Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 06:00
Pierre-Auguste Renoir nature morte avec fraises

Pierre-Auguste Renoir nature morte avec fraises

Au temps d’avant 1981, je croisais fréquemment le samedi au Pied de Fouet Jean-Marie Rouart et sa fiancée du moment Dominique Bona.

 

Z’étaient en ce temps-là rien que des écrivains, depuis ils sont devenus académiciens : elle le 18 avril 2013 au fauteuil 33 de Michel Mohrt, devenant ainsi la huitième femme immortelle depuis la création de l'Académie en 1635 et la benjamine des Immortels. Lui, le 18 décembre 1997, au fauteuil 26 de Georges Duby.

 

 

Jean-Marie Rouart était discret, courtois, bien élevé, élégant, j’ai lu quelques-uns de ses livres, ils lui ressemblent ; l’homme s’est révélé courageux dans l'affaire Omar Addad, et sa plume fine, acérée parfois, jamais méchante, peut faire mouche lorsqu'elle se fait insolente.

 

« Sarkozy a peut-être rajeuni la politique mais il m'a donné un coup de vieux..." écrit-il dans la préface de Devoir d'insolence journal de la première année du quinquennat de notre ex-président. « Pour une fois, je n'ai plus un président qui a l'âge de mon père comme Giscard, Pompidou, ou de mon grand-père comme de Gaulle, mais un frère cadet. Et quel frère ! Turbulent, piaffant d'impatience, agité, dopé au Gurosan, gonflé à bloc, il me donne la sensation que je me suis levé un peu tard, couché un peu tôt et que je n'ai pas un centième de son énergie. Agaçant non ! Sarkozy m'a aussi irrité. Surtout depuis qu'il est président. J'ai vécu comme tous les français au rythme de ses foucades, de ses projets pharaoniques, de ses lubies autant que de ses réformes. »

 

Pour Ségolène la madone défaite il pointe là où ça fait mal : « les failles de son caractère que dissimulait son indéniable charme. Elles sont apparues à la télévision face à Sarkozy. Pète-sec, méprisante, elle n'a pas fait le poids. En traitant de haut les éléphants du PS, elle s'est enfermée dans l'exercice solitaire de la candidature. En congédiant le premier secrétaire du PS, elle a montré aux Français un visage peu conciliable avec le minimum d'impassibilité, de résistance aux offenses qu'exige la charge présidentielle. Bien sûr elle a souffert. Mais tout le monde souffre. »

 

Mais je ne suis pas là pour faire de la politique mais pour vous faire part de la déclaration d’amour de Jean-Marie Rouart pour la gariguette.

 

 

« Elle a un nom qui fleure le bon vieux temps de la binette de grand papa et de la sarclette de grand-mère : un monde englouti avec la marine à voile, le temps des équipages, la messe en latin et les romans de Pierre Benoît. Cette petite fraise qui ne la ramène pas est un précieux vestige de nos nostalgies. À côté de ses consœurs obèses, aqueuses, cellulitiques, inodores er=t sans saveur, elle apparaît comme un miracle : elle reste parfumée, rouge et ferme un sein de jeune fille. Comment a-t-elle pu résister aux directives de Bruxelles, à la tyrannie des fonds de pension ou aux oukases des grandes surfaces, aux ravages du pesticide Monsanto ? Avec la reine des comices, la beurré-hardy, le puligny-montrachet, le château d’Yquem, elle s’est hissée dans l’aristocratie des saveurs. Pourquoi n’est-elle pas présente à la présidentielle, elle aussi ? Mieux que Nicolas Hulot, elle aurait plaidé pour cette cause mille fois perdue : le goût, la variété des espèces naturelles, la diversité des fruits. Devant l’eau qui sent la Javel, les abricots sans saveur ni parfum, les pommes insipides, ces fruits endeuillés de soleil et qu’on nous sert transis de l’hiver de la congélation, la gariguette est tout simplement une vraie fraise. Quand tout est dévasté, nous dit Giraudoux, quelque chose de merveilleux subsiste encore, « cela s’appelle l’aurore ». À nous, il reste la gariguette. »

 

Dans Nouvelles Mythologies 2007

 

Je ne veux pas faire la honte à l’académicien mais la gariguette est une invention de chercheur, d’une chercheuse plus particulièrement, Georgette Risser – qui a dirigé pendant des années des travaux de recherches au Centre Inra d’Avignon pour créer cette nouvelle variété à la fin des années 70.

 

Georgette Risser, lors de la journée fraise à destination des partenaires de la filière le 17 mai 1979, dans le Gard. (Photo Inra)

 

Elle doit son nom à l’adresse d’un des chercheurs : le chemin des Gariguettes, à Châteauneuf-de-Gadagne.

 

«Vous allez me parler de la gariguette ? J’en étais sûre… Toute façon, dès qu’un journaliste parle de fraise, c’est la même histoire. Il bloque sur la gariguette comme s’il n’y avait qu’elle.» Sylvie Angier démarre au quart de tour. Avec mari et beau-frère, elle cultive dans le centre de la France des plants de fraisiers vendus ensuite aux jardiniers amateurs comme aux gros producteurs. «Je ne comprends pas ce qu’ils ont tous avec la gariguette. Il existe plein d’autres variétés délicieuses, qui méritent d’être plus connues. Mais on a un mal fou à les vendre…»

 

Aujourd’hui, c’est la gariguette qui rafle la mise, représentant un tiers des fraises produites en France. Son succès interroge. Son prix, autour de 2,50 euros la maigrelette barquette de 250 grammes aussi. Justifié ? Ou résultat d’un plan marketing rondement mené ? Vérification faite, l’histoire de la gariguette est bien plus croustillante, et illustre à merveille la montée en puissance du marketing dans l’agriculture française. » 

 

« Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les variétés françaises traditionnelles sont en piteux état. Affectées par la virose, cultivées pendant des années sur les mêmes sols, elles sont d’une faible productivité. Dès la fin des années cinquante, les chercheurs sont chargés de sélectionner de nouvelles variétés plus résistantes aux maladies, plus productives, mais qui conservent néanmoins une qualité gustative. Pas simple, car rien n’est plus fragile que le goût dans lequel interviennent de nombreux arômes. Et plus le fruit est parfumé, plus la frontière est fragile entre maturité et surmaturité. Sans oublier une foule de facteurs qui jouent sur la saveur, selon l’époque de production, les conditions climatiques, l’évolution du fruit après cueillette, ou l’insuffisance de l’apport d’eau. Autant de points qui furent analysés.

 

Arrivent les années 80. A l’époque, en France, les premières fraises de la saison ne peuvent guère rivaliser avec les variétés précoces d’Italie et d’Espagne. Leur prix s’effondre. Seule la qualité gustative pouvait faire la différence.

 

C’est tout l’enjeu de Gariguette, précoce elle aussi, et savoureuse dès le début de la récolte. Seul problème : de taille plus petite que les autres, elle est difficile à ramasser et à rentabiliser, d’autant que ses rendements sont moyens. Résultat : autour d’Avignon, les premiers cultivateurs auxquels elle sera proposée feront la moue. Peu importe, d’autres vont raisonner différemment : les fraiséristes du Lot-et-Garonne, qui estimèrent que le consommateur était prêts à payer un peu plus cher un produit de qualité. ? Et c’est effectivement ce qui se passera, campagne publicitaire à l’appui, menée par le groupement « Fraise de France ». Dès lors, la Gariguette devient la variété précoce la plus cultivée dans l’hexagone.

 

(Chronique Histoire de... plantes. Mission Agrobiosciences. 13 Octobre 2006)

 

« Tous les fraisiers actuellement cultivés appartiennent à une espèce récente, apparue au 18ème siècle et dont les ancêtres sont américains. Avant, régnait la fraise des bois, toujours répandue à l’état sauvage et dont les premières cultures ont été menées à des fins médicinales. Pour ses fruits, il faudra en fait attendre le 14ème siècle, dans un écrin royal : 2 000 pieds sont alors plantés dans les jardins du Louvre. Deux siècles plus tard, une autre espèce de fraisier sauvage, d’origine inconnue, supplante la fraise des bois en Allemagne et en Belgique, pour leur calibre plus gros et leur parfum. Mais entre-temps, survient la découverte de l’Amérique et de ses fraises d’une grosseur jusque-là inégalée. L’importation ne tarde guère : des fraisiers canadiens, ramenés semble-t-il par Jacques Cartier à la fin du 16ème siècle, sont implantés en France, suivis par d’autres en provenance de Virginie ou du Chili, notamment dans les bagages d’un dénommé... Frézier ! De ces deux espèces naîtra un hybride, le premier fraisier moderne, appelé « fraisier ananas ». Aujourd’hui, les principales variétés cultivées en France restent peu nombreuses, au nombre d’une vingtaine. »

 

V.P Mission Agrobiosciences

 

En quelques chiffres

 

Avec une production annuelle de 54 000 t en 2014, la France se situe au 6e rang des pays producteurs européens derrière l’Espagne, la Pologne, l’Allemagne, l’Italie et la Grande Bretagne (Source Eurostat). L’Aquitaine est au 1er rang national de la production française (20 000 t). (Source : Statistique agricole annuelle). La fraise est le 9e fruit le plus consommé par les Français en volume : 2,8 kg par an et par ménage (Source : Kantar Worldpanel - Moyenne 2012-2014). En 2009, la Gariguette représente le plus gros segment en valeur du marché de la fraise en France (25,7% des ventes). Sur un marché en baisse, elle tire son épingle du jeu en progressant de 3 %. Cette variété progresse également en volume (+5,5 %). (Source : TNS Worldpanel)

 

Résistance aux maladies

 

De nombreuses maladies dues à des champignons peuvent causer d'importants dégâts dans les cultures de fraisiers. L'anthracnose, en particulier, provoque des nécroses sur stolons, fruits, pétioles et folioles et des flétrissements du plant. La lutte chimique, les techniques culturales et les mesures prophylactiques ne sont pas totalement efficaces contre cette maladie. Aussi l'Inra s'est-il attaché à élaborer une stratégie de lutte génétique pour sélectionner des variétés présentant une résistance efficace et durable. Des tests de sélection pour la résistance à l'anthracnose ont été mis au point à différents stades physiologiques de la plante. Ces résultats des recherches sont aujourd'hui utilisés par les sélectionneurs dans leur programme d'amélioration du fraisier pour la résistance à l'anthracnose.

 

 

Notre académicien vert à épée et bicorne n’est pas très vert tendance Bové, peu au fait de la culture de la fraise il ignore que la Gariguette, la fraise bretonne dans toute sa splendeur, est cultivée en majorité sous serres dans le nord-Finistère. Deux champions, Savéol et Prince de Bretagne (SICAFEL) se partagent le marché de cette première fraise (française) de la saison.

