on évite de mauvaises rencontres, tel l’odieux Zemmour le nouveau sauveur de la France éternelle…

 

« Je me souviens quand on cherchait quelqu’un pour le “non” dans les débats sur le référendum européen, on avait pensé à lui, mais Aphatie n’était pas d’accord. » « On m’a proposé de faire une télé pour comparer Trump et Zemmour, j’ai refusé. » « Je ne suis pas sûr qu’il se maîtrise autant qu’il le prétend. » « Au Figaro, il ne partageait rien avec personne, à part son bureau avec Ivan Rioufol. » « Il n’est pas désagréable du tout. Il est puant, mais charmant. » « Assis à côté de lui pendant une conférence de presse de Sarkozy, j’avais l’impression qu’il commentait le match. » « Il n’a jamais dirigé la moindre équipe, pas même lui-même. » « Je ne l’aimais déjà pas en journaliste, alors en politique… » « On ne l’a jamais vu en conférence de rédaction. » « Il y a dix ans, il pouvait encore prendre le métro. » « Il n’était pas du tout en lutte contre la parole politique. » « Heureusement que je n’ai jamais déjeuné avec lui. »

Société.

 

Les plaisirs sous-estimés des repas en solitaire ICI 

 

Manger seul n’est pas nécessairement triste, assure cette journaliste britannique dans The Guardian, alors que les recettes pour une personne se multiplient. Les confinements liés à la pandémie de Covid-19 ont provoqué une prise de conscience. Mieux encore, les repas en tête-à-tête avec soi-même peuvent même être libérateurs : c’est le moment où jamais de n’écouter que soi.

 

 Medi

 

« Pour nous, c’est une crise de solitude. Pour les Français, c’est une crise du savoir-vivre; pour les Chinois, une crise familiale. Partout dans le monde, on pense qu’il est mieux de manger à plusieurs, et que manger seul n’est pas normal », analyse Mukta Das, anthropologue à la School of Oriental and African Studies de l’université de Londres. Elle se passionne pour les changements d’habitudes qui entourent le repas : ce qui était autrefois un moment convivial et partagé s’est transformé en une activité souvent solitaire.

 

Au Royaume-Uni, 8 millions de personnes vivent seules et, d’après l’indicateur de bien-être publié en 2019 par [Oxford Economics], près d’un tiers des adultes britanniques mangent seuls « à chaque repas ou presque ». Le confinement a sans doute accentué ce phénomène, puisque les personnes qui vivent seules n’avaient alors pas d’autre choix que de manger en solitaire. Mais l’évolution s’est amorcée il y a longtemps déjà, précise Mukta Das, à la faveur de « la transformation de notre société, jusqu’alors centrée sur la famille, vers une culture plus individualiste ».

 

Confinement et “cookie solo”

 

Elle détaille : « Le déclin du mariage, la baisse du taux de natalité, la hausse des divorces, les contraintes de la vie de bureau, l’allongement de l’espérance de vie… Tous ces facteurs socio-économiques et démographiques ont entraîné la modification [de nos habitudes alimentaires] et suscité une impression de crise dans la plupart des sociétés qui considèrent les repas en famille comme une institution. »

 

Comment le fait de manger seul influence-t-il notre perception du repas, et le plaisir que nous y prenons?

 

La pandémie a souvent exacerbé notre rapport à la nourriture. Ceux qui se sont confinés avec leur famille ou leurs amis ont sûrement partagé avec eux leurs trois repas quotidiens, tandis que ceux qui vivaient seuls mangeaient chaque jour en solitaire. Dans les deux cas, les repas sont souvent devenus les temps forts de la journée.

 

Quand le confinement s’est prolongé, des recettes pour cuisiniers solitaires ont commencé à voir le jour, la plus célèbre d’entre elles étant sans doute le cookie solo de Nigella Lawson. « J’adorais choisir une recette, prendre le temps de soigner la présentation, m’a confié un ami qui s’est confiné seul. Je viens d’une famille nombreuse, et chez nous les repas ont toujours été l’occasion de passer du temps ensemble. J’ai donc été surpris de découvrir à quel point j’aimais me retrouver en tête à tête avec mes plats. »

 

Faire son pain ou manger KFC

 

D’après Mukta Das, le confinement a transformé notre perception des repas en solitaire. « [Nous nous sommes] rendu compte que la solitude peut parfois être salutaire et revigorante. »

 

Aujourd’hui encore, manger seul est parfois considéré comme un déshonneur, explique l’autrice et historienne de la gastronomie Bee Wilson.

 

Quand on représente des personnes heureuses autour d’un repas, on montre souvent de grandes réunions familiales. J’ai peur que cela accentue le sentiment de solitude que peuvent ressentir les personnes qui mangent seules.”

 

Pour illustrer ses propos, Bee Wilson raconte ses repas en solitaire dans les premiers mois qui ont suivi son divorce, lorsque ses enfants étaient chez son ex-mari. « Au début, quand je cuisinais juste pour moi, je trouvais ça terriblement sinistre et triste. Ce n’est pas du tout la même chose de manger seul de temps en temps ou régulièrement, de choisir ou de subir la solitude. »

 

Les repas solitaires peuvent cacher des situations bien différentes : parents, veufs ou encore colocataires qui ne font que se croiser et dont le lait, le pain et le fromage sont étiquetés à leur nom. Tandis que certains se prépareront un repas maison, avec du pain au levain fait à la main, d’autres préféreront aller chez KFC ou manger une tartine garnie de ce qui leur tombe sous la main.

 

La solitude du grand âge

 

Ma grand-mère a perdu son mari juste avant le premier confinement. Après soixante et onze ans à cuisiner pour son mari et à manger avec lui, elle s’est subitement retrouvée à faire ces choses seule. La tartine garnie est devenue son plat de prédilection. Quel intérêt, disait-elle, à se donner plus de mal? Nous avons certainement tous éprouvé cette sensation au moins une fois au cours des dix-huit derniers mois, mais c’est une situation particulièrement difficile à vivre pour les personnes âgées.

 

D’après Age UK [une organisation caritative qui vient en aide aux personnes âgées], chez les plus de 65 ans environ une personne sur dix souffre de malnutrition ou risque d’en souffrir, car elles se sentent seules ou ne sont plus capables de faire leurs courses. “Comme vous pouvez vous en douter, ce chiffre a augmenté [pendant la pandémie]”, déplore Lesley Carter, chef de projet chez Age UK, spécialisée dans la malnutrition.

 

Les difficultés financières ne sont pas le seul facteur explicatif, précise Lesley Carter. Le “manque d’enthousiasme et d’idées” entre aussi en ligne de compte.

 

Beaucoup de seniors ont un ordinateur ou une tablette, mais ils ne savent pas vraiment s’en servir pour se renseigner sur des ingrédients inconnus, trouver de nouvelles recettes ou faire leurs courses en ligne.”

 

Ma grand-mère n’a pas pu découvrir l’innovation des recettes en kit proposées par les restaurants, la facilité offerte par Deliveroo, ni même le réconfort d’un cake à la banane. Alors que les jeunes utilisent les réseaux sociaux pour “partager” des photos de plats et trouver l’inspiration, sa génération a grandi dans un univers où la nourriture n’était pas du “contenu” mais un moyen de communication, où les repas en famille faits maison étaient la règle.

 

Écouter ses propres envies

 

Si ma grand-mère continue d’observer le rituel du thé de l’après-midi qu’elle a toujours pratiqué avec mon grand-père, désormais elle ne prépare plus de gâteaux, à moins d’avoir de la visite. Le reste du temps, c’est [le supermarché britannique] Sainsbury’s qui cuisine pour elle — un aveu que je trouvais déprimant jusqu’à ce que je lise les réflexions de Nigella Lawson sur les repas en solitaire.

 

COOK EAT REPEAT

 

Dans son dernier livre Cook, Eat, Repeat [“Cuisinez, dégustez, recommencez”, inédit en français], elle écrit : “Même si l’on aimerait qu’il en soit autrement, la cuisine reste avant tout le fardeau des femmes. Il ne faut pas minimiser le plaisir qu’il y a à cuisiner pour les autres, mais — et c’est peut-être contre-intuitif — l’ego est moins sollicité lorsqu’on cuisine pour soi. C’est vraiment libérateur, on cuisine alors pour se faire plaisir, à soi et à personne d’autre. Pas besoin d’anticiper les goûts de ses invités ni de s’excuser pour ses propres préférences.”

 

Dans ce passage, Nigella Lawson évoque la cuisine, mais sa réflexion s’applique aussi au fait de manger seul. Il est bien beau d’idéaliser les repas en famille, explique Mukta Das, mais “dans la plupart des foyers du monde entier, ce sont surtout les femmes qui se chargent de la cuisine”. Elle ajoute :

 

Alors quand elles sont seules, elles trouvent une certaine liberté dans le fait de ne pas avoir à nourrir les autres. Elles peuvent choisir d’aller au restaurant, de cuisiner ou d’acheter des plats tout prêts.”

 

Cette analyse se vérifie auprès de ma grand-mère – dont le gâteau préféré est véritablement le chausson aux pommes de chez Sainsbury’s –, et de Signe Johansen, l’autrice de Solo: The Joy of Cooking for One [“Le Plaisir de cuisiner pour soi”, inédit en français]. Cette dernière raconte avoir été contactée par un nombre remarquable de lectrices lui expliquant “à quel point il est agréable de ne penser qu’à leurs envies, sans s’occuper des autres”.

 

Retour en grâce des “tables pour une personne”

 

Bien sûr, il y a encore mieux : ne pas se soucier du tout de la cuisine, et aller dîner dehors sans autre compagnie que sa petite personne. Au Lyle’s [un restaurant londonien], les femmes viennent plus souvent dîner seules que les hommes. “C’est ce que je dirais, dans l’ensemble”, témoigne le chef, James Lowe — un constat qui aurait encore étonné il y a une dizaine d’années. “Aller dans un beau restaurant avec un bon livre, c’est vraiment très agréable”, s’enthousiasme Elli Jafari, qui dirige l’hôtel The Standard, à Londres, et va elle-même souvent seule au restaurant.

 

Tout est meilleur quand on est seul et qu’on est dans un bon état d’esprit.”

 

Les dîners en solitaire connaissent une hausse indiscutable : plus 160 % en quatre ans au Royaume-Uni, d’après [le site de réservation en ligne] Open Table. Ces données datent de 2019, mais les responsables du site constatent que “partout dans le monde, les restaurants accueillent de plus en plus de clients solitaires.”

 

Si ces derniers suscitaient autrefois la pitié et l’agacement des chefs de salle, qui voyaient les “tables pour une personne” comme un manque à gagner, ils sont désormais reçus avec autant de plaisir que les réservations de groupe. “Je pense que les comportements ont changé, analyse James Lowe. Nous avons plus d’interactions avec les clients seuls, donc ils passent un meilleur moment, et nous, nous sommes contents.” Les clients qui viennent seuls sont là pour la cuisine, constate le restaurateur. “Ils montrent qu’ils n’ont pas besoin des autres pour s’amuser, qu’ils ont choisi notre établissement et qu’ils sont là parce que ça leur fait plaisir. C’est un vrai compliment.”

 

“Plaisir volé et clandestin”

 

Au Lyle’s, qui fait partie des 50 meilleurs restaurants du monde depuis 2017, la hausse des clients solitaires est étroitement liée à l’essor du “tourisme culinaire”, qui consiste à dresser une liste de restaurants réputés puis à les tester un par un. C’est une activité de niche, réservée aux plus riches, mais cette pratique révèle un autre avantage des dîners en solitaire : la possibilité de se laisser tenter par des restaurants et des plats que nos compagnons de tablée pourraient ne pas aimer ou trouver trop chers. C’est précisément pour cela qu’Elli Jafari commande des huîtres uniquement lorsqu’elle va seule au restaurant. “Quand mes amis sont dégoûtés par les huîtres, ça enlève tout le plaisir.”

 

Erchen Chang a parfaitement réussi à saisir l’essence de ce plaisir volé et clandestin dans l’illustration qui a donné naissance à Bao, la célèbre chaîne [londonienne] de restaurants taïwanais qu’elle dirige avec Wai Ting et Shing Tat Chung. Le logo représente un homme seul, de profil, qui mange discrètement un bao [petit pain asiatique, farci et cuit à la vapeur], un sourire presque imperceptible sur le visage. Ce dessin est à l’origine de toute la marque : “Pour nous, le repas en solitaire est très respectable”, affirme Erchen Chang — à tel point que les trois fondateurs ont conçu un menu spécial pour les clients solitaires, et un magazine consacré aux repas et aux activités idéales à tester seul.

 

À première vue, l’homme [du logo] paraît triste, mais en y regardant de plus près on se rend compte qu’il n’est ni triste ni embarrassé. Il cache son bao parce qu’il l’apprécie. Il profite de l’instant pour méditer et se faire plaisir.”

 

Ces derniers temps, la plupart des recettes que je cuisine chez moi sont tirées du chapitre “À déguster seul” de Crave [“Fringales”, inédit en français]. Cet ouvrage d’Ed Smith, publié il y a quelques mois, est organisé “par saveurs pour s’adapter à votre humeur et à votre appétit”. En consacrant un chapitre de son livre aux repas en solitaire, Ed Smith a voulu “combattre le préjugé selon lequel ‘il n’y a pas d’intérêt à cuisiner juste pour soi’, car quitte à cuisiner pour soi, autant rendre cela festif si on en a les moyens. Vos invités n’apprécieront peut-être pas à sa juste valeur la burrata qui vous a coûté une fortune chez le traiteur du coin, mais vous si.”

