En notre belle France du vin nous sommes dotés de beaucoup de châteaux Haut : Haut Brion, Haut Bailly, Haut Batailley, Smith Haut Lafitte, Haut Bages Libéral, Haut Marbuzet... mais de Château Bas tout court je n’en connais qu’un niché dans une appellation qui sent bon le grillon, pardon la cigale et les calissons : les coteaux d’Aix-en-Provence.
Ha le bas ! Adulé lorsqu’il est résille, déprécié au féminin lorsqu’il s’appliquait à nos beaux départements : exit les Basses Alpes, les Basses Pyrénées, même si le Bas-Rhin fait de la résistance : c’est sans doute parce que sur la carte de France il est au-dessus du Haut-Rhin. Moi, depuis le jour où une donzelle s’afficha sur les murs de Paris en promettant : « demain j’enlève le bas » j’ai un penchant marqué pour le bas. Bien sûr je n’apprécie pas les coups bas et j’évite d’en donner mais j’adore les messes basses sans curé. J’ai depuis ma puberté une voix de basse alors que, lorsque je suis venu en ce bas-monde, elle s’affichait soprane. Comme tout bon vivant je sais cuisiner les bas morceaux et comme tout le monde j’ai des hauts et des bas. Dans ma jeunesse vendéenne, au bas mot, j’ai assisté à des dizaines de mise bas.
Pour en revenir à Château Bas, je n’y suis pas allé même si, par la grâce d’Olivier, je dois être chevalier de la Confrérie du Roi René, mais je connais, un peu, Philippe Pouchin qui est l’une des chevilles ouvrières de l’association Sève. Homme de conviction mais aussi de discrétion, entre Philippe et moi le seul point de fracture c’est l’OM bien sûr (je plaisante). Reste que, pour parler de lui sans froisser sa modestie, j’ai trouvé un excellent porte-parole : Régis Bourgine, caviste-vigneron à Bécon, qui cumule tous les avantages : fidèle lecteur, membre de l’ABV, donateur pour le Grand Concours de l’été et, bien sûr, distributeur de Château Bas. Je lui confie ma plume :
« Philippe Pouchin, le responsable, gère les 100 hectares comme un jardin : chaque parcelle bénéficie d’un suivi attentionné, la plupart sont enherbées.
Philippe recherche des sols vivants et des plantes peu vigoureuses, un ensemble équilibré, naturellement régulé. Lancez-le sur le sujet et oubliez vos rendez-vous de la journée !
Des cépages rouges (Grenache, Cabernet Sauvignon, Syrah, Mourvèdre et Counoise) et blancs (Sauvignon, Rolle, Grenache et Ugni blanc) vendangés à maturité, il fera naître, après un élevage attentif, trois gammes :
- Alvernègue, qui privilégie la fraîcheur, la tendresse, le fruit
- Pierres de Sud, plus ample et gras, des vins longs devenus des «classiques »
- Temple, volume, extraction douce, élégance et profondeur, deviennent des références
Un vigneron passionné, passionnant, dont le talent n’a d’égal que sa volonté de partager ! »
Comme j’ai un esprit d’escalier fort développé, sitôt lu ce papier sitôt le projet d’aller quérir à Bécon-les-Bruyères quelques flacons de Château Bas se formait dans ma petite tête d’oiseau. Toujours le souvenir d’Emmanuel Bove, je me rendrais à la gare Saint Lazare où « Le billet de chemin de fer que l’on prend pour aller à Bécon-les-Bruyères est semblable à celui que l’on prend pour se rendre dans n’importe quelle ville. » et je relirais pendant le trajet ce texte où il est si bien dit « Bécon-les-Bruyères existe à peine... Bécon-les-Bruyères n’à point d’environ...Les mœurs de Bécon-les-Bruyères sont plus douces que celles de Paris...» et en sortant de « la gare qui porte pourtant son nom printanier » je ferai attention car le voyageur est prévenu « dès le quai, qu’en sortant à droite il se retrouvera côté-Asnières, à gauche, côté Courbevoie. »