 

Les fraises françaises et espagnoles malades de leurs pesticides

 

Après avoir dénoncé la teneur en pesticides des céréales, Générations futures publie le deuxième volet de son enquête destinée à démontrer la charge considérable de perturbateurs endocriniens contenus dans nos assiettes. Ce mardi, l'association militante a dévoilé les résultats d'une étude* réalisée de février à avrilsur des fraises issues de l'agriculture conventionnelle, choisies au hasard dans les supermarchés français. Les fruits proviennent de France et d'Espagne, respectivement cinquième et premier producteur européen. Et les quantités de pesticides mesurées sont loin d'être négligeables...

 

Seules 8 % des fraises sans résidus

 

Du côté du vin je vous propose une Soupe de fraises au vin

 

 

Pour terminer sur une note so british, puisée dans le panier de JP Géné Mes chemins de table chez hoëbeke voici la Strawberry and cream une tradition qui a court à Wimbledon, pas sur les cours bien sûr, mais là où les élégantes donnent du plaisir aux yeux.

 

« Il* connaît moins une autre tradition étroitement associée à cet évènement sportif : strawberry and cream, la consommation de fraises à la crème dans les gradins et alentour. Selon la légende, ce serait le roi George V (1865-1936) qui aurait introduit cette pratique pour distraire les spectateurs, mais Audrey Sell, bibliothécaire au Wimbledon Lawn Tennis Museum, assure que les fraises sont apparues dès le premier tournoi (1877) qui correspondait à leur pleine saison, fin juin. Cultivées principalement dans le Kent, elles sont cueillies la veille et réceptionnées à Wimbledon dès 5h30 pour être inspectées et réparties en barquettes de 10 unités vendues la saison 2008, 2,25 livres (2,60€). L’elsanta est la fraise officielle de Wimbledon, une variété abondante en Europe, à chair ferme, au goût sucré légèrement acide et d’un rouge brique à maturité. Elle doit être accompagnée de crème double d’un minimum de 48% de matière grasse selon le règlement. En 2008, il s’en est consommé 7000 litres pour 28 tonnes de fraises avalées en quinze jours. Les fermiers du Kent sont ravis. »

* Il = le télespectateur

Partager cet article
Repost0
1 mai 2016 7 01 /05 /mai /2016 06:00
Dans ses vœux du 31 décembre 68 De Gaulle exhortait les Français : « Portons donc en terre les diables qui nous ont tourmentés pendant l'année qui s'achève ».

Mai, le printemps de la parole, des discours enflammés, des rêves fous, des slogans libertaires, des affiches provocatrices, se figeait dans le plomb groupusculaire. La masse des insurgés, les joyeux dépaveurs casqués, bien vaccinés contre la dictature des encartés, des porteurs de certitude, fondait sous le soleil des plages aux côtés des Français de la France profonde qui se remettaient de leur grande trouille. Même les évènements de Prague, le cliquetis des chenilles des chars des pays frères, ne les avaient pas tirés de leur léthargie bronzifaire.

 

Tout ce qui suit sont des extraits de mon roman du dimanche inspiré du livre de Robert Linhart L’Établi aux éditions de Minuit.

 

L’établi désignait les quelques centaines de militants intellectuels qui s’embauchaient, « s’établissaient » dans les usines.

 

Linhart passera une année comme OS2 dans l’usine Citroën de la porte de Choisy.

 

Dès son premier jour il écrit « la chaîne ne correspond pas à l’image que je m’en étais faite. » Loin des cadences infernales il ressent une sorte de monotonie résignée, une sorte de somnolence, scandée de sons, de chocs, d’éclairs, cycliquement répétés mais réguliers. La routine, l’anesthésie…

 

Ce qui le frappe c’est que tout est gris « les murs de l’atelier, les carcasses métalliques des 2 CV, les combinaisons et les vêtements de travail des ouvriers. Leur visage même paraît gris, comme s’il était inscrit sur leurs traits le reflet blafard des carrosseries qui défilent devant eux. »

 

Il s’embauche à un « moment favorable : en ce début septembre 1968, Citroën dévore de la main-d’œuvre […] Citroën travaille dans l’instable : vite entré, vite sorti. Drée moyenne d’un ouvrier chez Citroën : 1 an. »

 

Donc ce qui suit n’est, bien sûr, que roman mais la fiction est le plus souvent la réalité revisitée…

 

Ceux qui restaient, le noyau dur des militants professionnels absorbés par leurs psychodrames internes, s'enfouissaient afin de préparer leur longue marche. L'ordre régnait à nouveau, pesant. La Vermeersch démissionnait du Comité Central du PC pour protester contre les réserves émises, par ce brave plouc de Waldeck Rochet, au coup de force de Prague ; une stal de moins mais déjà la trogne noiraude de l'immonde Marchais pointait son groin dans le paysage dévasté de la gauche française. Féroces, les irréductibles jetaient le « caïman » de la rue d'Ulm aux chiens : « Althusser à rien ! » « Althusser pas le peuple ! ». De Gaulle exhortait les Français : « Portons donc en terre les diables qui nous ont tourmentés pendant l'année qui s'achève ». Les socialos cliniquement morts, les PSU en voie de fractionnement nucléaire, les Troskos pathologiquement sectaires, les révisos marxistes-léninistes hachés menus et en décomposition avancée, laissaient le champ libre aux purs révolutionnaires

 

Cette période, post 68, est étrange, en Italie on baptisera ces années : de plomb. Les attentats aveugles, la gare de Milan, le cadavre d'Aldo Moro, les brigades rouges et la loge P2. Ici, hors les folies d'Action Directe, Rouillan et Ménigon, l'assassinat de Georges Besse, on occulte ce temps comme s'il était impénétrable. C'est du dedans que vous allez y pénétrer.

 

 

Le 4 septembre 1969, c’était un jeudi, et c’était mon quatrième jour chez Citroën à l’usine du quai Michelet à Levallois-Perret, celle où l’on fabriquait la « deuche » la chouchoute des futurs babas cools. Pour moi c’était, tout, sauf cool, mais la galère. Mon boulot, boucheur de trou sur la chaîne de montage de la « caisse », consistait à charroyer entre l’atelier de soudure et celui d’emboutissage des structures métalliques pour pallier les anomalies constatées sur certaines caisses et éviter un trou dans l’assemblage. Entre les deux ateliers, cent mètres où je devais pousser, courbé, arc-bouté, une sorte de fardier, dont les toutes petites roues collaient au goudron, rempli de carcasses en tôle tout juste sorti des presses. J’en chiais, ça me sciait les reins et, comme ce sadique de contremaître, lorsque je lui avais demandé poliment des gants, m’avait ri au nez en me balançant goguenard « tu te démerdes y’en a pas… » - y’avais jamais rien dans cette boîte de merde c’était comme ça chez Citroën le royaume du bout de ficelle – je me faisais bouffer les mains par le nu tout juste refroidi de la tôle et cisailler les doigts par tous les angles de ces putains de pièces. Les nervis, la couche de brutes épaisses qui évitait à la caste des ingénieurs géniaux – les pères de la DS – de se préoccuper de la lie des OS, m’avait classé dans la catégorie « intellos », tous ces branleurs qui venaient les faire chier et foutre le bordel en s’immergeant dans la classe ouvrière, ici fortement représentée par les «bicots» et les «crouilles» ex-fellaghas coupeurs de couilles des braves défenseurs de l’Algérie Française. La manœuvre des « génies » de la place Beauvau fonctionnait à merveille : j’allais plaire aux illuminés de la Gauche Prolétarienne.

 

Quand je m’étais pointé le premier jour aux bureaux du quai de Javel, pleins de cols blancs et de petits culs frais de dactylos arpentant les couloirs, après les formalités d’usage, paperasses diverses, on m’avait dirigé vers le bureau du responsable du pointage où officiait, derrière un petit bureau métallique, un grand mec au crâne rasé qu’avait une gueule de juteux de l’armée, et qui s’avéra par la suite être un ancien sous-off qu’avait fait l’Indochine et l’Algérie, plus caricatural que nature, raide et con à la fois. Manifestement ma gueule lui déplaisait et, pour me faire chier, il m’avait collé dans l’équipe de nuit : j’embauchais à neuf heures du soir et je finissais à cinq heures du mat.

 

À l’usine de Levallois, mon premier contact avec le noyau dur des syndiqués, je l’avais eu avec les vendeurs du journal « l’Étincelle », des trotskystes marginaux, avec qui j’entamais des discussions animées dans les cafés environnant. C’étaient de braves mecs, englués dans leurs querelles intestines, en butte avec les membres du « parti ouvrier stalinien » qui tenaient, au travers de la cellule du PCF, les adhérents de la CGT de l’usine. Leur feuille de choux avait un certain succès auprès des ouvriers ce qui emmerdait les plus sectaires des communistes. Ils la bricolaient avec les moyens du bord, achetaient les stencils, le papier et l’encre, et avec le pognon récolté lors de l’organisation d’une tombola, qui eut un franc succès, ils purent acquérir la bécane pour tirer leur bulletin. De cette tombola, ils aimaient raconter l’anecdote des lots. Ceux-ci avaient été fournis par des copains du PSU : du vin, des conserves mais aussi des livres. Certains ouvriers, qui ne lisaient guère, leur dirent que c’était une bonne idée de placer des livres dans les lots, alors que les paniers garnis du PCF, eux, ne contenaient que de la bouffe. Lors du tirage de la tombola, autour d’un verre, les oreilles des alignés sur Moscou sifflèrent ce qui, bien sûr, mis un peu plus d’huile dans les rapports cordiaux entre la maigre poignée de militants syndicaux de l’usine.

 

Moi, ce que j’aimais par-dessus tout c’était d’entendre les histoires des anciens. Lucien, un vieux tourneur, racontait qu’à la Libération, le Parti Communiste était si puissant qu’il lui suffisait de convoquer une réunion de section pour que l’usine s’arrête. Mais, comme c’était, avec Marcel Paul Ministre de la Production Industrielle, l’époque du « produire d’abord ! » et que « la grève était l’arme des trusts », l’heure n’était pas aux débrayages, pire lorsque le directeur organisait une réunion à la cantine pour demander : « Mes amis, il serait bon qu’on puisse produire 17 tours le mois prochain ! » le responsable syndical prenait alors la parole pour surenchérir : « Camarades, nous pouvons en sortir 20 ! ». Et Lucien d’ajouter, en se marrant, « et, bien sûr, on les sortait ces putains de tours. Pour la France… ».

