Il était une fois, au large de la mer Méditerranée, là où l’eau était d’un bleu si transparent que l’onde scintillait comme le plus pur cristal, le château du Roi de la Mer, érigé sur le sable blanc des hauts fonds, dont les murs étaient de corail et les hautes fenêtres d’ambre transparent. Les tuiles de ses toits pointus étaient des coquillages, qui s’ouvraient et se fermaient au gré des courants, laissant les milles feux des perles, qui font les colliers des belles, éclairer le lieu bien mieux que l’aurait fait les centrales nucléaires du Tricastin.
Le roi était veuf et gaillard mais il s’ennuyait ferme auprès de sa vieille mère qui tenait la maison. Il avait 6 filles, les princesses de la mer qui, comme leur grand-mère, étaient toutes dotées d’une magnifique queue de poisson leur permettant de vaquer à leurs occupations.
La préférée du roi c’était la plus jeune, la plus belle de toutes, elle avait la peau aussi fine et transparente qu’un pétale de rose et bien sûr ses yeux étaient d’un bleu d’Outremer. Les princesses de la mer, comme leur père, s’ennuyaient alors elles jardinaient dans le potager du Roi en rêvant des beaux marins qui naviguaient au-dessus de leur tête en des paquebots si gros et si haut qu’ils ressemblaient à des HLM de la Courneuve.
Un jour, la plus jeune découvrit au fond de la mer, dans un carré de scorcenaires, une bouteille à la mer, vous savez les humains adorent, pour un oui ou pour un non, jeter des bouteilles à la mer. Elle l’a porta sitôt à son père. Il reconnut de suite que le flacon provenait de la DRC et fit quérir en hâte le tire-bouchon qui servait d’ordinaire à ouvrir les bouteilles de Saint-Emilion 1er Grand Cru classé A château Ausone. Tout l’équipement et l’approvisionnement du château provenait des naufrages ce qui était plus simple que de faire ses courses à la Grande Epicerie du Bon Marché. À l’intérieur de la bourguignonne, la bouteille bien sûr, il trouva un e-mail, posté sur Face de Bouc, d’un certain David Farge Abistodenas qui se disait président des Vendredis du Vin.
La lecture du message de ce président au nom à coucher dehors plongea le roi dans une profonde réflexion. Très vite il convoqua sa vieille mère et lui dit tout de go « J’en ai marre de toutes ces vieilleries datant d’Andersen surtout ce « grand jardin aux arbres rouges et bleu sombre, aux fruits comme de l'or » nous sommes au XXIe siècle. Je vends tout aux enchères chez Christie’s et je plante de la vigne pour faire le plus grand vin du fond des mers. »
Sa mère interloquée lui répliqua un peu pincée « comment allez-vous financer la cuverie ? » Le roi sourit.
« Je transforme le château en bungalows et j’ouvre un Club Méditerranée ! »
La douairière fut horrifiée et le fut plus encore lorsque son fils ajouta « ensuite j’ouvrirai un centre de thalassothérapie et de Vinothérapie… »
Mais qu’est-ce que ce diable de David Farge Abistodenas avait bien pu fourrer dans la tête du roi ?
Nul ne le su, sauf la dernière fille du Roi, la préférée, qui avait lu le billet au-dessus de l’épaule de son père.
La réussite du projet royal fut foudroyante car les chinois et les russes, toujours à l’affut de nouveaux marchés, se ruèrent au fin fond de la mer.
Bien évidemment tout ce charivari planta un joyeux bordel dans le vieux conte d’Andersen même qu’un journaliste facétieux baptisa le lieu Saint et Millions.
Le roi fit appel à Robert Parker qui, en dépit du goût salin du cru, balança des 98, des 99, des 100 sur 100 à tour de bras. Les éminents consultants bordelais, menés par Hubert de Boüard de Laforest, débarquèrent pour dispenser leurs conseils au Roi un peu dépassé par les évènements. Sa mère après avoir longtemps boudé décida un beau jour de faire du vin dans le garage des carrosses. Elle le baptisa Va-dans-l’eau. Ce petit cru de rien du tout monta si haut qu’il fut propulsé au rang des premiers crus classés par une commission venue tout droit de l’INA eau.
