Si les vignerons de l’ex-Tricastin trouvent leur nouvelle dénomination « Grignan-Les Adhémar » belle que demander de plus. Le peuple des buveurs n’a qu’à s’en contenter puisqu’il n’a pas été consulté, et n’avait pas à l’être d’ailleurs puisque la procédure de changement de nom, peu fréquente sauf en matière d’ablation de cotes (Luberon, Ventoux, Buzet...) ça relève du pouvoir du Comité National de l’INAO. Dans la vie que l’on vit, les humains qui estiment leur patronyme ridicule en changent pour un nouveau plus commun. À la Mothe-Achard mon pays natal l’entrepreneur de maçonnerie portait le nom de Cocu et ça ne lui posait pas de problème, à nous non plus d’ailleurs sauf qu’un de ses parents venant d’embrasser la carrière de professeur d’Université le trouvait fort connoté. Alors donc nos Cocu devinrent les Dubreuil se fondant ainsi dans la masse de ce patronyme.(mes lecteurs mothais peuvent attester de la véracité de mes dires et même que madame Cocu se prénommait Ginette et exerçait l'honorable profession de coiffeuse et Dieu sait si un salon de coiffure est un lieu de papotage intense).
Sur l’histoire des Coteau du Tricastin j’ai commis en son temps, le 1ier août 2008 très précisément, une chronique : « Les coteaux-du-Tricastin, lettre à Madame la présidente d’AREVA, chère Anne Lauvergeon » http://www.berthomeau.com/article-21623320.html Je m’y interrogeais «Alors que peuvent faire ces braves vignerons qui subissent votre manque de vigilance ? Changer le nom de leur appellation ? Moi je veux bien mais que peuvent-ils trouver d’autre qu’un nom de fantaisie, on ne modifie pas par décret la géographie »
La réponse est donc donné, ce n’est pas un nom de fantaisie qui a été choisi mais une dénomination qui plonge dans l’histoire et la géographie. Fort bien, ça paraît normal pour pointer l’origine du vin que de dire d’où il vient. Le zeste d’histoire avec l’adjonction des Adhémar, qui ont donné leur nom à la ville de Montélimar(Monteil-Adhémar), me semble plus folklorique, sauf à montrer que cette noble famille fut protectrice du cep et du nectar. Sans vouloir être désobligeant ça me rappelle la captation de titre comme celle d’un de nos anciens Président de la République. Mais de cela tout le monde s’en fout me direz-vous ! J’en conviens sans problème, la seule bonne question est de savoir si le franc buveur, la ménagère de + ou – de 50 ans, les garçons et les filles qui arrivent en âge de boire, le citoyen de Pékin, d’Oslo ou de Toronto vont se dire « Tiens, pour ce soir, mes gaillards, nous allons nous offrir une boutanche de Grignan-les-Adhémar ! »
Ne m’accusez pas d’être mercanti mais dans la vie se faire un nom c’est assez porteur quand on est vendeur de quoi que ce soit. L’appellation d’ailleurs peut passer à la trappe quand le vigneron s’est transformé en marque et dans la vallée du Rhône ils sont légions. Bref, mes réflexions n’engageront que ma petite personne mais il n’en reste pas moins vrai que, quel que soit le nom de l’appellation, les vignes du cru garderont leur encombrante voisine qui ferait tout de même mieux de soigner la qualité de ses installations. Le terroir rien que le terroir, alors les histoires d’Adhémar sont un peu superfétatoires.
Qui sais où se situe Grignan ?
Moi bien sûr, je connais même son maire Bruno Durieux qui fut Ministre d’ouverture de Michel Rocard et qui préside le Comité National des Conseillers du Commerce Extérieur. J’y suis passé au temps où m’occupant du devenir de l’huile d’olive et que j’allais à Nyons. Son château est magnifique et son « Festival de la Correspondance » http://www.grignan-festivalcorrespondance.com joui d’une belle renommée, donc bâtir de la notoriété sur ce socle ne relève pas, avec du temps, de la mission impossible. Se contenter de cette simple référence géographique pour dénommer les ex coteaux du Tricastin aurait été sage. J’ignore les raisons qui ont poussé à l’adjonction des Adhémar mais ça produit une phonétique d’enfer, surtout le « gnan-les-za » est d’une beauté insoutenable, ça sonne bien, c’est léger, mais je dois avouer qu’à la première lecture ça me déroute plus que ça me donne le sentiment que je pénètre dans le monde merveilleux de nos appellations. Comme le proclamait la déclaration du 1ier Congrès de l’Origine en 1948 « Un produit est d’origine lorsqu’il a une originalité propre, une personnalité consacrée par des usages et une renommée consacrée. »
Tout ça c’est de l’histoire ancienne, me rétorquera-t-on, nous sommes entrés dans l’aire des AOP. Certes, mais bon protéger ça veut dire dissuader certains de s’arroger la dite appellation, de l’usurper, de tirer partie de sa notoriété. Cette fois encore, sans être persifleur, je ne suis pas persuadé que ça se bouscule au portillon dans notre vaste monde mondialisé pour se doter d’une appellation aussi seyante. Mais, foin d’ironie, ce qui compte en définitive c’est que le vin soit bon. Reste que la notoriété ne se décrète pas, et qu’à l’occasion d’un changement de nom je persiste à croire que mieux valait une réflexion ouverte, créatrice, plutôt qu’un travail entre-soi, en chambre, sans grand souci du futur qui se situe vers d’autres lieux que notre seul et étroit hexagone.
Puisque la messe est dites, que la toute nouvelle appellation est gravée dans le bronze des z’ AOP, il ne me reste plus qu’à souhaiter aux vignerons de Grignan-les-Adhémar, bon vent ! Après tout c’est peut-être une bonne pioche que de se choisir un nom d’appellation qui fleure bon le Moyen Age plutôt que de se faire baptiser par une quelconque agence de publicité dans le genre « Mamie Nova » ou « La laitière »...