 

[…]

 

À la reprise du lundi, Nez de bœuf, un ancien flic pote du sinistre commissaire Dides, dont le seul boulot consistait à foutre son tarin – d’où son sobriquet – dans nos petites affaires : la perruque*, la fauche et, bien sûr, le boulot syndical, donc à nous pourrir la vie, me chopait juste avant la grille d’entrée. Tout dans ce type suintait la vérole. Ce matin-là il arborait la tenue du parfait gestapiste : long manteau de cuir ceinturé qui lui battait les mollets et dont le col était relevé, galure de feutre noir incliné et rabattu sur son regard de faux-derche, cigarette américaine collée au coin de ses lèvres épaisses, gants fins et des écrases-merde à bout ferré et à semelles renforcées de plaques d’acier. Sa voix de fausset et son tortillement de cul à peine perceptible lorsqu’il parlait, juraient avec ses airs de stümbahnfhurer. Quand il posa sa main gantée sur mon bras je la repoussai avec énergie : « Ils ferment dans une minute, je n’ai pas envie de me faire sucrer un quart d’heure de salaire… » Nez de bœuf éclata d’un petit rire grasseyant qui agita sa cigarette dont le bout incandescent rougeoyait dans la nuit. « Tu te fous de ma gueule l’intello, ces pieds plats : je claque des doigts et ils me taillent une pipe, alors tu t’arrêtes et tu m’écoutes… »

 

 

Lorsque l’ingénieur en blouse grise jeta sans même me prêter attention : « Mettez-le au 86 ! », si j’avais su ce qui m’attendait, mon moral en aurait pris un sale coup. Bien sûr, je voyais, derrière ce changement d’affectation, la main de Nez de bœuf et je m’attendais au pire. Ce ne fut pas le pire mais l’horreur. Le 86 c’était l’atelier de soudure. En apparence, le boulot qu’on me demandait me parut simple lorsque j’observai l’ouvrier qui me montrait le geste : poser un point de soudure à l’étain d’un mouvement de chalumeau. L’atmosphère de l'atelier saturé d’une odeur âpre de ferraille et de brûlé, le rougeoiement des étincelles jetant sur les murs gris des flammèches infernales qui donnaient à la cohorte des soudeurs, aux yeux masqués par de grosses lunettes noires, courbés sur leur tâche, des airs de hannetons aveugles s'agitant en enfer ; un enfer bombardé d'une avalanche de bruits assourdissant. Très vite je m’aperçus que je ne parvenais ni à acquérir le coup de main, ni à coordonner mes mouvements avec ceux de la chaîne. Celle-ci avançait, calmement, inexorablement et je n’arrivais pas à suivre : toujours un temps de retard. Je cafouillais. Mélangeais les procédures. Mes mains et ma tête ne connectaient plus. J’avais envie de chialer.

 

À la pause je m’apprêtais à me tirer lorsque je croisai le regard d’un type qui semblait encore plus désemparé que moi. Les humains sont de drôles de petites bêtes : le malheur de leurs semblables exerce sur eux à la fois de la fascination et une forme d’attraction irrépressible. Certains s’en gavent sans retenue comme des charognards, d’autres s’apitoient, d’autres encore compatissent, mais très peu se mettent en position de comprendre. Et pourtant, non que je fusse touché par la grâce, face à ce pauvre bougre, je puisai la force de rester en poste. Je découvrais un frère de chaîne. À nous deux, je le sentais, nous formions l’embryon d’un étrange noyau assemblant les fêlés qui étaient ici par choix. Robert, puisqu’il se présenta ainsi lorsque je lui tendis la main et qu’il s’y accrocha comme à une bouée, expiait. Dans son regard de pauvre hère, tout le malheur de l’intellectuel qui a failli et qui vient se plonger, se ressourcer, dans le bain purificateur des prolétaires. Il s’en défendait : bien sûr que non sa plongée en usine n’était pas destinée à le nettoyer des souillures de sa classe. L’embauche prenait son sens dans un travail politique aux côtés des si fameuses, et si insaisissables «larges masses ». Le problème c’est que la chaîne, n’avait rien à voir avec le ballet de Charlot dans les Temps Modernes, elle avançait avec lenteur mais sans cesse, sans aucun temps mort, tel un sablier inexorable. Il fallait pisser, chier, se moucher, se gratter, aux temps morts chronométrés. Alors, les belles paroles lancées dans un bistro du Quartier Latin sur la nécessaire implantation au cœur de la classe ouvrière se dissolvaient dans la fatigue de bête de somme et l’évanescence de la dite classe que ce pauvre Robert cherchait en vain.

 

* la perruque : emprunter du matériel pour faire des travaux personnel.

Partager cet article
Repost0
29 avril 2016 5 29 /04 /avril /2016 06:00
C’est dur la culture, l’art et le vin,  le mangeur de fèves d’Annibal Carracci et son vin  Capintancelli Piana dei Castelli  de Matteo Ceracchi…

Les marieuses et les marieurs de vin sont à la peine, pensez-donc, chaque jour que Dieu fait, il leur faut accorder le dernier petit plat tendance, la carotte nouvelle de Créances, avec le pur jus d’un GCC, d’un champagne millésimé, surtout d’un flacon qui draine de la publicité.

 

Ça lasse, usé le procédé, ils ou elles ne savent plus à quel saint se vouer : faut du nouveau coco ! Racole ! Déniche-moi vite fait sur le gaz un mec ou une nana qui fasse le buzz !

 

- Un Chef, chef…

 

- Explicite !

 

- Un truc du genre : un chef, un plat, un vin…

 

- Emballé c’est pesé ma poule, mais c’est toi qui choisit le vin à sa place. Faut bien placer notre camelote ma cocotte !  Faire plaisir au petit Michel...

 

Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, mon rédachef m’a convoqué dare-dare pour que je m’engouffre dans la brèche. J’ai cogité et je lui ai proposé c’est dur la culture : l’art et le vin ! Je dois vous avouer que ça ne l’a pas enthousiasmé mais de guerre lasse il a cédé.

 

Me restait plus qu’à concrétiser. C’est au pied du mur qu’on reconnait le maçon…

 

J’ai enfourché mon vélo pour dénicher une idée et je suis tombé sur des fèves qui sont, selon Jean-Marie Pelt dans sa petite encyclopédie gourmande des légumes, les plus vénérables ancêtres du monde des légumes.

 

 

Emballé c’est pesé, retour à la maisonnée pour dérober mes fèves. En effet, la fève doit être débarrassée de sa robe avant d’être consommée.

 

 

Un pet d’Histoire :

 

« Déjà connues des hommes du néolithique - on a trouvé des graines de fèves sur les emplacements de la ville de Troie – la fève a longtemps traîné une très mauvaise réputation due essentiellement à sa forme mais pas seulement !

 

Les égyptiens n'en supportaient pas la vue parce qu'ils y voyaient le lieu de transmutation des âmes. En Grèce, Pythagore en fait une vraie phobie. Les romains qui ne l'apprécient guère voient dans les fleurs de fèves des taches noires qui leur semblent un mauvais présage. Quant aux gens d'Eglise... ils prêtaient à la fève des vertus aphrodisiaques forcément incompatibles avec la vie monastique.

 

La fève est cependant consommée dans le bassin méditerranéen depuis l'Antiquité mais c'est surtout au Moyen-Age et à la Renaissance que la fève trouve vraiment sa place dans l'alimentation humaine. Elle paraît avoir été un des principaux légumes du paysan français avec les choux, les raves, les aulx, poireaux et oignons (cf. Histoire des légumes de Georges Gibault). N'oublions pas qu'avant la découverte de l'Amérique et des haricots mexicains, le cassoulet était confectionné avec des fèves. »

 

Rassurez-vous je ne vais pas faire tout un plat de mes fèves

 

Le Mangeur de Fèves d’Annibal Carrache ou Carracci 

 

(1580-90). Huile sur toile, 57 × 68 cm, Galleria Colonna, Rome. Annibal Carrache a commencé par des scènes de genre très réalistes. Une telle approche n'est pas commune au 17e siècle, d'autant que ce tableau, sans aucun artifice de composition, acquiert paradoxalement une modernité surprenante.

 

« Signe d’une transformation importante, ce tableau d’Annibal Carracci est une des toutes premières représentations de paysans en train de manger. Son repas, servi sur une nappe blanche, même chez les plus pauvres, est fait de fèves appelées « haricots noirs », originaires d’Afrique – bientôt supplantés par le haricot de la famille Phaeasalus plus facile à cultiver – d’oignons qui remplacent la viande, d’une assiette de salade qu’on souhaiterait un peu plus verte, de vin rouge réservé aux paysans et de pain en petites miches accolées. Aliment essentiel à la nutrition, le pain est l’objet de tous les soins. Sa composition, ses ingrédients, la qualité du blé et de la farine varient énormément d’un lieu à l’autre. Pain blanc pour les riches, pain noir ou complet pour les pauvres, son goût et sa qualité sont commentés par ceux qui ont la chance de pouvoir comparer. L’œil allumé, le sourcil levé, la bouche prête à avaler la cuillerée évoquent la gourmandise, celle du pauvre qui préfère la quantité à la qualité. Mais de même qu’on attribue au pauvre une gloutonnerie qui l’assimile à l’animal et au sauvage, il ne lui est pas interdit de faire preuve de goût dans la différenciation de la qualité de ses plats, aussi simples fussent-ils. »

 

Manuel Vásquez Montalbán

 

 

Je me confectionne une petite Salade de fèves à la ciboulette et je me débouche une bouteille de Capitancelli du domaine Piana dei Castelli achetée au Lieu du Vin chez le grand Philippe.

 

Normal c’est le vin de Matteo Ceracchi, un rouge IGP Lazio

 

Le domaine Piana dei Castelli  est situé près de Velletri, au sud-est de Rome, dans le Latium, il est consacré à la vigne depuis neuf générations. Son positionnement géographique se situe à la convergence entre des masses d’air sèches et humides, froides et tempérées d’origines maritimes et subcontinentales, provoquant une alternance climatique continue favorable à une lente maturation du raisin. L’identité du domaine est garantie par ces vents qui proviennent de l’est des monts Lepini.

 

Les 30 ha de vignes, à proximité de la mer, sont implantées sur un terroir crayeux/siliceux, typiquement volcanique La diversité des cépages : Malvasia Puntinata, Trebbiano, Grechetto, Sauvignon, Pinot Gris, Cesanese, Merlot etc. permet au domaine Piana dei Castelli d’élaborer une large palette de cuvées originales portant la signature de Matteo Ceracchi qui pratique une viticulture respectueuse de l’harmonie entre le sol et la plante et une vinification douce.