Et pendant ce temps-là la Petite Sirène rêvait. Elle rêvait comme toutes les princesses du Prince charmant. Si ce drôle de David Farge Abistodenas n’avait pas flanqué le souk dans le conte d’Andersen elle l’aurait découvert sur le pont supérieur du grand trois mâts où l’on fêtait, sur une mer d’huile, l’anniversaire de ce futur Roi de la Terre.
Allongée sur le dos de la mer la petite sirène aurait, à chaque fois qu'une vague l’aurait soulevée, se serait émerveillée en contemplant le jeune homme en grand uniforme de l’Amirauté. Au beau milieu de la soirée tout le monde se serait mis à danser sur le pont. On aurait tiré un feu d’artifice. Et puis, la tempête se serait levée. « Alors, vite les matelots replièrent les voiles. Le grand navire roulait dans une course folle sur la mer démontée, les vagues, en hautes montagnes noires, déferlaient sur le grand mât comme pour l'abattre, le bateau plongeait comme un cygne entre les lames et s'élevait ensuite sur elles. »
La jeune princesse de la mer aurait cherché le jeune prince du regard et, lorsque le bateau se serait entrouvert, elle l’aurait vu s'enfoncer dans la profondeur de la mer.
Elle aurait plongé.
Elle l’aurait sauvé.
Elle l’aurait déposé sur le rivage après avoir déposé sur ses lèvres salées un baiser.
Mais tout cela avait été balayé par l’installation du Club Méditerranée et d’un vignoble de GCC et la Petite Sirène savait bien qu’elle ne disposait plus des moyens de raccommoder la trame du conte d’Andersen et qu’il lui fallait, comme ses sœurs, suivre des cours d’œnologie et passer son DNO pour espérer se sortir indemne de cette histoire sans queue ni tête.
C’est alors qu’en gagnant Bordeaux par la Gironde, en brasse papillon, elle tomba nez à nez sur une petite assemblée de naturistes qui colloquaient gravement sur la meilleure façon d’exciter les levures endogènes et de pister le soufre comme des Sioux sur le sentier de la guerre.
La petite sirène trouva ça beau, même très beau et très excitant. Alors, au lieu d’aller passer son DNO, elle se gagea comme ouvrière agricole à Pomerol chez un jeune vigneron dont je tairai le nom car ça ferait jaser les mauvaises langues. Faut dire qu’elle tint vite une belle place dans les dégustations parisiennes, au Lapin Blanc, avec tous les chauds lapins des vins natures, car elle apportait un souffle d’air marin qui plaisait bien.
Le problème avec un conte d’Andersen lorsqu’il a quitté ses lignes pour emprunter des chemins de traverses, c’est de lui trouver une fin qui ne soit pas une fin en queue de poisson.
Telle est donc le défi qu’il va me falloir relever avant le vendredi 29 novembre minuit.
Pour l’heure, et en ce mardi 29 octobre au soir, après avoir profondément décoconné suite à la lecture de la prose de David Farge Abistodenas sur Face de Bouc, je pose mon porte-plume électronique en me disant que j’aurais mieux fait de choisir comme héros de conte le loup de Tex Avery. Là au moins j’aurais été comme un poisson dans l’eau et j’aurais pu demander à mes copines des tuyaux pour m’éviter le même naufrage qu’avec ma Petite Sirène entichée d’un vigneron Pomerolais.
Jusqu’où irais-je dans ma dérive ?
Je ne sais. Mais ce que je sais c’est qu’il me reste un mois pour me sortir de la mer...
