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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 00:09

En notre belle France du vin nous sommes dotés de beaucoup de châteaux Haut : Haut Brion, Haut Bailly, Haut Batailley, Smith Haut Lafitte, Haut Bages Libéral, Haut Marbuzet... mais de Château Bas tout court je n’en connais qu’un niché dans une appellation qui sent bon le grillon, pardon la cigale et les calissons : les coteaux d’Aix-en-Provence.

Ha le bas ! Adulé lorsqu’il est résille, déprécié au féminin lorsqu’il s’appliquait à nos beaux départements : exit les Basses Alpes, les Basses Pyrénées, même si le Bas-Rhin fait de la résistance : c’est sans doute parce que sur la carte de France il est au-dessus du Haut-Rhin. Moi, depuis le jour où une donzelle s’afficha sur les murs de Paris en promettant : « demain j’enlève le bas » j’ai un penchant marqué pour le bas. Bien sûr je n’apprécie pas les coups bas et j’évite d’en donner mais j’adore les messes basses sans curé. J’ai depuis ma puberté une voix de basse alors que, lorsque je suis venu en ce bas-monde, elle s’affichait soprane. Comme tout bon vivant je sais cuisiner les bas morceaux et comme tout le monde j’ai des hauts et des bas. Dans ma jeunesse vendéenne, au bas mot, j’ai assisté à des dizaines de mise bas.

Pour en revenir à Château Bas, je n’y suis pas allé même si, par la grâce d’Olivier, je dois être chevalier de la Confrérie du Roi René, mais je connais, un peu, Philippe Pouchin qui est l’une des chevilles ouvrières de l’association Sève. Homme de conviction mais aussi de discrétion, entre Philippe et moi le seul point de fracture c’est l’OM bien sûr (je plaisante). Reste que, pour parler de lui sans froisser sa modestie, j’ai trouvé un excellent porte-parole : Régis Bourgine, caviste-vigneron à Bécon, qui cumule tous les avantages : fidèle lecteur, membre de l’ABV, donateur pour le Grand Concours de l’été et, bien sûr, distributeur de Château Bas. Je lui confie ma plume :

« Philippe Pouchin, le responsable, gère les 100 hectares comme un jardin : chaque parcelle bénéficie d’un suivi attentionné, la plupart sont enherbées.

Philippe recherche des sols vivants et des plantes peu vigoureuses, un ensemble équilibré, naturellement régulé. Lancez-le sur le sujet et oubliez vos rendez-vous de la journée !

Des cépages rouges (Grenache, Cabernet Sauvignon, Syrah, Mourvèdre et Counoise) et blancs (Sauvignon, Rolle, Grenache et Ugni blanc) vendangés à maturité, il fera naître, après un élevage attentif, trois gammes :

  • Alvernègue, qui privilégie la fraîcheur, la tendresse, le fruit
  • Pierres de Sud, plus ample et gras, des vins longs devenus des                «classiques »
  • Temple, volume, extraction douce, élégance et profondeur,            deviennent des références

Un vigneron passionné, passionnant, dont le talent n’a d’égal que sa volonté de partager ! »

Comme j’ai un esprit d’escalier fort développé, sitôt lu ce papier sitôt le projet d’aller quérir à Bécon-les-Bruyères quelques flacons de Château Bas se formait dans ma petite tête d’oiseau. Toujours le souvenir d’Emmanuel Bove, je me rendrais à la gare Saint Lazare où « Le billet de chemin de fer que l’on prend pour aller à Bécon-les-Bruyères est semblable à celui que l’on prend pour se rendre dans n’importe quelle ville. » et je relirais pendant le trajet ce texte où il est si bien dit « Bécon-les-Bruyères existe à peine... Bécon-les-Bruyères n’à point d’environ...Les mœurs de Bécon-les-Bruyères sont plus douces que celles de Paris...» et en sortant de « la gare qui porte pourtant son nom printanier » je ferai attention car le voyageur est prévenu « dès le quai, qu’en sortant à droite il se retrouvera côté-Asnières, à gauche, côté Courbevoie. »

Mais comme l’ami Régis Bourgine savourait ses vacances dans le Morvan mon beau projet tombait à l’eau. D’eau, en ce mois d’août à Paris le ciel n’en est guère avare, je dus donc me résigner à ne point prendre mon vélo pour gagner le marché des Enfants Rouges. En effet, jamais désarçonné, je me souvenais avoir acheté du château Bas, chez Jeanne Galinie de Versant Vins qui tient étal sur ce marché ouvert tous les jours. Métro donc ! Et si elle aussi était en congés, me disais-je dans ma petite Ford intérieure, ce serait la cata, en effet, je suis ainsi fait : dès qu’une chronique pointe le bout de son nez c’est l’état d’urgence qui est décrété même si pendant des mois j’eus pu me préoccuper de chroniquer sur château Bas. Mon bonheur fut donc immense lorsque je découvrais le bel alignement de flacons de Versant Vins www.versantvins.com. Deux L’Alvernègue du château Bas, un rouge 2007 et un blanc 2009 me tendaient les bras. J’en fis l’acquisition, en ajoutant à mon cabas que je n’avais pas, Diem de Tire Pé 2008 et un pot de confiture d’abricots de Provence et Jeanne Galinie m’offrait deux flacons Le Temple un blanc 2008 et un rouge 2005 du château Bas.

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Mes emplettes faites j’allais manger un pied de cochon grillé-purée arrosé d’un ballon de Côtes du Rhône des Vignerons d’Estrézargues, en face, à l’Estaminet des Enfants Rouges. Dans ma tête ma chronique était faite mais restait à régler la question du choix du flacon à ouvrir, non pour une dégustation, mais pour accompagner mon manger. N’étant pas comme miss Glouglou et François Audouze un adepte du craché de vin en mangeant et, comme en ce grand désert aoûtien je ne disposais d’aucun partenaire pour m’accompagner, me restait plus qu’à choisir un seul flacon. Vu le temps frisquet je jetai mon dévolu sur  l’Alvernègue rouge 2007 pour accompagner mon steak tartare de ce jour. Préparation : échalote, persil haché, câpres... jaune d’œuf... condiments... filet d’huile d’olive...sel, poivre... pour un steak haché gros...  

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Ploc, ouverture de la bouteille, bouchon nomacorc, emplissage du verre, belle couleur rouge grenat intense et franche, le nez ample : je vais proférer une énormité mais ce vin sent le vin, le bon vin, cette étrange alchimie née de la fermentation et de l’élevage, et plutôt que d’aller chercher des références fruitières si coutumières, l’attaque de mon appendice nasal par ce patchwork de fragrances puissantes et chaudes me donne envie. La suite, la régalade de mes papilles, je suis plus velours que soie, j’aime toucher, être touché, caressé, alors ce sire d’Alvernègue me ravit par son élégance discrète. Me donne l’onction d’une boisson pleine de la délicatesse de celles et ceux qui ont guidé la vigne, fait naître ce vin.  Je suis donc bien aise, prêt à concéder à Philippe que Droit au But est une belle devise, même si le Bayonne n’est qu’une IGP, que la Provence avec de tels vins n’est pas que la patrie du rosé, que si vous voulez en savoir plus sur château Bas il ne vous reste qu’à vous diriger vers www.chateaubas.com

Par hasard, m'étant versé un verre et ne l'ayant point bu afin de m'éviter une petite sieste, je l'ai conservé jusqu'au lendemain midi même heure sur la paillasse de la cuisine et je l'ai bu pour accompagner mes spaghettis au basilic frais. Merveilleux ! Epanoui ! Ample et reposé ! Château Bas, chapeau bas ! Et un petit bonjour à Marie Lottin inlassable et souriante ambassadrice de Château Bas....

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23 août 2010 1 23 /08 /août /2010 00:09

J’ose les  « mystères » au sens antique, de rituel religieux secret où ne sont admis que des initiés, et comme le culte de Dionysos prétendait initier à un secret, à une révélation pourquoi ne pas retrouver dans le travail de Bénédictin d’ Éric Bernardin et de Pierre Le Hong cette volonté d’initiation du commun des mortels aux « mystères » de 20 châteaux du Médoc. Comme je suis exilé en Corse, pour cause d’impertinence et d’envie de ne rien faire, j’ai même confié le soin à Éric Bernardin de se présenter. Merci ! Lisez, c’est passionnant. Normal c’est chez moi... 

06-2009-Pichon-Long-Baron-31.jpg

 

 Pichon Baron Éric Bernardin avec Jean René Matignon (directeur technique) 

 

 

Question n°1  Éric Bernardin vous tenez sur la Toile une chronique au titre évocateur : « à boire et à manger »  http://boiremanger.canalblog.com, vous êtes co-auteur avec Pierre Le Hong d’un livre du 3ième type sur les Crus Classés du Médoc qui va sortir dans une poignée de jour, et même si moi, qui suis le prototype du chroniqueur d’investigation, je sais que vous fûtes de 1995 à 2006 un homme de Biocoop dites-nous : d’où venez-vous, que faites-vous, vous allez où ? 