 

Capitancelli

 

Cépages : Sangiovese 30% - Shirah 30% - Cabernet Franc 20% - Merlot

 

Age des vignes : 60 ans

 

Rendement : 20/30 hl/ha

 

Date de récolte : Fin Octobre

 

Vinification : Vendange manuelle. Macération en cuve inox sur peaux pendant 6 mois.

 

Non-filtré

 

Robe rouge avec des reflets violacés. Nez très présent et mature. La bouche est concentrée et harmonieuse avec une longue finale sur les épices et la réglisse.

C’est dur la culture, l’art et le vin,  le mangeur de fèves d’Annibal Carracci et son vin  Capintancelli Piana dei Castelli  de Matteo Ceracchi…
Partager cet article
Repost0
28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 06:00
Moins la production est vitale pour l'humanité ou la planète, et moins son impact sur l'environnement devrait être important, la méthode Fukuoka appliquée à la vigne.

Hier matin l’ami Olivier dans les frimas chablisiens redoutables m’a expédié ce texte de Masanobu Fukuoka extrait de son livre « La révolution d'un seul brin de paille » Une introduction à l’agriculture sauvage.

 

 

Lecture ICI 

 

 

Le goût

 

Les gens disent: « on ne connait pas le goût des aliments jusqu'à ce qu'on y ait goûté »; mais même si l'on goûte, le goût des aliments peut varier selon le temps, les circonstances et les dispositions de le personne qui goûte.

 

Si vous demandez à un savant ce qu'est la substance du goût, il essaiera de la définir en isolant les divers composants et en déterminant les proportions de sucré, d'acide, d'amer, de salé et de piquant. Mais on ne peut pas définir un goût par l'analyse ni même du bout de la langue. Même si la langue perçoit les cinq goûts, les impressions sont rassemblées et interprétées par l'esprit.

 

Une personne naturelle peut atteindre une alimentation juste parce que son instinct fonctionne bien. Elle se satisfait d'une nourriture simple; elle est nourrissante, a bon goût, elle est une médecine quotidienne. La nourriture et l'esprit humain sont unis.

 

L'homme moderne a perdu la clarté de son instinct, par conséquent il est devenu incapable de cueillir et d'aimer les sept herbes du printemps. Il est parti à la recherche de la diversité des goûts. Son alimentation devient désordonnée, l'écart entre préférences et aversions s'élargit, et son instinct s'égare de plus en plus. A ce point les gens commencent à assaisonner fortement leur nourriture et à utiliser des techniques culinaires compliquées, augmentant encore la confusion. La nourriture et l'esprit humain sont devenus étrangers.

 

Dans ma petite tête de chroniqueur impénitent a resurgi l’une d’elle titrée : « J'ai en horreur la confusion, savamment entretenue par beaucoup, entre méthodes d'agriculture bio ou «naturelle» et vins «nature» ou «naturels »

 

Retour sur images :

 

Le 23/03/2009 je publiais anonymement, avec son accord, le texte d’un vigneron. Ce garçon discret m’avouait qu’il ne goûtait guère le côté place publique de la blogosphère, qu’il n’avait nulle envie de devenir un icône de tous les milieux alternatifs du microcosme de la viticulture française, qu’il ne souhaitait pas rejoindre telle ou telle micro mouvance, qu’il n'avait rien demandé à personne et n’avait aucune aspiration de la sorte.

 

Donc, c’est l’histoire d’un mec * qui un jour me dit, comme ça, qu’il mène un peu moins d'1 ha en « agriculture naturelle » (expression française de la méthode de M. Fukuoka) sur une parcelle expérimentale où il ne revendique aucune AOC car pour lui rien ne lui permet d'affirmer que ce type d'agriculture, qui n'autorise pas de forte densité de plantation à l'ha, permettrait de donner une image fidèle, ou plus exactement traditionnelle du terroir sur lequel elle est implantée. Je lui demande :

 

- pourquoi, faites-vous ça ?

 

- tout simplement parce que 8 années de viticulture de type bio, ne m'ont pas convaincu du bienfondé de cette approche.

 

Comme j’en reste coi, il ajoute :

 

- si le travail du sol permet de se passer de cette saloperie de glyphosate (nom générique du Roundup) et s'il existe bien des moyens de se passer d'insecticides organochlorés (confusion sexuelle, bacillus thuringiensis, abeilles,...) l'abandon de molécule de synthèse de type folpel, dithane et al pour retourner vers le cuivre sous quelque forme que ce soit me dérange énormément. Le cuivre est un polluant d'une rémanence et d'une toxicité exceptionnelle pour l'environnement et ne devrait d'ailleurs pas tarder à être interdit en agriculture conventionnelle comme bio !...

 

Je suis tout ouïe. Je fais bien car, ce qu’il me dit, sans élever le ton, ni se poser en donneur de leçons, exprime fort bien ce que pense au fond de moi.

 

- Dans tous les cas, la plante cultivée reste sous perfusion de l'homme. Et ceci me dérange sur un plan éthique et citoyen. Peut-on justifier qu'une production aussi peu indispensable à l'humanité provoque la mort biologique de sols dont on pourrait avoir un jour besoin pour des besoins vitaux. Rassurez-vous je n'y mets pas la Côte d'Or, mais honnêtement, quel est le pourcentage des terres viticoles qui produisent des vins dignes d'intérêt culturel et gastronomique à l'échelle mondiale?

 

Comme pour s’excuser il se croit obligé d’ajouter :

 

- Voilà mon idée stupide : moins la production est vitale pour l'humanité ou la planète, et moins son impact sur l'environnement devrait être important. Encore une fois, et bien qu'étant un passionné de longue date et tentant d'en tirer un revenu pour faire vivre ma famille, je ne mets pas le vin au rang des absolues nécessité pour la vie, n'en déplaise à Platon.

 

Et moi pour faire rebondir la conversation je le branche sur la méthode Fukuoka. Intarissable.

 

La suite ICI 

 

 

« Depuis des années, essai après essai, erreur après erreur, un agriculteur Japonais, Masanobu Fukuoka, a développé une approche faite de simplicité, une agriculture à contre-courant du modèle occidental. Comme toutes les idées simples mais révolutionnaires, elle surprend par sa banalité et étonne par ses innombrables retombées. Laisser la nature nous nourrir et intervenir le moins possible. Pas de labour, aucun produit chimique, pas de désherbage. Planter lorsque les plantes égrainent naturellement, laisser les plantes sauvages à leur place, enrichir le sol avec des légumineuses, quelques animaux et de la paille. Rien de bien impressionnant à première vue, pourtant vous en entendrez reparler, croyez moi. Quand cela? Attendez la dernière goutte de pétrole! »

 

« La méthode de culture de Masanobu Fukuoka ne pourra donc pas s’étendre tant que l’on vivra dans une société de croissance, car celle-ci est incompatible avec l’idée d’économie de ressources. Le déclin rapide du pétrole qui arrivera pendant ma vie (je suis encore jeune) verra triompher sans gloire des agricultures inspirées de cette méthode énergétiquement économe. Le simple fait que cette technique connue depuis plus de trente ans soit toujours marginale en est à mes yeux une des meilleures preuves. Il y a de quoi se réjouir toutefois, car cet homme simple nous a montré une chose dont les survivalistes ne semblent pas d’accord, la fin du pétrole n’est pas l’apocalypse. En effet, en faisant le pari de la diffusion de cette approche, il est possible à la fois de nourrir la planète sans l’or noir et de vivre en intelligence dans un environnement agréable. Toutefois, si cela se passait mal, je vous conseille de prendre les devants et de vous mettre un lopin de terre de coté…il n’y en aura pas pour tout le monde. »

 

Le texte intégral ICI

Partager cet article
Repost0
27 avril 2016 3 27 /04 /avril /2016 06:00
Et si « L’appellation » « vin de Beaune » connue dans toute l’Europe appréciée et connue des «riches gens» du Nord n’avait pas disparue le modèle champenois aurait-il été celui de la Bourgogne ?

Dans son dernier chapitre : la dernière offensive du vin commun, Louis Latour, met ou remet les pendules à l’heure.

 

« Le préjugé « moderniste » qui veut que la longue histoire du vignoble ait été toujours inspirée par une recherche de la qualité, a pour conséquence de minimiser les périodes de décadence, voire de les gommer entièrement. »

 

« Le récit « moderniste » de cette période décisive (ndlr la disparition de la Côte dijonnaise) insiste sur les supposés progrès de « l’art de faire le vin » et veut passer sous silence cet épisode peu glorieux, au nom d’une doctrine de la qualité qui est ici sévèrement contredite par les faits. Comment peut-on affirmer que la décadence du Dijonnais est un « fait de nature » alors qu’il est de toute évidence un « fait de culture » que les circonstances différentes auraient pu, auraient dû contrarier. »

 

La capitale de la Bourgogne « … en adoptant l’attitude qui fut toujours la sienne depuis lors, d’un véritable « déni œnologique » face à la côte vineuse, elle signifiait qu’au rebours de ce qui s’est fait à Reims et surtout à Bordeaux, elle voulait couper les ponts avec une tradition qui constitue pourtant la meilleure part de la notoriété mondiale de la Province dont elle est la capitale.

 

Il traite ensuite de la naissance des dénominations bourguignonnes, passionnant comme toujours.

 

Extraits

 

 

« Contrairement à une idée reçue, le choix d’un « site de terroir » adéquat à un projet viticole ambitieux, ne présente pas de difficultés insurmontables. L’œil exercé du vigneron repère très aisément les meilleurs emplacements, comme le prouvent les expériences anciennes et récentes qui conduisent très souvent à d’étonnants succès œnologiques. S’il ne peut deviner à l’avance quel sera exactement le résultat de ses efforts d’implantation, le vigneron fondateur sait par expérience qu’en appliquant les principes définis il y a vingt siècles par les agronomes latins et réitérés par tous les ouvrages spécialisés, il a très peu de chances de se tromper, car la problématique du site repose sur des exigences simples et faciles à mettre en pratique. Les difficultés commencent plus tard lorsque s’engage le dur parcours de la qualité. La situation actuelle des clos qui rythment les paysages d’une Côte bourguignonne permet de constater l’homogénéité de ces « sites de terroir » qui l’emporte de très loin sur les menues différences de sol ou d’exposition.

 

Compte une fois tenu de ces exigences fondamentales, la localisation actuelle des clos s’explique par des considérations très banales. Le réseau incroyablement complexe d’obligations et de droits ans la société féodale fut la raison qui détermina leur emplacement : donations, héritages, contraintes diverses, droits féodaux etc. Si les Cisterciens ont opté pour le Clos Vougeot et obtenu du duc de Bourgogne toutes facilités pour leur installation près des sources de la Vouge, ce fut parce que la Côte, à cet endroit, se situe au plus près de l’abbaye de Cîteaux. Ainsi furent conciliés les avantages du site et les commodités de la proximité avec le « chef d’ordre ». Les clos médiévaux ne sont devenus de grands crus, selon l’acception moderne du terme, qu’en raison d’une coïncidence réussie entre l’œnologie exigeante du vin fin qui inclus évidemment le choix judicieux du site et la pérennité d’une entreprise viticole poursuivie avec constance pendant des siècles.