 

L’occasion de faire des “mélanges bizarres”

C’est pour cette raison que Nigella Lawson ne commande jamais de caviar au restaurant et qu’elle n’en sert jamais aux autres, mais s’en achète parfois, comme elle l’explique sur le blog cuisine du New York Times. Sa vision des choses, et celle de Signe Johansen, vient contredire une idée préconçue que j’ai longtemps eue : un repas s’apprécie toujours mieux à plusieurs. Lorsqu’on est seul, “on peut faire des choix avec plus d’assurance”, explique Signe Johansen. “Je peux utiliser toute une boîte d’anchois, ou quatre gousses d’ail.” On peut s’adonner à des mélanges bizarres, comme la banane et le bacon, ou les Weetabix [sortes de biscuits secs au blé] beurrés, deux des 50 associations étranges mises au jour par une étude menée l’an dernier auprès de 2000 adultes pour Ocado [entreprise de commerce alimentaire en ligne]. Comme le dit Signe Johansen : “Quand on est seul, on peut faire ce qu’on veut.”

 

Portée par cette phrase, je me tourne à nouveau vers Crave. La recette des nouilles soba à la sauce sésame est alléchante. Je double la quantité de nouilles, car je pourrais en manger sans fin, je mets un peu plus d’ail, et j’ajoute quelques petits pois, parce que ça va avec à peu près tout. Je mange mon plat en regardant Le Journal de Bridget Jones, un film qui, lorsque j’étais plus jeune, a aggravé ma peur de vivre seule. Les repas solitaires de Bridget Jones se composent de vodka, de vieux fromages et de müesli. Prendre le temps de cuisiner quelque chose pour satisfaire mes envies et mes extravagances ressemble à une renaissance : finie la “crise de solitude”, je suis simplement seule, et sereine.

 

Clare Finney

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18 octobre 2021 1 18 /10 /octobre /2021 06:00

Peut être une image de nature

Sur face de Bouc le 15 octobre

Claire Naudin ICI

 

Claire Naudin

En 2021 comme en 2016 la #vignehaute aura sauvé notre domaine. Globalement les pieds ont été épargnés par le gel. Ensuite ils n'ont pas été envahis par un enherbement rendu incontrôlable par des pluies trop fréquentes. Et ils ont mieux résisté aux maladies (mildiou, oïdium, botrytis...). Enfin ils font le bonheur des vendangeurs dont ils redressent le dos...

 

Mais pourquoi continuer à s'obstiner avec la vigne basse ??? Franchement, je pense sérieusement à les transformer dans un futur proche, tant il me semble absurde de travailler à ce point, pour un résultat si vexant. Au moins, dans les #HautesCotes cette transformation est possible !

 

Alors allons-y...

 

Côte-d'Or - Viticulture. Les vendanges commencent déjà dans les hautes côtes

 

Je ne suis pas un expert-sachant mais je fais plus confiance à une vigneronne émérite qu’aux experts de l’INAO ICI  pour qui, dans un monde qui change à grande vitesse, tout le monde dit s’effrayer du changement climatique, il faut que rien ne change, devant les tables de la loi du décret d’appellation il faut se prosterner.

 

Il faut que tout change pour que rien ne change

 

Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi.

 

Don Fabrizio Corbera, prince de Salina dit le Guépard, un prince sicilien

 

Giuseppe Tomasi di Lampedusa.

Paysage. Les hautes-côtes : des sites remarquables

La région des Hautes-Côtes de Beaune et de Nuits est située à l’Ouest du célèbre talus de la Côte-d’Or aux crus prestigieux et qui s’allonge de Marsannay à Santenay.

 

 Le 4 août 1961, était accordée aux vignerons du Syndicat de défense des Hautes-Côtes de Beaune et de Nuits une appellation qui couronnait de longues années d’efforts. Il avait fallu deux générations de vignerons pour que le vin des Hautes-Côtes retrouve enfin ses lettres de noblesse qu’il avait connues au temps de Philippe Auguste en 1180 puisqu’on en but à son sacre…

 

Il importe peu de savoir si le grand roi lui-même avait goûté aux vins des Hautes-Côtes. Par contre, il est intéressant de comprendre comment un vignoble, composé majoritairement de vins de consommation courante à la fin du xixe siècle, qui a connu les affres de la surproduction viticole du début du xxe siècle et de la crise des années 30, est devenu un vignoble de qualité en la seconde moitié du XXe siècle.

 

 Il est possible d’entendre par renaissance du vignoble des Hautes-Côtes de Beaune et de Nuits la croissance du vignoble à partir des années 50-60 par encépagement progressif de zones délimitées bien précises dans un contexte économique prospère conduisant à une reconnaissance juridique grâce à la nouvelle AOC acquise en 1961, assortie d’une exigence de qualité.

 

 Cette expression de « renouveau » ou de « renaissance » n’est pas nouvelle. Marcel Lachiver[1]et Philippe Roudié[2]l’ont utilisée. Nous avons repris dans notre réflexion cette phrase de Roger Dion en la discutant et en l’argumentant à plusieurs échelles d’analyse :

 

 « La viticulture, sous les climats qui la tolèrent, s’accommode, on l’a dit et répété, des terrains les plus divers. […] Aussi le rôle du terrain, dans l’élaboration d’un grand cru, ne va-t-il pas au-delà de celui de la matière dans l’élaboration d’une œuvre d’art »[3]

 

 Nous avons donc posé en hypothèse que cette renaissance est d’abord le fruit du travail de l’homme, davantage encore que des qualités intrinsèques des terroirs qui pourtant ne sont pas à négliger.

 

 Plusieurs questions se posent sur cette renaissance des Hautes-Côtes :  

 

- Comment l’évolution du vignoble s’est-elle déroulée depuis la fin du XIXe siècle ?  

 

- Quels sont les acteurs du renouveau de la vigne et du vin des Hautes-Côtes de Beaune et de Nuits ?

- Quelles sont les causes et les conséquences spatiales, paysagères, sociales, économiques et culturelles de cette renaissance ?

 

- La vigne dans les Hautes-Côtes est-elle toujours une activité peuplante et source de développement local ? Quel est le rôle des terroirs ?  

 

- Quelle est l’influence des grands cycles économiques sur l’économie vitivinicole bourguignonne ? L’image des Hautes-Côtes, de la région, et de ses vins en a-t-elle été modifiée ?

De la crise du phylloxéra au jugement de Dijon de 1930

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Avant le phylloxéra (1878), le vignoble des Hautes-Côtes de Beaune et de Nuits connaît un cycle d’expansion de la vigne lié à la croissance économique sur l’ensemble du XIXe siècle jusqu’au phylloxéra. Cette prospérité résulte de l’augmentation de la consommation de vins ordinaires et des méfaits du phylloxéra dans les vignobles méridionaux.

 

L’historien R. Laurent[4] a montré la croissance de la superficie viticole pendant cette période. Les Hautes-Côtes bénéficient d’une augmentation de 140 % de vignes par rapport à 1800, et la Côte de seulement 43 %. « À la veille de l’invasion du phylloxéra, elle [la vigne] atteint son apogée »[5]

 

 L’expansion a été surtout réalisée à l’aide du cépage gamay qui donne des vins ordinaires ou Passe-tout-grain, obtenu avec le mélange du pinot. Ce sont les petits vignerons qui ont favorisé le gamay.

 

 En 1878, la crise du phylloxéra arrête la progression. La reconstitution redémarrée à partir de 1892 à l’aide de porte-greffes américains connaît son apogée en 1910 dans les Hautes-Côtes. Le vignoble des Hautes-Côtes a perdu environ 16 % de surfaces entre 1878 et 1910. Mais ces pertes sont peu de choses comparées à celles qui ont suivi, en raison de la crise de surproduction et de la crise économique des années 30. On peut estimer à 50 % les vignes disparues entre 1910 et 1936.

 

Pourtant, les vignerons des Hautes-Côtes ne sont pas restés les bras croisés. Ils ont, à partir des années 20, replanté des vignes en cépage pinot donnant des vins fins. Mais, le jugement de Dijon de 1930 a été considéré comme un coup de poignard dans le dos en n’accordant l’appellation Bourgogne (tout court) qu’aux seuls vins provenant du pinot, alors que l’essentiel du vignoble était encore en gamay. Les gamays de Saône-et-Loire obtenaient par ce même jugement la possibilité de prendre l’appellation Bourgogne. Il y avait bien deux poids et deux mesures. Les vins des Hautes-Côtes déjà difficilement vendables étaient un peu plus mis de côté par les « gens » de la Côte. Le ressentiment était très vif dans les Hautes-Côtes.

 

 

Il a fallu attendre le lendemain de la seconde guerre, en 1945, pour voir les vignerons de la région s’attacher à nouveau à l’obtention d’une appellation digne de ce nom. Le premier acteur de cette renaissance est d’abord un modeste instituteur : Étienne Kayser, Secrétaire du Syndicat de Défense des Hautes-Côtes de Beaune recréé en 1945. Reprenant le formidable travail entamé dès 1922 par son prédécesseur, c’est lui le véritable organisateur du redressement spectaculaire des Hautes-Côtes en refusant ce terme blessant « d’Arrières-Côtes », en prônant une amélioration significative de la qualité des vins, en favorisant les pinots plutôt que les gamays. C’est lui encore qui a lancé plusieurs actions de promotions des vins des Hautes-Côtes, qui a su s’attirer les bonnes grâces des « gens » de la Côte, qui a su encourager les viticulteurs des Hautes-Côtes à se former et s’informer sur les nouvelles techniques vitivinicoles. C’est enfin lui qui a monté le dossier de demande d’appellation accepté le 4 août 1961… Il a été le porteur de projet d’un véritable « développement local ascendant ».

 

La dynamique des espaces viticoles sur la longue et la moyenne durée

 

Les terroirs bourguignons relèvent actuellement plus du mythe que de la réalité. Il faut comprendre par là que les connaissances scientifiques sur leur fonctionnement sont encore bien maigres...

 

 

Robert Laurent, Les vignerons de la Côte-d’Or au xixe siècle,… la suite ICI

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12 octobre 2021 2 12 /10 /octobre /2021 06:00

Recycler du papier pour faire des bouteilles de vin - étapes:

Je ne crois pas !

 

Les bibs sont déjà en carton ce qui n’altère pas le vin.

 

Les flacons de verre ne se justifient que par l’image qu’ils portent, ils ne sont que des costumes, le costume fait-il l’homme ? Bien sûr que non ! Même prévention que pour la capsule à vis au lieu du bouchon de liège, la conservation du vin n’est pas en cause.

 

Les producteurs bio devraient être pour, peut-être que le Grand Gégé,  toujours sur l’action, va y aller ? J’en doute !

 

Enfin, argument massue, les vins de GD ultra-majoritaires, vendus moins d’une petite poignée d’euros, devraient adopter la bouteille en papier.

 

Pour les GCC, les climats bourguignons et autres grands vins, la réponse est plus délicate mais pourquoi pas !

 

La bouteille en papier prête à conquérir le monde du vin ICI

 

Vendredi 08 octobre 2021 par Sharon Nagel

 

 

Les gros industriels rivalisent d’ingéniosité pour conditionner leurs produits dans des packagings susceptibles de réduire leur empreinte carbone. Mais c’est une entreprise britannique aux origines modestes qui entend révolutionner le conditionnement du vin avec sa Frugal Bottle en papier recyclé.

 

Fin 2020, un sondage auprès de 1 741 consommateurs britanniques de vins a révélé que près des deux tiers d’entre eux étaient disposés à acheter du vin conditionné en bouteilles en papier. Fait marquant : ce sont plutôt les 55-64 ans qui se montrent les plus réceptifs (67 %) à ce packaging novateur, qui pèse seulement 83 g, soit cinq fois moins qu’une bouteille en verre, offre une empreinte carbone jusqu’à six fois inférieure, se fabrique sans chimie à partir de carton recyclé et se démonte entièrement pour être recyclé.

 

La suite ICI

 

 

Une bouteille de vin en papier débarque sur le marché européen ICI

Les bouteilles de vin en papier recyclé, est-ce l'avenir

La bouteille de vin en papier

 

 

testée en Angleterre

 

 

ICI

 

 

Par Agathe Petit

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11 octobre 2021 1 11 /10 /octobre /2021 06:00

Carrefour Catalogue actuel 01.07 - 31.08.2019 [48] - catalogue-24.com

"Au-delà de l'Unesco, le Prosecco pollue"

J’ai découvert que le prosecco était devenu un vin à la mode le jour où un ami m’a invité dans un “bar à prosecco” sur les quais des canaux de Milan. C’était en 2013.

 

Je suis né et j’ai grandi à Vérone et pour moi ce breuvage a toujours été, fondamentalement, un simple ingrédient du Spritz. On en trouvait dans tous les bars, mais si on voulait un vin avant de dîner, il y avait presque toujours un choix plus séduisant et surtout plus cool.

 

Dans notre famille bourgeoise, à Noël et au nouvel an, nous trinquions au mousseux Ferrari et je ne me souviens pas d’avoir vu, ne serait-ce qu’une fois, l’oncle grand amateur de vins arriver aux réveillons avec des bouteilles de prosecco millésimés.

 

C’est qu’en réalité, dans ma région de Vérone, ce vin n’était pas de ceux qui égayent les fêtes de la province et, en dehors des bars, on le trouvait généralement en supermarché, où on l’achetait à trois euros la bouteille pour le noyer dans l’Aperol et l’eau gazeuse.

 

Tout ceci était appelé à changer lorsque j’ai pénétré dans le petit bar milanais décoré de faïences vertes et de briques creuses, où les serveurs en bretelles et longue barbe ne demandaient qu’à raconter la vie et l’œuvre de bouteilles très recherchées de ce vin pétillant.

 

Ce jour-là, j’ai appris que le prosecco était devenu branché.

