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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 06:00
« Le style gracieux en art culinaire engendre généralement un style sophistiqué, brillant, lequel néglige de plus en plus la nourriture, le contenu, et mise tout sur le décor et la préparation » le Clausewitz de la broche.

Pendant ma période de claustration, pour tromper l’ennui, j’ai observé sur les réseaux sociaux la scénarisation de la jeune cuisine au raout parisien d’Omnivore et j’ai eu le projet de pondre une chronique chichiteuse.

 

J’ai demandé à mon pote Google ce qu’il en pensait.

 

Et je suis tombé sur l’ami Pierre Jancou qui causait à Atabula

 

« Je suis outré de voir un peu partout cette nouvelle cuisine chichiteuse, paresseuse, non respectueuse des traditions et pour laquelle la photo, l’œil (du blogueur ou du client lambda) sont plus importants que le goût. »

 

Et j’en suis resté là attendant de nourrir un chouïa ma réflexion.

 

Jeudi, jour de rupture de mon jeûne, sur le chemin des Climats j’ai fait une halte à la librairie Gallimard, boulevard Raspail, entièrement rénovée, superbe palais de lumière, pour acheter La vache qui pleure.

 

Comme de bien entendu je suis ressorti avec ma vache et une moisson de livres.

 

Dans mon cabas l’Esprit de l’art culinaire, traité de gastronomie de Carl Friedrich von Rumohr (1785-1843, figure fondatrice de l'histoire de l'art allemande édité en 1822. à cette époque la cuisine et l’alimentation ne suscitaient dans les pays de langue allemande qu’un maigre intérêt — contrairement à la France.

 

Pourtant ce n’est qu’en 1826 que la littérature gastrosophique française voit paraître un ouvrage aussi ambitieux avec la Physiologie du goût de Brillat-Savarin. C’est dire l’originalité de ce traité qui est considéré outre-Rhin comme le grand classique de la littérature « gourmande ».

 

« Publié d’abord sous le nom de son cuisinier et serviteur Joseph König dans le but de lutter contre l’hégémonie de la cuisine française et de contribuer à l’émergence d’un art gastronomique véritablement national alors que l’Allemagne, en tant qu’État, n’existait pas encore, l’Esprit de l’art culinaire va bien au-delà d’un simple livre de recettes. Conçu comme un recueil de règles pratiques à l’usage de la cuisine quotidienne, il propose aussi une sociologie de l’art ménager et de l’hygiène alimentaire, et livre sous une forme scientifique et dans une langue à la fois claire et pédagogique, non dénuée d’humour, les principes fondamentaux de la gastronomie moderne dont Carl Friedrich von Rumohr, ce « Clausewitz de la broche », selon la formule d’Ernst Jünger, apparaît aujourd’hui comme le précurseur. »

 

Le hasard fait souvent avec moi bien les choses.

 

La preuve :

 

Définition de l’art culinaire

 

« L’art de la cuisine consiste à développer grâce au feu, à l’eau et au sel les propriétés nourrissantes, revigorantes et plaisantes des substances naturelles qui permettent généralement de nourrir ou de restaurer l’être humain. Aussi le célèbre mot d’Horace : « Mêle l’utile à l’agréable », que l’on a si souvent associé à la poésie et à la peinture, ces arts d’une inutilité suprême et des plus tendancieux, ne doit-il être appliqué qu’à l’art culinaire.

 

L’art culinaire est utile en ce qu’il poursuit inlassablement le but immuable : permettre de manger, de se nourrir et se restaurer. Mais il suscite également le plaisir, et ce deux manières : en poursuivant d’abord le but susnommé, car tous les plats nourrissants et sains ont aussi, la plupart du temps, très bon goût, puis en donnant aux plats et aux mets simplement nourrissants, l’assaisonnement qui leur sied, tout en leur conférant une apparence agréable.

 

D’ailleurs, l’on voit dominer tantôt l’un, tantôt l’autre caractère dans les différentes époques et écoles de l’art culinaire ; et l’on pourrait ainsi tout à fait admettre en cuisine, comme dans les beaux-arts, un style sévère, un style gracieux et un style brillant.

 

Du style sévère, on a jusqu’aujourd’hui conservé de nombreux exemples dans les plats véritablement nationaux. Ainsi, qu’est-ce que le rôti de bœuf des Anglais, sinon un vestige de cette époque antique que nous dépeignent les poèmes homériques ? Les Chinois, qui sont une nation séculaire et, comme les Anglais, un peuple isolé du monde, solitaire, respectueux de l’ancien, apprécient eux aussi la viande rôtie bien juteuse. Chez tous les peuples dont le riz constitue la principale culture, le pilaf, depuis des siècles, s’est perpétué de la même manière de la Chine jusqu’à l’Italie. Cette savoureuse préparation consiste à cuire le grain en veillant à ce qu’il reste ferme, puis à le refroidir avant de le porter de nouveau au feu avec une matière animale, de l’assaisonner et d’en achever la cuisson. Quand ce grain remarquable est préparé de la sorte, les substances farineuses et sucrées dont il est si riche sont préservés ; cependant dans le Nord, où l’on fait venir le riz des contrées lointaines, les gens laissent généralement ces éléments bénéfiques se volatiliser à la cuisson, et se contentent des fibres restantes vidées de leur chair, et dépourvues de saveur.

 

Le style gracieux de l’art culinaire, un sommet sur lequel il est difficile de se maintenir longtemps, allie à la qualité nutritive des aliments le charme et le décor. C’est un style que je m’efforce surtout de prendre en considération. C’est le genre mâle et élégant*, pour reprendre l’expression du grand Carême.

 

* En français dans le texte.

 

Mais le style gracieux, justement, engendre généralement le style sophistiqué, brillant, lequel néglige de plus en plus la nourriture, le contenu, et mise tout sur le décor et la préparation. Ce point de vue, les Grecs déjà l’embrassèrent très tôt ; les Romains plus tard l’adoptèrent, surtout à l’époque où Apicius rédigea le modèle de tous les livres de cuisine modernes. Son ouvrage est singulier à plus d’un égard : d’abord, l’on y trouve ici et là quelques règles domestiques romaines toujours utiles aujourd’hui, et que l’on pourra compléter en se référant notamment aux auteurs de traités d’agriculture ; par ailleurs, comme je l’ai déjà fait remarquer, il représente la plus grosse dégénérescence possible de l’art culinaire. On comprend en le lisant à quels goûts étranges l’homme est capable de s’habituer quand sans réfléchir ni s’imposer de bornes, il s’abandonne au charme de la nouveauté et s’efforce alors d’entretenir cette dernière par des innovations constantes et toujours plus aventureuses. »

 

Lire sur le sujet la prose pétaradante de Périco Légasse « Pour sa 108e édition, "le Guide rouge" bascule résolument dans le marketing et les paillettes. Du people, de la star et de la com, dans le mépris total du patrimoine culinaire. » 

 

« Il est vrai que la cuisine n'est plus seulement tendance, elle est sociétale, contractuelle, scoopable, indicielle, CAC-quarantée, numérique, liturgique et globalisée, et qu'il n'est pas question de passer à côté du spectacle si l'on veut rester dans le coup. Du coup, justement, la cuisine est devenue spectaculaire, et le sera toujours un peu plus dès lors que ceux qui la cotent ou la médiatisent auront besoin d'aller au spectacle en passant à table. Avouons que la course à l'Elysée sert de modèle à tous les secteurs de la société puisque ce sont désormais les communicants qui dictent leur programme électoral aux candidats. On ne dit plus «chers électeurs», mais «chers spectateurs», de même que l'on ne dit plus «à table» mais «à vos écrans».

