C’est Dallas in Burgundy : « Le clan des Leroy est aujourd’hui divisé en deux camps irréconciliables. « Lalou n’a pas pardonné à sa sœur Pauline Roch de l’avoir trahie », nous confie un courtier en vin. « Et lorsqu’il lui arrive de croiser son neveu Henry-Frédéric Roch dans un restaurant, elle sort précipitamment. »
Vous voyez ça sert à quelque chose un courtier mais rassurez-vous votre Taulier ne dispose d’aucune gorge profonde pour le tuyauter il se contente d’aller puiser dans le livre de JP de la Rocque et Corinne Tissier « Guerre&Paix dans la vignoble » chez Solar 2009 qui retrace les secrets de 12 dynasties du vin.
Lalou Bize-Leroy nul besoin de la présenter, c’est une institution, « une grande dame du vin », dotée d’un fichu caractère elle sait ce qu’elle veut et elle fait ce qu’elle veut. Je l’ai rencontré lors de l’affaire où « Henri Nallet arrête les Japonais en Bourgogne » link En quelques mots, la maison de négoce Leroy (Lalou et sa sœur Pauline Roch) pour financer des acquisitions importantes, dont le rachat du domaine Noëllat en 1988, avait choisi de s’appuyer sur le groupe de distribution japonais Takashimaya importateurs de vins de Bourgogne. Cette prise de participation minoritaire de 33,6% ne concernait évidemment pas une future prise de contrôle de la DRC via la part tenue par les Leroy. Mais les communicants des Ministres sont comme des sauterelles et ils ne savent pas lire. Henri Nallet le 1 septembre 1988 aurait mieux fait de se taire mais, à toute chose malheur est bon, ça m’a donné l’occasion de connaître Lalou Bize-Leroy, Pauline Fenal sa fille et de faire mon éducation à la dégustation des grands vins de Bourgogne.
« Les Villaine et le Leroy pour le meilleur… »
Je n’entre pas dans les détails :
- En 1942, Jacques Chambon, codétenteur de la DRC (la moitié) avec les de Villaine est vendeur et Henri Leroy fait une offre. Edmond Gaudin de Villaine ne peut suivre et le 31 juillet 1942, Leroy devient propriétaire de 50% de DRC.
- Henri Leroy est l’un des plus puissants négociant de Bourgogne et JF Bazin souligne qu’il « a eu l’intelligence de comprendre avant les autres le capital que pourrait représenter un jour le Domaine de la Romanée-Conti »
- Aubert de Villaine, que l’on ne présente pas, fait remarquer qu’aussi étonnant que cela puisse paraître son grand-père faisait vivre le DRC « grâce aux revenus des fermes qu’il possédait dans l’Allier. Dans ma jeunesse, on considérait qu’on ne pouvait pas vivre en étant viticulteur. La Bourgogne était misérable. »
- Les 2 familles « les Villaine, vieille noblesse normande, et les Leroy, une famille de négociants bourguignons, dont le fondateur François fut élevé par l’Assistance Publique » sont issus de « 2 mondes qui ne fréquentaient pas vraiment » mais Edmond Gaudin de Villaine, père d’Aubert, et Henri Leroy, père de Lalou « vont former un duo efficace. » en partageant le pouvoir à travers « la cogérance d’une maison dont la forme juridique (société civile) et le mode de gouvernance (2 co-gérants et un conseil de surveillance) n’ont quasiment pas bougé depuis. »
- C’est Edmond Gaudin de Villaine qui tient la barre mais c’est Henri Leroy qui « finance une bonne partie de la modernisation du domaine et, surtout, l’arrachage et la replantation des vignes de la Romanée-Conti et de Richebourg, abîmées par le phylloxéra entre 1945 et 1947. »
- En 1954, « Henri Leroy décide de léguer ses parts en deux moitiés égales à ses deux files : Pauline, mère d’Henri-Frédéric Roch, et Marcelle dite « Lalou » Bize (nom de son ex-mari Marcel Bize) Leroy, mère de Perrine Fenal. »
- 18 ans après se partage Lalou reprend les rênes de la maison Leroy et en 1974, « elle est nommée cogérante de la Romanée-Conti aux côtés d’Aubert de Villaine, son cadet de sept ans. »