 

Près de dix ans et trois milliards de bouteilles plus tard, le Prosecco n’est plus seulement un vin à la mode. C’est l’un des produits italiens qui rencontrent le plus de succès à l’international et il dégage un chiffre d’affaires annuel qui se compte en milliards d’euros. Les acteurs de Hollywood en boivent, tout comme les influenceurs qui se photographient sur Instagram. Plus de la moitié des bouteilles de prosecco sont exportées. Chaque année, un quart de l’ensemble de la production part ainsi au Royaume-Uni et finit dans les bars londoniens très sélects fréquentés par les oligarques de la moitié de la planète. De grandes marques et des stylistes célèbres ont créé leur propre ligne de prosecco, depuis Vera Wang jusqu’à Hello Kitty.

 

“Une gigantesque opération de marketing”

 

L’industrie est si prospère et importante qu’il y a quelques jours, le président de la région Vénétie en personne, Luca Zaia, appuyé par tout le gouvernement, est monté au créneau, menaçant de déchaîner le feu et sa fureur contre la Croatie, qui a demandé à l’Europe de protéger le label de son Prosek, un vin doux dont le nom même constitue une intolérable menace de concurrence pour le puissant consortium du prosecco.

 

En 2013, j’ignorais que les ventes de prosecco enregistraient une croissance vertigineuse depuis déjà cinq ans. La production est passée d’un peu plus de 100 millions de bouteilles en 2008 à 700 millions aujourd’hui.

 

L’autre chose que je ne savais pas, c’est qu’en réalité, le prosecco n’a strictement rien de cool. Le discours est simple, presque arithmétique. Si la production d’une quelconque boisson est multipliée aussi facilement par cinq en une décennie, alors il ne s’agit plus d’un produit de tradition artisanale, haut de gamme ou de qualité particulière, mais plutôt d’une gigantesque opération industrielle et de marketing.

 

“Il se boit plus facilement que le champagne”

 

Le prosecco est aussi et surtout cela. Le glera, le cépage blanc qui compose le vin à 85 %, est un simple raisin de cuve, peu durable mais qui présente un formidable rendement à l’hectare. La méthode de vinification est industrielle : les grappes sont mises à fermenter dans d’immenses autoclaves pouvant contenir plusieurs tonnes de vin. Le processus ne dure pas plus de vingt jours.

 

Le résultat, comme l’écrit la BBC dans son guide actualisé des meilleurs proseccos, “est une boisson bien meilleure que le champagne pour des événements comme les mariages”, parce qu’elle est moins chère et plus légère”, moins “acide”, plus “douce” et, partant, “se boit plus facilement”. Une description qui pourrait tout aussi bien s’appliquer au Bacardi Breezer [mélange de jus de fruits et de rhum qui était très populaire chez les adolescents italiens], et donc tout aussi flatteuse.

 

Tout au long de ces années de succès spectaculaire, la polémique contre le prosecco est pratiquement devenue un genre littéraire dans lequel se sont mesurés œnologues et commentateurs. Mais l’auteur de cette polémique est un habitant de la Vénétie, qui donc ne saurait s’inscrire dans la catégorie mythique du “préjugé antivénète” (même si, étant de Vérone, on pourrait m’accuser de venir de l’unique province de la région qui ne produit pas de prosecco).

 

En réalité, il est grand temps de tordre le cou au lien fallacieux établi entre un vin en grande partie industriel et médiocre, et une supposée mythique “tradition” de la Vénétie. La “tradition” du prosecco est plutôt un cas d’école de “l’invention d’une tradition”. Le pedigree du prosecco, fabriqué de toutes pièces, voudrait qu’il descende directement d’un antique vin romain cité par Pline l’Ancien. Or, c’est en réalité un produit moderne, issu d’une méthode industrielle de fabrication des vins pétillants mise au point au début du XXe siècle.

 

Ce que nous pourrions reconnaître comme un prosecco moderne commence à se propager dans les années 1990, et le cœur de sa production est la Vénétie, et plus particulièrement la province de Trévise. Avec le soutien du puissant Luca Zaia [président de la région], le Prosecco et sa zone de production sont devenus le nouveau mythe de la Vénétie, un symbole branché et international d’une région jadis florissante, mais dont la grandeur industrielle est désormais un souvenir.

 

Ce processus a atteint son apogée avec le classement des coteaux de Valdobbiadene sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. C’est sans doute le meilleur coup de génie depuis l’époque où, il y a quatre-vingt-dix ans, certains de mes concitoyens de Vérone ont eu l’idée de s’inventer une maison de Juliette, avec son incontournable balcon, appliqué sur la façade d’une maison restaurée avec des pièces récupérées dans une vieille décharge.

 

Pas plus que la maison de Juliette n’est le palais d’une ancienne dynastie médiévale, les collines vertes de Valdobbiadene ne sont pas un paradis de vignobles onduleux et de villages pittoresques.

 

C’est un paysage de monoculture industrielle ou chaque lopin de terre est couvert à perte de vue de rangs de vigne parfaitement identiques, comme l’arrière-plan infini d’un jeu vidéo. Une région qu’un panneau publicitaire déconseille de visiter juste avant la saison des vendanges, à cause des nuages de produits phytosanitaires et de désherbants disséminés dans les champs des fermiers, et dont les effets sur la population soulèvent régulièrement des débats.

 

Les sept cents millions de bouteilles de prosecco n’ont strictement rien à voir avec l’esprit ou la tradition de la Vénétie, pas plus que Coca-Cola ne fait partie du bagage culturel des habitants d’Atlanta, où se trouve le siège de l’entreprise. Le prosecco et son consortium ne sont rien de moins qu’une méga-corporation, avec tous les problèmes sociaux, industriels et éthiques que cela comporte, à commencer par les liens qu’elle entretient depuis vingt-cinq ans avec la politique et la classe dirigeante Vénète, qui l’a protégée et soutenue.

 

Si donc les Croates veulent utiliser le label Prošek pour leur vin, grand bien leur fasse. Et pas seulement parce que leur vin est un vin doux qui n’a rien de commun avec le pétillant italien. S’ils le souhaitent, ils devraient également pouvoir prendre la dénomination de prosecco. Le moment est venu de partager l’honneur et la charge qu’il peut y avoir à produire ce vin industriel plus vanté qu’il ne le mérite.

 

Davide Maria De Luca

 

 

Dégustation de Prosecco dans la vallée du Valdobbiadene, zone de production de ce vin, dans le nord-est de l’Italie, le 4 juillet 2018. REUTERS / Manuel SILVESTRI

Dégustation de Prosecco dans la vallée du Valdobbiadene, zone de production de ce vin, dans le nord-est de l’Italie, le 4 juillet 2018. REUTERS / Manuel SILVESTRI

Le côté obscur du prosecco

 

 

ICI

Les collines où est produit le célèbre vin pétillant italien ont été inscrites le 7 juillet au patrimoine mondial de l’Unesco. Alors que les institutions célèbrent cette décision, des voix s’élèvent pour dénoncer les ravages causés par cette monoculture.

 

“Nous ne porterons pas de toast, parce qu’il n’y a pas grand-chose à fêter. Nous, les mères de Revine Lago [petit village de la région], nous voulons laisser à nos enfants un patrimoine plus important que celui du prosecco : le respect de notre terre.” Lisa Trinca ne se joint pas à l’allégresse de la Vénétie, où, en ce dimanche 7 juillet après-midi, on débouche des bouteilles, on lève son verre et on se complimente à tour de rôle de la décision de l’Unesco qui vient d’inscrire les collines qui vont de Valdobbiadene à Conegliano sur la liste du patrimoine naturel mondial.

 

“Le problème, c’est justement ça : quelle nature? On ne peut pas considérer uniquement le paysage, il faut aussi prendre en compte les dimensions sociales et sanitaires. Et l’Unesco ne le fait pas. Autrement, elle nous aurait écoutés.” Gilberto Carlotto, référent local du WWF, tient lui aussi un discours discordant, dans une région où la réalité agricole est celle de la monoculture. Une monoculture qui produit les bulles du prosecco. Ce phénomène œnologique et économique qui comptabilise 0,5 milliard de bouteilles produites en 2019 et 2,3 milliards de chiffre d’affaires en 2018. Ce vin connu dans le monde entier, cette source extraordinaire de richesse.

 

Seuls des hommes et des femmes armés de bonne volonté peuvent s’opposer à cette formidable machine de guerre qui vient d’atteindre son objectif à Bakou, en Azerbaïdjan [lieu où la décision de l’Unesco a été prise], après l’échec de l’an dernier. Pour le plus grand bonheur du président de la région de Vénétie, Luca Zaia (Ligue), qui, né dans la région, est sorti diplômé de l’école d’œnologie et donne désormais des interviews inspirées : “Il y a dix ans, j’avais un rêve… Je l’ai réalisé. Et après les Jeux olympiques de Cortina [ville de la région qui coorganisera avec Milan les JO d’hiver en 2026], maintenant, il ne reste plus que mon troisième grand objectif, l’autonomie de la Vénétie.”

 

12 kilos de pesticides par hectare contre une moyenne nationale de 5 kilos

 

Peu avant le vote de l’Unesco, à Bakou, une seule voix s’élevait pour s’opposer à l’inscription des collines de Vénétie au patrimoine mondial. Celle du représentant de l’ONG antipesticides PAN : “Cette candidature prévoit la culture intensive des terres et l’emploi de pesticides avec de graves effets sur la santé de la population et sur la qualité de vie. Est-ce le message que vous voulez transmettre aux nouvelles générations?” La question a été couverte par les acclamations pour le dossier italien.

 

Évidemment, personne d’autre que lui n’avait lu les documents qu’associations et défenseurs de l’environnement fournissent depuis des années. Le dernier en date remonte à la semaine dernière, quand une délégation d’une trentaine d’associations de Vénétie et du Frioul s’est rendue à Venise pour remettre une lettre de sommation à la région de la Vénétie, avec une copie à Icomos Italia (International Council on Monuments and Sites), qui a instruit le dossier sur le prosecco. La sommation de l’avocate Alessandra Cadalt reprend les motifs des marches contre les pesticides et les produits phytosanitaires qui ont eu lieu en mai en Vénétie, au Frioul et au Trentin [trois régions du Nord-Est], avec le soutien du WWF.

 

“La province de Trévise [en Vénétie] consomme en moyenne 12 kilos de pesticides par hectare, contre une moyenne nationale de 5 kilos, écrit l’avocate. Dans toutes les zones de viticulture, entre le mois d’avril et les mois d’août-septembre, la population est prise en otage : elle doit rester séquestrée chez elle. Les gens ne peuvent pas utiliser leur jardin, étendre leur linge dehors, prendre le soleil…” Les pesticides sont disséminés partout, ils sont pulvérisés sur les vignes, puis ils sont transportés par le vent et contaminent l’eau.

 

Le prosecco a bouleversé le territoire, défiguré les collines, détruit les prairies

 

Tandis que les délégués de l’Unesco admirent la beauté des collines, les défenseurs de l’environnement, eux, tirent la sonnette d’alarme : “La situation des zones allouées à la viticulture est dramatique. On ne voit aucune autre culture, seulement des vignes, des vignes au bord des routes, des vignes à côté des écoles, des vignes jusque sur les ronds-points, à proximité des zones résidentielles.” Et c’est l’un des reproches adressés au prosecco : il a bouleversé le territoire, défiguré les collines, détruit les prairies et les arbustes.

 

Silvia Benedetti, une parlementaire de Padoue, n’y va pas par quatre chemins : “La région de la Vénétie finance à tout-va le prosecco, elle y injecte des millions d’euros [depuis mai 2018, la région y a consacré 40 millions d’euros]. Mais elle ne s’intéresse pas aux conditions de culture.”

 

À Conegliano, dans la province de Trévise, Gilberto Carlotto, du WWF, dénonce la partie qui s’est jouée avec l’Unesco. “Tout s’est fait en secret. Pendant des mois, j’ai demandé le dossier qui avait été envoyé à Paris, mais le Consorzio del prosecco [Consortium du prosecco] ne l’a jamais rendu public. Le plan de gestion non plus n’est pas connu.” Quand des écologistes ont manifesté contre les pesticides, le service de presse du Consorzio a publié un communiqué enflammé : “Ces accusations sont des fake news. Le protocole viticole que nous avons adopté interdit l’usage du glyphosate, alors que les réglementations italiennes et européennes en autorisent l’emploi.”

 

”On installe des vignes même à côté d’écoles maternelles”

 

Réponse de Carlotto : “D’abord, le contenu du protocole n’est pas obligatoire; libre à chacun de l’appliquer. Ensuite, ils n’utilisent pas de glyphosate pour le prosecco supérieur AOC, mais la région l’autorise pour tous les vignobles. Et c’est un désastre. Et puis il y a les dérogations du ministère de la Santé.” Lisa Trinca, l’une des mères de Revine Lago, s’indigne elle aussi : “L’Unesco donne sa caution à une zone où les cultivateurs ne se convertissent pas à l’agriculture biologique. Où les vignes occupent de plus en plus d’espace. Où les collines sont saccagées. Où il n’y a pas de zones tampons entre les cultures et les zones habitées, où on installe des vignes même à côté d’écoles maternelles.”

 

Pendant ce temps, le prosecco poursuit son ascension. En 2019, on prévoit d’allouer 3000 hectares de plus à sa production pour satisfaire la demande. Ces dernières années, aux États-Unis et au Royaume-Uni, ses ventes ont progressé de près de 30 %. Qu’en sera-t-il maintenant, après la bénédiction de l’Unesco

Giuseppe Pietrobelli

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3 octobre 2021 7 03 /10 /octobre /2021 06:00

 VOIR en fin de chronique

 

J’en connais trois, Claire la vigneronne des Hautes-Côtes, Claire l’ancienne taulière du Lapin Blanc maintenant caviste à Bruxelles, Claire la meilleure dénicheuse de vin nu. Dénominateur commun le vin.