 

Cette année, le Guide Michelin va un peu plus loin dans la fumette, en consacrant des numéros d'équilibriste où le quart de radis mariné à l'essence de tofu virtuel le dispute dans le ramequin en ardoise du Brésil à la demi-aiguillette de mérou infusée à la poudre de kumquat safrané. Certes, il n'y a pas que cela, et il va de soi que, sur les 470 nouveautés de l'édition 2016, il est un grand nombre de bonnes trouvailles. Mais, pour autant, l'usager du guide, le lecteur est-il vraiment informé ou renseigné sur les critères culinaires et professionnels qui prévalent à la starisation de telle maison ou à la déchéance de telle autre ? Pas le moins du monde. Michelin tranche mais ne justifie jamais ses choix. »

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20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 06:00
Y’a longtemps qu’on n’peut plus planter de tomates rue Watt et du côté du Pont de Tolbiac y’a plus la SUDAC avec ses petits messages bleus…
Y’a longtemps qu’on n’peut plus planter de tomates rue Watt et du côté du Pont de Tolbiac y’a plus la SUDAC avec ses petits messages bleus…

Longtemps j’ai habité dans le XIIIe arrondissement, quartier autrefois industrieux, à l’époque encore populaire. Dans mon imaginaire, la rue Watt rendue célèbre par Boris Vian, c’est Raymond Queneau qui l’a lui avait fait découvrir et visitée. Autrefois connue comme un véritable coupe-gorge elle attirait les photographes, les cinéastes : JP Melville Le Doulos et, disait-on, les mauvais garçons.

 

 

Vian a écrit pour Philippe Clay une chanson douce-amère :

 

Une rue bordée d'colonnes

Où y’a jamais personne

Y a simplement en l'air

Des voies de chemin d'fer

Où passent des lanternes

Tenues par des gens courts

Qu'ont les talons qui sonnent

Sur ces allées grillées

Sur ces colonnes de fonte

Qui viennent du Parthénon

On l'appelle la rue Watt

Parce que c'est la plus bath

La rue Watt…

Décrite en 1956 par Léo Mallet « Hautement pittoresque et basse de plafond, elle se prête admirablement aux agressions de toutes natures, et plus particulièrement nocturnes. Sur la moitié de sa longueur, à partir de la rue Chevaleret, elle est couverte par de nombreuses voies ferrées, auxquelles s’ajoutent celles de la gare aux marchandises. C’est sinistre, surtout entre chien et loup, un jour de novembre. On y éprouve une désagréable sensation d’étouffement, d’écrasement. De loin en loin, dans la perspective des maigres piliers de fonte soutenant la voie, la lueur courte d’un bec de gaz fait briller les rigoles des infiltrations suspectes qui sillonnent les parois de cet étroit couloir humide. Nous nous engageâmes sur le trottoir surélevé, bordé d’un garde-fou, qui domine la chaussée de plus d’un mètre. Au-dessus de nos têtes, un train passa dans un barouf d’enfer, faisant tout trembler sur son passage. »

 

 

En transcrivant ces lignes remonte en moi le souvenir de mes intrusions nocturnes rue Watt ; j’y allais après ma journée de travail, à vélo, sur mon grand Batavus, y chercher un Paris populaire disparu.

 

 

Brouillard au Pont de Tolbiac

 

« Brouillard dans les rues du brouillard du passé, brouillard dans l’âme de Nestor Burma, brouillard à peine dissipé par le pur amour de Bélita, la gitane, victime de la femme au fouet. »

 

« Sale quartier, quartier où le brouillard étend son empire du matin au soir en toutes saisons, quartier en bordure de la zone… »

 

Rue du Château-des-Rentiers, rue des Terres-au-Curé, rue des Reculettes, passage des Haute-Formes…

 

Dans le Doulos, au début du film de Melville, lorsque Serge Reggiani s’avance le long de la rue Watt… puis le plan suivant : un train dans le gris de sa fumée et le sifflement de sa locomotive.

 

Nul n’a pu sauver la rue Watt, elle existe encore mais elle n’est plus qu’une vieille image perdue dans un univers de grands travaux.

 

Pierre Assouline, arpenteur de cette nouvelle Rive Gauche écrit : « Il a manqué un romancier, un peintre, un poète pour chanter tout haut la gloire des Frigos, comme le fit Benjamin des passages parisiens. Entendez : l’ancienne gare frigorifique exploitée par la SNCF. Dans les années quatre-vingt, les Frigos étaient les seuls, les derniers de l’ancien temps à monter la garde dans le quartier en chantier. Alentour c’était la mort.»

 

Qui se souvient des pneumatiques ? Les petits messages bleus…

 

« Autrefois toutes les minutes, pendant vingt secondes, les compresseurs de l’immeuble envoyaient de l’air comprimé dans un réseau de quelque soixante-cinq kilomètres sous les rues de Paris, ce qui déplaçait les aiguilles des horloges publiques de la capitale, envoyait des pneumatiques qu’on recevait aussi vite que des télégrammes et qui ne coûtaient presque rien. »

 

C’était la SUDAC : la Société Urbaine d’Air Comprimé.

 

« Derrière ces installations fantastiques, ce rêve d’une modernité shootée à l’air pur, il y avait un inventeur hyperactif, le bien nommé Victor Popp, fondateur de la SUDAC. Il fit édifier, pour alimenter son réseau une usine avec s’énormes compresseurs sur une berge de la Seine, quai de la Gare – aujourd’hui ce bâtiment se dresse encore au 3, quai Panhard-et-Levassor, et il a une telle majesté, avec sa grande nef métallique en un seul berceau et ses briques vernissées qu’on l’a transformé en École Nationals d’architecture. »

 

Alexandre Lacroix, Voyage au centre de Paris, Flammarion, 2013.

 

Source : Le mal de Paris Régine Robin Stock

 

 

Y’a longtemps qu’on n’peut plus planter de tomates rue Watt et du côté du Pont de Tolbiac y’a plus la SUDAC avec ses petits messages bleus…
Y’a longtemps qu’on n’peut plus planter de tomates rue Watt et du côté du Pont de Tolbiac y’a plus la SUDAC avec ses petits messages bleus…
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19 mars 2016 6 19 /03 /mars /2016 06:00
« Messieurs, c’est sur le champ de bataille qu’il faut haranguer des guerriers ; c’est sur les débris d’un dîner qu’on doit pérorer des gourmands »

« Je veux que tu curasses les écuries d’Augias… » citation apocryphe notée à la Mutualité.

 

Curer, verbe peu usité et pourtant, enfant du latin curare, nettoyer quelque chose en grattant, en raclant et en enlevant les corps étrangers, il est toujours d’actualité même si, dans notre civilisation hygiéniste, il évoque un temps disparu : curer un égout, une pipe, des sabots, un canal, un fossé, une mare, un ruisseau, une écurie, une étable, une charrue, un trou, un bois.

 

Et pourtant, se curer le nez, les ongles, les dents, reste une activité intense en nos grandes cités.

 

Enfin, ne pas confondre curage, qui est le même geste mais fait avec un doigt et le curetage qui désigne le geste chirurgical.

 

Revenons au curage des dents !

 

Loin des chichis prétentieux et nombrilistes d’Omnivore bardé de sponsors qui adorent les petits producteurs, au XVIIIe siècle, lors des jurys de dégustateurs de Grimod de la Reynière, faire de la réclame était aussi au menu.

 

« Messieurs, c’est sur le champ de bataille qu’il faut haranguer des guerriers ; c’est sur les débris d’un dîner qu’on doit pérorer des gourmands. Vous quittez à l’instant un des banquets les plus somptueux qui ait jamais illustré les séances du Jury dégustateur. Je vois, Messieurs, rouler dans vos doigts ces jolis hochets dont vous m’avez nommé le panégyriste ; vous vous en servez pour caresser vos dents en les parcourant légèrement comme les cordes d’une guitare. Cet exercice charmant, cet usage des cure-dents, consacré par la plus respectable des Sociétés gourmandes, n’en est-il pas le plus bel éloge ? Il faut cependant entrer dans mon sujet, et ce sujet est une plume. Celle de Rousseau a fait des ravages dans la société avec le Contrat Social, Émile, La Nouvelle Héloïse. La plume du citoyen de Genève charma les esprits et désola les nations. Quant aux plumes des cure-dents, au contraire, leur innocence est généralement reconnue et si elles piquent quelquefois les gencives, c’est pour entretenir leur fraîcheur. Voilà l’unique sang qu’elles font couler… »

 

Le sieur de Rougemont était un fieffé baratineur, il ne recule devant rien en affirmant « qu’ils sont tous d’une coupe différente suivant la forme des dents… J’en ai pour les jeunes et pour les vieilles mâchoires… il y en a dans le nombre de très menus ; ce sont des plumes de tourterelles délicatement taillées : elles sont destinées aux bouches fraîches et rosées… »

 

Moins poétique : « En curant ses chicots avec des bouts d'épingles » Huysmans, Sœurs Vatard, 1879.