Réponse d’Éric Bernardin : Depuis plus de 35 ans, je navigue entre le bio et le vin : j'ai commencé à manger bio lorsque j'avais 7 ans, et c'est au même âge que j'ai découvert le vin, en sirotant du bordeaux blanc avec ma copine de l'époque en regardant l'Île aux Enfants. A l'âge du whisky-coca, je me souviens avoir « dévalisé » la cave paternelle d'un ami et descendu en loucedé quelques crus médocains. Je rêvais d'être cuisinier à 14 ans, mais le métier n'était guère valorisé à l'époque (Master Chef et Cyrille Lignac n'existaient pas).

Du coup, j'ai fait des études de commerce et travaillé d'abord dans la banque, puis dans une Biocoop (en 1992, en fait). Le démon du vin m'a rattrapé en 1995 : j'ai préparé un BTA viticulture-œnologie tout en travaillant sur un domaine en biodynamie. Suite à l'obtention de celui-ci, j'ai travaillé 5 ans chez des vignerons, à la vigne comme au chai. Mais la vie de commerçant me manquait, d'où un come-back dans une supérette bio durant 5 nouvelles années. Depuis 2007, retour au vin : d'abord comme agent commercial, puis comme attaché commercial d'un célèbre domaine de Monbazillac. Hélas, la crise est passée par là, et l'aventure s'est arrêtée fin 2009. Depuis, je suis « pôliste » et je cherche du travail soit dans le vin, soit dans le bio  ... ou pourquoi pas dans le vin bio? 

En ce qui concerne le blog « A boire et à manger », je l'ai créé en septembre 2005, afin de partager mes meilleurs accords mets & vins. Mais c'est vite devenu un fourre-tout hédoniste où se mêlent joyeusement recettes de cuisines, compte-rendu de dégustation, reportages chez des vignerons ou dans des restaurants, voire même étude comparative des différentes versions disponibles des Variations Goldberg de Bach. 20-09-08-Poyferre-verdot-42.jpg

 

Poyferré Éric Bernardin avec Bruno Clénet (chef de culture)

 

Question n°2  Éric Bernardin revenons à votre livre : quelle est sa genèse, comment vous est venue l’idée, comment a mûri le concept ? Entraînez-nous dans les coulisses, faites-nous pénétrer dans votre petit jardin d’intérieur, si nous n’étions dans le Médoc j’oserais votre Clos... 

Réponse d’Éric Bernardin  L'idée de départ est celle de mon co-auteur, Pierre Le Hong, graphiste de métier. Intéressé par le Médoc depuis longtemps, il voulait en faire une présentation didactique et ludique, avec des cartes en 3 D et des infographies des bâtiments expliquant l'organisation interne. Il avait deux problèmes à résoudre : limiter le nombre de domaines car il était inimaginable de faire un chapitre pour chacun des 61 crus classés ; trouver un co-auteur pour rédiger l'intégralité des textes, car rien que les dessins et la mise en page représentaient une somme de travail importante. 

Le choix fut vite fixé à 20 châteaux qui avaient pour point commun d'être proche de la D2 qui traverse le Médoc du sud au nord. Mais qui avaient aussi pour obligation de présenter un intérêt, qu'il soit historique, architectural ou œnologique. Cela permettait de consacrer entre 8 et 12 pages par château. 

La recherche du co-auteur fut une véritable quête parsemée d'embûches. Après moult péripéties, Pierre sonna à ma porte en novembre 2006, et trouva enfin le partenaire ad hoc : travailleur, régulier, ne se prenant tout de même pas trop au sérieux, avec des connaissances viti-œno qui permettaient d'être crédibles face à nos interlocuteurs : directeurs techniques, chefs de culture, maîtres de chai...  

Très rapidement, « le livre de Pierre agrémenté de mes textes » est devenu NOTRE ouvrage, car chaque page de celui-ci est le reflet d'un travail commun. Durant plus de trois ans, nous nous sommes envoyés des documents quotidiennement, l'un complétant le travail de l'autre, et réciproquement.  

Jamais nous ne nous sommes figés quant au contenu d'un chapitre. Il résultait d'un échange avec le domaine concerné : nous lui expliquions en quoi il nous paraissait spécifique par rapport aux autres châteaux. Il pouvait abonder dans notre sens comme défendre un autre point de vue. Le résultat final est un reflet de cette interactivité entre le domaine et les deux auteurs.  lafite.jpgPierre Le Hong à Lafite avec Charles Chevallier

Question n°3  Éric Bernardin reste le passage à  l’acte, comment avez-vous procédé  pour fabriquer votre ouvrage, là  encore entraînez mes lecteurs dans la trace de vos pas dans les vignes, dans les châteaux... Enfin, qu’est-ce qui fait l’originalité de ce livre ? Que répondez-vous aux esprits chagrins qui s’interrogent « n’est-ce pas le nième ouvrage sur le sujet ? » Donnez-nous envie de l’acheter. Faites la réclame quoi ! 

Réponse d’Éric Bernardin Comme je viens de l'expliquer, chaque domaine  a été traité différemment, en fonction de ce qui nous y intéressait, mais aussi du bon vouloir du propriétaire. Dans la plupart des cas, nous avons pu rencontrer successivement les différents responsables techniques, assister au vendanges, aux vinifications, aux travaux viticoles, faire des dégustations parcellaires. Nous avons pu obtenir les cartes pédologiques des domaines dans la mesure où elles existaient, ce qui est loin d'être systématique. Il fallait compter entre 4 et 8 visites par château pour réunir tous les éléments souhaités. 

Dans d'autres cas, nous avons choisi de privilégier l'interview, comme avec Anthony Barton. Arrivé dans le Médoc en 1951, cet homme est une véritable mémoire vivante de la région, et il nous paraissait important d'en faire profiter nos lecteurs. D'autant que développer les méthodes culturales ou œnologiques de Léoville-Barton n'avait qu'un intérêt limité.  

A Montrose, si nous avons consacré deux pages au terroir remarquable de ce château, nous avons tenu à mettre en avant les bâtiments à énergie positive – qui produisent plus d'énergie qu'ils en consomment – en cours de construction. 

A Pontet-Canet, c'est bien sûr la biodynamie et l'utilisation du cheval qui a retenu avant tout notre attention. Tout en évoquant aussi leur chai gravitaire, les cuves tronconiques en béton... 

Ces approches différentes permettent au final d'aborder énormément de sujets en 200 pages, apportant une respiration à l'ouvrage, évitant j'espère, le piège du répétitif.  

Nous avons aussi tenté  de résoudre des contradictions dont se satisfont apparemment tous les historiens du Médoc depuis plus d'un siècle. Ainsi proposons-nous une version étayée  et inédite de la division de Léoville en 3 domaines : Barton, Poyferré et Las Cases. Contredisant les écrits précédents (et même certains des châteaux concernés),  la partition s'avère être effective dès 1794, donnant naissance à l'époque à 4 domaines ! Une carte et un arbre généalogique complètent ce chapitre, facilitant sa compréhension. 

Nous nous sommes aussi penchés sur le climat du Médoc, nous basant sur une thèse de doctorat d'un jeune chercheur. Il en ressort qu'il y des différences significatives entre des zones pourtant proches – autant en ce qui concerne le cumul des températures que le niveau des précipitations – expliquant en partie la supériorité de certains crus. 

Nous avons par ailleurs confié  à deux spécialistes (Pierre Becheler et Jean-Pierre Tastet) un chapitre concernant la formation géologique du Médoc, ainsi que la spécificité des différentes terrasses qui en résultent. Là aussi, des schémas et une carte illustre leurs propos.  

Je pense vraiment que le mot fort du livre est « pédagogie », avec tout ce que ce terme peut avoir de positif : apprendre au lecteur une foule de petites choses en évitant de l'ennuyer. Tout en apportant aux plus expérimentés suffisamment d'informations pour qu'il y trouve son compte. 

Hugh Johnson, qui a bien voulu écrire la préface du livre, parle à plusieurs reprises de « visite virtuelle du Médoc ». Il est vrai que le lecteur pourra contempler les croupes qui jalonnent la presqu'île, identifier les sols qui les composent, « goûter » les vins qui en sont issus, visualiser les bâtiments, les cuves et les barriques où ils sont élevés, avec un point de vue qu'un médocain n'a jamais pu avoir. Lorsque nous montrions à nos interlocuteurs le chapitre finalisé qui les concernait, ils regardaient ces quelques pages avec un émerveillement non feint, comme s'ils découvraient leur domaine pour la première fois. C'était le plus beau cadeau que l'on puisse nous faire ! 

Editions Sud-Ouest –  208 pages -  25X28, 5cm – 39 € 

Plein de photos, d'anecdotes et des archives sonores sur http://livremedoc.canalblog.com

 

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19 août 2010 4 19 /08 /août /2010 00:09

Si les vignerons de l’ex-Tricastin trouvent leur nouvelle dénomination « Grignan-Les Adhémar »  belle que demander de plus. Le peuple des buveurs n’a qu’à s’en contenter puisqu’il n’a pas été consulté, et n’avait pas à l’être d’ailleurs puisque la procédure de changement de nom, peu fréquente sauf en matière d’ablation de cotes (Luberon, Ventoux, Buzet...) ça relève du pouvoir du Comité National de l’INAO. Dans la vie que l’on vit, les humains qui estiment leur patronyme ridicule en changent pour un nouveau plus commun. À la Mothe-Achard mon pays natal l’entrepreneur de maçonnerie portait le nom de Cocu et ça ne lui posait pas de problème, à nous non plus d’ailleurs sauf qu’un de ses parents venant d’embrasser la carrière de professeur d’Université le trouvait fort connoté. Alors donc nos Cocu devinrent les Dubreuil se fondant ainsi dans la masse de ce patronyme.(mes lecteurs mothais peuvent attester de la véracité de mes dires et même que madame Cocu se prénommait Ginette et exerçait l'honorable profession de coiffeuse et Dieu sait si un salon de coiffure est un lieu de papotage intense).