 

Celle d’aujourd’hui me renvoie à ma vie d’avant, celle où nous devions pour les dossiers importants en référer au château, à Tonton donc, François Mitterrand, le Président comme le disait Louis Mermaz.

 

Ici CLAIRE est un pseudo attribué au dernier secret de François Mitterrand

« Le Dernier Secret » : la jeune fille et le président François Mitterrand ICI

 

Par Solenn de Royer

Publié le 29 septembre 2021

DOCUMENT

 

Solenn de Royer, grande reporter au « Monde », raconte dans un ouvrage à paraître chez Grasset le 6 octobre un pan inconnu de la vie du président : sa relation amoureuse avec une très jeune femme prénommée Claire durant les huit dernières années de sa vie. Extraits.

 

[Dans Le Dernier Secret, à paraître le 6 octobre chez Grasset, Solenn de Royer, grande reporter au Monde, révèle un pan inédit de la vie du président socialiste : sa liaison, entre 1988 et 1996, avec une très jeune femme, prénommée Claire dans le livre. Malgré leur différence d’âge – cinquante ans –, cette relation, connue d’une poignée d’initiés, a duré jusqu’à la mort de Mitterrand. Le récit souvent stupéfiant qu’en fait la journaliste dit beaucoup de cette époque particulière au palais de l’Elysée.]

 

Bonnes feuilles. C’est à la fin qu’elle m’a raconté les commencements.

 

Quand j’interrogeais Claire sur les raisons l’ayant conduite à rencontrer, si jeune, François Mitterrand, elle esquivait, ajoutait, en riant, que ça ferait l’objet d’un deuxième livre. Je n’arrivais à rien. Au fond, je crois qu’elle avait peur d’être jugée, de paraître singulière, un peu ridicule peut-être, parce qu’elle avait espéré, attendu, cherché le président de la République pendant quatre ans. Parce qu’elle l’avait voulu.

 

Au départ, m’explique-t-elle, c’est une passion politique.

 

En 1984, Claire a 18 ans. Elle vient d’arriver de Limoges à Paris pour faire son droit, quittant avec soulagement un milieu provincial et bourgeois, sans joie. (…) Ses parents ont toujours voté à droite. A l’unisson de la bourgeoisie française, ils ont paniqué à l’élection de François Mitterrand, le 10 mai 1981. Ce jour-là, puis le lendemain, de retour au lycée, Claire a envié l’excitation de ses amis, qu’elle ne pouvait partager, tiraillée entre les convictions familiales et des idéaux de gauche séduisants qu’elle n’a pas encore faits siens.

 

En arrivant à Paris, elle veut se rattraper. Elle prend sa carte au Parti socialiste, s’investit dans le syndicalisme étudiant, milite à gauche. Mitterrand, pourtant, ne fait déjà plus rêver. Depuis le tournant de la rigueur, le peuple de gauche a compris qu’il ne changerait pas la vie. Les élections européennes du printemps 1984, où Claire vote pour la première fois, sont catastrophiques pour le pouvoir. « Peut-il encore gouverner ? », titre L’Express.

 

L’étudiante trouve ces critiques injustes. Dans les couloirs de sa fac de droit, auprès de ses amis aussi, elle défend ardemment le président. Paris l’a sauvée de l’ennui et de la tiédeur, mais ça ne suffit pas, elle a besoin de sens et de grandeur, d’intensité. L’abolition de la peine de mort, qui a marqué le début du septennat, l’a emportée, fait vibrer. La gauche et ses idéaux deviennent sa cause.

 

François Mitterrand, une idole.

 

Elle se met en tête de le rencontrer. (…)

 

« Il est patient, s’enquiert de sa journée, de ses projets. De ses cours ou de ses examens. Puis, plus tard, de son travail »

 

[Dans les années suivantes, l’étudiante et un ami prénommé Benoît parviennent peu à peu à approcher François Mitterrand, à Paris ou lors de ses déplacements. Pour la jeune fille, de cinquante ans sa cadette, cette volonté de le voir et d’échanger avec lui de façon amicale confine parfois à l’obsession.]

 

Longtemps après, Claire s’est interrogée sur la finalité de cette quête insensée. Encore aujourd’hui, elle semble ne pas avoir toutes les clés. Bien sûr, il y avait la politique, le pouvoir. Paris à conquérir. Mais pas seulement. Il y avait aussi une part de jeu. Et puis, ce secret, qui les soudait, elle et Benoît, n’appartenait qu’à eux. Elle sentait une ferveur autour de cet homme, à laquelle elle désirait communier. Elle voulait faire partie de la famille, du clan. Etre adoptée. (…)

 

A quoi pouvait bien penser François Mitterrand en rencontrant Claire et Benoît, partout où il allait ? Parfois, il ne se passait presque rien. Un simple échange de regards ou un signe de la main. La plupart du temps, il s’arrêtait pourtant, amusé, touché peut-être, par leur persévérance.

 

Claire me montre une photo, prise le jour d’un déplacement en province : Mitterrand échange avec une jeune femme brune, vêtue d’un imperméable. Elle semble parler tout bas puisqu’il se penche légèrement pour l’entendre. Il sourit à moitié, attentif et doux. (…)

 

[En 1988, une relation amoureuse commence à se nouer, à l’initiative de Claire, qui invite le président dans son petit appartement de la rue du Four, à Paris. Elle se rend très fréquemment à l’Elysée, et participera même, par la suite, à des voyages officiels.]

 

Il l’appelle tous les jours, au moins deux fois. Le matin et le soir. (…)

 

Rue du Four, le téléphone se trouve au pied du lit. Et le répondeur à cassette dans l’entrée. Elle attend que la sonnerie résonne plusieurs fois avant de répondre, ne veut pas se précipiter.

 

« Tu te rends compte, me dit Claire, il m’a réveillée tous les matins pendant huit ans. »

 

Le matin, il téléphone quand il arrive à l’Elysée. Le soir, c’est variable, 21 heures ou 23 heures.

 

En raccrochant, il lui dit « au revoir », en détachant les syllabes, ou « à plus tard ».

 

Il est patient, s’enquiert de sa journée, de ses projets. De ses cours ou de ses examens. Puis, plus tard, de son travail. Un jour, il lui dit que ses chefs la tiennent en esclavage, menace d’intervenir. Il sait ce qu’elle fait, quand et avec qui. Il connaît tout de sa vie. Elle ne vit pas, elle attend. (…)

 

Elle ne pense qu’à lui. A l’instant où elle va enfin le retrouver, aux déjeuners dans la bibliothèque de l’Elysée, aux dîners chez les écaillers, aux lentes flâneries sur les quais ou dans les rues de Paris, aux appels du soir et à ceux du matin. Lui n’aime pas qu’elle sorte, il aimerait la garder pour lui seul. (…)

 

Partout où elle va, il la suit, la traque, la précède parfois, se présente comme « M. Etienne », laisse un message, demande qu’elle le rappelle quand elle est arrivée. (… ) La durée de leurs conversations varie, dépend de son agenda à lui, ou de son état à elle. Quand Claire va mal, lui dit qu’elle n’en peut plus, qu’elle va crever, qu’elle a besoin de lui, alors il prend son temps. (…) Quand elle n’est pas là, il laisse un message sur le répondeur. Je demande à Claire si elle a gardé les cassettes. Elle me dit : « Oui, je les ai toutes, des dizaines. » (…)

 

« [A l’Elysée] Claire ne vient jamais sans être annoncée. Au début, elle montre ses papiers au garde républicain. Puis, même plus »

 

Mitterrand lui dit parfois en riant qu’elle se prend pour le centre du monde. Il la traite de « gare de Perpignan de Dali », tout en lui désignant son nombril, d’un geste.

 

« Tu es obsédée par ce que je ressens pour toi… »

 

Parfois, il reconnaît de mauvaise grâce qu’il ne l’a pas assez écoutée.

 

« Tu ne veux pas admettre que cette histoire est extraordinaire, dit-il.

 

– L’admettre, ce serait renoncer », répond Claire.

 

Et ça recommence.

 

« Mais tu te rends compte de la manière dont tu me parles ? », lui lance-t-il, un jour. Elle réclame, tempête, exige, assure qu’elle est déçue parce que leur relation n’évolue pas. Il lui dit qu’elle fait des caprices de bourgeoise.

 

« Mais tu es impossible à la fin ! »

 

Quand il veut raccrocher, épuisé, elle crie : « Non, attendez. » (…)

 

[A l’Elysée] Claire ne vient jamais sans être annoncée. Elle gare sa petite moto, une Yamaha 125, à côté du kiosque à journaux, avenue de Marigny, traverse la rue à la hâte. Au début, elle montre ses papiers au garde républicain. Puis, même plus. C’est souvent le même gendarme qui l’accueille à la loge d’honneur. Elle le trouve sympathique. Il parle fort et aime plaisanter. Ça fait longtemps qu’il a compris.

A l’entrée du palais, elle n’est jamais tranquille. Hésitante, en retrait. Elle tremble de croiser un conseiller qu’elle connaît, redoute les questions que l’on pourrait se poser. La plupart du temps, la loge est déserte. Le gendarme appelle un huissier qui la conduit jusqu’au premier étage. Ou alors, il lui dit : « Vous connaissez le chemin », et elle y va seule. (…)

 

Elle ne sait jamais à l’avance le temps dont il dispose.

 

Il aime la maintenir dans le flou, l’incertitude. (…)

 

« Claire sort une deuxième cassette du sac. Cette fois, la voix est plus nette »

 

Je lui demande si elle a retrouvé les cassettes de son répondeur. Depuis des semaines, je veux les écouter, mais, à chaque fois que j’évoque le sujet, Claire se montre réticente, fuyante. Ce soir, elle n’hésite pas longtemps. Je la suis sous l’escalier, où elle a rangé une malle cloutée. Elle retire la pile de magazines posés dessus et l’ouvre doucement, avant d’exhumer les objets, un à un. Une paire de lunettes. Des échantillons Hermès dans une trousse de toilette Air France, rapportée du dernier voyage officiel en Concorde. Un stylo offert par le premier ministre du Québec. Du sirop d’érable, qu’elle n’a jamais ouvert. Une boîte de chocolats, elle ne sait pas ce qu’elle fait là.

 

« Je suis une collectionneuse », me dit Claire.

 

Au fond de la malle, deux sacs en plastique. Les voilà. J’essaye de masquer mon impatience. Lui demande comment on va les écouter. Elle me dit qu’elle a gardé une radiocassette quelque part. Elle se lève, monte à l’étage, redescend avec l’appareil d’un autre âge.

 

La bande crisse, ronronne. Plusieurs bips sonores. Des bruits oubliés. Enfin, une voix. Lointaine, voilée. A peine perceptible. Un simple filet. Claire monte le son, rien n’y fait. On colle l’oreille contre le poste, à tour de rôle. On n’entend rien. Je suis déçue. Peut-être ces bandes ne résistent-elles pas au temps.

 

Claire sort une deuxième cassette du sac. Cette fois, la voix est plus nette. Et c’est bien la sienne, la voix de Mitterrand. « Allô, allôôô ? » Il raccroche. Une sonnerie. Un bip. « Je vous appelle entre deux réunions, je ne sais pas à quelle heure vous rentrez… » Bip. « Je pense que je dormirai ce soir quand vous rentrerez. Je vous appellerai vers 8 h 15, demain. J’espère vous trouver. Au revoir. » Bip. « Allô ? Je vous avais dit que je vous appellerais un peu avant 7 heures… mais vous n’êtes pas là… » Bip.

 

« Ça me replonge dans quelque chose de… », commence Claire, sans me regarder.

 

Troisième cassette. Mêmes chuintements quand la bande se met à tourner. Et cette voix, toujours, qui alterne le tu et le vous. « Bonsoir. Je viens de rentrer de Loire-Atlantique. Je vous appellerai ce soir plus tard. En tout cas, demain matin. » Bip. « Bonsoir, il est 10 heures moins le quart pour l’instant. Je fais un petit bonsoir. Sinon j’appellerai demain matin. Bonne soirée. » Bip. « Tu vois, il est 11 h 10 ce soir, ce n’est pas très raisonnable… J’appellerai demain. Au revoir. » Bip. (…)

 

Elle apprend à dissimuler, s’arrange avec la réalité. Elle parle de l’homme aimé en disant qu’il est marié, c’est vrai, qu’il est avocat, c’était vrai, et qu’il est plus âgé qu’elle, vrai aussi. Quand une conversation glisse devant elle sur François Mitterrand, éventuellement sur les nombreuses maîtresses qu’on lui prête, elle affiche un masque d’où rien ne transparaît.

 

Personne n’a jamais deviné.

 

Au cours de la première année, elle décide de se confier à une amie, la fille d’un préfet, qui vit chez ses parents dans un grand appartement dominant la Seine. Avec hésitation, d’abord, puis avec ferveur, Claire raconte tout. La peur, l’excitation, l’admiration, la joie, le manque, le chagrin, l’exaltation quand elle part le retrouver, l’attente anxieuse de ses appels, les livres, les flâneries dans Paris. Elle raconte aussi le premier baiser. La fille du préfet se tait.

 

« Ça me dégoûte », finit-elle par lâcher.

 

Ce verdict scelle la fin de leur amitié.

 

« Cinquante ans d’écart, c’est écrasant, mais, moi, je trouvais ça beau », me dit Claire.