 

Un peu d’Histoire, je fais tout d’abord mon Jean-Pierre Kauffmann : Napoléon emportait, lorsqu’il était en campagne, un coffret de vingt-quatre douzaines de cure-dents en buis de chez Gervais-Chardin : « Sa figure et ses mains lavées, écrit Frédéric Masson, il curait soigneusement des dents avec un cure-dents en buis, puis les brossait longuement avec une brosse trempée dans de l’opiat, revenait avec du corail fin et se rinçait la bouche avec un mélange d’eau-de-vie et d’eau fraîche.»

 

« De plus, il dispose en la personne de Jean-Joseph Dubois-Foucou (SOP, 2006) d’un opérateur pour les dents qui a officié sur sa personne de 1806 à 1813. D’après F. Masson (Lamendin, 2000), l’un des plus grands historiographes de Napoléon, l’entretien que ce dernier a apporté à ses dents était tel qu’il avait « toutes ses dents belles, fortes et bien rangées. » Il ajoute : " …Il curait soigneusement ses dents avec un cure-dents en buis, puis les brossait longuement avec une brosse trempée dans de l’opiat, revenait avec du corail fin, et se rinçait la bouche avec un mélange d’eau-de-vie et d’eau fraîche. Il se raclait enfin la langue avec un racloir d’argent, de vermeil ou d’écaille. » En 1806, Gervais-Chardin, « parfumeur de Leurs Majestés Impériales et Royales », livre 52 boîtes d’opiat dentifrice pour un montant de 306 francs, 15 douzaines de cure-dents en buis et en ivoire. Le 25 octobre 1808, il livre 24 douzaines de cure-dents en buis, 6 boîtes de corail fin pour les dents au prix de 36 francs et 28 boîtes d’opiat superfin facturées 168 francs. Le 20 mars 1815, le parfumeur Teissier fournit 3 boîtes d’opiat en bois d’ébène pour la somme de 18 francs et 28 pots d’opiat à la rose au coût de 56 francs. Le 27 mars 1815, son nécessaire est entièrement réparé à la demande de Dubois-Foucou. Jamais durant son règne, le monarque ne semble avoir eu recours aux services de Dubois-Foucou, excepté pour des nettoyages. »

 

Les premiers cure-dents datent de l’âge de bronze.

 

Les Égyptiens et les Arabes utilisent des arêtes de poisson ou des tiges de câpriers en guise de cure-dents.

 

Dans l’Antiquité gréco-romaine les cure-dents en métal, argent et or, ou en ivoire apparaissent.

 

Pline l’ancien se sert « d’une épine de porc-épic pour nettoyer et consolider ses dents.»

 

« En France, du Moyen Âge à la Renaissance, les cure-dents sont montés sur pivot, se nomment fusequoirs et servent également à se curer les oreilles après la toilette, faisant alors office d’escurette. »

 

Photo d’un cure-oreille avec cure-dent escamotable. Il date du 17ème siècle et est en argent ciselé.

 

« On porte les cure-dents à la ceinture comme des objets précieux dont on ne veut se séparer. C’est le cas de l’amiral de Coligny, qui en tire un dans ses moments de fureur et le mâche pour se calmer. On dit alors : « Dieu nous garde du cure-dents de Monsieur l’Amiral. »

 

Lire Le cure-dent Africain, cette brosse à dent qui résiste au temps 

 

Source : L’histoire de la casserole Henri Pigaillem

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18 mars 2016 5 18 /03 /mars /2016 06:00
Vignerons si vous ne voulez pas mourir idiots customisez vos ½ bouteilles pleines de messages transparents que vous ferez livrer par Amazon en veillant au bien-être de vos clients pressés.

Souvenirs, souvenirs… titre phare du deuxième disque de Johnny Hallyday en 1960 et son premier grand succès…

 

Souvenir donc, lors d’un colloque des œnologues de Bordeaux, animé par Patrick Léon l’ancien Dr technique de Mouton-Rothschild, du bal de petits coqs du marketing, shootés à l’ego, ratiches acérées, morgue à la boutonnière, visionnaires auto-proclamés qui allaient tout révolutionner dans le monde du vin grâce à leur grande maîtrise des outils marketing.

 

Pas moyen de leur faire lâcher le micro, tout pour leur gueule, les portes dorées du monde du vin s’ouvraient grandes à eux, ils allaient évangéliser les crétins du vin.

 

La ruée vers l’or donc !

 

Vendre à prix d’or des services clé en main forme nouvelle de l’effet peau de lapin.

 

Une décennie après que sont-ils devenus ?

 

Portés disparus, perdus de vue, sortis des radars, reconvertis, en cure de modestie sans doute, engloutis par la dure réalité du monde du vin français. Bien sûr, du côté de la perfide Albion continue de sévir ce cher Robert Joseph qui psalmodie les mêmes antiennes depuis plus d’une décennie. Dis-moi la main qui te nourrit et je pourrai évaluer ta crédibilité avant de raquer...

 

Et puis bien sûr subsistent les éclaireurs de marché, ceux qui savent manier les chiffres, les panels, les beaux outils du marketing.

 

Parmi eux La Wine Intelligence  basée au 109 Maltings Place, 169 Tower Bridge Road, London SE1 3LJ, Royaume-Uni qui sur sa page d’accueil donne le ton « As an international team of market researchers and strategy consultants, we are known for being curious, flexible, rigorous and honest. We are also known for loving wine. Read more about what we do. Take a look at some of our work, see what our clients are saying about us and see who we work with…»

 

Le 15 mars à Prowein Lulie Halstead, directrice de Wine Intelligence, a présenté les 6 tendances émergentes dans l’univers de la consommation permettant dans l’univers du vin.

 

De quoi donner des idées aux marketeurs du monde du vin nous dit Marion Sepeau Ivaldi sur Vitisphère.

 

Sans ironiser, il faut qu’ils n’en aient guère des idées pour s’en remettre à un tel tissu de lieux communs.

 

Je sais ça fait frétiller les jeunes gogos des écoles de commerce, ils se voient déjà, comme leurs prédécesseurs de l’estrade des années 2000, révolutionner le monde compassé du vin. À eux les start-up, les applications, les innovations… Vive la canette ! Être ou ne pas être le Nespresso du vin !

 

Bis repetita placent !

 

Lisez-moi bien, je ne suis pas en train d’écrire que ces tendances n’existent pas dans l’univers des boissons, bien au contraire elles sont là et bien là mais à qui fera-t-on croire qu’elles sont des innovations qui vont révolutionner la part du marché du vin qui chalute dans les allées de la GD.

 

L’appauvrir, sans nul doute, le vin n’est ici qu’un minerai que l’on peut sourcer dans les bassins de production les plus attractifs en terme de prix.

 

La vigne française voguant vers le tout AOP-IGP ne me semble guère armée pour entrer dans ce monde impitoyable où la forme du flacon, sa customisation, par exemple, est la source de la valeur.

 

Allez donc faire un petit tour chez Coca-Cola Découvrez la liste complète des 250 prénoms disponibles sur les bouteilles de Coca-Cola 

 

Comment innover dans le marketing du vin ? La Wine Intelligence a identifié six tendances pour inspirer les visiteurs de Prowein.

 

La customisation

 

Déjà présente dans le mode du prêt-à-porter et notamment des chaussures, la customisation répond à un besoin de personnalisation du consommateur. Il s’agit de créer des produits uniques à l’image de l’acheteur. Certaines entreprises l’ont bien compris et proposent déjà de réaliser des étiquettes portant l’identité du client.

