Barry Lyndon est, pour moi, moi le chef-d'œuvre de Stanley Kubrick et l’une des œuvres majeurs du cinéma. Sur le plan pictural ce film est d’une exceptionnelle beauté : chaque plan, chaque image, chaque personnage, chaque cadrage, dans leur photographie en lumière naturelle ou l’éclairage à la bougie, sont autant de tableaux de maître qui me touchent et m’émeuvent par leur humanité. Son écriture cinématographique est aussi remarquable d’intelligence, d’une sensibilité rare, et surtout dépourvue de la grandiloquence des films historiques. Avec ce récit d’apprentissage nous sommes au raz des hommes, dans le fond de leur cœur, de leur âme, avec la noirceur ou la brillance de leur corps. Ce film est très proche des plus grandes œuvres littéraires, par moment on dirait du Stendhal. Comme le notait un critique « Jamais mieux que là, peut-être on n'a réalisé certains idéaux plaçant le cinéma comme la synthèse et l'achèvement de toutes les autres formes artistiques. »
Cette esthétique particulière est soutenue par la bande son, qui mêle folklore irlandais, joué par The Chieftains et des œuvres du répertoire classique, avec en leitmotiv la Sarabande de Haendel, Il Barbiere di Siviglia de Paisiello, le Trio pour piano et cordes n° 2 de Schubert ? March from Imedeo de Mozart ou des morceaux de Bach et de Vivaldi.
Kubrick commente : « J'avais d'abord voulu m'en tenir exclusivement à la musique du XVIIIe siècle quoi qu'il n'y ait aucune règle en ce domaine. Je crois bien que j'ai chez moi toute la musique du XVIIIe siècle enregistrée sur microsillons. J'ai tout écouté avec beaucoup d'attention. Malheureusement, on n'y trouve nulle passion, rien qui, même lointainement, puisse évoquer un thème d'amour ; il n'y a rien dans la musique du XVIIIe siècle qui ait le sentiment tragique du Trio de Schubert. J'ai donc fini par tricher de quelques années en choisissant un morceau écrit en 1814. Sans être absolument romantique, il a pourtant quelque chose d'un romanesque tragique ».
Kubrick ajoute : « Dans 2001, j'ai utilisé Ligeti, compositeur contemporain. Mais si l'on veut utiliser de la musique symphonique, pourquoi le demander à un compositeur qui de toute évidence ne peut rivaliser avec les grands musiciens du passé ? Et c'est un tel pari que de commander une partition originale. Elle est toujours faite au dernier moment, et si elle ne vous convient pas, vous n'avez plus le temps d'en changer. Mais quand la musique convient à un film, elle lui ajoute une dimension que rien d'autre ne pourrait lui donner. Elle est de toute première importance »
Pour ceux qui l’ignore : L’histoire commence au début de la guerre de Sept Ans et dépeint le destin d'un jeune intrigant irlandais sans le sou, Redmond Barry interprété par Ryan O'Neal, de son ascension pleine d'audace, de diablerie et de perversité, à sa déchéance dans la fastueuse société anglaise du XVIIIe siècle, après son mariage avec une riche Lady interprété par la très belle Marisa Berenson, qui lui apporte une fortune considérable et un fils.
Le film de Stanley Kubrick sorti sur les écrans en 1975 est inspiré du roman picaresque de William Makepeace Thackeray : Les Mémoires de Barry Lyndon