Sur l’histoire des Coteau du Tricastin j’ai commis en son temps, le 1ier août 2008 très précisément, une chronique : « Les coteaux-du-Tricastin, lettre à Madame la présidente d’AREVA, chère Anne Lauvergeon » http://www.berthomeau.com/article-21623320.html  Je m’y interrogeais «Alors que peuvent faire ces braves vignerons qui subissent votre manque de vigilance ? Changer le nom de leur appellation ? Moi je veux bien mais que peuvent-ils trouver d’autre qu’un nom de fantaisie, on ne modifie pas par décret la géographie »

La réponse est donc donné, ce n’est pas un nom de fantaisie qui a été choisi mais une dénomination qui plonge dans l’histoire et la géographie. Fort bien, ça paraît normal pour pointer l’origine du vin que de dire d’où il vient. Le zeste d’histoire avec l’adjonction des Adhémar, qui ont donné leur nom à la ville de Montélimar(Monteil-Adhémar), me semble plus folklorique, sauf à montrer que cette noble famille fut protectrice du cep et du nectar. Sans vouloir être désobligeant ça me rappelle la captation de titre comme celle d’un de nos anciens Président de la République. Mais de cela tout le monde s’en fout me direz-vous ! J’en conviens sans problème, la seule bonne question est de savoir si le franc buveur, la ménagère de + ou – de 50 ans, les garçons et les filles qui arrivent en âge de boire, le citoyen de Pékin, d’Oslo ou de Toronto vont se dire « Tiens, pour ce soir, mes gaillards, nous allons nous offrir une boutanche de Grignan-les-Adhémar ! »

Ne m’accusez pas d’être mercanti mais dans la vie se faire un nom c’est assez porteur quand on est vendeur de quoi que ce soit. L’appellation d’ailleurs peut passer à la trappe quand le vigneron s’est transformé en marque et dans la vallée du Rhône ils sont légions. Bref, mes réflexions n’engageront que ma petite personne mais il n’en reste pas moins vrai que, quel que soit le nom de l’appellation, les vignes du cru garderont leur encombrante voisine qui ferait tout de même mieux de soigner la qualité de ses installations. Le terroir rien que le terroir, alors les histoires d’Adhémar sont un peu superfétatoires.

Qui sais où se situe Grignan ?

Moi bien sûr, je connais même son maire Bruno Durieux qui fut Ministre d’ouverture de Michel Rocard et qui préside le Comité National des Conseillers du Commerce Extérieur. J’y suis passé au temps où m’occupant du devenir de l’huile d’olive et que j’allais à Nyons. Son château est magnifique et son « Festival de la Correspondance »   http://www.grignan-festivalcorrespondance.com joui d’une belle renommée, donc bâtir de la notoriété sur ce socle ne relève pas, avec du temps, de la mission impossible. Se contenter de cette simple référence géographique pour dénommer les ex coteaux du Tricastin aurait été sage. J’ignore les raisons qui ont poussé à l’adjonction des Adhémar mais ça produit une phonétique d’enfer, surtout le « gnan-les-za » est d’une beauté insoutenable, ça sonne bien, c’est léger, mais je dois avouer qu’à la première lecture ça me déroute plus que ça me donne le sentiment que je pénètre dans le monde merveilleux de nos appellations. Comme le proclamait la déclaration du 1ier Congrès de l’Origine en 1948 « Un produit est d’origine lorsqu’il a une originalité propre, une personnalité consacrée par des usages et une renommée consacrée. »

 

Tout ça c’est de l’histoire ancienne, me rétorquera-t-on, nous sommes entrés dans l’aire des AOP. Certes, mais bon protéger ça veut dire dissuader certains de s’arroger la dite appellation, de l’usurper, de tirer partie de sa notoriété. Cette fois encore, sans être persifleur, je ne suis pas persuadé que ça se bouscule au portillon dans notre vaste monde mondialisé pour se doter d’une appellation aussi seyante. Mais, foin d’ironie, ce qui compte en définitive c’est que le vin soit bon. Reste que la notoriété ne se décrète pas, et qu’à l’occasion d’un changement de nom je persiste à croire que mieux valait une réflexion ouverte, créatrice, plutôt qu’un travail entre-soi, en chambre, sans grand souci du futur qui se situe vers d’autres lieux que notre seul et étroit hexagone.

 

Puisque la messe est dites, que la toute nouvelle appellation est gravée dans le bronze des z’ AOP, il ne me reste plus qu’à souhaiter aux vignerons de Grignan-les-Adhémar, bon vent !   Après tout c’est peut-être une bonne pioche que de se choisir un nom d’appellation qui fleure bon le Moyen Age plutôt que de se faire baptiser par une quelconque agence de publicité dans le genre « Mamie Nova » ou « La laitière »...

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18 août 2010 3 18 /08 /août /2010 00:09

Nul n’est prophète dans son pays, c’est le cas d’un vieux jeune homme de 78 ans, Michel Legrand né à Bécon-les-Bruyères (ville de la proche banlieue sur laquelle le grand Emmanuel Bove à écrit l’un de ses plus beaux textes qui s’ouvre ainsi « Le billet de chemin de fer que l’on prend pour aller à Bécon-les-Bruyères est semblable à celui que l’on prend pour se rendre dans n’importe quelle ville »). C’est un grand, c’est une star internationale méconnue en France : la musique des Parapluies de Cherbourg, des Demoiselles de Rochefort, de Peau d’âne du cinéaste Jacques Demy c’est lui. 3 Oscars à Hollywood dont le premier pour la musique d’un de mes films cultes : l’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison avec Steve Mac Queen et Faye Dunaway. Plus de 100 albums avec des pointures comme Frank Sinatra, Sara Vaughan, Ella Fitzgerald, Jessie Norman, Kiri Te Kanawa, Barbra Streisand, Claude Nougaro... Les grands du jazz Dizzy Gillepsie, Miles Davis, John Coltrane, Stan Getz... mes-photos-de-moi-8332.JPG 

Dès qu’il s’assied, un peu vouté, si discret, derrière le clavier du grand Steinway noir de laque, dans la douce nuit de l’Hospitalet, sous le bleu des projecteurs, la magie opère, il fait corps avec son piano, il l’investit, l’effleure, le transcende, lui donne une âme, c’est sensuel, fort, me voilà happé, propulsé dans son univers musical si marqué de son emprunte qu’il est inscrit dans l’universel : telle est la supériorité des grands créateurs que de se faire oublier, d’être leur musique. Je ne vois dans le halo que ses épais sourcils blancs de neige et je me recueille. Communion, avec ses deux complices : le batteur : André Cecarrelli et le contrebassiste : Pierre Boussaguet il m’entraîne doucement sur les chemins de ma mémoire, me tire par la manche, me convoque pour redonner des couleurs à mes jeunes années, au temps de l’insouciance, des boîtes et des émois. L’intermède avec la harpiste Catherine Michel, certes virtuose, me renvoyait sur terre : sans doute le souvenir de l’immense Lili Laskine me tirant des larmes lors d’un concert dans un salon du château de Versailles à la fin des années 70 plaçait la barre bien haut.

Et puis vint, Natalie Dessay sans h en hommage à l’inoubliable Natalie Wood, légère, robe des années 20 un peu charleston, chaussures noires assorties, et la coiffure aussi, micro en main, la diva un peu comme Peau d’âne se muait en chanteuse. « C'est la première fois que je chante sans ma voix d'opéra et avec un micro. Cela représente pour moi un vrai challenge d'essayer quelque chose de différent vocalement. En tant que soprano léger, je ne chante jamais d'une façon proche de ma voix parlée. Je m'exprime toujours en voix de tête. Par rapport à ma carrière, cette expérience peut s'apparenter à du cross over ». Pari réussi, Françoise Dorléac et Catherine Deneuve les jumelles des demoiselles de Rochefort, le cinéma de Nougaro, les ronds dans l’eau de la chanson  Les moulins de mon cœur traduction The windmills of your mind chantée par Noel Harrison dans l’Affaire Thomas Crown. Je suis conquis, emballé, transporté. Bravo l’artiste ! La grande prestation de Natalie Dessay aurait mérité des rappels plus ardents, plus exigeants à s’en faire mal aux mains, une autre une autre. Comment peut-on se priver de prolonger d’un moment aussi privilégié, si rare. Je pourrai dire : j’y étais mais j’aurais tant aimé que pour une poignée d’entre-nous, des vrais aficionados, elle revint nous chanter un peu de sa Violetta de la « Traviata » Que voulez-vous je suis fou de Verdi et je peux rêver !