 

La transparence

 

Il s’agit de donner un message transparent au consommateur, notamment sur les prix. Disposant de moyens d’information démultipliés grâce aux mobiles, le consommateur peut désormais les comparer. La transparence s’applique également à la traçabilité ainsi qu’à l’information sur les conditions de transport et de conservation.

 

Le bien-être

 

Le bien-être n’est pas seulement l’état physique mais aussi social. Les consommateurs sont en recherche d’une vie équilibrée, ce qui veut dire mesurée, sans concessions sur les moments de décontraction et de convivialité. De nombreux produits alimentaires illustrent cette tendance comme la bière aromatisée au thé.

 

La suite ICI

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16 mars 2016 3 16 /03 /mars /2016 06:00
Te zo sot ha me zo fin, te ‘evo dour, me ‘evo gwin… tu es bête et moi malin, tu boiras de l’eau et moi du vin… comment être rond quand on est breton !

Ce dimanche un beau soleil d’hiver était enfin au rendez-vous, comme une envie de flâner, de baguenauder sur les hauteurs, de farfouiller dans les étals de livres du côté d’un libraire qui a la bonne idée de se nommer Le Monte en l’Air.

 

Dans cet état j’erre tel un pauvre hère à la recherche d’un appel d’air pour attiser ses neurones encalminés.

 

Donc je rousinais, cherchant la perle rare, et, comme souvent, ce fut au tout dernier moment que mon regard acéré tombait sur « BOIRE, de la soif à l’ivresse ». Bonne pioche ! Et sans offenser mes amies bretonnes, qui ont une belle descente, je me disais, dans ma petite Ford d’intérieur, que l’opus étant l’œuvre du Musée de Bretagne je venais de dénicher une pépite nichée dans le granit.

 

Les historiens de comptoir

 

Quelle belle appellation ! Les historiens de comptoir donc, « vous diront que c’est la guerre 14-18 qui, par les rations distribuées aux poilus, a donné aux Bretons le goût du « pinard »

 

Pas étonnant que Le Drian, ancien maire de Lorient grand port pinardier occupât l’Hôtel de Brienne où sont logés les culottes de peau des Armées.

 

« Pourtant le vin est connu et importé en Armorique depuis fort longtemps. La culture de la vigne y a même longtemps été pratiquée, modestement en Basse-Bretagne, mais un peu partout, notamment dans les rias autour des abbayes. Le cidre ne s’y est vraiment implanté qu’à partir du 17e siècle.

 

Recherchés pour leur qualité et portés par leur force symbolique, les vins d’importation font au cours de la première partie du 20e siècle une formidable percée dans les classes populaires. Pénétrant par les ports, ils s’invitent donc en premier lieu à bord des bateaux. »

 

« Auparavant, aux 16e et 17e siècles, ce sont les Bretons – en particulier les bigoudens – qui dominent le transport du vin entre le sud et le nord de l’Europe. »

 

« Les rôles (état nominatif du personnel embarqué sur le navire) d’Oléron et de Saintonge datant du 13e siècle, offrent déjà au marin breton transportant du vin un « droit de breuvaige » c’est-à-dire l’autorisation de boire tant qu’il veut sur la cargaison. »

 

« Robert Joncour, dernier capitaine de pinardier à avoir approvisionné la Bretagne en vin d’Algérie, affirmait que ce privilège extravagant était encore en vigueur en 1982 ! Au point qu’il fallait s’arrêter en arrivant à l’entrée de l’Odet pour faire descendre les marins fatigués et refaire le niveau avec de l’eau d’une fontaine. Ceux qui cabotaient en rade de Brest avaient moins de scrupules, remplaçant le liquide manquant par de l’eau de mer. »

 

« En 1939, avec un bar pour 71 habitants dans le Finistère (la plupart tenus par les femmes), 255 négociants et 160 litres de vin par habitant et par an, le vin a gagné le cœur des ouvriers et des paysans. Une filière s’est mise en place, stimulée par une publicité très créative, avec ses bistrots, ses marchands de vin devenus des notables dans les villages, et ses ports pour accueillir les hectolitres. Brest en tête. Pour répondre à l’énorme demande, la Bretagne importe du vin d’Algérie, que les négociants coupent avec des vins du Languedoc de piètre qualité. Le produit obtenu, fort en alcool et gouleyant, plaît au buveur, parfois moins à son organisme. Le déclin de la consommation s’amorce à partir des années 60. Les Bretons sont aujourd’hui dans la moyenne nationale, consommant moins de vin, mais de bien meilleure qualité. Pour autant, leur réputation d’avoir « le gosier bien pendu » semble avoir la vie dure.»

 

 

« L’ivresse est en Bretagne un mode d’alcoolisation qui, au fil des siècles, a souvent retenu l’attention des élites. Certains notables n’ont pas hésité à en faire un trait spécifique de la caractérologie régionale, tel Audren de Kerdrel écrivant en 1844 que « l’ivrognerie est un vice… auquel la race bretonne est adonnée depuis des siècles » N’allait-on pas en Cornouaille jusqu’à enseigner aux jeunes garçons à s’enivrer pour entrer dans le monde des adultes ? Boire vite (evit buhan) et tenir bon (dalc’h mad) telles sont, selon Alexandre Bouet, les clés de cette « première leçon d’ivrognerie » croquée par Olivier Perrin.

 

Le sous-préfet de Saint-Malo regrette en 1868 que « la perspective d’une journée exempte de la monotonie et des fatigues du labeur accoutumé jointe au désir de chacun de satisfaire librement des goûts dépravés » attire en ces lieux ( les foires) « plus souvent les cultivateurs peut-être que leur intérêt pour l’agriculture. »

 

Le Dr Lohéac de Gourin en 1906 souligne néanmoins « que la facilité avec laquelle nos cultivateurs s’enivrent, provient de leur abstinence habituelle. »

 

« Au seuil du 21e siècle, alors que l’essor du binge drinking inquiète les pouvoirs publics et que s’exacerbe la question de la vie nocturne en centre-ville, les jeudis étudiants rennais ou brestois deviennent des symboles des excès du boire de la jeunesse pour nombre de médias qui perpétuent ainsi le stéréotype de l’ivrognerie bretonne. Les similitudes ne sont que toutefois qu’apparentes, notamment chez les plus jeunes : l’ivresse, naguère encadrée par les adultes, relève désormais davantage d’un entre-soi générationnel. »

 

Voilà, tout ce qui est écrit ci-dessus ne l’est pas de ma blanche main mais est extrait de l’ouvrage cité publié en septembre 2015.

 

 

Te zo sot ha me zo fin, te ‘evo dour, me ‘evo gwin… tu es bête et moi malin, tu boiras de l’eau et moi du vin… comment être rond quand on est breton !
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15 mars 2016 2 15 /03 /mars /2016 06:00
Les défroqués du vin conventionnel.

Dans ma Vendée confite dans l’eau bénite et les soutanes, le défroqué était un réprouvé, divorcer du service de Dieu, renier son serment, relevait du bannissement, de l’interdiction de séjour.

 

Pendant tout un temps le défroqué rompait les amarres, disparaissait, puis avec le grand séisme de 68 qui vida les séminaires de Vendée et saigna à blanc le clergé le plus jeune, certains ne firent pas qu’abjurer ils devinrent les plus violents détracteurs de l’Église qu’ils avaient servi.

 

Comparaison n’est jamais raison mais dans le monde du vin jeter le froc du vin conventionnel revêt chez certains une attitude similaire. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, rompre avec son passé n’est pas un péché, la honte, reste que de voir ou de lire certaines philippiques laisse sans voix sur la versatilité de la nature humaine.

 

Les images pieuses offertes à nos yeux, ces mains calleuses, gage de l’authenticité du vin, n’étaient-elles que des épandeuses insoucieuses de Roundup ?

