Même si le livre de la Genèse nous dit qu’Ève fut créée à partir d'une côte d'Adam (Genèse 2:21,22), même si en ce moment beaucoup se prélassent sur le sable de nos côtes : Azur, d’Argent, Vermeille, d'Opale, d’Émeraude... même si comme l’écrit le blog du Guide Hachette « de nombreuses AOC affichent fièrement les mots côte, côtes ou coteaux (voire costières) dans leur nom», cependant, comme la pile Wonder, la dénomination « côtes » ne s’use que si l’on s’en sert et manifestement en ce moment c’est la surchauffe. C’est le fourre-tout des mal-aimés. C’est le refuge des affligés. Alors je vous le dit tout net je suis partisan de la négociation d’un traité de non-prolifération de la dénomination « Côtes »
Certains objecteront, comme le souligne le Guide Hachette « Quoi de plus normal d’ailleurs ? Les meilleurs vins ne sont-ils pas précisément produits sur ces vignobles en pente, dont l’inclinaison favorise le drainage naturel, par opposition aux vins de table produits dans la plaine, parfois « les pieds dans l’eau » après l’orage ? »
J'en conviens, mais trop de Côte fait chuter la cote des Côtes, d’autant plus que comme le fait toujours remarquer le blog du Guide Hachette « sur la centaine de vins de pays de zone existants, près de la moitié se nomme « Côtes de » ou « Coteaux de », sans même parler des «Collines de» ! » Certains petits futés constatant cette inflation, symbole de dévaluation, ce sont empressés de la remiser dans les oubliettes : ainsi Buzet (ex côtes-de-Buzet) et Fronton (ex côtes-du-Frontonnais), ou plus récemment Ventoux, Luberon ou Pierrevert.
Alors pourquoi au pays de la Côte d’Or, de la Côte de Nuits, de la Côte de Beaune une telle cote d’amour pour l'invention d'une AOC Côte de Bourgogne ou de Coteaux-bourguignons pendant que leurs voisins et cousins du Beaujolais, eux, pencheraient pour des côtes- ou coteaux-du-beaujolais ?
On me répond que c’est que parce que le Beaujolais réfléchit à démarquer son offre de vins de garde de celle des primeurs ? et que la « Grande Bourgogne viticole » (Beaujolais inclus) cherche à distinguer les bourgognes comprenant du gamay de ceux issus exclusivement de pinot noir ?
Pourquoi pas, mais du côté du Beaujolais je ne vois pas ce que la nouvelle dénomination va apporter, sauf à confirmer dans l’esprit du consommateur que le seul Beaujolais Primeur est du vrai Beaujolais. L’adjonction d’un étage supplémentaire, rayant de la carte le Beaujolais tout court, me semble compliquer plus encore la lisibilité de l’offre Beaujolaise tout en enterrant l’icône, le symbole. Mieux vaudrait, à mon humble avis, s’attaquer au préalable au sourcing de ce fameux Beaujolais de garde pour que le vin fini soit en adéquation avec les ambitions affichées.
Du côté des bourguignons, ça me semble encore plus étrange que cette érection soudaine de Coteaux-bourguignons pour symboliser la «Grande Bourgogne viticole» alors que le BGO existe. Pourquoi diable précipiter ce bon vieux BGO dans les ténèbres extérieures au profit d’une ombrelle bien commune ? Dans une chronique datée du 11 avril 2008 je m’alarmais déjà de cette mise à bas http://www.berthomeau.com/article-18610677.html . Je ne vais pas revenir à mon argumentaire mais me contenter de citer la définition d’un éminent chroniqueur, couvert de lauriers, lui, Olif. Qu’est-ce qu’il dit l’Olif ? Il dit que le « Bourgogne Grand Ordinaire. BGO ! 3 initiales quasiment infamantes ! 250 ha de production, du Lyonnais jusqu’au Yonnais, une AOC régionale depuis 1937, dans laquelle le Gamay se taille la part du lion, en association avec le Pinot noir, voire le César ou le Tressot dans l’Yonne. Les blancs, quant à eux, peuvent comporter de l’Aligoté, du Chardonnay, du Pinot et, dans l’Yonne »
Sans m’immiscer dans les chicanes des acteurs de la « Grande Bourgogne », car je n’ai pas la moindre idée de l’état d’avancement de ce dossier, je les exhorte à ne pas verser dans la facilité en se précipitant, si je puis m’exprimer ainsi, dans le bas-côté.
En effet, le retour en force du vin populaire, celui qui ne se prend pas le chou, qui ne pète pas plus haut que son cul, est inscrit dans l’avenir du vin. Revivifier le BGO c’est entreprendre la même démarche que celle de grandes marques automobiles qui ont relooké la Fiat 500 et l’Austin Mini pour en faire à nouveau des Must.
Bien évidemment, pour ce faire, il est indispensable que cette appellation couvrant la « Grande Bourgogne » ne soit pas qu’un simple bassin déversoir des 2 appellations. Le concept de vin voulu et non celui de vin subi n’est pas une lubie mais la seule base de reconquête de segments de marché qu’occupent joyeusement nos concurrents. La signature Bourgogne d’un vin qui a en facteur commun le gamay et le pinot noir doit s’appuyer sur la réalité du produit et non sur une référence géographique ou plutôt topographique qui ne signifie rien.
Bref, je voudrais bien qu’on m’explique en quoi la trilogie : Beaujolais-Bourgogne Grand Ordinaire-Bourgogne n’est pas simple et lisible pour le consommateur. Le BGO constituant un trait d’union facilement identifiable qui ferait la transition entre la tradition et la modernité. Pour un esprit simple comme le mien le Beaujolais c’est du Beaujolais, le Bourgogne c’est du Bourgogne, le BGO serait la réinvention d’un vieux produit.
Sans doute suis-je un piètre expert en marketing mais se noyer dans la masse pour soi-disant mieux se démarquer ne me semble pas très crédible. Dans Grand Ordinaire il y a certes ordinaire mais il y a aussi grand ce qui me permet d’écrire que le BGO c’est beau comme une belle journée à la campagne, panier d’osier, nappe à carreaux, poulet froid et cornichons, verre à moutarde en Duralex, limonade et vin qui chante et réjouit les cœurs…