Reste que ce moment rare je le dois à Gérard Bertrand qui, avec ce beau festival de l'Hospitalet met ses actes en conformité avec ses déclarations : de ce pays, de son pays, de son pays difficile mais riche de promesses, il veut faire une référence en alliant un professionnalisme impeccable au souci de mettre un contenu tangible, palpable, je dirais même exportable à toutes les formes de culture qui prennent appui chez lui sur son amour du vin. Merci Gérard de m'avoir offert ce temps privélégié où le temps se suspend, s'apaise, l'air devient léger, l'imaginaire se déploie, tous les sens se tendent, s'offrent un réel moment de bonheur simple...

Caillou-8335.JPG 

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17 août 2010 2 17 /08 /août /2010 00:09

Signe du temps le classieux magasine Régal écrit « Fini le temps où l’on allait remplir son cubi de jaja à la coop ! Les caves coopératives, nées au début du siècle dernier sous le signe de la solidarité et du partage, ont pris le virage de la modernité... et de la qualité. Place, aujourd’hui, à des vins embouteillés dont certains raflent les premières places des palmarès. Explications d’un expert puis visite dans quatre caves coop top (à prononcer avant la dégustation) et remise des prix d’excellence Régal. Trinquez, camarades ! »

L’expert en cave coop c’est Michel Bettane ! Moi je veux bien mais bon je ne vais pas épiloguer surtout lorsque notre bon dégustateur s’aventure sur le terrain glissant du statut fiscal des coopératives « mais ce qui reste inacceptable pour les producteurs indépendants, ce sont les privilèges fiscaux dont la coopération bénéficie en matière d’imposition des stocks. » il faudrait qu’il potassât un peu mieux le code des Impôts afin de ne pas être aussi approximatif. Quand aux prix cassés par les coopés pour écouler leurs stocks il faudrait aussi que l’ami Bettane aille voir du côté du Muscadet où les coopés ne sont pas légion puis descende du côté du vin blanc des Charentes bradé, pas par des coopés parce qu’il n’y en a pas, déstabilisant le marché des vins blancs de Gascogne qui ont des marchés et des coopés. Une petite précision juridique, la coopé est le prolongement de l’exploitation viticole et est donc soumise au même régime de droit que celle-ci, ne pas la confondre avec les Unions qui font de la commercialisation et qui parfois ont des filiales prenant le statut de SA. Même pour les bobos de Régal il vaut mieux éviter de tomber dans l’à peu près.

Sur l’autre versant des magasines, l’Expansion qui se veut le mensuel de l’économie, dans son numéro spécial Le Business du Vin enquête sur un trésor français consacre 2 pages aux coopés « Les coopératives se grisent de qualité » Finie, la course au volume : pour tourner la page du « rouge qui tache », les « coop » se sont entourées d’œnologues de techniciens et de pros du marketing. Montée en gamme et succès à l’export. C’est bien, c’est mieux que rien mais ça ne fait pas le tour de la question dans la mesure où ce n’est pas fondamentalement le statut juridique qui influe sur la qualité du produit fini mais bien plus la nature du vignoble sur laquelle la coop est implantée, sa taille et surtout la capacité que peut avoir « la démocratie coopérative » 1 homme une voix de définir une stratégie, de s’y tenir en la faisant mettre en œuvre par des hommes ou des femmes compétents. Mettre dans le même sac la grosse coop ou petite coopé vraqueuses (qui peuvent d’ailleurs faire la qualité que lui demande le marché), les coopés régionales type La Chablisienne, Tain l’Hermitage, Plaimont, les Unions comme le Cellier des Dauphins, Marrenon, Alliance Loire, UVICA, les petites coopés : Rasteau, Beaumes- de-Venise, Laudun-Chusclan, Embres&Castelmaure et bien d’autres...

J’ai beaucoup écrit sur la question, récemment avec la chronique sur le Marrenon de Jean-Louis Piton http://www.berthomeau.com/article-20-reflexions-in-marrenon-des-solistes-des-virtuoses-mais-ou-sont-donc-les-membres-de-l-orchestre-des-vins-de-france-53582338.html  , pour vous infliger un nouveau couplet mais sachez qu’il y a dans notre beau pays :

- 744 caves coopératives

- Qui représentent 40% des surfaces en vignes (343 782 ha)

- Et 42% des volumes produits 18 millions d’hl soit 4,8 mds de CA

- 19 685 salariés et 67% des viticulteurs français.

Même si ça déplaît aux grands amateurs, aux plumitifs papier glacé, au Pr Pitte, Enrico Bernardo et autres qui les prennent pour des va-nu-pieds, les coopés constituent le socle de notre viticulture, et si elles veulent bien prendre leur destin en mains, comme le font si bien certaines, elles sont un atout pour la France face aux exigences d’un certain type de demande. Alors un petit effort, chers collègues, allez donc traîner vos souliers dans les coopés pour tenter de voir derrière leurs vins ceux qui les font.

Mais je ne boude par le bonheur de faire la chute de cet article sur mes amis Patrick Hoÿm de Marien et Bernard Pueyo, les « conquérants des Corbières » en jeep 838 KY 11, le crapahute, la classe quoi, les boss d’Embres&Castelmaure, qui ont droit à la page 124 de Régal. Dans la sélection de leurs vins :

- AOC Corbières, Le Blanc Paysan 2009 4,75 euros « Du grenache, du Maccabeu et un peu de rolle : tous les ingrédients de l’apéritif du sud sont réunis dans cette cuvée fraîche et tonique. En bouche, des arômes de fleur de vigne, des notes de tilleul avec une petite complexité de bon aloi.

- AOC Corbières, à Perpète 12 euros « Si l’on pense que la région était autrefois la frontière naturelle avec l’Espagne, ce n’est pas par hasard si l’on propose une cuvée sur le système de la solera. Pour cela, on soutire la moitié seulement du contenu d’une barrique, que l’on remplit ensuite avec le vin de la dernière vendange. Cette cuvée chaleureuse « vin vieux-vin jeune » est très typée par le grenache noir avec en finale une petite amertume. Mais on reste sur des émotions de finesse et de plénitude.

Bon le sieur Pousson est toujours égal à lui-même, cependant je trouve qu’il ne pousse pas assez loin la transgression puisque le blanc paysan fait dans la fleur de vigne et le tilleul pourquoi ne pas le recommander aux personnes âgées en infusion du soir. J’adore le Maccabeu rien que pour le son de son nom ! Bref, j’attends toujours ma statue à Embres&Castelmaure car ma pomme, elle, n’a pas attendu que les coopés soient vachement tendance pour astiquer les belles pompes du Président Patrick Hoÿm de Marien. Alors pour emporter le morceau j'ai décidé en tant que Secrétaire-Perpétuel de l'ABV de lui décerner le titre de Président de Coopé de l'année et à Bernard Pueyo qui occuppe la place du mort dans la jeep  celui de meilleur directeur de coopé de l'année... Même Michel Bettane n'y avait pas pensé !

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13 août 2010 5 13 /08 /août /2010 00:09

À l’intérieur du livre acheté sur les quais « Beaujolais vin du citoyen » Georges Duboeuf par Henri Elwing, plié en quatre, j’ai découvert les 2 feuillets double-face d’un « reportage », signé par un esthète du vin Nicolas de Rabaudy, sur Georges Duboeuf pour le compte du Figaro-Magazine du 10 novembre 1990. Si je vous le propose dans son intégralité, dans le cadre de mon opération « Grand Corps Malade » c’est qu’il me semble très représentatif de l’ambiance du début des années 90. Hormis le ton et le style très Fig-Mag, un peu condescendant, et une certaine forme d’hagiographie, l’auteur ne pratique pas la langue politiquement correcte qui a cours de nos jours dans nos gazettes. Son enthousiasme pour le travail de Georges Duboeuf n’est pas feint, mais bien réel et il repose sur une réalité qu’on aurait tort de minorer ou de cacher. 20 ans après, il est facile d’ironiser, de jeter aux orties le Beaujolais Nouveau, d’instruire des procès, d’oublier le chemin parcouru. Pour ma part j’ai l’intime conviction que ce ne sont pas les savantes analyses du passé produites par de beaux esprits, moi y compris, qui apporteront à cette belle région un souffle nouveau mais la capacité de tous, vignerons et négociants, à se prendre en mains pour que la réalité des vins du Beaujolais, quelle que soit leur positionnement sur le marché, correspondent à ce qu’on dit qu’ils sont. C’est l’essence même des AOC : écrit ce que tu fais, et fais ce que tu dis... Sinon, vive les IGP !

 

« Georges Duboeuf a inventé le beaujolais nouveau et transformé le troisième jeudi de novembre en date-culte. Grâce à ce génie des vignobles, le vin des mâchons est devenu un phénomène médiatique mondial»

 

Au pays de Rabelais, de Curnonsky et des 600 fromages, la nouvelle est d’importance : le beaujolais 90 ne sent pas la banane, comme en 1988, je viens de le constater en le goûtant dans le laboratoire d’analyses œnologiques, sis à Romanèche-Thorins, de Georges Duboeuf, cinquante-sept ans, le pape incontesté du beaujol’pince comme disait le regretté James de Coquet.