 

Je ne sais mais ce que je sais c’est que j’ai toujours eu beaucoup de mal à recevoir des leçons de sobriété par des alcooliques repentis…

 

Ni cendres sur la tête, ni robe de bure des bourgeois de Calais, juste ce qu’il faut de regard sur soi-même pour nous fichez la paix.

 

C’est dit, zoom arrière :

 

En 1954, Léo Joannon réalisa Le Défroqué avec Pierre Fresnay dans le rôle du curé défroqué.

 

Famille chrétienne

 

« Prisonnier en oflag XIII en 1945, le prêtre défroqué Maurice Morand est contraint de dévoiler son secret à ses codétenus en donnant l’extrême-onction à l’aumônier du camp. Parmi ces détenus, Gérard Lacassagne, influencé par sa rencontre avec Morand, décide de consacrer sa vie à l’Église. Après leur libération, malgré la désapprobation de sa famille et de son ancienne fiancée, Lacassagne persévère, aidé par son supérieur de séminaire, un ancien camarade de Maurice Morand, et la mère de ce dernier. Le jeune novice se fixe comme objectif de ramener Morand sur le droit chemin, et multiplie les tentatives pour le convaincre, ce qui contraint son ami à se cacher. Après son ordination, Lacassagne rend une dernière visite à Morand... »

 

Télérama écrit « Armé de sa foi bétonnée, il affrontera inlassablement l'orgueil démoniaque de l'impie... »

 

Après son ordination, Lacassagne rend une dernière visite à Morand, accompagné par la prière de tous leurs proches. Les deux hommes se disputent, l’ancien prêtre frappe son ami et rouvre une ancienne blessure, provoquant sa mort. Sur le point d'expirer, Lacassagne donne l'absolution à Morand, contrit et retrouvant ainsi la foi.

 

Un critique écrit :

 

« Il y a beaucoup d’outrance, pas mal de maladresse et même des scènes un peu ridicules dans ce grand mélodrame qui fut, je crois un immense succès, mais il y a aussi de la hauteur de vue, de la noblesse d’âme et de l’émotion.

 

Je ne crois pas pour autant que Le défroqué puisse être, aujourd’hui, mis sous tous les yeux : il faut avoir une certaine sensibilité aux questions spirituelles, un minimum de culture catholique et une envie de se pencher sur ces questions de Grâce divine, de pardon des offenses, de communion des saints et de mystère de la vocation sacerdotale.

 

Disant cela, je ne me veux pas le moins du monde méprisant, ni même éloigné de ceux que ces mots et ces idées n’intéressent pas, ou qui les regardent comme des archaïsmes mythologiques. Le monde a changé, depuis 1954, date de sortie du film et ce mot de Défroqué qui sonne comme une claque donne lieu aujourd’hui à de l’indifférence ou au sarcasme alors qu’à l’époque il apparaissait comme terrifiant. »

 

Un site catholique note :

 

« C'était l'époque où la France savait encore faire du cinéma et les catholiques possédaient encore 50% des salles de cinémas. »

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14 mars 2016 1 14 /03 /mars /2016 06:00
Les petits producteurs se sont trouvés une nouvelle Jeanne Hachette, j’en connais un le basque Mixel Berhocoirigoin fier d’être paysan.

À Beauvais, le 22 juillet 1472, une certaine Jeanne Hachette met en déroute l'armée de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. 

 

« Que venait-il combattre devant Beauvais ?

 

Ou plutôt qui ?

 

Le roi, bien sûr. En 1472, Louis XI (1423-1483), fils de Charles VII, règne depuis onze ans. Il déteste son cousin bourguignon. Il est vrai qu'il était difficile de faire s'entendre deux êtres si dissemblables. Le roi est austère, il refuse de paraître, s'habille comme un bourgeois, ne sacrifie pas à la pompe royale. Il est considéré comme un bon roi du point de vue de sa gestion du royaume, mais comme un fort méchant homme. Le duc de Bourgogne au contraire ne se plaît qu'en représentation, en affirmation spectaculaire de sa puissance. Pour tout dire, il aspire à régner. Mais, là, il lui faut compter avec l'Angleterre. »

 

Même sans l’avoir nommée, ses fans de Face de Bouc auront reconnu Isabelle Saporta qui après avoir dézingué à la sulfateuse, dans son précédent ouvrage, VinoBusiness, ce pauvre Hubert de Boüard de Laforest, monte au créneau pour se porter au secours des petits producteurs, défenseurs de notre beau terroir, en butte à la chape des normes concoctées par une Administration à la solde des multinationales.

 

Nos ingénieurs, nos vétérinaires n’aiment guère cette engeance de petits producteurs frondeurs qui passent leur temps en dehors de leurs beaux clous. Eux ils aiment beaucoup le béton, le grand avec plein d’investissements, les assemblées générales du Crédit Agricole, les beaux dossiers PAC, les contrôles, à se demander pourquoi on leur a fait suivre des cursus couteux, écoles vétérinaires, agro, ENGREF, pour en arriver à une forme d’administration que Courteline ne renierait pas.

 

Notre nouvelle Jeanne Hachette ne se fait pas prier, en un road-movie rural, elle taille en pièces la belle cogestion du 78 rue de Varenne, celle qui voit le Ministre et sa grande administration coucher dans le même lit que la FNSEA. Mais attention, notre Jeanne ne fait pas que des moulinets, elle accumule des munitions, du lourd, du solide, de l’argumenté, des faits, je crois qu’on appelle cela de l’investigation. C’est rare et c’est heureux de donner à lire du contenu. Bien sûr c’est moins bandant que la saga du Sarkozy de Saint-Émilion mais c’est un petit caillou dans les grolles de Le Foll et de la mécanique infernale des normes de tous poils.

 

La bureaucratie n’aime rien tant que de générer de la substance pour justifier son existence, elle est conservatrice, frileuse, incapable de dépasser les limites de son univers bien confortable. Dans son Foutez-nous la paix ! Isabelle Saporta engage une résistance salutaire contre ceux qui veulent faire notre bonheur à notre place. Je la trouve parfois bien indulgente à l’égard de la bureaucratie de l’UE, la pire qui soit dans notre monde civilisé et mondialisé. L’URSS s’est délité en grande partie du fait de l’incompétence de ses bureaucrates, l’UE prend le même chemin avec ses lourds bataillons de Berlaymont qui conjuguent hyper-compétence et arrogance.

 

Dans le combat de notre Jeanne Hachette face à l’hydre FNSEA je voudrais faire entendre une petite musique qui ne va pas forcément plaire aux minoritaires, tout particulièrement à la Confédération Paysanne.

 

En effet, j’estime qu’elle porte une part de responsabilité dans le maintien de l’hégémonie de la FNSEA. Pourquoi diable me direz-vous ? Tout simplement parce qu’elle véhicule une image du petit producteur « misérabiliste ». Pauvre forcément pauvre, ce qui se traduit par une désaffection dans les urnes aux élections aux Chambres d’agriculture. Le contre-modèle économique qu’elle dit défendre, avec très souvent des arguments très sérieux, ne trouve qu’un faible écho car, j’ose l’écrire même si je ne vais pas me faire que des amis, il fait fi d’une forme de réussite sociale. Je ne vois pas au nom de quoi le paysan petit-producteur, sa famille, devrait être des damnés de la terre au service d’un juste combat.

 

J’ai toujours tenu ce discours à mes amis de la Confédération Paysanne, contrairement aux hiérarques du PS, Le Foll en étant le dernier avatar, qui dans l’opposition passaient leur temps à faire des papouilles de gauche aux confédérés pour mieux les snober lorsqu’ils avaient le cul dans leur fauteuil ministériel.

 

Pour preuves : j’ai fait reconnaître devant l’AG du Conseil d’État le décret sur la représentativité syndicale, qui a permis à la CP d’être un syndicat ayant pignon sur rue, contre l’avis de mon Ministre Henri Nallet et lorsque Louis Mermaz fut Ministre il n’a jamais reçu la Confédération Paysanne c’est ma pomme qui s’y collait.