 

Après cette confession, elle n’en a plus parlé à personne, en dehors du petit cercle de ses amis intimes. Elle poursuit : « Je ne voulais plus qu’on salisse mon histoire. Je voulais la vivre, puis la chérir un jour, en paix. »

 

« “On ne se voit jamais, regrette Claire.


– Mais je t’ai vue plus longtemps que Sakharov et Walesa!”, plaide-t-il »

 

Claire se souvient aussi du geste de Michel Charasse, le fidèle conseiller, à qui François Mitterrand pouvait tout demander, le gardien des secrets. Dans une voiture qui filait quai Voltaire, le mamelouk du président, qu’elle aimait bien pourtant, l’avait regardée d’un drôle d’air en faisant glisser lentement son pouce sous sa gorge :

 

« Si tu parles… » (…)

 

Il [le président] l’appelle le soir même, à 23 h 15. Ils se chamaillent au téléphone. Claire lui en veut. Il n’est resté qu’une heure chez elle, tout à l’heure. Et la veille, à l’Elysée, il l’a délaissée, n’ayant pas terminé le discours qu’il devait prononcer en l’honneur du physicien et dissident russe Andreï Sakharov. Il a travaillé toute la durée du rendez-vous. « Tu es une muse », lui a-t-il dit en souriant, avant de la chasser.

 

« On ne se voit jamais, regrette Claire.

 

– Mais je t’ai vue plus longtemps que Sakharov et Walesa ! », plaide-t-il.

 

Elle soupire :

 

« Si vous croyez que ça me flatte ! »

 

Il est déçu.

 

« Quittez-moi !, lâche-t-elle brusquement.

 

– Pourquoi moi ?, demande Mitterrand.

 

– Parce que j’en suis incapable, moi. Il faut qu’on arrête. C’est trop difficile.

 

– C’est bien d’avoir tenté l’impossible. » (…)

 

Quand Claire descend dans le hall de son immeuble, la gardienne tire le rideau de sa loge et engage la conversation, l’air de rien.

 

Elle aussi attend le président.

 

C’est une Bretonne. Claire se souvient qu’elle avait les cheveux roux, très fins, une permanente.

 

La gardienne, elle, se souvient de la fille du septième.

 

Pendant huit ans, elle a vu passer François Mitterrand devant sa loge. Elle n’a jamais rien dit. (…)

 

Le déjeuner terminé, ils montent dans son bureau. Mitterrand s’excuse de ne pas avoir de cadeau pour elle et la remercie pour le sien, un joli carnet relié. Claire lui demande de lui écrire dessus. Il répète : pas de traces, pas de traces. Elle lui dit qu’elle a tout prévu : il écrira, lui donnera ensuite le carnet, elle lui répondra, et ainsi de suite. Et, à la fin, promet-elle, il pourra garder l’original. Elle est fière de son plan, qu’elle croit imparable.

 

« Tu es vraiment amoureuse pour avoir des attentions comme ça, c’est attendrissant. Tu es pleine de poésie. »

 

Elle s’approche soudain, lui vole un baiser.

 

« Veux-tu ! », fait-il mine de s’offusquer.

 

Il ferme les yeux, lui dit qu’il est fatigué.

 

« Il y a l’arbre de Noël en bas, mais ils attendront. Je ne suis pas obligé d’y aller tout de suite… Ils me traitent de monarque déclinant maintenant. Mais je vais encore leur en faire voir ! Tu trouves que j’ai l’air d’un monarque déclinant ?

 

– Déclinant, non. »

 

Elle sourit, veut l’embrasser encore. Il dit non, pas ici. Puis il se laisse faire. Ils s’embrassent sans s’arrêter.

 

Dans son agenda, à la date du 21 décembre 1988, Claire note : « Il n’a jamais eu l’air autant attaché à moi. Il semble un peu triste, préoccupé. » (…)

 

Il lui fait lire Lettres à une amie. Mitterrand est intarissable sur ces lettres que Clemenceau a écrites, à la fin de sa vie, à son dernier amour, Marguerite. Il a 82 ans, et elle 40. (…) Claire s’est procuré le lourd recueil, six cent soixante-huit lettres. Elle aime ces mots (…), qu’il lui répète : « Je vous aiderai à vivre et vous m’aiderez à mourir. » (…) Quand Claire cherche à savoir quelle est sa place, Mitterrand lui répond toujours :

 

« Tu resteras jusqu’à la fin. » (…)

 

[Au fil du temps, Claire constate que la santé du président se dégrade, mais sans deviner qu’il souffre d’un cancer.]

 

(…) Mitterrand se rassoit aussitôt qu’elle entre. Il a eu une brutale chute de tension et sa voix a baissé. Plus tôt dans la journée, il s’est brusquement mis à tituber en allant chercher un livre au Pont-Neuf. Il a saigné du nez.

 

« Ce dont j’ai peur, c’est que ça fasse claquer un vaisseau là, poursuit-il en désignant son front. Je ne veux pas être diminué. »

 

Il lui explique qu’il a fait promettre à deux ou trois amis de pratiquer l’euthanasie si son état, un jour, devait brutalement se dégrader. Tout en parlant, il prend sa tête entre les mains, ferme les yeux. Elle lui ordonne de venir se reposer. Ils vont dans la chambre. Mitterrand cherche ses médicaments, les avale avec un verre d’eau. Puis lui demande d’ouvrir le lit.

 

« Tu n’es pas obligée de te déshabiller, mais, moi, j’ai besoin de m’allonger. »

 

Elle s’allonge aussi.

 

« Tu te couches, comme ça, dans le lit de tous les hommes ? », tente-t-il de plaisanter.

 

Mais le cœur n’y est pas. Elle veut savoir si son médecin est là. Le docteur Gubler est parti en week-end et Mitterrand refuse de l’appeler.

 

« S’il m’arrivait quelque chose, ne reste pas…, ordonne-t-il. Tu fileras par cette porte. Je ne veux pas qu’on t’accuse de quoi que ce soit. »

(…)

 

« Le journal “Minute” publie une photo d’Anne Pingeot. La rumeur d’une double vie courait depuis longtemps, mais Claire refusait d’y croire »

 

« Je ne sais pas quand je pourrai te rappeler », lui a dit Mitterrand sur le répondeur.

 

Il a laissé un message jeudi 10 septembre 1992, tard dans la soirée. Un message qui ne ressemble pas aux autres. Claire dort mal cette nuit-là, troublée. Elle appelle l’Elysée le lendemain, on lui passe Marie-Claire Papegay. Elle lui demande si le président est là, si elle peut lui parler. La secrétaire part dans un petit rire sec, répond que ce n’est pas possible, sans expliquer pourquoi. A midi, vendredi, l’Elysée publie un communiqué signé du professeur Adolphe Steg et du médecin personnel de Mitterrand, Claude Gubler, pour informer les Français que le président de la République a été opéré d’un cancer de la prostate à l’hôpital Cochin.

 

Quelque chose se fissure ce jour-là.

(…)

 

La publication de Minute, le 17 mars 1993, est une deuxième cassure.

 

« Pour voir clandestinement la femme de sa vie, il vit caché en plein Paris », titre l’hebdomadaire d’extrême droite qui fait sa « une » sur « le domicile secret de Mitterrand ». Le journal publie une photo de la voiture du président de la République arrivant discrètement quai Branly, et une autre d’Anne Pingeot.

 

La rumeur d’une double vie courait depuis longtemps, mais Claire refusait d’y croire. Elle voit Mitterrand le jour même. La discussion se passe mal. « Tu ne vas quand même pas croire ce torchon », se défend-il, feignant l’indignation. Elle sait bien qu’il s’agit d’un journal grossier, diffamatoire. Mais elle ne trouve pas en elle de quoi lutter. Il ne sait pas non plus la rassurer. Il s’adoucit soudain, lui prend la main.

 

Ce soir-là, Claire ne rentre pas dormir chez elle. Il aurait appelé à l’heure habituelle. Elle ne veut pas lui parler. Il insiste, rappelle le lendemain. Elle ne décroche pas. Il rappelle encore, laisse un nouveau message. Elle résiste.

 

« Sans gloire », écrit-elle dans son carnet. (…)

 

La maladie et les traitements l’ont changé. Il râle, récrimine, devient de plus en plus difficile, capricieux. Les menus qu’on lui soumet ne vont jamais. Il les renvoie raturés, annotés. Les maîtres d’hôtel reviennent en cuisine, déconfits. Claire est gênée d’assister à ces réprimandes. Parfois, elle tente de le raisonner. Il se défend, argumente, lui dit que la viande est mal cuite, le poisson surgelé, il ne comprend pas pourquoi les cuisiniers veulent toujours lui servir des mets sophistiqués alors qu’il n’aime que les choses simples.

 

« Ce n’est pas une raison pour humilier les gens, murmure Claire.

 

– Tu trouves que j’ai été méchant ?, interroge-t-il.

 

– Oui. »

 

Il ironise :

 

« Quoi ? Tu te prends pour la maîtresse officielle ? » (…)

 

[Alors que la santé du président continue de se dégrader, la presse révèle qu’il a eu une fille, Mazarine, avec Anne Pingeot, mais ignore tout de sa liaison avec Claire.]

 

« Qu’est-ce que je prends, qu’est-ce que je prends… ! »

 

Mitterrand est tassé dans le fauteuil de sa chambre. Claire lui dit sa colère et sa peine. Le 10 novembre 1994, Paris Match a publié une photo du président de la République et de sa fille Mazarine, dont l’existence est révélée. « Le bouleversant récit d’une double vie », titre l’hebdomadaire.

 

« Je suis quoi, moi, dans tout ça ? Un jouet ? Une doublure ? »

 

Elle crie, elle tempête. Elle le traite de menteur. Il encaisse mais ne se justifie pas.

 

Les mois qui suivent sont empoisonnés par ces révélations. Quand Claire évoque Anne ou Mazarine, hausse le ton, il plaide doucement :

 

« Arrête… Elles sont gentilles… »

 

« Je ne sais même plus alors de qui, de la mère ou de la fille, je suis jalouse », me dit Claire.

 

On feuillette ensemble son agenda 1994. Elle a pris peu de notes, cette année-là. A la date du 16 novembre, soit six jours après la publication de Match, elle a noté, à 18 heures : « Retrouvailles difficiles après histoire fille. »

 

Elle affirme que plus rien n’a été pareil ensuite. (…)

 

Il l’emmène partout, désormais. Lui ouvre les portes, tous les accès. Il accepte même qu’elle le photographie et répond longuement à ses questions, le petit enregistreur de Claire posé à côté de son fauteuil ou sur son lit. Elle lui a dit qu’elle voulait écrire un livre sur ses derniers mois à l’Elysée. Comme ça, je serai avec toi tout le temps, a-t-elle plaidé. Il ne lui résiste plus. Elle se persuade qu’il a trouvé là un moyen de se racheter, après les révélations sur Anne et Mazarine. Il est épuisé. (…)

 

« Elle a lu les lettres, éblouissantes, que Mitterrand a écrites à Anne Pingeot entre 1962 et 1995 »

 

[Au printemps 1995, François Mitterrand se prépare à quitter l’Elysée, où il est installé depuis quatorze ans. Claire est présente.]

 

Assise dans un coin, elle le regarde ranger sa chambre. Une valise est posée sur le lit. Des cartons partout. On a décroché aussi les tableaux. Le déménagement entre l’Elysée et la rue de Bièvre est un crève-cœur. Lui, le collectionneur, déteste jeter, se séparer des objets.

 

« C’est dommage, lance-t-il, j’aimais bien ma chambre… »

 

Il a commencé par les livres. Il dit que c’est le gros morceau, qu’après ça ira plus vite.

 

« Des livres que j’ai acquis en un demi-siècle… Je vais les envoyer au centre Jean-Jaurès, à Nevers, comme ça ils ne seront pas séparés. Quand je serai mort, ils s’écrouleront sous la poussière. » Plusieurs gardes du corps sont venus l’aider. Le plus grand sort les livres de l’étagère, un autre les range dans les cartons, un troisième dresse l’inventaire. Le président donne des ordres, assis dans son fauteuil. Il précise qu’il n’aurait jamais pu faire ça tout seul, comme s’il se justifiait d’avoir enrôlé les gendarmes. Puis :

 

« Je ne crois pas que je passerai 1995. »

 

Pour chasser la mélancolie, les gardes du corps ont une idée : habiller chaque rayon vide de la bibliothèque avec des bibelots qui resteront jusqu’à la fin. (…)

 

Je lui parle des Lettres à Anne, publiées par Gallimard en 2016. Claire me dit qu’elle a accueilli cette nouvelle révélation avec calme. Le temps a passé, elle se sent en paix désormais. Après toutes ces années, âpres et épuisantes, à l’attendre tout en redoutant sa mort, elle n’a plus peur de rien.

 

C’est le mot repos qui lui vient.

 

Elle a lu les lettres, éblouissantes, que Mitterrand a écrites à Anne Pingeot entre 1962 et 1995. Au départ, Claire choisissait des dates qui avaient un sens pour elle. Son anniversaire, par exemple, qu’il fêtait tous les ans avec elle, le soir. Ou l’anniversaire de leur première rencontre, rue de Bièvre, le 12 juillet, qu’ils passaient toujours ensemble. Pour voir si, ces jours-là, il avait écrit à l’autre et, si oui, ce qu’il lui avait dit. Elle n’a rien trouvé de particulier.

