Je sais, je sais, ma fixation sur le cochon, le cochon libre qui plus est, va me valoir de sournoises allusions puisque ce brave animal a toujours eu droit à notre mépris : ne dit-on pas « vivre dans une porcherie », manger comme un porc, être un vieux cochon, faire des cochonneries, jouer un tour de cochon, un spectacle cochon… » Et pourtant, j’assume. Je persiste et je signe en en appelant à Vauban ! Au Vauban de la Cochonnerie !
Certes, Vauban n’a pas bonne presse depuis que Pierre Seghers a écrit les paroles de Merde à Vauban et que Léo Ferré a popularisé cette chanson :
Bagnard, au bagne de Vauban
Dans l'île de Ré
J'mange du pain noir et des murs blancs
Dans l'île de Ré
A la ville m'attend ma mignonne
Mais dans vingt ans
Pour elle je ne serai plus personne
Merde à Vauban
Et pourtant, le Vauban très connu de nous, du temps où nous étions écoliers en blouse grises, et que l’Histoire de France nous inoculait des noms et des dates, l’était pour les innombrables fortifications qu’il avait édifiées aux quatre coins de la France, mais pour son mauvais esprit puisqu’il a été l’un des rares à contester l’absolutisme royal de Louis XIV dans « Mes Oisivetés, ou Pensées d’un homme qui n’avait pas grand-chose à faire » en proposant des solutions aux misères dont souffrait le peuple. Il s’attaquait aux inégalités fiscales en préconisant, déjà, bien avant Joseph Caillaux, un impôt proportionnel au revenu – en même temps que l’abandon des privilèges du Clergé et de la Noblesse. Louis XIV, déjà mécontent que Vauban lui avait déjà reproché les conséquences désastreuses de l’abrogation aux conséquences de l’Édit de Nantes, condamne le livre et Vauban en mourra de chagrin.
Mais Vauban a aussi écrit un autre traité : « La Cochonnerie ». Malgré les apparences, ce traité est on ne peut plus sérieux ! Comme le montre son sous-titre : « Calcul estimatif pour connaître jusqu'où peut aller la fécondité d'une truie pendant 10 années de temps ». Son raisonnement de départ se veut simple, proposant de trouver des solutions concrètes pour lutter contre la famine d'alors et notamment grâce au cochon. La truie étant connue pour sa fertilité, Vauban tentait donc d'évaluer la capacité de reproduction d'un seul animal sur 10 ans... Les résultats sont impressionnants, puisqu'il arrivait au chiffre de 6 434 338 cochons, « défalcation faite des maladies, des accidents et de la part des loups pour 1/15e » ! Beau cheptel ! Pas mal, non et c’eut été surtout des cochons de ville plus que des cochons des champs car cette brave bête servait d’engloutisseur d’ordures ménégères…
(Analyses et extraits, par L DE ROCHAS D'AIGLUN, Paris, 1910, t. I, pp. 404-409.
Mais, comme le fait observer l’anglais Gilbert WHITE dans sa Natural history of Selborne. Letters addressed to Thomas Pennant, esq., Londres, 1789, letter XXXIII, rééd. Londres, 1908 (The People's Library, 101, Cassel), pp. 207-208 « qui est autant qu'il peut y avoir [de porcs] en France » et qu'en recensera la statistique révolutionnaire.»
« Le terme naturel, de la vie du porc n'est guère connu, pour une raison bien simple : parce qu'il n'est pas avantageux ni commode de garder ce turbulent animal jusqu'à sa fin naturelle. Pourtant, mon voisin, homme riche qui n'avait pas besoin de faire attention au moindre petit profit a gardé une truie demi-sang Bantam, aussi grosse que longue et dont la panse balayait le sol, jusqu'à l'âge de dix-sept ans : à ce moment elle montra quelques signes de vieillesse, chute des dents et baisse de fécondité. Pendant dix ans environ, cette mère prolifique donna deux portées par an d'environ dix porcelets chaque fois (et une fois plus de vingt, mais, comme c'était près du double du nombre des mamelles, il en mourut beaucoup)... D'après un calcul prudent, elle était mère de 300 cochons, extraordinaire fécondité chez un si gros quadrupède. Elle fut tuée au printemps 1775. »
Bien évidemment les radicaux de la seule protéine végétale et les autoproclamés défenseurs des animaux vont me pourfendre mais je m’en tamponne car moi je les aime les cochons, je les aime jusqu’à les consommer. Et puis, contrairement à cette engeance aux mains blanches moi dans ma vie, à genoux dans la paille, j’ai assisté des truies dans leur mise-bas. Dieu que c’est beau un petit cochon rose ! D’ailleurs, bizarrement le petit cochon rose échappe à la réprobation générale pour peupler les livres de nos enfants. Imaginez-vous d’ailleurs toutes ces braves coches, expulsant des chapelets de petits cochons roses que vous prendrez sous votre protection jusqu’au jour ils feront de beaux jambons, vivant jusqu’à un âge canonique chez un brave éleveur qui les soignera aussi bien que ses enfants. C’est t’y pas beau ça ! Bien sûr, on s’en tiendra à quelques-unes par ci, par là tout au fond de nos belles campagnes pour pas que les résidents secondaires frisent le nez en se plaignant de l’odeur. A ce propos, il faut que vous sachiez que le parfum du lisier a bien changé depuis que nos pauvres gorets sont enfermés dans d’horribles stabulations. Bien sûr je ne prétends pas que le cochon libre sent la rose mais, bien pourvu en paille, ses odeurs sont bien mieux supportables que celles qu’exhale l’intérieur d’un wagon de métro aux heures de pointe.
Voilà, ça suffit pour ce samedi, j’ai remis une couche pour vous sensibiliser à mon Manifeste du Cochon Libre
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à adresser sur l’adresse berthomeau@gmail.com et merci d’apporter votre soutien en commentaire afin de créer l’émulation