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1 août 2008 5 01 /08 /août /2008 00:08

Madame la Présidente d'AREVA, chère Anne Lauvergeon,

 

Rassurez-vous je ne suis ni Vert, ni anti-nucléaire primaire, rien qu’un écrivain public du vin qui s’adresse à vous en utilisant la Toile. Je vous ai croisé dans le bureau de mon Ministre alors que vous occupiez l’envieuse position de sherpa de Tonton. À l’époque nous causions du GATT, de l’Uruguay Round, maintenant c’est l’OMC et le cycle de Doha qui vient d’être enterré. Bref, nous réformions la PAC dans une ambiance quasi-insurrectionnelle et au château on nous surveillait comme du lait sur le feu. Mon ami Jean-François, vous répondait avec sa pertinence habituelle pendant que Louis vous taquinait pour votre anglais.

Foin de souvenir, pour vous femme d’un Grand Corps je dois représenter l’équivalent d’un microgramme de déchet nucléaire à recycler et pourtant ce que je vais écrire vous devriez prendre le temps de le lire et de le méditer. On vous a vu boire un pastaga à l’eau du Tricastin pour rassurer les populations anxieuses mais, hormis l’inutilité d’un tel geste télévisuel, pour ceux qui, au nom de leur terroir revendiquent l’appellation Coteaux-du-Tricastin, le mal est fait. Sur Google lorsque je tape Tricastin la première rubrique qui s’affiche c’est : Fuite nucléaire et l'ensemble de la page est entièrement occupée par l'affaire. Peut-on rêver mieux pour booster une déjà bien fragile notoriété de cette jeune appellation. Vous allez me rétorquer que le temps va effacer l’outrage, que l’oubli va faire son oeuvre, que la valse des catastrophes va prendre la place à la une. Pas si sûr et sûrement pas pour demain. Alors que peuvent faire ces braves vignerons qui subissent votre manque de vigilance ? Changer le nom de leur appellation ? Moi je veux bien mais que peuvent-ils trouver d’autre qu’un nom de fantaisie, on ne modifie pas par décret la géographie. Imaginez-vous que, pour une raison proche ce genre de plaisanterie douteuse, la même chose arrivait près de la prestigieuse appellation de Pauillac envisagerait-on un tel changement avec la même légèreté. La réponse est bien sûr non, Château Mouton Rotschild à Pauillac n'est pas le Château la Décelle à St Paul Paul-les-Trois-Châteaux.

 

Que la Centrale EDF et votre dépotoir mal tenu changent de nom, c’est bien sur possible mais, c’est à mon avis, trop tard. En clair, il me semble qu’il ne vous reste plus madame qu’à payer le prix de votre impéritie. Vu l’épaisseur de vos moyens pour vous c’est moins que l’épaisseur du trait. Pour démontrer votre volonté de réparer je vous demande, non de signer un petit chèque pour solde de tout compte, mais de vous engager ferme sur une période indéterminée, à accompagner les efforts des vignerons de cette petite appellation pour se sortir du mauvais pas dans lequel vous les avez précipité. Ça ferait beaucoup de bien à votre image de marque. Ça ferait enrager Pascal Kron votre cher collègue et ami d’Alsthom. Ça montrerait à la France d’en bas que ses élites se préoccupent de leur modeste quotidien. Ça ferait grand plaisir à notre Ministre de l’Environnement qui est un amoureux du vin. Ça ne serait surtout que justice pour les vignerons des Coteaux-du-Tricastin.

 

Bien sûr nous sommes au mois d’août et ma lettre risque de finir aux oubliettes, de disparaître dans le grand océan de l’indifférence médiatique. J’en suis conscient mais qu’importe madame la Présidente, chère Anne Lauvergeon, je dépose sur votre vaste bureau ma contribution en défense de notre patrimoine AOC dont nous revendiquons la protection à l’OMC. Pour terminer je me permets d’en appeler à la mémoire d’Henri Michel grand ami du François que vous avez servi, cette région c’était la sienne, il l’aimait, la défendait avec sa passion bonhomme. Ne lui faites pas l’injure de l’indifférence.

 

Dans l’espoir de la prise en considération de la présente et dans cette attente je vous prie d’agréer, madame la Présidente, chère Anne Lauvergeon, l’expression de mes cordiales salutations.

