Au temps d’avant 1981, je croisais fréquemment le samedi au Pied de Fouet Jean-Marie Rouart et sa fiancée du moment Dominique Bona.
Z’étaient en ce temps-là rien que des écrivains, depuis ils sont devenus académiciens : elle le 18 avril 2013 au fauteuil 33 de Michel Mohrt, devenant ainsi la huitième femme immortelle depuis la création de l'Académie en 1635 et la benjamine des Immortels. Lui, le 18 décembre 1997, au fauteuil 26 de Georges Duby.
Jean-Marie Rouart était discret, courtois, bien élevé, élégant, j’ai lu quelques-uns de ses livres, ils lui ressemblent ; l’homme s’est révélé courageux dans l'affaire Omar Addad, et sa plume fine, acérée parfois, jamais méchante, peut faire mouche lorsqu'elle se fait insolente.
« Sarkozy a peut-être rajeuni la politique mais il m'a donné un coup de vieux..." écrit-il dans la préface de Devoir d'insolence journal de la première année du quinquennat de notre ex-président. « Pour une fois, je n'ai plus un président qui a l'âge de mon père comme Giscard, Pompidou, ou de mon grand-père comme de Gaulle, mais un frère cadet. Et quel frère ! Turbulent, piaffant d'impatience, agité, dopé au Gurosan, gonflé à bloc, il me donne la sensation que je me suis levé un peu tard, couché un peu tôt et que je n'ai pas un centième de son énergie. Agaçant non ! Sarkozy m'a aussi irrité. Surtout depuis qu'il est président. J'ai vécu comme tous les français au rythme de ses foucades, de ses projets pharaoniques, de ses lubies autant que de ses réformes. »
Pour Ségolène la madone défaite il pointe là où ça fait mal : « les failles de son caractère que dissimulait son indéniable charme. Elles sont apparues à la télévision face à Sarkozy. Pète-sec, méprisante, elle n'a pas fait le poids. En traitant de haut les éléphants du PS, elle s'est enfermée dans l'exercice solitaire de la candidature. En congédiant le premier secrétaire du PS, elle a montré aux Français un visage peu conciliable avec le minimum d'impassibilité, de résistance aux offenses qu'exige la charge présidentielle. Bien sûr elle a souffert. Mais tout le monde souffre. »
Mais je ne suis pas là pour faire de la politique mais pour vous faire part de la déclaration d’amour de Jean-Marie Rouart pour la gariguette.
« Elle a un nom qui fleure le bon vieux temps de la binette de grand papa et de la sarclette de grand-mère : un monde englouti avec la marine à voile, le temps des équipages, la messe en latin et les romans de Pierre Benoît. Cette petite fraise qui ne la ramène pas est un précieux vestige de nos nostalgies. À côté de ses consœurs obèses, aqueuses, cellulitiques, inodores er=t sans saveur, elle apparaît comme un miracle : elle reste parfumée, rouge et ferme un sein de jeune fille. Comment a-t-elle pu résister aux directives de Bruxelles, à la tyrannie des fonds de pension ou aux oukases des grandes surfaces, aux ravages du pesticide Monsanto ? Avec la reine des comices, la beurré-hardy, le puligny-montrachet, le château d’Yquem, elle s’est hissée dans l’aristocratie des saveurs. Pourquoi n’est-elle pas présente à la présidentielle, elle aussi ? Mieux que Nicolas Hulot, elle aurait plaidé pour cette cause mille fois perdue : le goût, la variété des espèces naturelles, la diversité des fruits. Devant l’eau qui sent la Javel, les abricots sans saveur ni parfum, les pommes insipides, ces fruits endeuillés de soleil et qu’on nous sert transis de l’hiver de la congélation, la gariguette est tout simplement une vraie fraise. Quand tout est dévasté, nous dit Giraudoux, quelque chose de merveilleux subsiste encore, « cela s’appelle l’aurore ». À nous, il reste la gariguette. »
Dans Nouvelles Mythologies 2007
Je ne veux pas faire la honte à l’académicien mais la gariguette est une invention de chercheur, d’une chercheuse plus particulièrement, Georgette Risser – qui a dirigé pendant des années des travaux de recherches au Centre Inra d’Avignon pour créer cette nouvelle variété à la fin des années 70.