 

Elle me dit : « Anne a été son grand amour. » Il n’y a pas d’amertume dans sa voix. (…)

La dernière biographie vraiment originale est due à la plume d’un anglais Philippe Short « François Mitterrand » Portrait d’un ambigu. L’auteur dans son prologue annonce la couleur « Les autres nations font face à des scandales. Les Français, eux, font face à des affaires » et dans ses remerciements il remercie le ciel de l’avoir envoyé en France sous la présidence de François Mitterrand. Comme je le comprends moi, l’homme de l’ombre, qui a passé sa vie à se glisser dans les plis. Souvenir d’André Rousselet, premier directeur de cabinet du nouveau Président de mai 81, «dont les récits tendres et ironiques et lucides sur son ami, François Mitterrand » ont été précieux pour Philippe Short. « Grâce à lui, Anne Pingeot accepta de mettre sa discrétion légendaire de côté pour me parler de l’homme avec qui elle partagea pendant plus de trente ans un amour extraordinaire et courageux. Elle fut « l’héroïne d’un film que personne ne verra jamais », selon les mots de leur fille, Mazarine. »

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2 octobre 2021 6 02 /10 /octobre /2021 06:00

https://cache.larvf.com/data/photo/w600_h315_c1/40/6601.jpghttps://cache.larvf.com/data/photo/w660_c18/40/6601.jpg

Je  ne sucre pas encore les fraises mais mon âge avancé m’a permis de vivre le conflit larvé Sud-Nord à propos du droit de sucrer le moût, en terme plus soft : chaptaliser !

 

Why increase the alcohol level in the Languedoc? Stop chaptalisation! |  BKWine Magazine |

 

En clair, la France viticole du nord avait le droit de chaptaliser, après demande, toujours accordée, alors que celle du SudLanguedoc-Roussillon, Provence, Côtes-du Rhône sud… en était privée ; les côtes-du-rhône étaient coupée en 2, celle du Nord pouvaient, celles du sud non.

 

Comme nous avions porté la plume européenne cette césure était devenue européenne car nos amis allemands pratiquant le sucrage-mouillage nous avaient soutenus : le donnant-donnant franco-allemand. Bien évidemment nos voisins italiens hurlaient à la distorsion de concurrence, ils n’avaient pas tort même si leur pratique en vin de table n’était pas toujours très catholique. L’entrée de l’Espagne renforça le camp des adversaires de la chaptalisation.

 

La plaisanterie est en effet saumâtre puisque les vins du Nord, majoritairement d’AOC, l’élite, chantant la vérité du  terroir, l’authenticité, chaptalisaient et chaptalisent encore à tour de bras alors que la piétaille languedocienne, le gros rouge, le vin popu, le 13° en litre étoilé s’en voyait privé. La seule restriction pour les AOC chaptalisées c’est que les vins ne pouvaient pas être déclassés en vin de table.

 

Ça chauffait dur et le mou Pierre Méhaignerie, ministre de l’Agriculture commanda un rapport à mon directeur de l’ONIVIT, Pierre Murret-Labarthe, afin de dénouer ce nœud gordien. Celui-ci proposa de permettre aux viticulteurs du sud d’enrichir leurs moûts avec des moûts concentrés ou des moûts concentrés rectifiés dit MCR en effet du sucre de raisin. Ce qui fut fait et entériné à  Bruxelles.

 

Chaptalisation : procédé qui consiste à enrichir de sucre le moût en fermentation afin d’augmenter son potentiel en alcool. ICI 

Jean-Antoine Chaptal — Wikipédia

Cette invention est l’œuvre du chimiste français Chaptal, d’où le nom de chaptalisation. En général, on pratique la chaptalisation lors des années difficiles, lorsque la pleine maturité du raisin n’est pas atteinte. Ainsi, le sucre ajouté se transforme en alcool de la même manière que le ferait le sucre naturel contenu dans le raisin. Chaptaliser est en France strictement règlementé. ICI

 

LA FRAUDE ET LE VIN - Caves coopératives de vinification d'ici et  d'ailleurs.

 

Sans cacher derrière son petit doigt la chaptalisation permet la mise en marché de vins qui, sans elle, ne le pourraient pas, on augmente donc artificiellement les volumes. Quant à la vérité et l’authenticité du vin je vous laisse juge. Le moins qu’on devrait faire c’est de porter la mention chaptalisé sur le flacon.

 

Bref, pour le baratin nous sommes très bon mais de moins en moins crédibles. Certes, économiquement c’est justifié mais les pourfendeurs des vins nu devraient fermer leur clapet.

 

Pas de sucre dans le vin. Il faut une interdiction de l’UE

La crainte de pénurie de sucre explose les coûts de chaptalisation

Mardi 28 septembre 2021 par Alexandre Abellan

 

L’apparition de foyers de pourriture accélère la vendange et augmente le besoin de chaptalisation. - crédit photo : ODG Médoc

Le besoin d’enrichissement des moûts met sous tension l’approvisionnement du vignoble pour assurer les montées en degrés alcooliques nécessaires face au ralentissement des maturations et à l’augmentation du risque de pourriture grise.

 

Le saccharose mis à sac et les Moûts Concentrés Rectifiés (MCR) en grande tension. Le rythme de maturation allant moins vite que le risque Botrytis, les vendanges s’accélèrent dans le vignoble français, augmentant mécaniquement le besoin en sucre pour enrichir les degrés et retrouver des profils habituels. Dans de nombreux bassins viticoles, la tendance est au stockage pour anticiper les besoins futurs. « Ceux qui attendent les analyses en cuve pour préparer leurs achats risquent d’avoir une mauvaise surprise » prévient un vigneron bordelais, qui a vu la semaine dernière le prix du kilo de sucre augmenter de 10 centimes. Face à la crainte de ne pas pouvoir suffisamment chaptaliser, les opérateurs stockent selon leurs besoins, très variables selon les terroirs et leurs volumes de saccharose en réserve. « Nous allons devoir faire tomber du sucre, mais nous en avons suffisamment en stock » indique ainsi un vinificateur dans le Beaujolais.

 

Pour d’autres fournisseurs, le besoin explose soudainement, exacerbé par la crainte de pénurie. Si la petite récolte dans le Muscadet réduit à peau de chagrin les besoins dans le pays nantais, les demandes augmentent en Anjou et Touraine indique Philippe Serrault, le directeur général de Loire Viti Vini Distribution (LVVD), qui a reçu pour la première fois des appels d’autres vignobles pour se fournir en sucre, comme Gaillac. « Nous avons la chance d’avoir passé un contrat d’approvisionnement qui nous protège des fluctuations » souligne le fournisseur, voyant dans l’anticipation une solution aux tensions actuelles sur les matières premières (bouteilles, cartons…). « Le fond du problème c’est la spéculation mondiale sur le sucre » note Stéphane Becquet, l’animateur conseil du Syndicat des Vignerons Bio de Nouvelle-Aquitaine, qui reste confiant dans les disponibilités régionales en sucre certifié bio (coûtant deux fois plus cher que le conventionnel).

 

MCR

 

Pour réussir des vinifications techniques, les alternatives au sucre existent, comme l’assemblage 85/15 de millésimes différents (pour baisser les degrés alcooliques 2020 et remonter ceux 2021) et les MCR. Ces derniers sont le seul outil d’enrichissement des moûts dans le Sud, où l’ajout de sucre de betterave est interdit. Actuellement, les demandes de MCR sont significatives sur l’ensemble du vignoble français rapporte Yoann Maillard, le directeur marketing de l’union de distilleries coopératives Grap’Sud, l’un des principaux producteurs de MCR pour le marché français. Faisant tourner à plein régime ses installations de la Mancha pour répondre à la demande de ses adhérents et d’autres vignobles français, « nous sommes globalement en mesure de faire face à la demande » rassure Yoann Maillard, ajoutant que les tarifs sont en forte hausse de leur côté, répondant aux lois de l’offre et de la demande avec une augmentation de 40 à 50 % du prix des MCR depuis le début de la campagne par effet d’aubaine.

 

« Je n’entends pas parler sur le terrain de gens n’ayant pas réussi à trouver de MCR, mais la raréfaction de vins espagnols après le gel raffermit les prix. On a atteint des prix allant de 2,5 à 4 €/°.hl » indique Laurent Vial, le directeur du secteur de l’Hérault pour l’Institut Coopératif de la Vigne (ICV). À date, la situation sanitaire reste globalement maîtrisée, mais l’absence d’évolution des degrés alcooliques et l’humidité de la météo forcent à accélérer le ramassage. « Cela faisait des années que l’avait oublié la problématique d’un millésime tardif ayant du mal à accumuler des sucres » souligne Stéphanie Prabonnaud, consultante pour le laboratoire Natoli & Associés dans le Langeudoc, qui souligne des problèmes de livraison de MCR pour les gros faiseurs alors que les fermentations alcooliques n’attendent pas en cuve. « On ne parle pas d’enrichir toute une cave, mais certains lots (comme le cinsault après les pluies) » conclut l’œnologue.

 

 

 

Connaissance du vin - Frise chronologique histoire du vin - Inrap

Pas de sucre dans le vin. Il faut une interdiction de l’UE ICI
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1 octobre 2021 5 01 /10 /octobre /2021 06:00

 

La Bataille de Poitiers (25 octobre 732).
Tavleau de Charles Steuben (1837).

Alexandrie, XIIIe siècle

 

Il Novellino, Ossia Libro Di Bel Parlar Gentile   de CARBONE DOMENICO

 

Cette histoire, probablement d’origine arabe, est rapportée dans Il Novellino, un recueil de nouvelles, d’apologues et d’anecdotes qu’un écrivain florentin anonyme de la fin du XIIe siècle a réunis en puisant dans les traditions narratives de plusieurs pay. Elle se déroule en Égypte, à Alexandrie, dans les ruelles de la ville où les « Sarrasins » offrent des « aliments à vendre » de tous genres et qualités, le passant pouvant choisir selon son goût, « les plus propres et les plus délicats ».

 

Il Novellino (le ciento novelle antike) - [Rizzoli] | eBay

 

Ce lundi (cette curieuse précision, sans importance du point de vue du récit, tend à rendre les faits plus authentiques et plus crédibles), Fabrat, un des cuisiniers sarrasins, est aux fourneaux dans sa cuisine quand il voit apparaître un pauvre « tenant un pain à la main ». C’est un habitant du lieu, un « Sarrasin », lui aussi. Comme il n’a pas d’argent, il met le pain au-dessus de la casserole et intercepte le fumet qui s’en élève : « Le pain étant ivre du fumet qui sort du manger », il y mord et avale morceau par morceau, jusqu’à la dernière bouchée.

 

Ce matin-là, Fabrat n’a pas vendu grand-chose et il est de méchante humeur ; il rudoie le pauvre, le bouscule et lui dit : maintenant paie-moi « pour ce que tu as pris qui m’appartient ». Le pauvre se défend : Mais, pardon, je n’ai pris que du fumet dans ta cuisine. Fabrat n’en démord pas : Paie-moi ce que tu m’as pris.

 

La dispute continue. La question soulevée par le cuisinier étant totalement inédite, on commence à en parler en ville, quand le sultan, intrigué par la difficulté du cas, décide de prendre l’affaire en main : il réunit ses « sages » et les charge d’examiner le problème. Deux écoles de pensée se distinguent aussitôt. Certains pensent que le fumet n’appartient pas au cuisinier, parce que ce n’est pas un aliment et qu’il ne nourrit pas, « et qu’il n’a pas de substance ni propriété qui soit utile » : le pauvre n’a rien à payer. D’autres observent que le fumet est quand même « conjoint au manger et qui’il est généré par la nourriture, laquelle appartient encore au cuisinier, puisqu’il ne l’a pas vendue : il serait juste de lui payer son travail.

 

« Après moult controverses », le verdict finit par tomber. Le conseil des sages est de faire payer les victuailles « selon leur monnaie ». Si le cuisinier vend le produit de sa cuisine « en donnant l’utile propriété de celle-ci », il doit recevoir de l’argent ; mais comme il a vendu du fumet, « qui est la partie subtile de sa cuisine », la juste récompense qui lui échoit consistera à faire tinter une pièce de monnaie et « le paiement sera fait du son qui sort de celle-ci ». Le sultan ordonne donc au pauvre de faire tinter par terre une pièce de monnaie, qu’il lui prêtera lui-même.

 

Cet amusant apologue a de subtiles implications philosophiques. On devine à  l’arrière-plan l’héritage de la pensée aristotélicienne, dont le monde arabe fut le gardien pendant des siècles, au Moyen Âge, avant de la restituer à la culture européenne. On reconnaît en particulier la distinction aristotélicienne entre les propriétés substantielles et accidentelles du monde physique. Substantiel est ce qui appartient structurellement, ontologiquement à l’objet ; accidentel est ce qui le configure de manière occasionnelle, uniquement dans des circonstances données.

 

Les « sages » conseillent donc au sultan de séparer clairement les deux plans : si nous parlons de cuisine et de nourriture, le fumet est une qualité accidentelle – exactement comme le son d’une pièce de monnaie lancée sur le sol : produit par l’objet mais étranger à celui-ci. La substance de la nourriture, sa qualité nutritive intrinsèque, se transmet pà travers le goût et seulement lorsqu’on incorpore cette substance.

 

Tout cela est expliqué dans un court traité aristotélicien, à peu près contemporain du Novellino, consacré aux cinq sens et en particulier au goût, le sens qui perçoit et qui apprécie les saveurs. Il s’agit du Tractatus de quinque sensibus sed specialiter de saporibus – ou plus simplement, dans un autre manuscrit, Summa de saporibus. Son auteur anonyme commence par affirmer que l’on peut connaître la nature des choses – classée, suivant la tradition antique, d’après quatre qualités, le « chaud » et le « froid », l’ «humide » et le « sec » - principalement à partir de leur couleur, de leur odeur et de leur saveur, c’est-à-dire à travers la vue, l’odorat et le goût.