 

Mais le clos seigneurial n’est pas toute la Bourgogne. Dans les interstices de ces « constructions » œnologiques réservées à la plus haute classe, se situent des vignobles de moindre envergure, cultivés et parfois possédés par de petits vignerons qui devaient se contenter des vignes basses, ou issues du démantèlement de certains clos seigneuriaux, comme ce fut le cas à Volnay par exemple où dès le XIVe siècle l’effritement du domaine ducal a laissé le champ libre à leurs initiatives. Plus tard les bourgeois de Nuys ou de Dijon acquirent ici ou là de belles pièces de vigne dans l’intention de tirer profit du commerce du vin vermeil. Lors de l’érection de Beaune en commune en 1204 par le duc Eudes IV, les énergies et les capitaux furent mobilisés autour de ce genre nouveau qui rencontrait un grand succès. Les échevins beaunois réussirent à cette époque à imposer aux paroisses circum voisines, de renoncer à promouvoir sous leur propre nom les vins qu’elles produisaient. « L’appellation », connue désormais dans toute l’Europe sous le nom de « vin de Beaune », fut le résultat de cette démarche audacieuse. Le contrôle strict de la qualité et de l’authenticité des vins était assuré par les ordonnances des échevins de la ville et leur notoriété par l’emploi d’une dénomination appréciée et connue des « riches gens » du Nord. Il serait d’un intérêt extrême pour l’histoire du vignoble de savoir à quelle époque cette dénomination, significative d’un genre qui préfigurait celle créée par la Champagne cinq siècles plus tard, a définitivement disparu. En 1728, en tout cas Arnoux ne mentionne pas le « vin de Beaune » dans son acception géographique ancienne.

 

Le nom de la paroisse apparut donc en pleine lumière quand disparut cette référence commerciale médiévale, qui ne s’appliquait d’ailleurs qu’à une partie d’entre elles. Chacune s’efforçait de défendre un projet œnologique distinct, mais les clos échappaient à toute préoccupation mercantile par le statut juridique supérieur de leurs propriétaires et ne se souciaient guère de ces variantes à finalité marchande. La hiérarchie des crus, d’abord confinée au territoire viticole d’un seul village, indépendamment de tous les autres, fut la conséquence toute naturelle d’une occupation du terroir, qui ne nécessitait aucune consécration « officielle ». Les meilleurs lieux-dits étaient mis en avant par la rumeur locale. On savait depuis longtemps qu’ils produisaient les meilleurs vins. Toujours aux mains des puissances établies, ils se situaient à mi-pente dans les meilleurs emplacements. Bien avant d’être introduits sous leur nom propre, dans le circuit commercial, ils étaient inscrits à la première place dans la conscience collective de la communauté de plusieurs dizaines de familles vigneronnes, qui composaient la population active de la paroisse. Ce fut une nouveauté quand Jobert, au XVIIIe siècle, s’empara, non sans quelques difficultés et procès, de l’écoulement de la récolte du Chambertin. Jusque-là il semble que seul le Clos Vougeot ait été introduit dans le circuit commercial.

 

L’effacement de la dénomination « vin de Beaune » permit l’émergence du « village », subdivision traditionnelle de l’espace viticole qui devint le canevas de toute dénomination. Le livre d’Arnoux ou celui de Courtépée individualisent en quelques phrases les paroisses qui deviendront après la Révolution, des communes, selon une présentation géographique qui est aujourd’hui encore la règle quasi absolue. C’est ainsi que Chassagne, selon Arnoux est « extrêmement violent, plein de feu, fameux, a ordinairement du vert qui le rend plus durable que les autres… » « Savigny produit d’excellents vins veloutés, moelleux, qui ont du corps et de la délicatesse. Quand ils ont été tirés en bouteilles, i faut de temps à autre les visiter, crainte d’échapper le temps auquel ils doivent être bus, etc. » On comprend que ces notations œnologiques, à visée commerciale, induisent un argumentaire centré sur le genre propre à chaque finage qui permet de le distinguer de toutes les autres provenances concurrentes.

 

La mise en valeur de ces particularismes locaux était à l’avantage des vignes moins bien situées qui occupaient de vastes surfaces au pied des coteaux, ou qui n’étaient pas incluses dans des clos. Notons que ces dénominations communales étaient appliquées à la totalité des vins issus d’un finage quelconque, y compris pour les parcelles encépagées en plants mi-fins ou même communs […] Il y eut donc confusion pendant des siècles entre les meilleurs crus et les vins secondaires qui portaient le même nom et se targuaient d’une même origine. On ne mit fin à cette anomalie qu’au XIXe siècle sous la pression de la clientèle qui ne pouvait accepter que des vins communs soient dénommés comme l’étaient les vins fins […] Au moment de la replantation post-phylloxérique on supprime carrément l’usage du nom de la commune pour les vins inférieurs. L’appartenance d’une parcelle à un cadastre, finalement reconnu par les usages puis par la loi, fut exigée et permit d’organiser la promotion d’un « village » qui ne « reconnaissait » plus que les vignes fines de son territoire. Les propriétaires des vignes mal situées et/ou mal encépagées durent se contenter d’appeler « bourgogne » les vins produits dans des localisations douteuses. Cette appellation dite « générique » remplaça les anciennes mentions et l’acheteur ne courut plus le risque d’être trompé par la notoriété d’un village déjà connu qui ne garantissait ni la qualité ni l’authenticité d’un vin. »

 

Partager cet article
Repost0
25 avril 2016 1 25 /04 /avril /2016 06:00
L’herbe naît après la pluie, les paroles après le vin, post vinum verba, post imbrem nascitur herba…

Samedi dernier dans mon éloge du trouble je plaidais pour que toujours soit ouvrir le champ des possibles, revendiquais le droit d’être curieux de tout !

 

Halte aux œillères des rabougris… Sus aux carcans, aux espaces exigus, aux limites artificielles…

 

Dimanche je défendais la gourmandise qui n’est pas un péché mais une vertu car l’aliment nourri le corps et l’esprit.

 

Dans son discours de Robinson sur la morue, Manuel Vásquez Montalbán, ode au péché de gourmandise, met en scène la rencontre de son texte inédit avec une sélection de peintures, du XVIe au XXe siècle, illustrant avec force la puissance d’inspiration de ce délicieux péché. Cet ouvrage offre une plongée sensuelle et jubilatoire dans l’univers de la gourmandise par une association élégance et inattendue entre littérature et peinture.

 

Je vous propose donc d’en découvrir un extrait qui illustre bien ma philosophie de la vie de chroniqueur impénitent.

 

 

« Piscis captivus vinum vult, flumina vivus : poisson pêché réclame le vin, poisson en liberté recherche l’eau. Et la morue ? Elle veut des vins rouges, et je le proclame après avoir stupidement ratissé mon île en essayant de croire que, sous ces latitudes, j’aurais pu trouver de quoi en élaborer un jour ou l’autre. Je fais ici référence à la morue ressuscitée, non à la fraîche, qui peut se manger avec tout ce que l’on veut, bien que le vin blanc, si possible fruité, lui convienne mieux. Mais la morue ressuscitée appelle des rouges légers, jeunes, à ceci près que certaines recettes portugaises tolèrent un vin du Duero un peu plus mûr, et les plats basques un bordeaux ou un rioja ayant déjà du corps. Enfin, post vinum verba, post imbrem nascitur herba, l’herbe naît après la pluie, les paroles après le vin, et moi je parle, je parle de vins et je fais comme si j’en avais bu en réalité, alors qu’il s’agit seulement pour moi d’enivrer mon imagination.

 

D’après la tradition hébraïque, Noé fut le premier homme à planter une vigne, à élever du vin, à se soûler, et à se conduire comme un poivrot jusqu’à finir par se faire remarquer et par susciter des réactions diverses de ses fils. Il devait être fort rancunier, ce Noé – à moins que ce ne fut son dieu, Jehovah –, puisqu’il chargea Sem et Japhet, les deux enfants qui avaient voulu étouffer le scandale, de fonder les dynasties d’Asie et d’Europe, alors que Cham, pour s’être moqué du vieux soûlard, fut condamné à devenir le père des Africains, c’est-à-dire des peuples les plus maltraités par une Histoire qui, pour reprendre un principe nietzschéen, accepte de se laisser faire par certains mais exige des autres qu’ils se contentent de la subir.

 

Descendant de Japhet, j’endure pourtant un bien triste sort : me voici devant plusieurs douzaine de morues séchées, intransformables, qui ne font que proclamer peu charitablement mon impuissance. Non sans frémir, j’ai lu un jour quelque part que l’avenir alimentaire de l’humanité d épendra essentiellement des levures, riches en protéines et en vitamines B, ainsi que des algues et du soja, toutes ces herbes folles asiatiques dont on dit, comme du porc – que rien ne se perd, et donc le potentiel protéinique attend le Girardet du XXIe siècle. Il y aura aussi des concentrés nutritifs comme l’incaparine, mélange de maïs et de sorgho moulus, de farine de de graines de coton et de vitamine A. Comment cuisiner pareil élixir ? On m’a assuré qu’il est possible d’obtenir une autre mixture, appelée « laubina », obtenue à base de blé, de pois chiches et de lait écrémé, ou encore du « fortiflex », composé de farine de soja et de cacahuètes. L’étonnement horrifié qu’avaient provoqué chez moi ces informations ne fut rien devant la révolte qui me saisit en lisant que nous pourrions bien finir par nous nourrir de scarabées, de fourmis, de libellules, de sauterelles, de punaises, de poux et de cigales, qui, d’après le National Geographic, sont particulièrement appréciées pour leur saveur[…]

 

Vive le monde selon Aymeric Caron : « La protection animale est le marxisme du XXIe siècle » 

Partager cet article
Repost0
21 avril 2016 4 21 /04 /avril /2016 06:00
Le Fooding® passé à la moulinette du nouveau mensuel des curieux de Paris « soixante-quinze »

75, ce numéro au cul des autos des estivants, les congepés, qui défilaient sur la Nationale devant le Bourg-Pailler, direction Les Sables d’Olonne ou Brétignolles, c’était le sceau des Parigots. Nous les indigènes nous nous fichions de leur poire en racontant des histoires où le parigot n’était pas capable de distinguer le sexe d’un veau. De mauvaise foi absolu car beaucoup de ces 75 étaient des enfants du pays, des émigrés travaillant aux PTT qualifiés de petits travailleurs tranquilles.