Mais comme l’ami Régis Bourgine savourait ses vacances dans le Morvan mon beau projet tombait à l’eau. D’eau, en ce mois d’août à Paris le ciel n’en est guère avare, je dus donc me résigner à ne point prendre mon vélo pour gagner le marché des Enfants Rouges. En effet, jamais désarçonné, je me souvenais avoir acheté du château Bas, chez Jeanne Galinie de Versant Vins qui tient étal sur ce marché ouvert tous les jours. Métro donc ! Et si elle aussi était en congés, me disais-je dans ma petite Ford intérieure, ce serait la cata, en effet, je suis ainsi fait : dès qu’une chronique pointe le bout de son nez c’est l’état d’urgence qui est décrété même si pendant des mois j’eus pu me préoccuper de chroniquer sur château Bas. Mon bonheur fut donc immense lorsque je découvrais le bel alignement de flacons de Versant Vins www.versantvins.com. Deux L’Alvernègue du château Bas, un rouge 2007 et un blanc 2009 me tendaient les bras. J’en fis l’acquisition, en ajoutant à mon cabas que je n’avais pas, Diem de Tire Pé 2008 et un pot de confiture d’abricots de Provence et Jeanne Galinie m’offrait deux flacons Le Temple un blanc 2008 et un rouge 2005 du château Bas.
Mes emplettes faites j’allais manger un pied de cochon grillé-purée arrosé d’un ballon de Côtes du Rhône des Vignerons d’Estrézargues, en face, à l’Estaminet des Enfants Rouges. Dans ma tête ma chronique était faite mais restait à régler la question du choix du flacon à ouvrir, non pour une dégustation, mais pour accompagner mon manger. N’étant pas comme miss Glouglou et François Audouze un adepte du craché de vin en mangeant et, comme en ce grand désert aoûtien je ne disposais d’aucun partenaire pour m’accompagner, me restait plus qu’à choisir un seul flacon. Vu le temps frisquet je jetai mon dévolu sur l’Alvernègue rouge 2007 pour accompagner mon steak tartare de ce jour. Préparation : échalote, persil haché, câpres... jaune d’œuf... condiments... filet d’huile d’olive...sel, poivre... pour un steak haché gros...
Ploc, ouverture de la bouteille, bouchon nomacorc, emplissage du verre, belle couleur rouge grenat intense et franche, le nez ample : je vais proférer une énormité mais ce vin sent le vin, le bon vin, cette étrange alchimie née de la fermentation et de l’élevage, et plutôt que d’aller chercher des références fruitières si coutumières, l’attaque de mon appendice nasal par ce patchwork de fragrances puissantes et chaudes me donne envie. La suite, la régalade de mes papilles, je suis plus velours que soie, j’aime toucher, être touché, caressé, alors ce sire d’Alvernègue me ravit par son élégance discrète. Me donne l’onction d’une boisson pleine de la délicatesse de celles et ceux qui ont guidé la vigne, fait naître ce vin. Je suis donc bien aise, prêt à concéder à Philippe que Droit au But est une belle devise, même si le Bayonne n’est qu’une IGP, que la Provence avec de tels vins n’est pas que la patrie du rosé, que si vous voulez en savoir plus sur château Bas il ne vous reste qu’à vous diriger vers www.chateaubas.com
Par hasard, m'étant versé un verre et ne l'ayant point bu afin de m'éviter une petite sieste, je l'ai conservé jusqu'au lendemain midi même heure sur la paillasse de la cuisine et je l'ai bu pour accompagner mes spaghettis au basilic frais. Merveilleux ! Epanoui ! Ample et reposé ! Château Bas, chapeau bas ! Et un petit bonjour à Marie Lottin inlassable et souriante ambassadrice de Château Bas....