 

Vin régional de joueurs de boules devenu un phénomène de marketing, le beaujolais primeur 90 exhale des arômes de framboise, de fraise, une once de myrtille, c’est un concentré de fruits et de bonbons anglais ; en bouche il est plus tendre, plus friand que le 89, il est dénué de cette lourdeur disgracieuse qui le fait pencher vers la puissance d’un bourgogne de pinot – ce qu’il ne sera jamais.

 

Inventé en 1954 par Louis Orizet et don disciple Georges Duboeuf, le beaujolais primeur, premier vin AOC de l’année viticole, est l’expression accomplie du gamay, ce raisin noir à jus blanc qui pousse partout – jusqu’en Australie – mais qui ne livre de pur beaujolais que sur les monts du Lyonnais riches de granit. Cela s’appelle l’imprescripbilité du terroir. Sa marque. Son sceau.

 

Oui, il y a un goût primeur tant recherché par les amateurs qui contestent l’assimilation du beaujolais à un vin d’esthète : vive le vin plaisir qu’on lampe sans se creuser la tête ! Sachez que le style primeur, la vivacité et la gaieté ne sont pas la qualité de la vendange, la générosité du soleil ou le degré alcoolique – entre 10,5° et 14° pour le 90, ce qui évitera la chaptalisation, un ajout de sucre excessif. Restons près de la nature.

 

La saveur fruitée, la framboise, la banane, la rondeur charmeuse, tout cela est le fait du vigneron, de son talent, de son savoir-faire, de son expérience, de son flair. Une cuvée de beaujolais ça se vit dans le chai, ça se respire dans l’angoisse.

 

« Il est plus difficile de réussir le beaujolais primeur que le vin du château Lafite-Rothschild, de Petrus ou de Cheval-Blanc », lance Georges Duboeuf, levé depuis 5 heurs du matin, aux prises avec son 65ième verre de beaujolais nouveau (Il crache, rassurez-vous. Et il note ses impressions digérées par l’ordinateur.)

 

UNE BOISSON TECHNOLOGIQUE

 

Voilà une autre nouvelle capitale : le beaujolais des mâchons et des bistrots est un vin complexe, à l’accouchement problématique.

 

-         Une fois la vendange rentrée, le vigneron dispose de quatre jours de vinification décisifs où chaque heure peut modifier le caractère du vin, explique Duboeuf, une cornue à la main, et l’œil sur ses fioles. En quatre-vingt-seize heures, le vigneron rate ou réussit son vin. Je le lui achète ou je l’envoie à la distillerie. Dans ce court laps de temps, il doit déclencher la fermentation à 20° et levurer son vin, c’est-à-dire introduire des levures sélectionnées, comme la 71 B, qui va donner le goût primeur, tout en surveillant ses cuves afin qu’elles ne grimpent pas en température ; ainsi la couleur apparaîtra, le sucre se transformera en alcool, puis il devra descendre les vins à basse température et séparer les jus de tire des jus de presse, tout cela n’est pas rien.

 

-         A Bordeaux, le maître de chai d’un grand château peut prendre son temps, il laisse le vin en gestation se faire, éclore dans les cuves, sans le brusquer. Il attend, et il n’intervient pas : c’est de tout repos, non ?

 

Le beaujolais nouveau, une boisson technologique ?

 

La vinification semi-carbonique, Duboeuf avoue ne pas la posséder complètement.

 

-         On ne sait pas tout, ajoute-t-il, chaque année, des vendanges à la mise en bouteille, on joue les apprentis sorciers. Le beaujolais nouveau est encore au stade de l’expérimentation, c’est la stricte vérité.

 

DES REUSSITES SPECTACULAIRES

Pour tout nouveau millésime, un assaut de prouesses – et des réussites spectaculaires ne l’oublions pas. Ce qui frappe l’amateur, l’œnophile curieux, c’est que le jus de la treille lyonnaise, le pot des mâchons chers aux canuts de la soie, le beaujol’ de la canaille soit concocté par des forts en thème de l’œnologie moderne, par des gourous des cuves, des biologistes doublés de généticiens – j’exagère à peine. Les grosses têtes de la vinification affublés d’une panoplie d’ordinateurs auraient-ils envahi les exploitations viticoles et les coopératives ? Oui.

 

Le beaujolais de Clochemerle, c’est de l’histoire ancienne – toute proche, il est vrai. Le vin d’aujourd’hui, à la fin du XXe siècle, c’est la science du vin.

 

Comment en serait-il autrement ? Comment le beaujolais nouveau aurait-il conquis le monde – comme le champagne et les bordeaux – s’il n’avait été un bon vin, constant, marchand et loyal ? Le méchant picrate ne s’exporte pas. Personne n’en veut !

 

La formidable avancée qualitative du beaujolais primeur – et son succès mondial – c’est à des experts en dégustation comme Louis Orizet, inspecteur général de l’INAO dans les années 50, et à son disciple Georges Duboeuf qu’on la doit. C’est Louis Orizet, fantastique dégustateur, homme de plume et de culture, qui a inventé le vocable « beaujolais nouveau », en 1954. Ce n’est pas une agence de « pub », c’est un homme de la vigne, un fieffé connaisseur doublé d’un poète. C’est lui qui a transmis son savoir à l’embouteilleur-négociant-propriétaire Duboeuf dont la société vend aujourd’hui 18 millions de bouteilles dans 78 pays et 450 millions de chiffres d’affaires.

 

LES SECRETS DU TERROIR

 

Né dans une cave, orphelin de père à l’âge de quatre ans, l’enfant Duboeuf doit faire bouillir la marmite. Sa mère exploite un petit domaine à Pouilly-Fuissé, ce vin d’or et d’amandes qui bouleverse l’amateur. A l’âge de quatorze ans, le gone Duboeuf, à vélo et en culottes courtes, livre le vin de maman aux restaurants du coin, à Paul Blanc, l’oncle de Georges Blanc, au père Bocuse et aux bistrotiers de Lyon. C’est dans ces années de vaches maigres – très peu de vignerons vivent alors de leur vigne – qu’il apprend les secrets du terroir, les trucs pour réussir le vin et surtout pour le bien goûter. Sans bouche, sans nez, pas de vigneron, pas de négociant capable de discerner la piquette du nectar, le bon vigneron du bouseux, en général un aigri des papilles.

 

Trente années de périples, de courses, de visites de caves vont forger la science de Duboeuf et sa mémoire. De son coin de terre, les environs de Mâcon, il a tout vu, tout connu, de la misère acceptée à l’explosion du beaujolais embarqué par une flotte de Boeing – 60 millions de bouteilles exportées en 1990.

 

-         Ici, dans le Mâconnais, et jusqu’aux Pierres Dorées, plus au sud, le paysan vivait au rythme des saisons. Jusqu’en 1960, l’hiver, il coupe le bois, l’été il coupe le blé, et en septembre les raisins. Le reste du temps, il s’occupe de son potager et de ses vaches qui s’engraissent dans les champs et sont payées cher par l’abattoir. Le vin ne saurait le passionner, il n’en vit pas, ou si peu. Ce sont les coopératives qui vont le sauver et les gens de l’INAO lui apprendre à respecter la vigne.

 

Le premier job de Georges Duboeuf, c’est l’embouteillage à domicile, le travail à façon, la mise en bouteilles, si périlleuse à mener à bien. C’est comme ça qu’il va pénétrer chez les plus humbles paysans-viticulteurs et leur enseigner la bonne parole vineuse. Et acquérir un charisme unique dans les annales de l’œnologie française.

 

LES VINS DOIVENT ETRE RESPECTES

 

Perfectionniste, Duboeuf lutte pour la propreté dans le chai et l’hygiène du viticulteur. Sorti d’une toile de Le Nain, le paysan-vigneron qui a trait sa vache dans l’étable ne doit pas entrer dans le chai avec ses sabots crottés. Il ne doit pas entreposer les légumes et les instruments de culture près des barriques. Ni tremper sa pipette dans les moûts sans la rincer : les microbes, ça existe. Les chats et les chiens n’ont pas à dormir dans la cave. Les vins doivent être respectés, ce ne sont pas des choux ! Même si on met du rouge dans la soupe pour faire chabrot !

 

Jusqu’en 1960, véritable date charnière, le beaujolais, c’est la France de Zola, de Maupassant (une vie) qui va se trouver propulsée dans l’univers des batteries de cuves en inox, le contrôle des températures et la chaptalisation autorisée. Et l’enrichissement de milliers de viticulteurs à qui Duboeuf achète les vins. Cette année, Geo-geo, comme ils l’appellent, aura analysé 12000 échantillons, goûté le vin de 500 viticulteurs et de 12 caves ! Une œuvre de titan : la métamorphose d’une région par le génie d’un homme.

 

Voilà un vin international que l’avisé Duboeuf a fait aimer dans des pays à forte tradition viticole comme l’Espagne ou la Grèce, où il a été exporté pour la première fois en 1989. Le Japon et Hong-Kong, c’est fait. Il restait Moscou où le vin nouveau va faire son apparition le 15 novembre prochain lors d’une fête à la française. Car l’arrivée du beaujolais aux quatre coins du globe c’est le message de la France du bien-vivre et du savoir-boire. Songez que la totalité de la flotte cargo –

 

 Des centaines d’avion – est mobilisée pour véhiculer le vin, de Lyon, dès le 14 novembre dans la nuit. Même le Concorde sera de la partie : il se posera à Lyon avec à bord une flopée de citoyens américains désireux de goûter le vin là ou il naît.