« Aubert de Villaine et Lalou Bize-Leroy pour le pire… «
Là encore, après celle d’une association, la chronologie d’une rupture :
- « D’un côté, Aubert, un homme austère et discret. De l’autre, Lalou, une femme de caractère au tempérament « solaire », obstinée. Au début, leur relation paraissait idyllique. Même passion pour le vin, même respect pour le terroir du DRC, même exigence de qualité. Cette union professionnelle de l’eau et du feu va durer 18 ans, jusqu’au départ fracassant de Lalou Bize-Leroy en janvier 1992. »
- « À l’origine du clash, le monopole de la distribution des vins du DRC par la maison Leroy, à l’exception de la GB et des USA. Négocié par Henri Leroy en échange de son soutien financier au DRC, cet accord représentait, selon les Villaine et avant le conflit, une ponction trop importante sur les revenus du Domaine. »
- Comme chacun sait, « la romanée-conti n’est pas disponible par caisse de 12. Les bouteilles sont réparties dans les caisses avec les autres crus du DRC. » Ce système de rationnement « soi-disant démocratique » : limiter la spéculation et éviter la concentration des achats a aussi des effets pervers.
- Le grand millésime 1988, arrivé après un 86 et 87 considérés comme moyens, va provoquer le « faux-pas » de Lalou. « A-t-elle agit en connaissance de cause ou par négligence ? » elle fut à l’origine d’une spéculation sur le 1988 qui fâcha ses associés.
- « Femme d’affaires avisée, la patronne de la maison Leroy […] avait trouvé preneur à 10 300F (1570€) la caisse de 1988, un prix supérieur au tarif officiel […] L’acheteur s’empressa de les dépecer pour vendre à part les bouteilles de romanée-conti 1988 au prix « exorbitant » à l’époque de 4500F (686€) le flacon aux Usa et jusqu’à 10 000F (1524€) au Japon. » Pui il brada les 11 autres bouteilles du domaine : la-tâche, richebourg, grand-échezeaux, échezeaux, romanée saint-vivant, sur le grey market au grand dam du distributeur exclusif américain des vins du DRC qui « s’était engagé à revendre ces bouteilles à prix supérieur. Il se retrouva alors mis au défi de vendre un la-tâche 1988 à 200$ (138€) alors que la bouteille s’échangeait à 125$ (138€) sur le marché gris. »
- Le monsieur pas content réexpédie ses 3000 caisses au domaine et réclame, comme le prévoyait le contrat, le rachat des invendus : 2,7 millions de F (410 000€). « Les Villaine estimèrent alors que la maison Leroy portait la responsabilité de cette affaire. Ils exigèrent de Lalou Bize-Leroy une participation au dédommagement. Elle refusa net. »
- « Chargé de trancher les conflits des cogérants, le conseil de surveillance – formé à l’époque d’Henri de Villaine, père d’Aubert, et de Pauline Roch, sœur de Lalou – décide, le 15 janvier 1992, de révoquer Lalou Bize Leroy. »
- L’équilibre entre les 2 familles est rompu par le basculement des 25% de Pauline Roch du côté de la famille de Villaine. « Lalou est remplacée à la cogérance par Charles Roch, fils aîné de Pauline. Mais ce dernier se tue quelques semaines plus tard sur la route, et c’et finalement Henry-Frédéric Roch, le deuxième fils de Pauline et exploitant du domaine Prieuré Roch à Vosne-Romanée qui devient cogérant. »
- « Les Villaine remportent plusieurs batailles devant les tribunaux, et la maison Leroy perd le contrat de distribution conclu avec le DRC.
L’ensemble des informations de cette chronique sont donc tirées du livre « Guerre&Paix dans la vignoble » chez Solar 2009 22€ que je vous invite à acheter pour mieux connaître la saga de ces 12 dynasties dont Pol Roger, Lurton, Rothschild, Drouhin, Hugel, Roederer pour les Français ; Egon Muller Allemagne, Antinori Italie et Torrès Espagne.