En attendant ce dénouement je dois confesser que Les Contes de Hans Christian ANDERSEN, dans un beau livre cartonné, ont bercés ma jeunesse : le rossignol « Vous savez qu'en Chine, l'empereur est un Chinois, et tous ses sujets sont des Chinois… », la petite fille aux allumettes « Il faisait effroyablement froid; il neigeait depuis le matin; il faisait déjà sombre; le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue: elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus. Lorsqu'elle était sortie de chez elle le matin, elle avait eu de vieilles pantoufles beaucoup trop grandes pour elle. Aussi les perdit-elle lorsqu'elle eut à se sauver devant une file de voitures; les voitures passées, elle chercha après ses chaussures; un méchant gamin s'enfuyait emportant en riant l'une des pantoufles; l'autre avait été entièrement écrasée… », la petite sirène « Au large dans la mer, l'eau est bleue comme les pétales du plus beau bleuet et transparente comme le plus pur cristal; mais elle est si profonde qu'on ne peut y jeter l'ancre et qu'il faudrait mettre l'une sur l'autre bien des tours d'église pour que la dernière émerge à la surface. Tout en bas, les habitants des ondes ont leur demeure. »
Oui, j’avoue que j’ai un peu honte d’avoir détourné ce dernier conte, l’un des plus populaires, de cet écrivain danois (1805-1875), qui, grâce à ses Contes pour enfants, incarne le génie populaire nordique. Né à Odense le 2 avril 1805, au sein d'une famille pauvre, son père est cordonnier et il meurt lorsqu'il a onze ans. Hans Christian ANDERSEN part alors seul à quatorze ans chercher fortune à Copenhague. Il est tenté par le chant, le théâtre puis la danse et travaille quelque temps pour le directeur du Théâtre Royal, qui financera plus tard ses études. Dès 1822, Andersen commence à publier ses premiers textes: un récit fantastique inspiré par E.T.A.Hoffmann...
Paradoxalement, alors que je suis censé vous tartiner une chronique sur le vin pour les Vendredis du Vin j’en suis réduit à la dernière extrémité :
« Qui va me sauver, tel Moïse, des eaux ? »
J’ai très vite trouvé.
Ce serait Sophie !
Oui grâce à « L’autre choix de Sophie » son EgiaTegia un vin de la mer link
« Le vignoble d'Emmanuel Poirmeur, planté essentiellement en chardonnay, sur les hauteurs de la commune d’Urrugne à mi-chemin entre l'océan et la Rhune, s’épanouit aux embruns de la mer pour donner ce vin ciselé à la bulle légère, plein d’arômes et d’agrumes qui va faire référence, " EgiaTegia " (Atelier des vérités). »
Sa philosophie ?
« L’homme et la vigne en parfaite symbiose ». En effet selon lui tout comme « l’homme avait besoin (autrefois) de la vigne pour purifier l’eau, la vigne avait besoin de l’homme pour être protégée et conquérir de nouveaux espaces » l’homme et la vigne ont toujours vécu ensemble. C’est d’ailleurs de là que lui ai venu l’idée de créer un vignoble à Socoa sur la Côte Basque….l’une des rares régions où la présence humaine ne s’accompagne pas d’un vignoble.
Mais quel est impact de l’immersion sur le vin Egia Tegia ?
« La mer est utilisée comme source d’énergétique. Immerger à 15 mètres de profondeur cela permet d’exercer une pression sur le vin lui permettant de conserver l’effervescence. (Cela apporte également des arômes de goyave)
Pour la petite anecdote, même si à l’heure d’aujourd’hui il semble surprenant de voir des vignes plantées sur la côte basque il nous est nécessaire de ne pas oublier notre passé. Au début du siècle de nombreux (pieds de vignes) hectares étaient présents sur cette côte. »
Après ce rude effort je pars illico me faire dorer sur une plage paradisiaque au sable blanc j’y ai rendez-vous avec la petite sirène dont je tairais le nom pour ne pas éveiller la jalousie des vignerons de Saint-Emilion.