Georgette Risser, lors de la journée fraise à destination des partenaires de la filière le 17 mai 1979, dans le Gard. (Photo Inra)
Elle doit son nom à l’adresse d’un des chercheurs : le chemin des Gariguettes, à Châteauneuf-de-Gadagne.
«Vous allez me parler de la gariguette ? J’en étais sûre… Toute façon, dès qu’un journaliste parle de fraise, c’est la même histoire. Il bloque sur la gariguette comme s’il n’y avait qu’elle.» Sylvie Angier démarre au quart de tour. Avec mari et beau-frère, elle cultive dans le centre de la France des plants de fraisiers vendus ensuite aux jardiniers amateurs comme aux gros producteurs. «Je ne comprends pas ce qu’ils ont tous avec la gariguette. Il existe plein d’autres variétés délicieuses, qui méritent d’être plus connues. Mais on a un mal fou à les vendre…»
Aujourd’hui, c’est la gariguette qui rafle la mise, représentant un tiers des fraises produites en France. Son succès interroge. Son prix, autour de 2,50 euros la maigrelette barquette de 250 grammes aussi. Justifié ? Ou résultat d’un plan marketing rondement mené ? Vérification faite, l’histoire de la gariguette est bien plus croustillante, et illustre à merveille la montée en puissance du marketing dans l’agriculture française. »
« Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les variétés françaises traditionnelles sont en piteux état. Affectées par la virose, cultivées pendant des années sur les mêmes sols, elles sont d’une faible productivité. Dès la fin des années cinquante, les chercheurs sont chargés de sélectionner de nouvelles variétés plus résistantes aux maladies, plus productives, mais qui conservent néanmoins une qualité gustative. Pas simple, car rien n’est plus fragile que le goût dans lequel interviennent de nombreux arômes. Et plus le fruit est parfumé, plus la frontière est fragile entre maturité et surmaturité. Sans oublier une foule de facteurs qui jouent sur la saveur, selon l’époque de production, les conditions climatiques, l’évolution du fruit après cueillette, ou l’insuffisance de l’apport d’eau. Autant de points qui furent analysés.
Arrivent les années 80. A l’époque, en France, les premières fraises de la saison ne peuvent guère rivaliser avec les variétés précoces d’Italie et d’Espagne. Leur prix s’effondre. Seule la qualité gustative pouvait faire la différence.
C’est tout l’enjeu de Gariguette, précoce elle aussi, et savoureuse dès le début de la récolte. Seul problème : de taille plus petite que les autres, elle est difficile à ramasser et à rentabiliser, d’autant que ses rendements sont moyens. Résultat : autour d’Avignon, les premiers cultivateurs auxquels elle sera proposée feront la moue. Peu importe, d’autres vont raisonner différemment : les fraiséristes du Lot-et-Garonne, qui estimèrent que le consommateur était prêts à payer un peu plus cher un produit de qualité. ? Et c’est effectivement ce qui se passera, campagne publicitaire à l’appui, menée par le groupement « Fraise de France ». Dès lors, la Gariguette devient la variété précoce la plus cultivée dans l’hexagone.