 

Soixante-Quinze est aujourd’hui le nouveau mensuel des curieux de Paris, enfant d’une équipe publiant depuis 5 ans Le 13 du Mois, magazine consacré au 13e arrondissement qui fut pendant quelques années mon arrondissement avant d’être mon voisin : je vis à la lisière du 13e.

 

 

Bien évidemment, curieux que je suis, j’ai acheté le N°1.

 

Chalutant fort modestement dans le petit monde de la cuisine, et que j’y laisse traîner mes oreilles, ça cancane dur, c’est souvent croustillant, les inimitiés y sont aussi salées que certaines additions, dès que j’ai vu qu’un de leur journaliste Vincent Fargier était allé dans les cuisines du Fooding®, par l’odeur alléché j’ai, selon la formule en vigueur dans le milieu, dégusté.

 

Ce n’est pas très épicé, très politiquement correct, pas de quoi mettre le feu au lac, la maison Cammas sait se vendre, son service com veille au grain. C’est de bonne guerre mais si 75 se veut être le mensuel des curieux de Paris il va lui falloir être un peu plus curieux.

 

Les chiffres :

 

  • Le guide mensuel « produit phare », devenu indépendant en 2009, 50 000 exemplaires écoulés, il talonne les ventes du Guide Rouge et « espère devenir premier. »

  • 1100 adresses dont plus de la moitié à Paris.

 

  • Le site web revendique « un demi-million de vues par mois » selon le service com.

  • L’application n°1 de sa catégorie c’est 30 000 téléchargements par an.

  • L’équipe « une dizaine de personnes dans les bureaux du 11e arrondissement, et près de 40 collaborateurs parcourent le pays à la recherche de nouvelles adresses.»

La méthode : ni note, ni classement :

 

« Indéniablement, le Fooding a frappé dans la fourmilière, a fracassé les codes. Il peut se targuer de comprendre dans sa sélection des adresses hétérogènes et de rassembler toute la variété de l’offre alimentaire de Paris. »

 

« Les journalistes n’ont que poids des mots pour vous faire saliver : la place d’un restaurant dans le guide se gagne sur l’envie d’y retourner et « le refus de l’ennui à table. »

 

Question : « Mais à force d’être indéfinissable, ne devient-on pas incohérent ? Il paraît délicat de faire entrer toutes ces adresses dans une case aussi subjective que « l’authentiquement sincère » voulu par Alexandre Cammas.

 

« En mettant un point d’honneur à se démarquer, le Fooding® n’a-t-il pas lui-même créé ses propres codes, prenant le risque d’une reproduction monotone ? »

 

J’aime beaucoup Cammas qui fustige « ces aigris qui, faute de souffle pour menacer notre flamme, l’ont en réalité attisé. »

 

Conclusion : « À lui de relever les défis qui s’annoncent, dont celui de résister à l’autocélébration et de rester observateur du mouvement. Au risque de devenir ce qu’il ne voulait pas être : un branché dépassé. Voire pire : un Michelin bis. »

 

Comme le disait ce madré de Raffarin « Notre route est droite, mais la pente est forte. »

 

Partager cet article
Repost0
20 avril 2016 3 20 /04 /avril /2016 06:05
Carrefour prédateur n°1 de la biodiversité : c’est bon la GD pour votre porte-monnaie pas pour la forêt

C’est une première pour WWF France. La branche française de la principale organisation mondiale de protection de la nature a publié ce mercredi la liste des 25 entreprises françaises qui « à travers leur chaînes d’approvisionnement, impactent le plus fortement les écosystèmes dans le monde ».

 

Cette liste, dans laquelle figurent notamment des grands noms de la distribution (Carrefour, Auchan, Casino, Leclerc, Les Mousquetaires, Système U) de la restauration collective (Sodexo, Elior) ou de l'industrie laitière (Danone, Lactalis, Sodiaal) n'est pas le fruit du hasard (cliquez sur le tableau ci-dessous). Elle résulte "des travaux menés depuis 2010 à l’échelle internationale par le WWF dans le cadre de l’Initiative globale de transformation des marchés qui a identifié les matières premières dont les modes d’exploitation menacent directement 35 écorégions prioritaires : l'Amazonie, le Bassin du Congo, Bornéo et Sumatra, le Triangle du Corail…", note WWF France.

 

La suite ICI

 

Dans ma boîte aux lettres ce matin, il n'y a qu'un Carrefour à Paris dans le XVIe porte d'Auteuil... Gaspillage publicitaire inutile...

Carrefour prédateur n°1 de la biodiversité : c’est bon la GD pour votre porte-monnaie pas pour la forêt
Carrefour prédateur n°1 de la biodiversité : c’est bon la GD pour votre porte-monnaie pas pour la forêt
Partager cet article
Repost0
20 avril 2016 3 20 /04 /avril /2016 06:00
Pour vous déstresser offrez-vous un bain de vin à Séville, vous ne serez pas chocolat… l’accord Vinothérapie&«chocothérapie ».

Ce sont nos voisins suisses du Temps qui aiment tant le lait, le chocolat au lait et les vins du Valais qui me l’ont appris : Le hammam Aire, à Séville, offre à ses visiteurs la possibilité de prendre un bain dans une baignoire remplie de vin rouge tout en dégustant un verre de ribera-del-duero.

 

Ha ! Séville…

 

« Séville ! Le 8 juillet 1982 à 23 heures, France-Allemagne, le match du siècle » écrivait Pierre-Louis Basse en 2005

 

Le 31 mai 2007 j’écrivais :

 

C'est tout bête : je rêve d'être nommé Consul de France à Séville. Pendant tout un temps c'était à Florence que je rêvais d'être Consul mais, comme je suis un bien trop petit poisson - j'suis ni haut, ni fonctionnaire mon cher Jacques - pour un aussi beau bocal, Séville me va.

 

J'aime l'Andalousie. Même si je ne cause pas bien l'espagnol, j’m'y mettrai et je ferai mon possible pour bien représenter la France. J'ai de la conversation vous savez. De là-bas je chroniquerai. J'occuperais mes loisirs à écrire un roman. Bref, je coulerais des jours heureux. Je vous expédierais de belles jarres d'huile d'olive et quelques flacons de nectar. Quand vous passeriez nous ferions la conversation dans les bars à tapas.

 

 

« Les bains arabes de Séville sont aménagés dans l'ancien palais de 1 200 m² d'un vice-roi des Indes, construit au XVe siècle. L'endroit a conservé ses voûtes, ses plafonds à caissons de style mudéjar, entrelacs, soffites et sièges romains. Vous êtes ici au coeur du parfait sanctuaire de détente pour le corps... et l'esprit ! La porte franchie, une odeur d'encens et d'essences naturelles embaument les lieux. Le parcours est libre et inclut plusieurs salles d'eau dans différentes pièces ornées de mosaïques (avec une lumière tamisée).

 

On peut citer la salle d'eau salée, la salle de mille jets, le hammam et la salle d'eau avec des " piscines " aux températures différentes : tempérée (36 °C), chaude (40 °C) et froide (16 °C). La session dure environ 1h30 ; l'accès est limité à des groupes restreints, favorisant ainsi une certaine intimité. La maison propose également une variété de massages, incluant l'accès aux bains. 2 nouveautés : le rituel " Bain de Vin ", au ribera-del-duero (vin rouge AOC espagnol, une exclusivité du groupe Aire), et le " Green Hammam ", une combinaison d'exfoliation et massages au thé vert et agrumes.»

 

 

Un autre des traitements de beauté les plus originaux que vous pourrez essayer est basé sur la «chocothérapie ». Si vous ne vous êtes jamais senti comme « un bonbon », c'est le moment : vous ne profiterez pas seulement d'un fantastique massage, mais grâce aux innombrables propriétés du cacao, vous hydraterez, régénérerez et revitaliserez votre peau, entre autres bienfaits.

 

 

Bain de lait : Poppée, la femme de Néron, avait cinq cents ânesses qui lui fournissaient le lait dans lequel elle se lavait. Lorsqu’elle fut bannie, elle conserva cette habitude. Son seul regret fut d’abandonner sa merveilleuse baignoire de porphyre et d’être obligée de se contenter du lait de cinquante ânesses seulement. Isabelle de Bavière avait aussi la plus grande confiance dans les ablutions lactées, mais ses goûts étaient peu fixes, et elle variait souvent la composition de ses bains. Elle possédait notamment une recette dont elle ne dévoila jamais le secret, recette d’un spécifique qui adoucissait son teint, dit-on, d’une façon particulière. L’eau distillée, du miel pris à des ruches dont les abeilles ne se nourrissaient que de miel, le jus de melon, l’extrait laiteux de l’orge, différentes préparations à base d’amandes et de jaunes d’œuf étaient également tenues par elle en grande estime.

 

L'élégant Brummell, alors qu'il était en prison pour dettes à Caen, se faisait apporter dans sa cellule du lait qui servait à ses ablutions. Quant à madame Tallien, elle affectionnait particulièrement les bains aux fraises écrasées, mélangées à des framboises très mûres. 20 livres de fraises et 2 livres de framboises lui rendaient la peau plus douce que du velours.

 

Law, le financier de papier, ajoutait des jaunes de cent œufs à son bain. Parfois il se servait de bouillon de veau et ce fut lui qui lança la mode des escalopes appliquées sur la peau.

