Les français connaissent quasiment tous le très médiatique BHL – le père de Justine, écrivaine à la plume assassine dans « Rien de grave », sauf pour celle qui en prenait plein son grade à l’époque, en 2005, avant de prendre du grade récemment dans le 9ième arrondissement et l’époux de la sulfureuse Arielle Dombasle – mais peu d’entre eux peuvent mettre un nom sous les initiales BGO et pourtant, sous elles – si je puis m’exprimer ainsi – repose la somptueuse hiérarchie d’une de nos plus prestigieuse Appellation d’Origine Contrôlée. Je sens que vous en avez le souple coupé, bouche bée je me doute que vous allez me demander de vous éclairer. Bon prince, comme je ne suis pas un grand expert Aoesque, je vous livre la définition d’un éminent chroniqueur, couvert de lauriers, lui, Olif. Qu’est-ce qu’il dit l’Olif ? Il dit que le « Bourgogne Grand Ordinaire. BGO ! 3 initiales quasiment infamantes ! 250 ha de production, du Lyonnais jusqu’au Yonnais, une AOC régionale depuis 1937, dans laquelle le Gamay se taille la part du lion, en association avec le Pinot noir, voire le César ou le Tressot dans l’Yonne. Les blancs, quant à eux, peuvent comporter de l’Aligoté, du Chardonnay, du Pinot et, dans l’Yonne » Sur le site Version Vin 100% Bourgogne je lis : « Les appellations BOURGOGNE GRAND ORDINAIRE et BOURGOGNE ORDINAIRE (cette dernière désormais inusitée) ont été instituées en 1937. Elles s'inspirent d'une dénomination fréquente dans le passé. On parlait de « vins de grand ordinaire » pour la bouteille dominicale, ou de « vins d'ordinaire » pour tous les jours. Ils sont rouges, blancs et rosés, au sein de l'aire d'appellation BOURGOGNE. La particularité du Bourgogne Grand Ordinaire (comme l'on dit familièrement) est de faire quelques fois appel à des cépages en péril dont il assure l'utile pérennité. Clairet peut remplacer le mot rosé. » Et d’ajouter la liste des « Communes de production : - Département de l'Yonne : 54 communes - Département de la Côte-d'Or : 91 communes - Département de Saône-et-Loire : 154 communes »
Bon si je comprends bien, vu avec le regard d’un esprit simple comme le mien, dépourvu de malice, avec le gamay du Beaujolais, du Beaujolais tout court, on peut faire du Bourgogne. Que les parigots têtes de veau l’ignorassent me semble dans l’ordre des choses, mais de mauvaises langues me disent que, même à Dijon, beaucoup de gens qui comptent l’ignoraient aussi. Et comme si ça ne suffisait pas à notre trouble évident voilà t’y pas que Ribaud dans le « Monde », se fend d’un titre ambiguë à souhait : « Un Beaujolais bourguignon ». Le pavé dans la tassée, notre Ribaud y va de bon cœur : « Avant de revendiquer son autonomie, le Beaujolais appartenait à l'entité bourguignonne, comme la côte chalonnaise ou le Mâconnais. Peut-on à nouveau fusionner l'interprofession bourguignonne et beaujolaise ? L'emploi de cépages bourguignons (pinot noir et chardonnay) en Beaujolais est autorisé.
Rien n'interdit aujourd'hui aux vignerons du Beaujolais, si ce n'est l'identification de terroirs propices, de remplacer le gamay par les deux cépages bourguignons ou de planter du gamaret, un cépage d'origine suisse, issu du croisement entre le reichensteiner et le gamay, qui devrait, dès cette année, être proposé en "vin de pays des Gaules". On discute même actuellement de l'appellation sous laquelle certains vins issus des terres du Beaujolais pourraient être commercialisés : côtes de Bourgogne ou coteaux bourguignons. » Des vases totalement communicants donc, une belle zone d’assemblage donc, un petit air d’espace de liberté qui me fait penser à une petite musique pas très populaire dans la région.
Là, j’me dis, mon gars y’a le feu au lac, alors, vite, je me jette sur mes sources. Qu’y lis-je ? Exit notre bon vieux BGO, là-dessus tout le monde est d’accord, c’est ensuite que commence l’embrouille. On me dit que – pour une fois je ne me mouille pas – du côté de la Bourgogne : « la production et une partie du négoce, milite en faveur de « coteaux bourguignons » tandis qu’en Beaujolais on penche du côté de « Côte de Bourgogne ». Le président du BIVB, Michel Baldissini, pense que cette dernière appellation risque de faire de l’ombre à notre appellation Bourgogne » alors que son alter ego du Beaujolais, Ghislain de Longevialle maintient qu’il faut que le nom Bourgogne apparaisse. Sous cette guerre du nom se cache des enjeux économiques bien sûr. Si j’ai bien compris, du côté bourguignon on craint « l’augmentation de volume » et on voudrait que la partie beaujolaise du socle se limite aux neufs crus de cette appellation, alors que la partie beaujolaise souhaite pouvoir produire sur l’ensemble de son aire. « Nous n’hésiterons pas à traiter le différend sous l’angle juridique. On ne peut faire fi du passé » Y’a pas de doute y’a rien de mieux que les prétoires pour accoucher d’une décision qui satisfasse le plus grand nombre.
Même si mon grain de sel n’intéresse personne je vous le délivre quand même. Moi je trouve que Grand Bourgogne Ordinaire c’était beau comme une belle journée à la campagne, panier d’osier, nappe à carreaux, poulet froid et cornichons, verre à moutarde en duralex, limonade et vin qui chante et réjouit les cœurs… Alors, pourquoi diable vouloir inventer une nouvelle appellation, comme si le nom, comme l’habit, faisait le moine. Illusion bien française, ce qui compte pour le buveur – oui, oui, j’écris le buveur, et non l’amateur – c’est que le nectar qu’on lui propose soit à la hauteur des ambitions qu’il affiche. Alors, comme de nos jours, on ne croise que de l’extraordinaire, que des grands millésimes, que de purs extraits de terroir, que de belles bouteilles affriolées, que des œuvres d’art au prix du caviar, que de la petite ouvrage cousue main, se revendiquer Grand Ordinaire c’est se différencier. Faire un pied de nez à la pensée unique. S’affirmer tel qu’en soit même, pas bégueule, sympathique en diable, bourguignon quoi ! Garder ses origines, les revendiquer avec simplicité, c’est dans notre grand village mondialisée un must qu’il ne faut se garder de galvauder