(Chronique Histoire de... plantes. Mission Agrobiosciences. 13 Octobre 2006)
« Tous les fraisiers actuellement cultivés appartiennent à une espèce récente, apparue au 18ème siècle et dont les ancêtres sont américains. Avant, régnait la fraise des bois, toujours répandue à l’état sauvage et dont les premières cultures ont été menées à des fins médicinales. Pour ses fruits, il faudra en fait attendre le 14ème siècle, dans un écrin royal : 2 000 pieds sont alors plantés dans les jardins du Louvre. Deux siècles plus tard, une autre espèce de fraisier sauvage, d’origine inconnue, supplante la fraise des bois en Allemagne et en Belgique, pour leur calibre plus gros et leur parfum. Mais entre-temps, survient la découverte de l’Amérique et de ses fraises d’une grosseur jusque-là inégalée. L’importation ne tarde guère : des fraisiers canadiens, ramenés semble-t-il par Jacques Cartier à la fin du 16ème siècle, sont implantés en France, suivis par d’autres en provenance de Virginie ou du Chili, notamment dans les bagages d’un dénommé... Frézier ! De ces deux espèces naîtra un hybride, le premier fraisier moderne, appelé « fraisier ananas ». Aujourd’hui, les principales variétés cultivées en France restent peu nombreuses, au nombre d’une vingtaine. »
V.P Mission Agrobiosciences
En quelques chiffres
Avec une production annuelle de 54 000 t en 2014, la France se situe au 6e rang des pays producteurs européens derrière l’Espagne, la Pologne, l’Allemagne, l’Italie et la Grande Bretagne (Source Eurostat). L’Aquitaine est au 1er rang national de la production française (20 000 t). (Source : Statistique agricole annuelle). La fraise est le 9e fruit le plus consommé par les Français en volume : 2,8 kg par an et par ménage (Source : Kantar Worldpanel - Moyenne 2012-2014). En 2009, la Gariguette représente le plus gros segment en valeur du marché de la fraise en France (25,7% des ventes). Sur un marché en baisse, elle tire son épingle du jeu en progressant de 3 %. Cette variété progresse également en volume (+5,5 %). (Source : TNS Worldpanel)
Résistance aux maladies
De nombreuses maladies dues à des champignons peuvent causer d'importants dégâts dans les cultures de fraisiers. L'anthracnose, en particulier, provoque des nécroses sur stolons, fruits, pétioles et folioles et des flétrissements du plant. La lutte chimique, les techniques culturales et les mesures prophylactiques ne sont pas totalement efficaces contre cette maladie. Aussi l'Inra s'est-il attaché à élaborer une stratégie de lutte génétique pour sélectionner des variétés présentant une résistance efficace et durable. Des tests de sélection pour la résistance à l'anthracnose ont été mis au point à différents stades physiologiques de la plante. Ces résultats des recherches sont aujourd'hui utilisés par les sélectionneurs dans leur programme d'amélioration du fraisier pour la résistance à l'anthracnose.
Notre académicien vert à épée et bicorne n’est pas très vert tendance Bové, peu au fait de la culture de la fraise il ignore que la Gariguette, la fraise bretonne dans toute sa splendeur, est cultivée en majorité sous serres dans le nord-Finistère. Deux champions, Savéol et Prince de Bretagne (SICAFEL) se partagent le marché de cette première fraise (française) de la saison.
Les fraises françaises et espagnoles malades de leurs pesticides
Après avoir dénoncé la teneur en pesticides des céréales, Générations futures publie le deuxième volet de son enquête destinée à démontrer la charge considérable de perturbateurs endocriniens contenus dans nos assiettes. Ce mardi, l'association militante a dévoilé les résultats d'une étude* réalisée de février à avrilsur des fraises issues de l'agriculture conventionnelle, choisies au hasard dans les supermarchés français. Les fruits proviennent de France et d'Espagne, respectivement cinquième et premier producteur européen. Et les quantités de pesticides mesurées sont loin d'être négligeables...
Seules 8 % des fraises sans résidus
Du côté du vin je vous propose une Soupe de fraises au vin
Pour terminer sur une note so british, puisée dans le panier de JP Géné Mes chemins de table chez hoëbeke voici la Strawberry and cream une tradition qui a court à Wimbledon, pas sur les cours bien sûr, mais là où les élégantes donnent du plaisir aux yeux.
« Il* connaît moins une autre tradition étroitement associée à cet évènement sportif : strawberry and cream, la consommation de fraises à la crème dans les gradins et alentour. Selon la légende, ce serait le roi George V (1865-1936) qui aurait introduit cette pratique pour distraire les spectateurs, mais Audrey Sell, bibliothécaire au Wimbledon Lawn Tennis Museum, assure que les fraises sont apparues dès le premier tournoi (1877) qui correspondait à leur pleine saison, fin juin. Cultivées principalement dans le Kent, elles sont cueillies la veille et réceptionnées à Wimbledon dès 5h30 pour être inspectées et réparties en barquettes de 10 unités vendues la saison 2008, 2,25 livres (2,60€). L’elsanta est la fraise officielle de Wimbledon, une variété abondante en Europe, à chair ferme, au goût sucré légèrement acide et d’un rouge brique à maturité. Elle doit être accompagnée de crème double d’un minimum de 48% de matière grasse selon le règlement. En 2008, il s’en est consommé 7000 litres pour 28 tonnes de fraises avalées en quinze jours. Les fermiers du Kent sont ravis. »
* Il = le télespectateur