 

Au XVIIIe les femmes de cour firent fréquemment usage des bains de vin. Un marchand de vin, adepte du marketing de l'offre, recommandait pour ce faire son fameux vin de Malvoisie. Son annonce ajoutait « le même vin peut être employé au moins cent fois si l'on a le soin de le remettre, après chaque bain dans le tonneau. »

 

« Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il y eut des gens qui prirent des bains d’or ! Il convient de dire tout aussitôt que la santé ou la coquetterie n’y furent pour rien. Paganini, le célèbre violoniste, reçut un jour d’une dame, chez qui il avait organisé un concert, une grosse somme en or, il se « lava » littéralement les mains « dans les pièces d’or ». Un Américain, qui possédait une mine d’argent très prospère, vendit un jour pour 150 000 francs d’actions. Il toucha la somme en pièces d’or. Il se rendit (à Londres) vite à l’hôtel où il était descendu, monta dans sa chambre, vida les sacs contenant cette fortune sur son lit et, jusqu’au lendemain matin, se vautra dans (ou sur) sa richesse. »

 

« Enfin, terminons ce curieux exposé par l’histoire du bain de pieds de Frédéric Soulié. Ayant reçu de son éditeur 10 000 francs en louis d’or pour le premier volume des Mémoires du Diable, revint chez lui, se fit préparer un bain de pieds, versa dans l’eau chaude les louis reçus, et pendant une demi-heure, il prit le plus étrange des bains de pieds. »

 

Bains curieux : bains d’or, de sable, de lait, de boue et de vin (D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1909)

 

Insolite: un basketteur pro de NBA prend des bains de vin rouge pour se soigner 

 

Partager cet article
Repost0
19 avril 2016 2 19 /04 /avril /2016 06:00
Pot-pourri du road-movie en Bordelais de Jacques Kerouac Dupont : les C5, les dos d’âne, les vins Babar, le dithyrambe, les meilleurs tambouilleurs, l’éloge de Talleyrand « du Périgord »

Journal d’une femme de chambre d'Octave Mirbeau, Journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos, Journal des Primeurs de Jacques Kerouac Dupont…

 

Des classiques quoi et, pour le dernier en date, un souffle de fraîcheur et d’humour dans la course effrénée des présumés héritiers du grand Bob du style de celui-ci :

 

« Cette campagne primeurs 2015 me laisse un goût pathétique. Une ambiance délétère, des acrimonies de fin de règne, des dégustations publiées avant même que l'ensemble des vins ne soit dégusté, des guerres d’ego où certains de mes « gentils » confrères, au lieu de parler des vins et du millésime, se muent en critique de critiques de vins... Utile, il est vrai, quand on n’a rien à dire sur les dégustations... »

 

Près de 1000 vins dégustés, 552 sélectionnés, des moments d'émotions intenses (beaucoup), des moments plus délicats (parfois), des hauts, des bas (c'est l'âge), les notes primeurs sont désormais disponibles… », à condition de passer à la caisse.

 

Vous pouvez bien sûr avoir accès à l’œuvre complète de Jacques Kerouac Dupont  ICI 

 

Moi, bon prince, pour faire preuve de pédagogie j’ai décidé de vous en offrir un pot-pourri.

 

Ne poussez pas des hauts cris, nous ne sommes pas dans Hamlet « il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark » mais dans le pot-pourri de Rabelais chez qui le mot apparaît en 1564.

 

« Il y désigne un ragoût, comprenant plusieurs sortes de viandes et de légumes mélangés. On comprend bien la présence de pot, puisque le mot désignait déjà ce grand récipient suspendu dans la cheminée où l'on préparait le frichti de la famille. Mais pourquoi pourri ?

 

Cela vient simplement du fait qu'au XVIe siècle, étaient « pourris » les aliments très ramollis et éclatés à la suite d'un excès de cuisson, comme l'étaient les ingrédients du ragoût volontairement laissé longtemps sur le feu.

 

Après le ragoût, et au figuré, le mot a, quelques années plus tard, désigné un assemblage de choses disparates, comme un ouvrage littéraire évoquant des sujets très divers ; à la fin du XVIIe, un mélange de plantes et de sels broyés donnait un parfum portant le même nom qui, par métonymie, a aussi désigné le récipient contenant ce mélange généralement destiné à parfumer une pièce.

 

C'est au début du XIXe siècle qu'il désigne également une musique composée de morceaux issus de sources différentes. Ne nous en sont principalement restés que les assemblages d'éléments littéraires, picturaux ou musicaux variés. »

 

Premières Rumeurs (1)

 

« C'est dans ces régions, où les prix sont encore praticables, que l'on fera de bonnes affaires, car les rumeurs sur les prix des grands crus classés, notamment du côté de margaux, font état d'une hausse sensible. Ce ne sont que des rumeurs, bien sûr, mais, comme ce sont les propriétaires eux-mêmes qui les font circuler dans le but de « tâter le terrain », on imagine facilement que, comme leur vin, elles ne sont pas gratuites. »

 

En voiture Simone ! (2)

 

« Excellente traversée par beau temps et rocade calme, sans embouteillage… (une rareté à Bordeaux). Après le pont d'Aquitaine, tourner à droite pour emprunter le chemin de Labarde qui longe la rive gauche de la Garonne, ses haras, ses anciennes vignes de « palus », celles-ci inondables firent la richesse de leurs propriétaires au temps du phylloxera qui détestait boire la tasse. C'est la route aussi des carrelets, ces cabanes de pêche suspendues au-dessus du fleuve avec leur filet carré qui leur a offert son nom. Direction Cussac, entre Margaux et Saint-Julien… »

 

Pourquoi tant de haine contre Babar, Jacques préfère-t-il les carambars ? (3) 

 

« Nous avons suffisamment, par le passé, dénoncé la dérive saint-émilionnaise vers des vins poussifs, patapoufs, surextraits, surboisés dans le but de se faire bien voir de la critique internationale pour ne pas relever aujourd'hui une sorte d'enclenchement de la machine à quitter le paranormal pour un retour vers la raison. Ce matin, nous avons entamé la dégustation de trois cents échantillons (environ) de saint-émilion (grands crus classés, grands crus, saint-émilion simples, puisseguin et lussac saint-émilion) à la Maison des vins. Bien sûr, il serait utopiste et mensonger de déclarer urbi et orbi (c'est bientôt Pâques) que le diable est vaincu et qu'il ne traîne pas ici ou là quelques vins Babar (sucrés, hyper-vanillés), à destination des consommateurs qui hésitent entre le Nutella et le vin rouge. Mais, dans l'ensemble, quel plaisir de retrouver des vins pour de vrai ! Ceux-là mêmes qui semblaient être des résistants au courant « trop de tout » paraissent désormais majoritaires, et c'est tant mieux »

 

« Dear Henry », Duboscq admire l'esprit et la « loyauté » de Talleyrand (4)

 

« Henri Duboscq avoue une passion pour Talleyrand, dont il admire l'esprit et la « loyauté » non pas vis-à-vis des hommes mais de la France. Talleyrand, après la défaite de Napoléon, évita la partition du pays. Il n'en fut guère remercié par Louis-Philippe qui se moquait de lui en coulisse, disant qu'il n'était pas Talleyrand de Périgord, du nom d'un très ancien ancêtre valeureux guerrier, mais « du Périgord ». Aujourd'hui, on cite davantage Talleyrand que Louis-Philippe caricaturé en poire par Daumier et il y a de fortes chances que Haut-Marbuzet restera dans les mémoires plus longuement que certains de ses imitateurs, fussent-ils les rois l'espace d'une décennie.

 

Les blancs « pète-en-gueule » foi de bas-bourguignon d’adoption (5) 

 

« Commençons par les blancs – à l'inverse de la dégustation où nous ouvrons le bal avec les rouges selon le vieux dicton bourguignon : blanc sur rouge rien ne bouge, rouge sur blanc tout fout le camp. Deux styles assez opposés sont facilement décelables. Des vins marqués par la forte présence du cépage sauvignon : aromatiques ou pour emprunter une nouvelle fois au lexique bourguignon «pète-en-gueule», avec des notes d'agrumes, de fruits exotiques, d'abricot et cette année une note assez récurrente d'ananas frais.

 

Des vins adaptés à l'apéritif qui loin d'être un moment en voie de disparition dans la société française progresse et devient même un temps privilégié chez les moins de 40 ans. En revanche, ces vins joyeux ne nous semblent pas promus à une très forte longévité et d'ailleurs ce n'est pas leur rôle. »

 

Jouer à colin-maillard (6) 

 

À l’aveugle ou non ?

 

That is the question qui, au fur et à mesure que la fameuse « semaine » des primeurs s'approche, taraude les esprits de ceux qui vont déguster, de ceux qui vont boycotter faute de pouvoir goûter de la manière qui leur convient, et plus encore de ceux qui organisent les dégustations.

 

Par exemple, ce matin nous étions gentiment accueillis au Château Couhins, propriété de l'Inra et cru classé de pessac-léognan pour tester l'ensemble de l'appellation. Donc les crus classés de graves, qui sont tous situés dans l'aire d'AOC pessac-léognan depuis la scission en 1987 entre les graves du sud et ceux du nord devenus pessac-léognan, mais aussi les non classés.

 

Et voilà qu'avec les nouvelles dispositions de l'Union des grands crus qui a décidé que les dégustations organisées par icelle ne se feraient plus à l'aveugle, nos amis des crus classés ont à leur tour opté pour l'étiquette bien voyante, laissant les sans-grade se faire juger en malvoyants

 

Oui, mais voilà, certains crus classés ont racheté des non classés.

 

Que faire avec ceux-ci ? Comment les présenter dans la dégustation des non classés, aveuglés comme les copains ou pas ? Cas de conscience. Soit on joue les seigneurs jusqu'au bout, on assume sa différence d'extraction, soit on s'aligne sur le régime des manants. Les avis furent partagés si bien que certains se fondirent dans la masse, tandis que d'autres ont exigé que les vins de leurs propriétés non classées ne soient pas à l'aveugle dans la dégustation des non classés à l'aveugle... »

 

Sur la Place de Bordeaux Ariane Khaida ne pratique pas la langue de Bois (7)

 

« Comment voyez-vous l'avenir des ventes primeurs, et au-delà l'évolution du métier de négociant, pièce maîtresse du système ?

 

« Comme les dernières campagnes n'ont pas eu un franc succès, si on rate cette année, c'est dangereux pour l'avenir des primeurs. Ces dernières années, l'envolée des prix de certains crus emblématiques a fragilisé le système. Mais les propriétaires voyagent, reçoivent, échangent beaucoup, et semblent réagir, on sent qu'il y a une prise de conscience.

 

De même, le métier de négociant est en train de changer… Avant, les notes de Robert Parker tombaient, et nous n'avions pas grand-chose à rajouter… On se réapproprie un devoir et une capacité de prescription. Pour ça, il faut des équipes formées, c'est un gros travail, mais nous ne sommes pas seulement des « passe-plats ».

 

Les meilleurs tambouilleurs de copeaux toastés et les recruteurs à casquette draguer le chaland (8)

 

« Jamais on n'aura vu autant de propositions de dégustations organisées par les œnologues, comme si les vedettes n'étaient pas le vin et les producteurs, mais les conseillers. Nous, on appelle cela les «écuries de course», et la rive droite, autour de saint-émilion s'en est fait une spécialité. Partout, de petits panneaux indiquent le chemin à suivre pour déguster les vins « suivis » par « C'est-moi-qu'l'a fait », le meilleur tambouilleur de copeaux toastés, champion de l'assemblage qui va plaire.