 

Cette connaissance n’est pas possible avec l’ouïe, car le son émis par un objet n’appartient pas à sa « substance » - l’histoire du cuisinier et du pauvre Sarrasin affamé semble avoir été écrite exprès pour le confirmer. Le toucher est trompeur, car il risque toujours de percevoir la qualité des choses de manière altérée – l’auteur donne l’exemple de l’eau, de nature « froide » même quand elle est réchauffée par une chaleur étrangère et qu’elle semblerait de nature opposée. Même la vue est sujette à l’erreur : ainsi, nous voyons une chose blanche et la croyons « froide » alors qu’elle peut être « chaude », comme nous l’enseigne le cas de l’ail. L’odorat fonctionne mieux, car il pénètre la nature des choses plus profondément, serait-ce de manière intermittente et imparfaite – cette particularité aussi justifie le débat entre les « sages » du sultan. En somme, l’odorat est le sens le plus proche du goût car il nous permet d’accéder à la connaissance, et il n’est certainement pas fortuit – comme l’enseignent à la fois l’expérience et la recherche physiologique – qu’il contribue de manière décisive à la construction des goûts : si on se bouche le nez, le goût tend en grande partie à disparaître. C’est en effet le goût, à travers les saveurs, qui connaît la réalité extérieure de la façon la plus complète et fiable. À travers lui, nous pouvons identifier « pleinement et parfaitement » la nature ou la « complexion » des choses, pour la bonne raison qu’il entre dedans, qu’il absorbe leurs propriétés et « s’y mêle totalement ».

 

L’intérêt principal des réflexions antiques et médiévales sur les goûts, c’est qu’elles reconnaissent dans les goûts eux-mêmes la qualité de la chose goûtée. Le goût n’est pas accident, il est substance. Il exprime et révèle l’essence des choses, et c’est un formidable instrument de connaissance. Saveur et savoir : les deux notions se superposent, à la limite de l’identité. N’ont-elles d’ailleurs pas la même racine ?

 

1 ; En italien, sapore (« saveur, goût ») et sapere (« savoir »

 

Les contes de la table - Massimo Montanari - Librairie Ombres Blanches

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30 septembre 2021 4 30 /09 /septembre /2021 06:00

Votre serviteur, bien sûr !

 

18 septembre 2010

« La cuisine émoustille l’âme : je choisis mon pain entre cent, à des lieues, et je foule mon vin moi-même... »

 

Retour au calme ce matin, désolé de ne pas tendre la joue gauche lorsque l'on me soufflète la droite, je suis ainsi fait mais je continue de penser que certains volent plus vite au secours des importants alors qu'ils s'abstiennent lorsqu'il s'agit de défendre des va-nu-pieds des railleries d'une huile... Mon papier sur la Corse valait quelques commentaires, pourquoi n'y en a-t-il pas cher Norbert et autres ? J'adore la cannelle mais pas dans le vin...

 

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La parole est à un sage : Joseph Delteil. ICI  

 

Et voilà t’y pas que le POINT Florence Monferran

 

* Historienne, chercheuse diplômée de l’université Jean-Jaurès à Toulouse, vigneronne aujourd’hui près de Montpellier, Florence Monferran s’attache depuis une dizaine d’années à mettre en lumière des patrimoines et des terroirs de grande qualité, des vins et des cépages du Languedoc, afin tant d’œuvrer au maintien de la viticulture que d’éveiller à une culture du vin protéiforme. Elle a ainsi mené le projet Terre apiane sur les muscats et travaille à démontrer l’excellence des productions en vins blancs en Languedoc. En 2020, elle a fait paraître l’ouvrage « Le Breuvage d’Héraclès », aux éditions Privat. Du discours à la pratique, il ne restait plus qu’un pas, que Florence Monferran a franchi en redonnant vie à de petites parcelles entièrement en muscat à petits grains, à Mireval (Hérault). Une façon de passer du mot à l’ouvrage, de tendre des ponts entre les temps.

 

Tuilerie de Massane a proximite de Montpellier, demeure du poete Joseph Delteil (1894-1978).

 

Joseph Delteil et la Tuilerie de Massane : un patrimoine à sauver ICI

 

Prix Femina en 1925, ami de Chagall, Soulages ou Henry Miller, cet écrivain avait investi une demeure historique aujourd’hui à l’abandon et menacée par un projet immobilier.

 

Tuilerie de Massane a proximité de Montpellier, demeure du poète Joseph Delteil (1894-1978).

 

Par Florence Monferran*

 

La vigne est la plante délicate par excellence. Elle exige des soins constants, une sorte d’intelligence ou de divination manuelles. Puis, un beau matin, une gelée, un coup de grêle emportent tout. Dans ces soucis, dans cette précarité́, le plus humble paysan puise le sens d’une vie supérieure. De se savoir à la merci d’un nuage prédispose l’âme à la métaphysique, à la religiosité́ – aux chimères aussi… Le vin, d’ailleurs, est aujourd’hui l’âme de ce territoire, et son espèce de dieu. Il lie et centre l’esprit d’un peuple entre tous individualistes, et dont la vie sociale risque de retourner à la tribu. Il l’enjolive aussi et le pare de ses grâces. Il lui apporte la dorure de Bacchus. » Extrait de La Belle Aude, 1930

 

À la saison des vendanges, les Journées européennes du patrimoine nous ouvrent des portes inconnues. Arpentant des chemins inattendus, elles dévoilent des histoires, ravivent de délicieux souvenirs. Mais elles alertent aussi sur la préservation nécessaire de pans de notre mémoire collective. Tel est le cas d’un domaine viticole en perdition, lieu de création d’une œuvre littéraire effacée.

 

Aux portes de Montpellier, à Grabels, à deux pas du Domaine d’Ô, haut lieu de la culture locale, la Tuilerie de Massane attend de renaître enfin de ses cendres. Figés dans l’instant, comme victimes d’une catastrophe naturelle, l’édifice, pillé, fragilisé, ses jardins et terrasses sont désormais interdits d’accès. Pourtant, ils accueillirent pendant plus de quarante ans un des écrivains les plus originaux du XXe siècle, Joseph Delteil, mi-écrivain mi-vigneron, et sa compagne, l’Américaine Caroline Dudley.

 

Joseph Delteil avait été adulé à la capitale, notamment par les surréalistes, pour avoir écrit en quelques années des livres incandescents. Il enchaîna Sur le fleuve Amour (1922), Choléra (1923) et une Jeanne d’Arc iconoclaste (1925, Prix Femina) adaptée au cinéma par Carl Dreyer. Né près de Limoux, son accent occitan à couper au couteau détonnait dans les salons parisiens, dont il était la coqueluche. Pourtant, il fuit… cap au sud, avec ses amis Marc Chagall et Robert Delaunay. Perpignan (1927), La Belle Aude (1930) portent trace de ce retour aux sources. Sa rencontre en 1930 avec Caroline Dudley, initiatrice de La Revue nègre, marque un tournant. Caroline a fait venir des États-Unis une troupe d’artistes noirs autour du jazz-band de Sidney Bechet. Elle triomphe avec une jeune inconnue, Joséphine Baker. Joseph Delteil, émerveillé, fait de Caroline la compagne de sa vie. Elle achète une propriété viticole, Trinquevedel, près de Tavel, puis la Tuilerie de Massane en 1937. Joseph Delteil se retire alors de la vie intellectuelle parisienne pour entamer une longue quête du bonheur. « Et je suis parti… J’ai quitté Paris, j’ai quitté le monde pour un monde meilleur. » (La Deltheillerie)

 

La Tuilerie de Massane

 

De la métairie du XVIe siècle des seigneurs de Massane, ventre de Montpellier qui nourrissait la ville, il fit son repaire. « Donc il y avait là-bas dans les garrigues de Montpellier une espèce de vieille métairie à vins, à lavandes et à kermès, a demi abandonnée, et dont j’ai fait une oasis dans le désert, un point de vie comme il y a des points d’eau. » Il y produisit son vin, au milieu des vignes et des garrigues mêlées, autant qu’il y instaura un mode de vie poétique. La Deltheillerie (1968), véritable profession de foi qui inspire les soixante-huitards, décrit cette vie à l’écoute des sens et des sensations.

 

La Tuilerie en elle-même constitue un patrimoine bâti remarquable, utilisé dès le Moyen Âge pour fabriquer tuiles et briques à destination de Montpellier. Charles Gabriel Leblanc la rachète en 1736. Il se sert de la source d’eau antique pour créer un vaste réseau hydraulique. Ainsi, il alimente les immenses jardins et fontaines du Domaine d’Ô voisin, qu’il vient également d’acquérir. L’ensemble constitue, selon le jeune historien Elias Burgel, l’une des dernières traces d’un patrimoine diffus, éclaté sur la périphérie de Montpellier en Folies [1] et métairies aujourd’hui bétonnées.

 

Le vin et les passants célèbres

 

À l’intérieur, un chai aux dimensions colossales, aux immenses foudres, témoigne d’un XXe siècle où le vin coulait à flots en Languedoc. Quelques bouteilles noyées de poussière, un foudre effondré sur lui-même, il reste bien peu. Le comédien Jean-Claude Drouot se rappelle comment élaborer du vin était « quelque chose de merveilleux » pour lui. Il raconte comment Joseph servait son vin à table, à la pipette, comment il avait ritualisé les toasts portés entre amis. Il faisait lui-même sa cartagène et donnait ses conseils pour bien embouteiller, que la biodynamie ne désavouerait pas. Mais ses écrits parlent encore mieux de son lien intime à la vigne et au vin, né dès son enfance au pays de la blanquette et de La Belle Aude, conforté par ce rapport étroit à la nature qui pétrit dès lors son œuvre.

 

 

Là, dans cette tuilerie surplombant Montpellier de son sauvage espace, le milieu intellectuel dont il s’est retiré vient à lui, du monde entier. On ne compte plus les passants célèbres. Les amis fidèles – Chagall, les Delaunay, Pierre Soulages qu’il héberge pendant la Seconde Guerre mondiale –, les écrivains, d’Henry Miller – « Delteil est un ange, d’où sort ce type ? » – à Frédéric-Jacques Temple, Lawrence Durell et bien d'autres, se croisent là, en un impressionnant carrefour de cultures.

 

Aujourd’hui encore, les intellectuels défilent à la Tuilerie en ruines. Ils se mobilisent autour du lieu, de l’homme, de l’œuvre. En 2018, Fabrice Luchini et Pierre Soulages soutiennent la pétition lancée par la revue Souffles. En juillet 2021, le philosophe Michel Onfray et le peintre Robert Combas se déplacent également sur le site.

 

Delteil, plus célébré aux États-Unis qu’en France

 

L’esprit qui préside à son œuvre résonne à nos oreilles d’une étonnante modernité pour un homme qui prônait une Cuisine paléolithique (1964), « celle qui apparut dès le commencement par pur instinct, simple appétit entre l’homme et le monde ». Un retour aux origines, à l’état naturel, évocateur de pratiques culturales récentes. À l’homme-machine, utilisé comme un outil, il substitue l’avènement de l’homme-nature. Il dépeint une « frugalité heureuse » – aux accents de décroissance – qui doit nous inciter à repenser nos modes de vie. La rupture brutale avec la capitale comme l’harmonie entre humains, animaux et campagne qu’il recherche à Grabels parlent à nos propres interrogations.

 

 

L’œuvre et la vie de Joseph Delteil et Caroline Dudley sont célébrées dans le monde entier, notamment aux États-Unis, à l’université Columbia ou chez les Amis d’Henry Miller. Mais nul n’est prophète en son pays. Malgré la densité de l’œuvre, l’acuité de la vision, rien n’a été fait, encore, pour sauvegarder ce lieu mythique. Rien n’a été fait, encore, pour protéger des patrimoines remarquables, tant bâtis que naturels. La métairie, la source de Massane, sources de vie de Montpellier depuis le Moyen Âge, le parc et ses jardins, les vignes et les garrigues interpellent nos consciences.

 

Quel avenir pour La Deltheillerie ?

 

Après trente-cinq ans d’indifférence et de tergiversations, le projet de la ZAC Gimel, élaboré en 2019, englobe la Tuilerie et ses sept derniers hectares dans un équipement culturel (salle des fêtes, cinéma, école) au milieu de 850 logements [2]. Il ne correspond pas, pour les associations fédérées aujourd’hui en Comité de sauvegarde de la Tuilerie de Massane, à l’esprit de La Deltheillerie [3].

 

Gardarem lo Delteil propose d’isoler la Tuilerie de l’ensemble de la ZAC, de porter le projet à la compétence de la métropole et de travailler en trois axes : restaurer les bâtis, protéger les espaces naturels, la source d’eau et leur biodiversité, défendre un projet culturel (autour d’une maison d’écrivain) pour que la Tuilerie de Massane, lieu de mémoire et lieu de vie, retrouve sa dignité, sa fonction et son objet. « Un rapport à l’autre, à la nature et à la culture », commente, en première ligne de ce mouvement de sauvegarde, Alice Ciardi-Ducros, médecin qui côtoya Joseph et Caroline.

 

La thématique des Journées du patrimoine cette année, « Patrimoine pour tous », prenait tout son sens à Grabels. Joseph Delteil appartient à tous, et il nous appartient de nous en souvenir. Dans une lettre à Henry Miller, il écrit : « N’essayez pas de changer le monde. Changez de monde ! » Des mots que le temps, les modes ne démodent pas. C’est sans doute pour cela que Joseph Delteil et Caroline Dudley ne peuvent être effacés du paysage littéraire et montpelliérain, avec ses vignes, son vin et ses garrigues mêlées.

 

[1] Le terme désigne des résidences d’été de l’aristocratie, qui fuit la chaleur urbaine à la campagne, tout en restant proche de Montpellier.