 

Bref, je garde le souvenir de ces réunions un peu bordéliques avec en tête une figure qui me fut de suite sympathique, celle de Mixel Berhocoirigoin, le producteur de lait du Pays basque. Compétent, connaissant parfaitement le dossier des quotas laitiers, ouvert à la discussion, ferme sur ses convictions, un interlocuteur de qualité. Nous l’appelions Berhoco et jamais il ne se serait départi de sa bonne humeur têtue. Bien souvent j’avais envie de lui dire que c’était lui qui avait raison mais je n’étais pas le Ministre en exercice qui lui préférait largement passer ses après-midi rue de Solférino.

 

Michel Berhocoirigoin et à sa gauche le ministre Stéphane Le Foll en octobre 2012 au 7e Salon de l’agriculture paysanne, LURRAMA, à la Halle d’Iraty à Biarritz.

 

Je comprends qu’Isabelle Saporta ait accroché ses pas à Mixel Berhocoirigoin, à ses combats, il en vaut la peine.

 

Cet homme aime profondément son pays, ses brebis, ses vaches, ses produits. « Tu vois ces vaches blondes des Pyrénées ? Elles s’occupent du fourrage grossier. Pour la seconde coupe, ce sont des brebis manex, à tête noire ou à tête rousse, qui prennent la relève. Pour faire du bon lait, elles ont besoin d’une herbe fine. »

 

Il veut réimplanter la sasi ardi « une vaillante brebis autrefois présente dans toutes les fermes de cette belle région, et qui vient de gagner, comme un pied de nez, un concours de l’innovation pour ses qualités de débroussailleuse ! Peu laitière, c’est sa viande qui est valorisée dans les plus grands restaurants. »

 

Ému notre Berhoco « Regarde toutes ces fermes accrochées là où elles peuvent arracher un petit bout de prairie à la montagne, elles sont ici parce qu’elles ne pourraient être nulle part ailleurs. Et les emplois qu’elles génèrent sont viscéralement liés à leur territoire. Ils font vivre nos jeunes, nos services publics, nos écoles et créent de la richesse sur place. »

 

Créer de la richesse !

 

« Nous ne voulons pas d’une agriculture qui s’oppose à la société civile comme ne cesse de le faire le modèle industriel. On est fier d’être des paysans. Fiers de forger nos paysages. De respecter notre eau, de faire vivre notre territoire, s’émeut-il. Et on a besoin de vous pour nous soutenir, parce qu’une fois qu’on aura cassé tout ça, on ne pourra pas revenir en arrière. »

 

Ossau-Iraty, piment d’Espelette, des beaux produits, des produits d’avenir… Le road-movie rural d’Isabelle Saporta est bien loin d’un simple pamphlet, c’est un porte-voix offert à ceux qui d’ordinaire n’en ont pas. Sera-t-elle entendue une fois passé le buzz médiatique qui se nourrit de ce type d’ouvrage ? La fameuse société civile qui verse des larmes de crocodiles sur les malheurs des petits producteurs, sans savoir ce qu’ils sont et ce qu’ils font, va-t-elle se réveiller, arrêter de pousser son caddie dans les allées déshumanisées des temples de la GD?

 

J’en doute.

 

Pour créer de la valeur sur nos territoires encore faut-il qu’elle ne soit pas ensuite détruite par des prédateurs qui se servent des petits producteurs comme des leurres.

 

Pour l’heure achetez et lisez Foutez-nous la paix ! vous vous plongerez dans les plis profonds de la France des terroirs et des petits producteurs : la Corse ses brebis, son brocciu, la baie du Mont-Saint-Michel et ses prés-salés, l'Aubrac, le Laguiole d'André Valadier, le Roquefort de José Bové, le pouilly d'Alexandre Bain, le muscadet, le champagne, la poule bretonne, les normes, la pédichiffonnette, les fonctionnaires de tous poils et de toutes obédiences, et bien sûr en guest-star l'INAO...

 

Elle taille, elle taille, de beaux costars notre Jeanne Hachette du XXIe siècle, nouvelle star des plateaux, elle ferraille, sort ses griffes, claque le bec au PACS Le Foll-Beulin, raille les faux-culs, les notables, le petit Yann Moix le soutier d'ONPC... 

 

À quand le poireau ?

 

 

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 06:00
Des nourritures spirituelles aux nourritures terrestres, d’Alexandre Benoît Bérurier à Laurent Berrurier… une histoire de légumes oubliés.

 

Comme je suis né dans les choux, c’était ainsi de mon temps, dans un pays de ventre à choux, et que j’ai vécu toute ma petite enfance dans une grande bâtisse adossée à un grand jardin où il y avait à peu près tout du côté légumes mais aussi des fruits, j’entretien une relation particulière avec cette part de la nourriture longtemps méprisée par la haute cuisine française.

 

Mon école du goût, même avant la cuisine de maman, ce fut gamin le potager du pépé Louis au Bourg-Pailler, avant le cuit le cru, avec une prédilection pour l’oseille que nous appelions la vinette. Je n’en ai pas pour autant viré végétarien, comme me le disait mémé Marie « faut manger de tout mon petit ».

 

Comme vous le savez j’adore les chemins de traverse alors ce matin j’en emprunte un.

 

Je fus un lecteur assidu, dans les autorails qui me menaient à mon dur labeur d’étudiant-salarié, de San-Antonio. Si je puis m’exprimer ainsi j’ai tété le lait de sa langue et il m’en est resté des expressions telle que « ma petite Ford intérieure ». Pour moi, les années 70 furent de grands millésimes « sanantonionesque » et j’ai toujours eu un faible pour le phrasé et le vocabulaire d’Alexandre-Benoît Bérurier. Avec le recul du temps je trouve qu’il était pré-Coluchien donc à ne pas mettre entre toutes les mains. Bien sûr les âmes sensibles, les lectrices ou lecteurs de Télérama, les culs-bénis, les hygiénistes seront unis pour me qualifier d’inculte.

 

Poils au culte !

 

Alexandre-Benoît Bérurier donc, dit le Gros, marié à Berthe Bérurier (dite B.B.), inspecteur de police sous les ordres du commissaire San-Antonio, collègue de l’inspecteur Pinaud dit Pinuche, n’est pas à proprement parlé un être raffiné, il adore entonner l’hymne des matelassiers, il se bâfre, lichetronne sec, il n’est pas très finaud mais il n’a pas mauvais fond et il est assez représentatif du populo de l’époque.

 

Donc pas tout à fait une grosse légume même si en 1981 il accède au poste de directeur de la police car le pouvoir socialiste vide le trop bourgeois Achille. Cette promotion est due à sa nièce Marie-Marie, militante socialiste, qui l'a inscrit au PS à son insu. Il restera peu de temps dans ses fonctions mais il est à noter qu'il fut sans doute le seul directeur de la police à avoir reçu le président de la République cul nu, suite à un désagrément intestinal qui avait rendu inutilisable son pantalon.

 

Ce n'est pas tout, car Bérurier ira encore plus haut : un peu plus tard, il est nommé ministre de l'Intérieur. Il conservera brièvement le portefeuille, suffisamment en tout cas pour que le lecteur ait l'occasion de l'admirer dans ses œuvres diplomatiques au cours d'un voyage officiel en U.R.S.S.

 

« Un de la délégation française qui produit son petit effet, c'est le ministre de l'Intérieur, M. Alexandre-Benoît Bérurier. Campé devant le buffet, il porte toast sur toast en exécutant des cul-sec sans ostentation, non pas en s'aidant de la nuque façon Von Stroheim, mais en mobilisant simplement sa glotte. Il balance le verre de vodka dans sa soupe à picole : tiaff ! Avale dans la foulée. Change son verre vide contre un plein, recommence. Elle clame bien haut, l'Excellence :

 

- Je bois au Kremlin ! - Tiaff ! 

- Je bois à Bicêtre ! - Tiaff !

- Je bois au Tsar ! - Tiaff !

- Je bois au président Staline ! - Tiaff !

- Je bois au maréchal Trotsky ! - Tiaff !