 

Bientôt peut-être verrons-nous des recruteurs à casquette draguer le chaland comme devant les boîtes de strip-tease à Pigalle… Certains commencent même à s'énerver et le font savoir haut et fort, parce que les notes déjà publiées ne sont pas bonnes ou les appréciations pas assez enthousiastes sur le millésime, preuve irréfutable d'un manque de virilité chez les auteurs de ces comptes rendus qui manqueraient singulièrement de ces glandes chargées de la spermatogénèse et généralement réparties par paire chez les mâles. »

 

L’instant poésie suivi d’un soupçon de vacherie (9) 

 

Ce matin, dès l'aube, à l'heure ou faute de blanchir la campagne, le brouillard installé sur la vallée de la Dordogne déguisait les superbes châteaux du castillonnais en fantômes géants et chevelus surgissant des nuages, nous prîmes la petite route qui mène à Sainte-Magne.

 

C'était la journée qui commençait sous le signe de la détente et du rire, assez en rupture avec le long défilé des corbillards aperçus au passage de Saint-Émilion. C'est du moins l'impression que donne (dans le brouillard) le cumul des Mercedes Vito et autres minibus de luxe noirs, conduits par des chauffeurs en costumes noirs, conduisant des messieurs (peu de dames) souvent habillés de noir, qui font une mine d'enterrement pour aller déguster des vins censés apporter joie et bonheur. Souriez les gars, pas de drame, pour l'instant personne parmi les grands crus n'a donné ses prix, forcément à la hausse.

 

Du bon usage du dithyrambe (10)

 

« Exceptionnel », « jamais vu », « comparable à 2010 ou 2005 », « réussi dans toutes les appellations »… D'après le confrère de l'AFP qui s'est sans doute pas mal amusé à recueillir les opinions des œnologues conseils réputés de Bordeaux, le dithyrambe est de rigueur quand il s'agit d'évoquer le millésime 2015. Certes, nous sommes habitués. Chaque année à Bordeaux, les violons – pas ceux des sanglots longs de l'automne – constituent un concert obligatoire en accompagnement de la dégustation des primeurs. Même le très médiocre 2013 a eu droit à ses hommages et nous avions écrit à l'époque : « Il est fort à parier que nombre de ceux qui nous ont tant vanté les mérites du 2013 nous diront l'an prochain, pour peu que 2014 soit de qualité : Ouf, on est tout de même bien contents d'être passés à autre chose ! » Effectivement, ce fut le cas bien souvent vérifié l'année d'après. Là, cette fois, les raisons sont multiples de passer l'encensoir.

 

Lettre ouverte aux IPEF, aux chauffeurs de C15 Citroën diesel, aux nonagénaires ignorant la 4e, où l’art de faire chier son monde… (11) 

 

Vendredi matin, « opération Bégadan ».

 

Votre mission, si vous l'acceptez, consiste, après avoir quitté Bordeaux Lac et le confort de son parc hôtelier, à rejoindre le nord du Médoc, que ceux du sud appellent le Bas-Médoc pour la seule et excellente raison qu'il est situé en haut. Pour ce faire, il faut emprunter la route dite du chemin de Labarde, puis la route dite des châteaux et, passé Saint-Julien, tourner à gauche pour rejoindre la route dite « la quatre-voies », qui la plupart du temps est à deux voies, et gagner Lesparre. Une fois là, c'est gagné. Après avoir bousillé les suspensions de la voiture de location sur une bonne cinquantaine de dos d'âne et de ralentisseurs de toutes sortes, le village de Bégadan est quasiment atteint. La France détenait le record de grandes surfaces et de ronds-points, désormais elle bat à plate couture tous les pays qui tentaient de prendre une première place mondiale en matière de ralentisseurs. Sans doute cela contribue-t-il à inverser la courbe du chômage, incessamment et sous peu.

 

La route serait agréable sans les différents obstacles que la vie, les dieux, Mercure, celui des voyageurs, ou une formidable mise en scène pour une caméra cachée ont semés çà et là. Ce n'est jamais simple de rouler dans le Médoc qui constitue la plus formidable réserve naturelle de vieux C15 Citroën diesel poussifs, puants et polluants, roulant au centre de la chaussée pour ne pas fatiguer leurs vieilles roues droites dans de possibles nids de poule.

 

Mais vendredi, c'était différent. Une sorte de jeu électronique où l'on doit éliminer les adversaires. Mais là, dans notre cas personnel, le combat se déroulait sans l'aide du puissant feu laser dont sont obligatoirement dotés les héros.

 

Nous avons comptabilisé pas moins de quatre « circulation alternée » avec feu rouge interminable, une déviation pour cause de route inondée (il pleut parfois beaucoup dans cette région au climat océanique, mais, si c'est à la veille des vendanges, il est malavisé d'en parler, voir le journal des primeurs 10), trois convois exceptionnels, un autocar dévié par une route inondée (voir parenthèse précédente) coincé par un camion-citerne dans un lacet d'une voie forestière, deux enjambeurs à la recherche de vignes lointaines… Sans compter quelques paires de joyeux nonagénaires qui n'ont pas oublié que c'est jour de marché mais qui, en revanche, ne se souviennent absolument pas que les automobiles d'aujourd'hui possèdent quatre et parfois même cinq vitesses, et bien évidemment nos habituels C15, espèces protégées ici.

 

Dis-moi tonton pourquoi tu tousses à propos du « Bordeaux bashing » (12) ? 

 

Laurent Cisneros : Le vignoble bordelais vit une véritable période de transition. Bordeaux s'est construit autour des châteaux, des courtiers, du négoce, c'est un cercle vertueux… un système unique qui a beaucoup prouvé historiquement. Mais l'évolution est rapide et ce système a vieilli. Je suis là depuis six ans et je m'appuie sur l'historique, on ne peut pas tout renier ! Mais je pense que le gros problème de Bordeaux aujourd'hui, c'est que nous sommes trop déconnectés des consommateurs... On ne peut pas être aussi éloigné du consommateur final ! Ce n'est plus tenable. La bonne nouvelle, c'est que nous en sommes tous conscients, mais la question est : comment faire pour changer cette situation ? Par exemple, lorsque l'on fait des salons grand public, on voit de plus en plus de jeunes amateurs de vins qui nous disent : c'est vraiment très bon ! Mais, ensuite, ça ne se traduit pas dans l'acte d'achat.

 

Quelles peuvent être les solutions ?

 

Avant d'envisager les solutions, je pense qu'il faut tout mettre sur la table et repartir sur des bases saines. Il n'y a pas de sujets tabou. Par exemple, nous devons prendre part au débat actuel sur les pesticides et les produits phytosanitaires, c'est un vrai sujet de société ! Il faut savoir se remettre en cause, mais en faisant la part des choses.

 

Comment soigner les maux par les mots (13) 

 

Abats : mot peu usité dans le Médoc, mais qui semble plus répandu dans les dialectes pratiqués sur la rive droite de la Garonne et de la Dordogne notamment autour de la charmante petite ville de Saint-Émilion. Abats d'eau résume la pluviométrie assez fournie qui aurait pénalisé leurs confrères médocains.

 

Bénéfique : très répandu cette année, cet adjectif permet de positiver le handicap. Exemple : « La pluie de début octobre a été finalement bénéfique, car elle a permis d'avoir des vins plus frais. »

 

Bio : ancien, adjectif qui désignait naguère une peuplade chaussée de sabots, aux mœurs dissolues, vivant sous le seuil de pauvreté et produisant des vins acres s'accordant à merveille avec le boulgour et son lait de soja. Citation : « Jamais sous nos climats nous ne pourrons produire en bio. Ici, nous ne sommes pas en Languedoc, monsieur… » Anonyme, tout début XXIe siècle.

 

Bio : moderne, adjectif désignant un producteur qui a saisi le sens de l'histoire bien avant que la mode ne s'empare du concept. Citation : « cela fait des années que nous travaillons plusieurs hectares en bio, et même en biodynamie, dans la partie du vignoble en haut-médoc. On pourrait vous le montrer,mais malheureusement, le chef de culture est parti avec le 4/4. » Anonyme, début XXIe siècle.

 

Équilibré : désigne un vin très fortement chargé en alcool, mais dont l'acidité et les tanins en gomment la sensation. Pour celui qui le consomme, le soir, espoir. Le lendemain matin, chagrin.

 

Pluie : chute d'eau qui ne mouille pas, ruisselle, et s'écoule chez le voisin.

 

Humide : période de précipitations que les anciens qualifiaient familièrement de «vaches qui pissent».

 

Grands cabernets (ou grands merlots) : désignent ces ceps qui, sur le champ de bataille, semblables aux grognards de Napoléon, ne reculent jamais, résistent face à l'agression solaire, méprisent les outrages des nuages chargés d'eau. On ne connaît pas d'inverse. Personne ne nous a présenté de petits cabernets ou des merlots nains.

 

Élise Lucet n'est pas l'ennemie du vin et encore moins de Bordeaux. Elle possède une cave et dedans quelques jolis millésimes… (14)

 

« Mais depuis la fameuse soirée Cash Investigation, en février dernier sur les pesticides, comment dire… sa cote de popularité a nettement baissé du côté du vignoble [...)

 

Et si, finalement, Élise avait rendu un fier service à Bordeaux ? Car enfin, jusque-là, informer le consommateur sur les bonnes ou mauvaises pratiques souciait les acteurs du monde viticole autant que de savoir l'identité exacte du fondeur du vase de Soissons. Longtemps même il s'est dit et répété, chez les plus hautes instances techniques, que le bio c'était de la foutaise et qu'un pulvérisateur bien réglé figurait la meilleure réponse aux possibles interrogations du public. « Oui, mais qu'est-ce qu'on met dans le pulvérisateur bien réglé ? » « Non, mais, j't'en pose moi des questions ! » Seulement, quelques millions de téléspectateurs plus tard, « pulvé » bien réglé et va voir ailleurs si j'y suis, ne suffisent plus. Pétitions, reportages, témoignages, inquiétudes des parents d'élèves des écoles situées en bordure de vignobles, intervention préfectorale vigoureuse et voilà la viticulture de nouveau sur le banc des accusés. Et dans la nécessité de réfléchir à une réponse collective un peu plus affirmée qu'un haussement d'épaules ou la distribution gratuite d'eau bénite dans les cantines scolaires. »

Pot-pourri du road-movie en Bordelais de Jacques Kerouac Dupont : les C5, les dos d’âne, les vins Babar, le dithyrambe, les meilleurs tambouilleurs, l’éloge de Talleyrand « du Périgord »
Partager cet article
Repost0

  • : Le blog de JACQUES BERTHOMEAU
  • : Espace d'échanges sur le monde de la vigne et du vin
  • Contact

www.berthomeau.com

 

Vin & Co ...  en bonne compagnie et en toute Liberté pour l'extension du domaine du vin ... 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

Archives

Articles Récents