 

[2] Projet consultable ici : ville de Grabels

 

[3] Pétition en ligne ICI 

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27 septembre 2021 1 27 /09 /septembre /2021 06:00

 

Une journée avec… OLIVIER JACQUET « À l’origine de… « l’Origine »

 

Beau titre de l’interview de Sonia Lopez Calleja dans le dernier Le Rouge&leBlanc.

 

OLIVIER JACQUET

 

Docteur en histoire. - Ingénieur de recherche chargé de mission pour la chaire UNESCO "Culture et traditions du vin" de l'Université de Bourgogne et chercheur associé au Centre Georges Chevrier, UMR CNRS 3603 (en 2009) Membre du comité de rédaction (Secrétariat scientifique) de la Revue électronique Territoires du vin publiée par la Maison des Sciences de l'Homme de Dijon.

 

Interview intéressante à plus d’un titre, ce qui signifie sous ma plume accords&désaccords, je vous laisse le soin de découvrir ses propos dans le dernier LeRouge&leBlanc. Le fil historique est exact même si dans le cas de la dégustation que l’auteur dit avoir été imposée par la RFA de l’époque ce n’est pas tout à fait la réalité de la négociation communautaire où le marchandage a permis bien des compromis portés par les allemands et les français. N’oublions pas que c’est la Commission qui élabore les projets, les ministres qui les votent.

 

Mon désaccord  le plus important, je laisse de côté la notion stupide de typicité, de l’air de famille d’une appellation, support des comités de dégustation chargés de trier le bon grain de l’ivraie, porte sur la notion des critères essentiels du vin de qualité.

 

Les vins d’origine, AOP-IGP, seraient donc des vins de qualité, et les autres des vins  sans qualité ?

 

Vision figée, fermée, réglementaire, loin des réalités de l’évolution de la demande, très autocentrée Bourgogne, le texte qui suit, c’est la conclusion de l’interview, le montre :

 

« Aujourd’hui, les vins d’origine fonctionne bien, peut-être même trop bien. Au regard des critiques essuyées régulièrement par les vins d’AOC face à la concurrence naissante d’autres formes de production et de conception  de la qualité (vins « bios », « biodynamiques », natures »), la question des qualités des vins d’AOC reste fondamentale. »

 

L'INAO s'est affublée d'un Q !

 

À vous de vous faire une opinion, choisissez-vous vos vins en fonction de leurs qualités d’AOC ?

 

Vous vous doutez que moi pas !

 

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21 septembre 2021 2 21 /09 /septembre /2021 06:00

Des bouteilles de Romanée-Conti vendues plus de 10 millions d'euros

Le reproche récurrent que me font certains, chroniquer rarement sur le vin, est justifié, en défense ma réponse est simple : j’ai le sentiment d’avoir fait le tour de la question et que perdurer ce serait tourner en rond. Bien sûr, je pourrais à la manière de Butane&Degaz ou autres grands nez me la jouer dégustateur patenté, noter, commenter, mais ce n’a jamais été ma tasse de thé et je n’ai nulle envie de m’y coller. Faire le beau sur les réseaux sociaux, ferrailler avec les détracteurs des vins  nu, faire ami-ami  avec les ouvriers de la 25e heure des mêmes vins nu, serait vain, l’heure est aux outrances chez anti-vins qui puent, à la mièvrerie chez les petits licheurs de vin nature, ignorants qu’ils sont de l’histoire du vin et de sa réalité socio-économique.

 

Alors, je me contente de boire, des vins nu bien sûr, en ce domaine je suis devenu extrémiste et ma dealeuse préférée me fournit en came adaptée, je me marre, je dis au petit monde qui s’agite en rêvant de devenir vigneron, un remake des éleveurs de chèvres post-soixante-huitard, que la terre est basse, le métier dur. Le petit monde du vin nature prend une vilaine tournure, reproduisant les codes décriés, l’heure  est aux agents, aux allocations, un petit biseness juteux pour eux qui ne l’est pas pour ceux qui font, et ceux qui vendent le vin. Le modèle économique est bancal, accumule les surcoûts, savoir compter n’est pas une atteinte à la liberté, bien au contraire…

 

Quand on vieilli le risque est de radoter, de repasser les plats, de seriner je vous l’avais bien dit, en l’occurrence écrit dans mon fichu rapport, de regretter l’immobilisme de ceux qui sont en charge, alors rien ne vaut le retrait, le silence, laisser la place à ceux, sachants de fraîche date, qui surfent sur les ondes, les réseaux sociaux, qui pour moi ne sont que des petits couteaux, des ramenards, des imposteurs, des profiteurs.

Mais, ayant le respect de mes lecteurs de longue date je vais forcer ma nature, à nouveau mettre l’ouvrage sur le métier, informer.

 

Pour ce faire, je vais vous proposer ce matin de consulter une interview d’Aubert de Villaine au Figaro-Vin ICI  

 

Aubert de Villaine, Domaine de la Romanée-Conti : «J'espère avoir réussi à faire vivre cet héritage»

 

A la tête du domaine le plus célèbre au monde, Aubert de Villaine s’exprime rarement auprès des médias, préférant la discrétion aux grands discours. A l’heure où il s’apprête à passer le relais, il livre au Figaro Vin un entretien exclusif.

Par Alicia Dorey

Publié le 18/09/2021

 

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2 février 2011

3 Questions à Aubert de Villaine l’inscription des Climats du vignoble de Bourgogne au patrimoine mondial de l’UNESCO ICI 

 

Offre exceptionnelle Domaine de La Romanée Conti : Le mythe frappe à votre  porte ! - U'Wine

22 janvier 2013

Mais qui est donc ce Henry-Frédéric Roch dont le Pousson de Barcelone nous rebat les oreilles sur Face de Bouc? ICI 

NDLR Henry-Frédéric Roch est décédé le 17 novembre 2018

 

Je ne ferai aucun commentaire sur cette interview vous laissant  ce soin.

 

Aubert de Villaine, gardien du temple romanée-conti

 

Il serait vain de penser que le prestige permet d’échapper à la réalité. Bien qu’encensé dans le monde entier, avec des vins atteignant des prix stratosphériques et des allocations triées sur le volet, le Domaine de la Romanée-Conti doit aussi, au quotidien, faire face aux enjeux de son époque. Transmission du patrimoine et du savoir-faire, aléas climatiques, envolées spéculatives… Mais au-delà de ces considérations, Aubert de Villaine reste confiant, et prêt à accompagner la relève, en la personne de sa co-gérante Perrine Fenal – fille de Lalou Bize-Leroy (Propriétaire et vigneronne du Domaine Leroy et Domaine d’Auvenay, et actionnaire de Domaine de la Romanée-Conti) – également présente lors de cet entretien, ainsi que de son neveu Bertrand de Villaine.

 

Domaine de la Romanée-Conti - Perrine Fenal et Aubert de Villaine

 

LE FIGARO : Voilà quelques années que vous vous préparez à transmettre le domaine à la génération suivante. Allez-vous continuer à être présent ? 

 

Aubert DE VILLAINE : Oui bien sûr, je vais continuer à accompagner ce travail et à apporter des conseils, mais «les conseilleurs ne sont pas les payeurs» comme le dit l’adage, il faut savoir laisser à chacun la possibilité de prendre ses responsabilités, d’assumer sa vision, car toutes sont valables. La mienne a été guidée par ceux qui m’ont précédé, et j’espère avoir réussi à faire vivre cet héritage.

 

  • Justement, quelle était cette vision, et que pensez-vous avoir apporté ?

 

Je n’ai pas le sentiment d’avoir apporté de nouveautés, mais d’avoir contribué à poursuivre dans une voie qui est celle du domaine depuis toujours. Celle de perpétuer ce qui a été bien fait par le passé, et, modestement, d’avoir cherché à faire un peu mieux à la lumière des avancées du présent dans la connaissance. De la culture de la vigne à la vinification, il y a toute une infinité de détails, que l’on peut faire plus ou moins bien, et finalement, un grand vin est le résultat de ces milliers de détails et de la façon dont ils ont été réalisés. Il faut surtout que ces détails fassent partie d’une philosophie. C’est ça, la gérance d’un domaine comme celui-ci, c’est d’être en veille des détails, du balayage de la cour à la décision de date des vendanges.

 

  • Le terme de domaine de légende vous dérange ?

 

Vous êtes dans un domaine viticole comme les autres. Il faut tout le temps se remettre en question. Nous ne vivons pas dans notre tour d’ivoire, la tradition bourguignonne reste de recevoir au domaine, de partager. Il nous semble important de rester nous-mêmes, de préserver notre équipe de toute tentation de se considérer comme à part ou meilleure que les autres. Avec l’espoir que les vins fassent la différence !

 

  • Justement, lorsque l’on parle du Domaine de la Romanée-Conti, ou d’autres domaines mythiques, on parle peu des détails. Y a-t-il des détails spécifiques aux «grands» domaines ?

 

Non, il y a très peu de détails vraiment différents d’autres domaines viticoles. Simplement, on essaie de les faire tous le mieux possible, et quelquefois d’aller plus loin. Aujourd’hui, labourer au cheval est devenu une chose assez commune, mais lorsque nous avons décidé de le réintroduire dans les vignes au début des années 2000, nous étions les premiers, et nous avions le sentiment d’apporter quelque chose de plus, un sol moins tassé, plus vivant. Mais nous parlons finalement assez peu de ce que nous avons pu faire, car ce sont les vins qui doivent parler. Lorsque quelqu’un nous demande pourquoi nous avons choisi le cheval ? Je réponds parfois : tout simplement parce que c’est beau ! Voir un cheval travailler dans la vigne le matin, avec le soleil dans sa crinière, crée une beauté qui ne peut que faire du bien à la vigne.

 

  • Est-ce que l’on peut parler d’un retour en arrière en matière de techniques viti-vinicoles ?

 

Pas à proprement parler, car un retour en arrière signifierait d’en revenir à un travail de la vigne intégralement réalisé par la main de l’homme. A cet égard, le cheval est plutôt l’ancêtre du tracteur qu’une résurgence de l’histoire.

 

  • Ressentez-vous une émotion particulière en dégustant vos vins ?

 

Il y a quelques jours j’ai dégusté une bouteille de Grands Echezeaux 1962, et j’ai eu un sentiment de perfection. Ça n'a pas duré très longtemps, mais ce qui est formidable, lorsque l’on déguste un très grand vin, c’est d’avoir ce sentiment de toucher à un moment parfait et de réaliser que le vin a fait son chemin tout seul dans la bouteille. Bien entendu pas complètement, car nous avons tout mis en œuvre pour qu’il le fasse, mais c’est son travail dans la bouteille qui a amené cette perfection, et qui nous procure ce sentiment de plénitude, car nous avons réussi ce que nous voulions faire, ce mariage de la vigne et de notre travail.

 

  • Le travail du vigneron est donc d’accompagner le vin plutôt que de le faire ?

 

Nous sommes toujours en train de chercher la vérité du terroir, de la Romanée-Conti et de nos autres climats. Mais en réalité, cette vérité n’existe pas, car chaque année, elle est fonction des conditions climatiques, de notre travail et du mariage réalisé entre les deux. La vérité n’existe que dans un millésime donné, et encore, si nous l’avons réussi ! Le devoir de faire de grands vins est le même, mais avec des moyens chaque année différents. Nous essayons de répondre à ce que nous propose la nature, aussi bien au niveau du sol que de la vigne. Perrine (Fenal) et mon neveu (Bertrand de Villaine) seront chargés de continuer cela. Cela dit, attention, il ne faut surtout pas le prendre comme une charge [rires]. Il faut plutôt le voir comme une responsabilité. C’est important, si tout d’un coup, cela devient une charge, c’est très mauvais. Il faut se montrer très serein et accepter de faire une erreur. 

 

  • Quels sont les grands défis à relever pour la génération suivante ?

 

Le défi de la transmission est l’un des plus grands que nous ayons en face de nous. Nous avons toujours fait le nécessaire pour le relever, mais c’est un grand problème en Bourgogne. Les taxes de succession sont importantes et, dans une famille, ceux qui veulent rester n’ont pas toujours les moyens de racheter les autres. Pour nous, la Bourgogne est un tissu de domaines familiaux, et il faut que l'État nous donne les moyens de préserver cela, de transmettre la propriété familiale des domaines. La vraie valeur d’une propriété viticole, qui est une entreprise comme les autres, me semble devoir être liée à ses résultats et non pas à la valeur extravagante qu’elle peut prendre à certaines époques où la spéculation l’emporte sur la raison. Nous attendons de l’Etat qu’il prenne ces valeurs-là comme valeurs de succession.

 

  • Est-ce réaliste de croire à cela ?

 

D’un point de vue économique, c’est très réaliste, mais il faut pour cela avoir une vision à long terme, car en effet cela représente moins de gains immédiats pour l’Etat. Le problème, c’est que si les valeurs sont telles que les familles ne peuvent plus se transmettre les domaines, nous prenons le risque que l’arrivée de grands investisseurs français ou étrangers contribue à faire régresser cette tradition de propriété familiale constitutive du territoire bourguignon. Si elle disparaît, c’est la position éminente de la Bourgogne qui sera affectée et tout le monde en sera affecté, y compris l’Etat.

 

Par ailleurs, il faut faire attention, que l’arrivée de nouvelles techniques ne vienne pas abîmer les climats, qui sont des écosystèmes fragiles et qui demandent respect et excellence à tous les niveaux. Depuis toujours, mais encore plus depuis une vingtaine d’années, nous nous préoccupons de la question de la sélection des plants de vigne. Il est essentiel, pour des grands terroirs dont la richesse provient des sols et sous-sols, de recevoir des plants de haute finesse, si nous voulons avoir une chance que le potentiel unique de ces terroirs soit entièrement accompli.

 

  • Comment explique-t-on le succès des vins de Bourgogne ?

 

La suite ICI 

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