 

Ces homologues n'arrivent pas à le suivre. »

 

Et puis il y eu ma période Michel Rocard où nous allions en séminaire de cabinet à la mairie de Conflans-Sainte-Honorine. C’est là-bas que je découvris que de 1965 à 1973 Eugène Berrurier y fut maire divers droite. C’est en 1977, que Michel Rocard, le deviendra. Son implantation dans les Yvelines date de l'élection législative partielle de juin 1969 dans la 4e circonscription des Yvelines, où il bat le Premier ministre sortant Maurice Couve de Murville.

 

À un R près Bérurier ou Berrurier j’en arrive à Laurent Berrurier.

 

 

Désigne celui qui est originaire du Berry, ou encore celui qui est originaire de Bourges. Le nom Berruyer est porté notamment dans l'Isère et la Haute-Vienne. On trouve Le Berruyer en Normandie (50,76), où l'on rencontre aussi les formes Berrurier, Le Berrurier (14). Variantes : Berrouiller (30), Berroyer (36, 87), Berroyez, Berruyez (62), Berryer (80), Berruer (37).

 

Berrurier est classé au 28.929ème rang des noms de famille en France.

 

Le Parisien du 6 Janvier 2016 titrait :

 

LIRE : Grâce à lui, les légumes oubliés séduisent les plus grands chefs 

 

« Maraîcher à Neuville-sur-Oise (Val-d'Oise), Laurent Berrurier est l'un des agriculteurs franciliens qui fournissent le chef triplement étoilé Yannick Alléno. Ce dernier nous livre une nouvelle recette à partir de produits du terroir local. »

 

Pour votre Taulier ça n’était pas une découverte car ça fait un bail que les grosses légumes de Laurent Berrurier il les achetait à Terroir d’Avenir.

 

Lire Symphonie pour grosses patates bouillies en sol mineur et vin d'auteur 

 

«Tu fais les poires de terre? demande Cédric à Laurent Bérurier, je n’en ai jamais travaillé…»

 

- J’en avais la semaine dernière! Ça ressemble à une racine de dahlia.

- Et comment tu les prépares?

- Ben, je ne sais pas, moi, je ne suis pas chef!» répond le maraîcher en riant.

 

Lire Se fendre la poire oui, mais la poire de terre, ça vous changera de la pomme de Parmentier foi d’un Taulier adepte du poiré… 

 

Yannick Alléno voit en Laurent Berrurier un des producteurs sur qui il va pouvoir s'appuyer pour défendre le terroir local. « J'ai retrouvé neuf variétés anciennes de légumes originaires de l'Ile-de-France, détaille l'agriculteur de 45 ans. Le poireau de Gennevilliers (92), le chou d'Aubervilliers (93) et celui de Pontoise (95), l'asperge d'Argenteuil (95), le navet de Croissy (78), la carotte et la bette blanche de Paris, le pissenlit de Montmagny (95), l'oignon de Vaugirard. »

 

 

Ce qu'il entend par « retrouver », c'est cultiver une graine « pure », comme la qualifie Yannick Alléno.

 

« Les générations successives des Berrurier ont préservé l'asperge d'Argenteuil, sans la dénaturer, s'émerveille le chef. Même chose pour le chou de Pontoise, qui respire l'authenticité d'une région autrefois recouverte de cultures. »

 

Pour dénicher ces variétés oubliées, Laurent Berrurier potasse des livres anciens sur l'art du potager, et fréquente de petites graineteries. « Après, c'est un savoir-faire transmis par mon père et mon grand-père de pouvoir la multiplier de façon à ne pas produire juste pour sa consommation personnelle, mais pour satisfaire les chefs, de plus en plus gourmands », sourit le maraîcher.

 

L’asperge est un légume qui pousse la nuit

 

« Mon arrière-arrière-grand-père en a commencé la culture vers 1900, explique l'agriculteur. Depuis, on se transmet ce patrimoine de père en fils ». L'asperge blanche, telle que la Belle d'Argenteuil, se plante de façon très particulière : à la différence de l’asperge verte, elle se butte et se rebutte : on la couvre pour lui cacher la lumière, afin qu'elle se développe et reste tendre au lieu de fleurir. La blanche se cueille avec une gouge, afin de pouvoir la couper sous la terre, quand la verte se coupe tout simplement aux ciseaux. L’asperge est un légume qui pousse la nuit et doit être cueilli très tôt le matin afin de conserver toute sa fraîcheur. »

 

Et bien sûr les Bérurier Noir !

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12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 06:00
La mayonnaise est l’œuvre du cuisinier d’un libertin accompli le plus brillant dépravé du XVIIIe siècle Louis François Armand de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu.

Réussir un œuf mayo n’est pas à la portée du premier gâte-sauce venu.

 

À l’heure de la cuisine à la mode des « j’ouvre des poches » taillée en pièces à juste raison par le Badinguet de Barcelone, ça relève de la défense du chef d’œuvre en péril.

 

Le choix de l’œuf bien sûr, loin des longs rayons de Métro, frais pour de vrai, fruit d’une poule bichonnée en liberté, œuf de Marans vanté par les défenseurs des petits producteurs non inféodés à Nestlé.

 

 

Sa cuisson ni béton ni mollasson, belle brillance d’un jaune orangé, tout un doigté qui requiert une attention irréprochable.

 

Et la mayo, loin des pots et autres tubes Amora, Benedicta et autres faiseurs à la chaine pour fainéants, tour de main de l’artisan saucier.

 

 

« Mon grand-père m’a toujours encouragé à chercher la perfection ; c’est le détail qui fait la perfection… »

 

Aung Ko Myint.

 

« Voir faire est pour moi la façon la plus efficace d’apprendre. Je peux mémoriser le geste et le reproduire… »

 

Laura

 

Humble mayonnaise certes mais c’est avec la confection des mets les plus simples que l’on peut reconnaître les grands et leur accorder confiance et respect.

 

Mais d’où nous vient cette sauce froide ?

 

 

Selon Jean Vitaux auteur du Dictionnaire du Gastronome c’est au cuisinier de Louis François Armand de Vigneron du Plessis, duc de Richelieu qui naquit en 1696 à Paris et mourut dans la même ville en 1788, à l'orée de la Révolution Française que l’on doit le nom de la recette de la « mahonnaise ».

 

Précision d’importance pour ceux qui connaissent encore l’Histoire de France ce duc de Richelieu, aimait les plaisirs de la chair mais aussi la bonne chère, il ne faut pas le confondre avec, son grand-oncle, Armand Jean du Plessis de Richelieu, dit le cardinal de Richelieu, cardinal-duc de Richelieu et duc de Fronsac. Pair de France, ministre du roi Louis XIII, destiné au métier des armes, mais contraint d'entrer dans les ordres afin de conserver à sa famille le bénéfice de l'évêché de Luçon, le plus crotté de France.

 

Notre Richelieu de la mayo « connu la Bastille dans son jeune âge en raison de son trop grand empressement pour Mademoiselle de Noailles, puis sous la Régence pour une affaire de duel et un complot bien mal ficelé. » nous dit Jean Vitaux.

 

Académicien à 24 ans en dépit d’une orthographe désastreuse il fut un homme de guerre heureux, contribuant à la victoire de Fontenoy, prenant Fort-Mahon le 28 juin 1756 à Minorque aux Baléares contre les perfides anglais.

 

C’est là, avec ses troupes d’occupation (jusqu’en 1763) que son cuisinier, sans doute inspiré par l’excellence de l’huile d’olive de l’île, l’une des meilleures du bassin Méditerranéen, aurait inventé la Mahonnaise. CQFD.

 

Ce fut un grand libertin, collectionnant les conquêtes, « des dames de la cour jusqu'aux chambrières et aux actrices de l'Opéra comme La Souris. Il s'amusa même à conquérir toutes les maîtresses du Régent, certes après lui..., et fut l'ami du roi Louis XV. »

 

« Sa vie entière fut un scandale, et il est resté le type le plus brillant de la dépravation de cette époque ». Pierre Larousse dans son Grand Dictionnaire du XIXe siècle.

