Madame la Présidente d'AREVA, chère Anne Lauvergeon,
Rassurez-vous je ne suis ni Vert, ni anti-nucléaire primaire, rien qu’un écrivain public du vin qui s’adresse à vous en utilisant la Toile. Je vous ai croisé dans le bureau de mon Ministre alors que vous occupiez l’envieuse position de sherpa de Tonton. À l’époque nous causions du GATT, de l’Uruguay Round, maintenant c’est l’OMC et le cycle de Doha qui vient d’être enterré. Bref, nous réformions la PAC dans une ambiance quasi-insurrectionnelle et au château on nous surveillait comme du lait sur le feu. Mon ami Jean-François, vous répondait avec sa pertinence habituelle pendant que Louis vous taquinait pour votre anglais.
Foin de souvenir, pour vous femme d’un Grand Corps je dois représenter l’équivalent d’un microgramme de déchet nucléaire à recycler et pourtant ce que je vais écrire vous devriez prendre le temps de le lire et de le méditer. On vous a vu boire un pastaga à l’eau du Tricastin pour rassurer les populations anxieuses mais, hormis l’inutilité d’un tel geste télévisuel, pour ceux qui, au nom de leur terroir revendiquent l’appellation Coteaux-du-Tricastin, le mal est fait. Sur Google lorsque je tape Tricastin la première rubrique qui s’affiche c’est : Fuite nucléaire et l'ensemble de la page est entièrement occupée par l'affaire. Peut-on rêver mieux pour booster une déjà bien fragile notoriété de cette jeune appellation. Vous allez me rétorquer que le temps va effacer l’outrage, que l’oubli va faire son oeuvre, que la valse des catastrophes va prendre la place à la une. Pas si sûr et sûrement pas pour demain. Alors que peuvent faire ces braves vignerons qui subissent votre manque de vigilance ? Changer le nom de leur appellation ? Moi je veux bien mais que peuvent-ils trouver d’autre qu’un nom de fantaisie, on ne modifie pas par décret la géographie. Imaginez-vous que, pour une raison proche ce genre de plaisanterie douteuse, la même chose arrivait près de la prestigieuse appellation de Pauillac envisagerait-on un tel changement avec la même légèreté. La réponse est bien sûr non, Château Mouton Rotschild à Pauillac n'est pas le Château la Décelle à St Paul Paul-les-Trois-Châteaux.
Que la Centrale EDF et votre dépotoir mal tenu changent de nom, c’est bien sur possible mais, c’est à mon avis, trop tard. En clair, il me semble qu’il ne vous reste plus madame qu’à payer le prix de votre impéritie. Vu l’épaisseur de vos moyens pour vous c’est moins que l’épaisseur du trait. Pour démontrer votre volonté de réparer je vous demande, non de signer un petit chèque pour solde de tout compte, mais de vous engager ferme sur une période indéterminée, à accompagner les efforts des vignerons de cette petite appellation pour se sortir du mauvais pas dans lequel vous les avez précipité. Ça ferait beaucoup de bien à votre image de marque. Ça ferait enrager Pascal Kron votre cher collègue et ami d’Alsthom. Ça montrerait à la France d’en bas que ses élites se préoccupent de leur modeste quotidien. Ça ferait grand plaisir à notre Ministre de l’Environnement qui est un amoureux du vin. Ça ne serait surtout que justice pour les vignerons des Coteaux-du-Tricastin.
Bien sûr nous sommes au mois d’août et ma lettre risque de finir aux oubliettes, de disparaître dans le grand océan de l’indifférence médiatique. J’en suis conscient mais qu’importe madame la Présidente, chère Anne Lauvergeon, je dépose sur votre vaste bureau ma contribution en défense de notre patrimoine AOC dont nous revendiquons la protection à l’OMC. Pour terminer je me permets d’en appeler à la mémoire d’Henri Michel grand ami du François que vous avez servi, cette région c’était la sienne, il l’aimait, la défendait avec sa passion bonhomme. Ne lui faites pas l’injure de l’indifférence.
Dans l’espoir de la prise en considération de la présente et dans cette attente je vous prie d’agréer, madame la Présidente, chère Anne Lauvergeon, l’expression de mes cordiales salutations.
Jacques Berthomeau