 

Sans de formidables progrès en qualité, en légèreté, en équilibre – le sucrage est néfaste pour la dégustation – le vin cher à René Fallet n’aurait pas été reconnu hors de l’hexagone. Il n’aurait pas non plus gravi l’échelle sociale – le gamay frais ses bistrots à droit de cité chez Maxim’s, à la Tour d’Argent et à l’Elysée où le président de la République se fâcherait contre l’intendant du palais si le vin des traboules ne figurait pas au menu, le 15 novembre, à midi.

 

« C’est le vin le plus médiatique du monde », note Georges Duboeuf, soulignant aussi que c’est le plus rapide à s’imposer, à surclasser ses concurrents – et à s’effacer. Quinze jours après son lancement fulgurant, personne n’en parle plus. Mais le vin est bu ! Et désiré. Il est entré dans les mœurs.

 

COMME UNE SUPER-MARQUE

 

La médaille a son revers. Le beaujolais nouveau fonctionne comme une super-marque. Les vignerons élevés par Georges Duboeuf dans le goût du bon vin sont devenus exigeants, un rien prétentieux question porte-monnaie et compte en banque. Le prix du beaujolais a monté de 30% en deux millésimes ; pas mal, non ? Les paysans qui font les vendanges en Renault 25 ont des envies de nouveaux riches. Oublié le temps de la mouise, quand le père Ramonet, à Chassagne, n’avait pas de chaussures pour sarcler ses vignes !

 

-         Le beaujolais c’est comme le champagne, ça n’a pas de prix, disent les parvenus du gamay, les crésus des règes dont les femmes ont abandonné le catalogue de la Redoute pour le dépliant Hermès.

 

Fureur de Duboeuf, qui les sermonne :

 

-         Ah ! les vignerons, vous avez la mémoire courte ! Priez le ciel que la vigne vous soit toujours clémente ! Vous n’êtes pas les dieux des ceps, vous êtes les serviteurs de votre terroir que le Seigneur vous a légué, et qui vous a appris la belle vie.

 

Le beaujolais 90 est vendu 26 F environ. Un bon prix, non ? ( note du rédacteur 4 euros)

 

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10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 00:09

Même si le livre de la Genèse nous dit qu’Ève fut créée à partir d'une côte d'Adam (Genèse 2:21,22), même si en ce moment beaucoup se prélassent sur le sable de nos côtes : Azur, d’Argent, Vermeille, d'Opale, d’Émeraude... même si comme l’écrit le blog du Guide Hachette « de nombreuses AOC affichent fièrement les mots côte, côtes ou coteaux (voire costières) dans leur nom», cependant, comme la pile Wonder, la dénomination « côtes » ne s’use que si l’on s’en sert et manifestement en ce moment c’est la surchauffe. C’est le fourre-tout des mal-aimés. C’est le refuge des affligés. Alors je vous le dit tout net je suis partisan de la négociation d’un traité de non-prolifération de la dénomination « Côtes »

 

Certains objecteront, comme le souligne le Guide Hachette « Quoi de plus normal d’ailleurs ? Les meilleurs vins ne sont-ils pas précisément produits sur ces vignobles en pente, dont l’inclinaison favorise le drainage naturel, par opposition aux vins de table produits dans la plaine, parfois « les pieds dans l’eau » après l’orage ? » 

  

J'en conviens, mais trop de Côte fait chuter la cote des Côtes, d’autant plus que comme le fait toujours remarquer le blog du Guide Hachette « sur la centaine de vins de pays de zone existants, près de la moitié se nomme « Côtes de » ou « Coteaux de », sans même parler des «Collines de» ! » Certains petits futés constatant cette inflation, symbole de dévaluation, ce sont empressés de la remiser dans les oubliettes : ainsi Buzet (ex côtes-de-Buzet) et Fronton (ex côtes-du-Frontonnais), ou plus récemment Ventoux, Luberon ou Pierrevert.

 

Alors pourquoi au pays de la Côte d’Or, de la Côte de Nuits, de la Côte de Beaune une telle cote d’amour pour l'invention d'une AOC Côte de Bourgogne ou de Coteaux-bourguignons pendant que leurs voisins et cousins du Beaujolais, eux,  pencheraient pour des côtes- ou coteaux-du-beaujolais ?

 

On me répond que c’est que parce que le Beaujolais réfléchit à démarquer son offre de vins de garde de celle des primeurs ?  et que la « Grande Bourgogne viticole » (Beaujolais inclus) cherche à distinguer les bourgognes comprenant du gamay de ceux issus exclusivement de pinot noir ?

 

Pourquoi pas, mais du côté du Beaujolais je ne vois pas ce que la nouvelle dénomination va apporter, sauf à confirmer dans l’esprit du consommateur que le seul Beaujolais Primeur est du vrai Beaujolais. L’adjonction d’un étage supplémentaire, rayant de la carte le Beaujolais tout court, me semble compliquer plus encore la lisibilité de l’offre Beaujolaise tout en enterrant l’icône, le symbole. Mieux vaudrait, à mon humble avis, s’attaquer au préalable au sourcing de ce fameux Beaujolais de garde pour que le vin fini soit en adéquation avec les ambitions affichées.

 

Du côté des bourguignons, ça me semble encore plus étrange que cette érection soudaine de  Coteaux-bourguignons pour symboliser la «Grande Bourgogne viticole» alors que le BGO existe. Pourquoi diable précipiter ce bon vieux BGO dans les ténèbres extérieures au profit d’une ombrelle bien commune ? Dans une chronique datée du 11 avril 2008 je m’alarmais déjà de cette mise à bas  http://www.berthomeau.com/article-18610677.html . Je ne vais pas revenir à mon argumentaire mais me contenter de citer la définition d’un éminent chroniqueur, couvert de lauriers, lui, Olif. Qu’est-ce qu’il dit l’Olif ? Il dit que le « Bourgogne Grand Ordinaire. BGO ! 3 initiales quasiment infamantes ! 250 ha de production, du Lyonnais jusqu’au Yonnais, une AOC régionale depuis 1937, dans laquelle le Gamay se taille la part du lion, en association avec le Pinot noir, voire le César ou le Tressot dans l’Yonne. Les blancs, quant à eux, peuvent comporter de l’Aligoté, du Chardonnay, du Pinot et, dans l’Yonne »

 

Sans m’immiscer dans les chicanes des acteurs de la « Grande Bourgogne », car je n’ai pas la moindre idée de l’état d’avancement de ce dossier, je les exhorte à ne pas verser dans la facilité en se précipitant, si je puis m’exprimer ainsi, dans le bas-côté.

 

En effet, le retour en force du vin populaire, celui qui ne se prend pas le chou, qui ne pète pas plus haut que son cul, est inscrit dans l’avenir du vin. Revivifier le BGO c’est entreprendre la même démarche que celle de grandes marques automobiles qui ont relooké la Fiat 500 et l’Austin Mini pour en faire à nouveau des Must.

 

Bien évidemment, pour ce faire, il est indispensable que cette appellation couvrant la « Grande Bourgogne » ne soit pas qu’un simple bassin déversoir des 2 appellations. Le concept de vin voulu et non celui de vin subi n’est pas une lubie mais la seule base de reconquête de segments de marché qu’occupent joyeusement nos concurrents. La signature Bourgogne d’un vin qui a en facteur commun le gamay et le pinot noir doit s’appuyer sur la réalité du produit et non sur une référence géographique ou plutôt topographique qui ne signifie rien.

 

Bref, je voudrais bien qu’on m’explique en quoi la trilogie : Beaujolais-Bourgogne Grand Ordinaire-Bourgogne n’est pas simple et lisible pour le consommateur. Le BGO constituant un trait d’union facilement identifiable qui ferait la transition entre la tradition et la modernité. Pour un esprit simple comme le mien le Beaujolais c’est du Beaujolais, le Bourgogne c’est du Bourgogne, le BGO serait la réinvention d’un vieux produit.

Sans doute suis-je un piètre expert en marketing mais se noyer dans la masse pour soi-disant mieux se démarquer ne me semble pas très crédible. Dans Grand Ordinaire il y a certes ordinaire mais il y a aussi grand ce qui me permet d’écrire que le BGO c’est beau comme une belle journée à la campagne, panier d’osier, nappe à carreaux, poulet froid et cornichons, verre à moutarde en Duralex, limonade et vin qui chante et réjouit les cœurs…

 

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9 août 2010 1 09 /08 /août /2010 00:09

Paris, entre deux rendez-vous de travail, Paz Espejo, m’attendait souriante dans le salon du bar d’un grand hôtel. Nous nous retrouvions justes après le déjeuner et nous prîmes un café. Sa nomination à la tête du Château Lanessan par la famille Bouteiller m’intéressait car elle symbolisait pour moi un réel passage de témoin, un trait d’union entre deux mondes, une volonté d’assumer pleinement, pour une belle signature, la négociation du grand virage dans lequel le monde du vin français doit s’engager pour affronter au mieux la nouvelle donne mondiale, et plus particulièrement dans le cas présent celui d’un beau Château du Médoc.  Douard-8297-copie-1.JPG

Au temps où j’officiais sous les lambris de l’Hôtel de Villeroy, au 78 rue de Varenne, pour moi le Château Lanessan c’était Hubert Bouteiller. Homme de conviction, à la personnalité bien trempée, dans le cénacle parfois bien plonplon du Comité Vin de l’INAO, ses interventions argumentées, souvent pertinentes, tranchaient. Je le confesse aujourd’hui, il présentait toutes les qualités requises pour présider le Comité Vins de l’INAO. Mais il était bordelais et, dans les subtils équilibres sociopolitiques du monde du vin français, le TSB : tout sauf Bordeaux unissait les barons des autres régions. Dans notre beau pays, les nominations publiques à des postes de responsabilité, font les délices des hommes de pouvoir et de leur entourage. Par chance, je n’eus jamais à procéder à cet exercice, le magistère de feu Jean Pinchon, quu succéda à un bordelais Pierre Perromat, m’exonéra d’avoir à trancher dans le ballet des prétendants.