 

Jacques Berthomeau

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commentaires

M
L'utilisation d'un nom géographique pour une appellation me paraît chose importante pour ne pas dire essentielle. Sinon, on pourrait transporter le Clos Vougeot à Jacksonville en Floride ou Château Grillet à Paris (Texas). <br /> Puisque les vignerons étaient là avant la centrale, pourquoi ne pas continuer à revendiquer ce nom ? Après tout, outre le vin, les truffes du Tricastin sont aussi bien connues et je doute que leur prix baisse sérieusement l'hiver prochain. Alors pourquoi ne pas envisager le regroupement des vignobles "nucléaires" en faisant casquer au passage ces centrales fort lucratives ? Comment ? En les obligeant, par exemple, à acheter chaque année au moins deux caisses du vin de chaque viticulteur; en participant au déplacement et à l'hébergement de chaque vigneron montant à Lyon, Milan ou Paris pour faire connaître sa production lors d'un salon; en finançant un site Internet Vins et Truffes du Tricastin; en organisant un foire au vins et à la truffe digne de ce nom... Les idées ne manquent pas. Quant aux viticulteurs de la région, ils ont toujours voulu occulter la présence de la centrale dans leurs campagnes de com. Ok, je les comprends. Mais dans l'Ontario ou en Californie, je pense - je sais, je suis naïf et persifleur en plus - que l'on serait fier de tirer parti d'une telle présence. En se regroupant, les vignerons du nucléaire, même ceux qui travaillent en biologie, ceux du Tricastin, du Vivarais, du Bugey, de Pouilly-sur-Loire, de Chinon, de Blaye, d'Alsace ou du Marmandais, pourraient bénéficier d'un label nucléaire qui leur permettrait de voyager dans le monde entier pour écouler leurs vins. Il faut po-si-ti-ver.
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O
Quelques remarques dans ce débat:<br /> 1) Les noms géographiques ne sont pas des noms naturels absolument nécessaires: ce sont les résultats de choix par l'usage ou par des décisions politiques... Pour une appellation on peut jouer sur des regroupements locaux et comme pour n'importe quel signe distinctif il vaut mieux opter pour le plus attractif.<br /> 2) En 1974, date de la construction de la Centrale et de la reconnaissance de l'AOC ce nouvel élément du terroir semblait sans doute plus attractif que maintenant.<br /> 3) Malheureusement l'AOC n'a pas amélioré sa notoriété de la même façon que la Centrale. En tant que signe distinctif, il serait effectivement opportun d'en changer.<br /> 4) La comparaison avec Pauillac n'est pas tout à fait pertinente: il n'y a pas de centrale à Pauillac car le prix des terrains était certainement trop élevé compte tenu de la notoriété de l'AOC. Donc on a mis la centrale en face...
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J
<br /> Ma référence à la Centrale en face de de Pauillac à défaut d'être totalement pertinente se fonde sur un évènement ignoré du grand public : lors de la grande tempête de la fin des années 90<br /> elle fut à deux doigts d'être submergée ce qui vous vous en doutez aurait provoqué une catastrophe écologique majeure dont les 2 rives auraient souffert. Alors, le malheur n'arrive pas qu'aux<br /> autres mais...<br /> Pour moi le changement de nom n'est pas un problème juridique mais un problème commercial lié à la prolifération récente d'appellations sans notoriété dont le nom semble tout droit sorti d'un<br /> chapeau... Alors il vaut mieux se donner le temps de la réflexion et demander à Areva d'être partie prenante au cours de cette période...<br /> <br /> <br />
C
Bravo Jacques, c'est trés bien argumenté et ça devait faire avancer les choses. Si Areva met des moyens conséquent dans une aide commerciale à l'AOP Tricastin , la mauvaise communication pourrait être changée en bonne !! Je ne crois pas du tout à la possibilité de changer de nom. Mais si Areva se sert de cette situation pour acheter à vil prix les terres à vigne qu'il convoite, alors il faudra sortir les fourches !!!<br /> Jean Clavel
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P
Mais cher Jacques, l'achat de terrains pour une extension (EPR) a déjà commencé, semble-t-il. Dans ces cas, mieux vaut que les vins ne valent plus rien, le prix du foncier suivra !!! Il est alors vain de faire un chèque "d'aide" pour dissimuler une stratégie bien plus sournoise. A moins de financer un programme d'irrigation avec une eau "polluée" pour des vins sans IG ! Ironie du sort ! Mais je vous rejoins, quand une centrale ne porte pas un nom géographique, les accidents passent mieux ! En attendant les vignerons sont dans l'impasse et les quelques solutions envisagées arriveront-elles à temps ? Les enjeux nous dépassent, nous les "paysans", face à des rouleaux compresseurs qui arrivent de toutes parts ! Ca s'appelle du harcèlement ! Et comme quand le textile a disparu, beaucoup ne seront pas émus.
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