 

Organisateurs de dîners fastueux toute sa vie durant il accorda une place importante à la gastronomie.

 

On lui doit l’introduction des vins de Bordeaux à la cour de France et surtout le fameux menu « tout bœuf » qu’il dresse lui-même en 1757 et fait servir à trente prisonniers de marque de la forteresse d’Ostfrise.

 

Deux sujets d’une brûlante actualité avec le fameux Bordeaux bashing qui ravage les bancs des buveurs parisiens et la mode du veganisme qui fait florès chez les bobos parisiens…

La guerre de Hanovre bat son plein.

 

Le duc de Richelieu, maréchal de France, commande les troupes du roi Louis XV.

 

On vient de capturer une vingtaine de princes et de princesses du camp ennemi.

 

Le pays est dévasté mais le duc tient à les recevoir fastueusement et à leur offrir à souper.

 

Dans les cuisines : moins que rien ! Un bœuf et des légumes (racines).


Les officiers de bouche s’arrachent les cheveux.

 

- Un bœuf ? Des racines ? Très bien, dit le maréchal, c’est plus qu’il n’en faut pour faire le plus joli souper du monde !

 

- Mais, Monseigneur, on ne pourra jamais.


- Allons Rullières, tranquillisez-vous et inscrivez le menu que je vais vous dicter.

 

L’officier d’ordonnance, dépassé par les circonstances, ne bouge pas.


Le duc s’impatiente...

 

- Allons, Rullières donnez-moi votre place et votre plume.


Et Richelieu rédige d’un trait le menu suivant :

 

DORMANT

 

Le grand plateau de vermeil avec la figure équestre du Roi ; les statues de Du Gueslin de Dunois, de Bayard, de Turenne. Ma vaisselle de vermeil avec les armes en relief émaillé.

 

PREMIER SERVICE

 

Garbure gratinée au consommé de bœuf

 

QUATRE HORS D’OEUVRE

 

Palais de notre bœuf à la Sainte-Menehould

Petit pâtés de hachis de bœuf à la ciboulette

Les rognons de bœuf à l’oignon frit

Gras-double à la poulette au jus de limon

 

RELEVE DE POTAGE

 

La culotte de bœuf garnie de racines au jus

(Tournez grotesquement les racines à cause des Allemands)

 

SIX ENTREES

 

La queue de bœuf à la purée de marrons

Sa langue en civet (à la bourguignonne)

Les paupiettes de bœuf à l’estouffade aux capucines confites

La noix de notre bœuf au céleri

Rissoles de bœuf à la purée de noisettes

Croûtes rôties à la moelle de bœuf

(Le pain de munition vaudra l’autre).

 

SECOND SERVICE

 

L’aloyau rôti

(Vous l’arroserez de moelle fondue)

Salade de chicorée à la langue de bœuf

Bœuf à la mode à la gelée blonde mêlée de pistaches

Gâteau froid de bœuf au sang et au vin de Jurançon

(Ne vous y trompez pas !)

 

SIX ENTREMETS

 

Navets glacés au suc de bœuf rôti

Tourte de moelle de bœuf à la mie de pain et au sucre candi

Aspic au jus de bœuf et au lait d’amandes

Beignets de cervelle de bœuf marinée au jus de bigarades

Gelée de bœuf au vin d’Alicante et aux mirabelles de Verdun

 

... Et puis tout ce qui reste de confitures et de conserves.

 

(Note: si par un malheureux hasard ce repas n’était pas très bon, je ferais retenir sur les gages de Maret et de Ronquelières une amende de cent pistoles. Allez et ne doutez plus !

 

Richelieu

 

 


�Jacques Kother

Le Petit Journal - 29/06/2007 - Le Guide des Connaisseurs�

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11 mars 2016 5 11 /03 /mars /2016 06:00
Alors qu’il faisait la manche par correspondance pour que je m’abonnasse à la RVF Denis Saverot, à Monte-Carlo, se gavait de caviar chinois arrosé au Dom Pérignon 98 dans 1 suite de l’Hôtel de Paris…

Nous sommes le 10 mars dans ma boîte postale une bafouille du RP Denis Saverot pour que je m’abonnasse à la RVF a été déposé par le préposé. Elle est datée du 3 mars, ce n’est pas un monument de style. Je n’en retiens que l’envolée finale : «N’hésitez plus : je vous invite à nous rejoindre ! » 

Alors qu’il faisait la manche par correspondance pour que je m’abonnasse à la RVF Denis Saverot, à Monte-Carlo, se gavait de caviar chinois arrosé au Dom Pérignon 98 dans 1 suite de l’Hôtel de Paris…

Avouez que ça ne manque pas de sel de la part de quelqu’un qui, depuis que j’ai osé dire tout le bien que je pensais de son pique-assiette de patron, ce cher JP Lubot, m’a blacklisté.

Mais passons aux choses sérieuses le blé qu’il me demandait : 79€ seulement.

50% de réduc !

Ça c’est du prix cassé. De la deuxième démarque quoi et comme les « somptueux cadeaux offerts » 6 verres Reveal’Up Soft et le Guide des meilleurs vins de France 2016 ne me font pas bondir au plafond la meilleure direction de la missive me semble alors être la poubelle.

Sauf que mon allié le hasard me met sous le nez un papier du RP Denis daté du 9 mars « Dîner et nuit au Dom Pérignon à Monaco »

 

Lire ICI 

 

Mieux qu’un simple dîner au champagne ! En association avec Alain Ducasse, Dom Pérignon inaugure un étourdissant concept gastronomique dans une suite de l’Hôtel de Paris, à Monte-Carlo

 

Extraits de l’homélie touchante du RP Denis :

 

« Que proposent-ils ? Un dîner, mais un dîner résolument spécial, imaginé par Alain Ducasse pour le champagne et Dom Pérignon en particulier, servi dans votre chambre d’hôtel, ou plutôt dans la suite comprise dans la formule, spécialement décorée pour l’occasion. Là, les clients ont accès à une sélection de très belles cuvées Dom Pérignon (classique, rosé, P2 et P3 du millésime 2006 jusqu’à 1971). Ces flacons ne sont pas classiquement proposés à la carte mais à portée de main, dans la mini-cave réfrigérée encastrée dans le mobilier moderne de votre suite !

 

Dans notre assiette ce mardi 8 mars, caviar chinois (de nombreux chefs le jugent supérieur au caviar français) et blanc-manger, gamberoni de San Remo, raviole d’herbes pasqualina (un clin d’œil aux fêtes de Pâques), un fabuleux jarret de veau cuit près de 72 heures à 62 degrés et en dessert un Délice au citron de Menton. Le menu a été exécuté par Franck Cerutti, compagnon historique de Ducasse et chef du Louis XV et des restaurants de l’Hôtel de Paris. Après Dom Pérignon 2006 servi en apéritif, ce dîner fut accompagné d’une bouteille de cuvée "P2" 1998, autrement dit un Dom Pérignon 1998 servi, comme le revendique Richard Geoffroy, sur sa "deuxième plénitude" : une bouteille élevée en cave plus de quinze longues années avant dégorgement. »

 

Un tel raffinement a naturellement un coût, concède sans fausse honte le RP Saverot.

 

Oui, vous aurez les chiffres en lisant son homélie. Ne vous inquiétez pas, il n’a pas gaspillé les maigres ressources de la RVF ce n’était qu’un simple voyage de presse au frais de la princesse. Devait pas être tout seul le Denis, attendons les autres papiers des journalistes assermentés.

 

J’adore le « on » de Denis dans sa conclusion :

 

« À l’Hôtel de Paris, outre le charme de la nuit monégasque, on gardera en mémoire la beauté des grandes cuvées de Dom Pérignon. Ici la tension fine et l’élégance patinée de ce P2 1998, un vin qui vieillit admirablement et s’accorde avec le chic de ce fabuleux Hôtel de Paris. »

 

Les 79 euros de mon éventuel abonnement auraient pu payer les pourboires ou quelques plaques au chemin de fer au casino mais je n’étais pas en état de générosité ce jeudi.

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