 

Ce rappel du passé simplement pour saluer un homme, avec qui j’eus bien des désaccords, mais qui prit toujours la peine, une fois même par le truchement d’une longue lettre manuscrite suite à mon fameux rapport, d’argumenter, de tenter de me convaincre sans jamais se départir d’une grande courtoisie. L’ami Jérôme le sait mieux que quiconque, puisqu’il présida le Comité Vins de l’INAO, dans ce cénacle où les gens du vin tenaient leur destin en main face à l’Administration, le choc des personnalités valait mieux que le chant anesthésiant des robinets d’eau tiède. Mais les dés sont jetés, nous sommes entrés de plain-pied dans le royaume des AOP-IGP où la main a été donnée à l’Administration.

 

Revenons à nos moutons, je devrais écrire à nos chevaux, autre passion d’Hubert Bouteiller ce qui donne à la dénomination du second vin du château toute sa signification : Les Calèches de Lanessan. Donc, loin des agitations du microcosme parisien, lorsque la famille Bouteiller, afin d’assurer dans la sérénité le départ à la retraite d’Hubert Bouteiller, sollicitait Paz Espejo, afin de réveiller «  le bel endormi », celle-ci forte de son bagage technique, de son expérience dans le négoce du développement de marques à l’international, chez Calvet puis chez Cordier-Mestrézat,  saute le pas avec enthousiasme. Coup de cœur dit-elle, car le potentiel de ce domaine insulaire et unique, limitrophe de l’appellation Saint-Julien, avec ses 300 hectares,  dont 80 hectares de vignes d’un seul tenant cernées de 145 de forêts, royaume d’une riche biodiversité, avec ses  parcelles de vignes situées sur des croupes de graves garonnaises profondes, celles des meilleurs crus classés, est extraordinaire. Sans tomber dans les clichés Paz Espejo se voyait confier la baguette du chef d’orchestre pour donner sa touche, son empreinte personnelle à la partition du château Lanessan. PASS_ESPEJO_2B5I2944-bis.gif

Vendre le vin des autres est une très belle aventure mais, pour une âme bien trempée comme celle de Paz Espejo, ça devait avoir un goût d’inachevé. Embrasser « l’œuvre » en sa totalité, de la vigne au verre, ne pouvait que se révéler pour elle un beau défi. Alors dès son arrivée, le 3 août 2009, elle arpente toutes les parcelles avec le maitre de chai, elle goûte le raisin, elle adapte la date des vendanges à chaque parcelle, à l’optimum de mâturité de chaque cépage, quitte à interrompre la vendange pendant quelques jours. Retour à la vigne donc,  sa culture, son soin et sa protection dans le respect du terroir avec une approche pragmatique, sans dogmes pour générer le raisin qui exprimera le mieux le millésime. Comme le dit Paz « Quand la matière première est belle, plus on reste simple plus on arrive à des choses pures. Je ne suis pas une fanatique des produits œnologiques : des enzymes, des tannins… S’il y en a dans le raisin, j’aime autant les mettre en valeur sans en rajouter. Ils sont sans aucun doute très utiles certaines années, mais sur les bonnes années, plus on reste simple, mieux c’est. » J’avoue préférer cette saine franchise aux discours alambiqués, faux-culs ou bêtement militants.

 

Mais, par-delà cet engagement vigneron de Paz Espejo, ce qui m’intéresse au plus haut point dans son approche c’est sa volonté d’installer Lanessan dans univers des marques. À Bordeaux, rappelons que les Grands Crus ne représentent que 2% du marché, et que l’envolée des prix de certains masque la réalité du terrain. Comme dans la mode, où les must de la Haute Couture, les Lagerfeld et autres vendeurs de leur propre image, laissent de plus en plus la place à la dynamique de nouveaux créateurs inventifs, tel un Jean Touitou d’APC, le marché des tous nouveaux consommateurs occasionnels de vin va devenir de plus en plus friant de signatures, d’identification d’un château avec celles et ceux qui en sont l’âme.

 

Le château Lanessan a déjà tout d’un grand, en 1855 son propriétaire M.Delbos, négociant, a refusé de présenter son vin au fameux classement. Pierre Lawton le dit à Gérard Muteaud dans le Nouvel Obs. à propos du millésime 2009 « On trouve des vins d’une qualité remarquable comme Lanessan ou Chasse Spleen autour de 15 à 20 euros la bouteille hors taxes. Des prix très modestes au vu de leur qualité. » Tout le challenge de Paz Espejo va consister, avec sa patte personnelle, à traduire la classe naturelle de Lanessan dans l’air du temps. Comme l’aurait dit ma couturière de mère : le chic se niche toujours dans le détail : une broche, une ceinture ou un simple froncé à la taille... Dans un univers de massification, l’art de la marque signature tient à cette capacité à se démarquer sans pour autant bousculer les codes de la tradition.

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5 août 2010 4 05 /08 /août /2010 00:09

En 1978, après ma visite des installations de Listel, j’avais confié aux brontosaures de l’ex IVCC devenu ONIVIT : « voilà un beau vin d’ingénieur ! » Et puis le temps passa, Yves Barsalou friant des montages savants annexait au groupe Val d’Orbieu cette belle marque. Lui rendant visite au temps où je parcourais la France du vin afin de pondre ce qui devint mon rapport je ne pouvais m’empêcher de penser « que c’est triste de laisser une telle marque dans la naphtaline... » Et puis, la pelote du Val d’Orbieu se détricotant le groupe Vranken récupérait l’enfant.

Les champenois aiment les marques !

Grand ménage de printemps : Listel se souvenait qu’il avait les pieds dans les Sables du Golfe du Lion et, surfant sur la vague montante du rosé,  naissait Pink Flamingo ! Un Gris de Gris qui pointait son nez dans les rubriques de ces messieurs dont c’est le métier de nous dire où se trouve le bien boire.

Bref, avec les petits camarguais, les flamants roses, la marque sortait de l’univers tristounet de sa bouteille ventrue. Du marketing me diront certains puristes ! Oui, bien sûr, avec dans la bouteille le jus qui va avec cette approche. Rien à redire d’un tel process assumé et mieux valorisé. Que je sache ça ne fait de l’ombre à qui que ce soit, et surtout pas aux vins de terroir, du moins à ceux qui le sont vraiment.

Et puis, arpentant mon Monop pour repeupler mon frigo je suis tombé sur le petit nouveau de Pink Flamingo la Cuvée 9°. J’achète. Bon prix : 4,50€, ça fait cher le degré-hecto ! Je plaisante bien sûr. Au frigo le vin de France avant de subir son examen de passage. D’abord la fiche technique :

 

Listel Cuvée Pink est élaboré à partir de moûts de raisins rosés de cépages à haut potentiel aromatique. Ces moûts sont également sélectionnés en fonction de leur finalité, c'est-à-dire pour leur équilibre acide/sucre. Ils font l’objet d’une fermentation maîtrisée à température contrôlée, puis d’un assemblage.

 

Mariage harmonieux des saveurs du raisin et de la finesse du vin rosé, Listel Cuvée Pink est un produit naturellement léger et riche en arômes.


Ses arômes de fruits rouges (framboise, mûre, prune et cerise) sont l’expression des cépages sélectionnés pour son élaboration.

      

Frais, innovant et à teneur en alcool réduite, Listel Cuvée Pink est un vin plaisir, nouveau et authentique.

      

Idéal à déguster frais, il deviendra l’atout indispensable pour égayer ce moment de plaisir et de partage qu’est l’apéritif (parfait pour sublimer des petits toasts et accompagner savoureusement des amuses bouches), les instants de détente et repas conviviaux (parfait avec une grillade ou des salades composées). Il accompagnera également une cuisine légère d’inspiration méditerranéenne ou encore asiatique.

  Douard-8260.JPG

Littérature habituelle, assez proche de la réalité du produit lorsqu’on le boit. En effet, les aromes au nez sont évanescents, mais en bouche c’est vraiment nouveau, simple, léger, frais, désaltérant avec ce qu’il faut d’acidité et une pointe de frizzante naturelle. Bien sûr certains beaux esprits vont m'objecter que ça ne casse pas 3 pattes à un flamant rose qui d'ailleurs n’en a besoin que d’une pour se poser mais je leur réponds que le rapport entre le plaisir annoncé et celui éprouvé est bon.

Petite remarque sur le couplet authenticité, à force de la galvauder je signale aux utilisateurs qu'ainsi elle ne relève plus que de l’incantation obligée ou du pur kitch à l’image du buffet Henri II ou de la table en Formica. Quand à sublimer les petits toasts il n’est pas interdit de rêver que le sous-verre d’une copie de Hopper sur le mur du salon va bien avec ceux qui sont dedans. Quand est-ce que nos littérateurs d’étiquettes arrêteront de faire genre, de péter plus haut que leur cul, d’utiliser le vocabulaire à mauvais escient.

Ceci écrit  Listel Cuvée Pink cuvée 9° joue à son niveau, dans la bonne cour et j’en suis persuadé participe en cela à l’extension du domaine du vin...

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4 août 2010 3 04 /08 /août /2010 00:09

Pour le titre j’ai balancé entre « La France est un pays dont les habitants  sont souvent chagrins et les villages souvent en fête » et celui que j’ai choisi. Nantes, port négrier, ici érigé en escale avant un autre port, lui-même adepte du bois d’ébène, mais dont le nom est lui associé au vin : Bordeaux. Ville aux destins croisés mais que tout sépare : qui aujourd’hui associe Nantes au Muscadet ? Face aux vins de Bordeaux reste que le vin de Bourgogne... 

  

D'un côté Bordeaux, ville vin,  qui a épandu la vigne hors de ses limites, lointaine, hautaine, marchande, de l'autre une province : la Bourgogne qu'aucune ville emblématique ne symbolise elle la terrienne, la vigneronne qui égrenne un chapelet de villages aux noms fleurant les grands crus. Normal donc que  notre bourguignon, le Replongeard, chevauchant sa célèbre moto Terrot lorsqu’il se lança sur une nouvelle route, celle d’Aquitaine, poussa ce soupir à la page 193 « Le moment était venu de reprendre l’assaut séculaire du vin de Bourgogne contre les vins de Bordeaux. Vieille querelle qui, je l’espère bien, ne se videra qu’avec la dernière bouteille. »

 

Alors comme il l’écrit, un peu inquiet, dès la première ligne de son nouveau road-movie « Ce n’est un secret pour personne : on attend les romanciers à leur second livre »En 1949, Raymond Dumay  prend donc le train à Montparnasse, qui ne déservait à cette époque que l'Ouest de la France : « le train roulait. Nous traversions la Touraine, le ballast était couvert de pavots rouges et mauves. Je lisais Stendhal. Aurais-je le même bonheur que lui ? À Nantes, où j’allais commencer ma tournée, il avait une charmante rencontre, une jeune fille de vingt ans avec un chapeau vert » De suite une question se pose : pourquoi Nantes ? Notre chroniqueur bien sûr se la pose « Pourquoi me suis-je décidé à ouvrir par ce port breton une équipée orientée vers Bordeaux ? »

 

Sa réponse interrogative « Pour ses deux enfants les plus célèbres, Jules Verne et Aristide Briand ? » ne me convainc pas même s’il cite à l’appui un beau parallèle des deux homes du critique Thibaudet « Deux êtres d’estuaire : les deux fois c’est l’eau de mer et l’eau douce qui se rencontrent sans se mêler ; les deux fois c’est le casanier, rêveur aéré par le goût du yacht, la souplesse imaginative, le sens de la carte. ». Seul le regret qui suit me donne un indice sur l’état d’esprit de Dumay « Dommage que notre tâteur de crus, goûtant le vin de Nantes, n’y ait pas retrouvé ce petit goût de pierre à fusil du surréalisme. » Breton écrira « Nantes est, avec Paris, la seule ville de France où j’ai l’impression que quelque chose de grand peut m’arriver... » Notre homme va consacrer 17 pages à Nantes « Cette rencontre (avec René Guy Cadou) me valut de faire connaissance avec un poète au visage tonique et coloré, et avec le muscadet, ce fleuve dédaigné des géographes. La Loire arrose Nantes et le muscadet les Nantais. »

 

Mais Dumay continue de musarder. Quittant Nantes le voilà qui traverse Le Pallet « Le château où naquit Abélard a disparu, mais j’aurais pu voir la chapelle romane où fut baptisée Astrolabe, la fille qu’Héloïse vint mettre au monde dans ce village où les abeilles recouvrent les arbres de mousse blonde ». Il passe par Tiffauges, la pays de Gilles de Retz, Barbe-Bleue, et si vous ne le saviez pas le voilà presque chez moi « L’après-midi était douce sur la Vendée. De larges paysages se déployaient au sommet de chaque côte et les moulins à vent immobiles me paraissaient amicaux. Sancho Pança chevauchant son âne et mangeant un oignon cru n’avait pas l’âme plus sereine. » Et il y va y rester pendant 40 pages apparemment peu pressé de gagner le grand port chéri des anglais.

 

En dehors de l’allusion à un verre de Pineau bu avec un jeune libraire, notre Replongeard motocycliste va passer beaucoup de temps chez Gaston Chaissac. « Venu à Boulogne en Vendée pour quelques minutes, j’y suis resté près d’un jour. Le charme me pénétrait, je devenais moi-même un personnage dans une belle histoire, encore que jouant le modeste rôle de confident. » La lecture des Cahiers de la Pléiade de Paulhan avait fait découvrir les lettres du « cordonnier in partibus » à Dubuffet et bien d’autres. Pégazou file entre les églantiers « Un grand arbre se dresse devant une maison de paysan en mauvais état. Sur les murs, dessinés au charbon de bois, deux personnages de Dubuffet, la tête contre le toit et les pieds dans l’herbe. » Dumay respire et se dit que « Mieux vaudrait faire silence, respecter le domaine étrange et naturel. Il y eut cette jeune femme au cœur joyeux qui m’ouvrit la porte, puis une petite fille si bien élevée qu’elle semblait faire les honneurs du paradis, et puis un personnage très long, très maigre, sérieux et avenant, Chaissac ».

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Dumay est sous le charme. Il découvre l’artiste à la « geste superbe » pour magnifier les épluchures de pomme de terre et qui « prend des chefs d’œuvre à la serpillière avec la même aisance qu’un braconnier des tanches à l’épervier. » Oui, Chaissac lui paraît un « homme de la plus belle eau, passionné et sincère. Rusé aussi, comme tous les naïfs. » Alors, le soir venu, les Chaissac le firent « coucher dans la chambre d’ami qui n’avait jamais servi. » et Dumay écrit « Je montai l’escalier ma bougie à la main, guidé par une fresque. On avait repoussé dans les coins le tilleul et le fumeterre qui séchaient pour les tisanes d’hiver. Je dormis dans un lit de campagne. Un orage craquelé d’éclairs, avec lesquels on aurait pu faire de jolis dessins, éclata. Au matin, je fus réveillé aux sons d’un harmonium, don de Dubuffet. »

 

Ceux d’entre vous qui me suive depuis les origines de ce blog connaissent ma passion pour l’œuvre de Chaissac, écrite ou picturale, (chronique « lettre à l’abbé Renou » du 28 mars 2006 http://www.berthomeau.com/article-2264035.html) alors en lisant ces lignes j’ai l’impression de mettre mes pas dans ceux de Dumay.

 

Et le voilà, quittant le bocage confit de bondieuseries (Mme Chaissac est institutrice laïc et Dumay s’étonne « Au fait, je vous ai caché le plus beau trait de cette école de la chimère : elle est fréquentée par une seule élève, la fille de la maîtresse » toute la Vendée des Blancs en une phrase) pour piquer vers le sud de la Vendée, la plaine laïque où bizarrement est sis l’évêché à Luçon « le plus crotté et le plus désagréable de France » pour le nouvel évêque qui y arrivait le 21 décembre 1608 Armand Jean Du Plessis de Richelieu.

Notre motocycliste érudit décrit Luçon comme « une petite ville de vieux arbres, de vieilles maisons aux murs élevés. Le passant devine des jardins pleins de roses trémières et d’hortensias, des pièces vastes et fraîches où luisent les dos des volumes reliés de cuir. Des pensionnats et des couvents dont les cloches tintent » Souvenirs du Grand Séminaire de Luçon où je passais trois jours de retraite qui me glacèrent le cœur et le corps.

Sans le savoir Dumay prend le chemin que prendront les époux Chaissac lorsque madame sera nommée à Vix. Le voilà dans le marais poitevin « Ponts étroits, barques larges, villages qui sentent le fumier et le lait, terre noire barrée par les lignes blanches des peupliers, telles sont les images que je garde du pays. Le long des chemins, les petits bergers sont taciturnes et indifférents. Même les grands chiens noirs semblent vivre dans un monde séparé de celui du passant. Sous le soleil orageux, les canaux prennent une couleur plombée, et s’inscrivent en relief au-dessus du sol. » Les dagnons du sud et les bocains, deux mondes, Dumay qui a pris la saucée sur Pégazou est tout heureux « un feu de cheminée et un bol de lait bouillant, sucré et chargé de Cognac » le mettent en un état voisin de la jubilation.

 

Après ce sera la Charente, notre homme musarde, peu empressé, si ma plume y consent nous le suivront dans quelque temps sur son chemin vers l’Aquitaine. À bientôt donc sur mes lignes...

 

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