En contemplant l’état lamentable de Bouzeron, le bellâtre avait fait sûr lui, Gendron et Buchou, sans trop savoir pourquoi, sentaient flotter au-dessus de leurs képis un fumet d’emmerdements futurs. Ce détour par le pavillon d’honneur, sans enfreindre l’ordre de leur gommeux de chef, leur flanquait une affaire sur les bras. Pendant le désaucissonnage du garde, Gendron qui, sans être un esprit très agile, se situait dans la bonne moyenne française des démerdards, décidait que, selon une formule imagée d’un vieux routier de la politique, « dans la mesure où les merdes volent en escadrille… » mieux valait ne pas s’embarrasser de celle-ci, et que la décision la plus sage consistait à neutraliser ce grand con de Bouzeron. À la grande surprise de son collègue Buchou, il toisait le garde : « Tu ne fais plus le fier, hein, Bouzeron ! Pour ta réputation vaudrait mieux qu’on soit discrets mon collègue et moi. Je ne sais pas si c’est un cornard qui t’a fait payer l’addition de son cocufiage mais tu vas me faire le plaisir d’aller te laver. Tu pues la trouille et le reste. Avant qu’on te fasse cette fleur tu vas nous faire des confidences sur Mont-Royal. Donnant-donnant : nous on la boucle, toi tu l’ouvres… » Bouzeron, obtempérait avec la veulerie des forts en gueule. Il entraînait les deux pandores à la cave qui avait des allures de bunker. Le sol, comme les murs, enduit de résine miaulait sous leurs semelles de crêpe. Des plafonniers épandaient une lumière crue dans une enfilade de pièces meublées, de façon rudimentaire, militaire, comme un appartement de surface. Au fond, tout le flanc droit d’une vaste cuisine était occupé par des frigos de bouchers. Bouzeron, sans hésiter, se dirigea vers la porte de l’un d’eux, grande ouverte. Buchou et Gendron se lançaient des regards interrogateurs. Ce qu’ils voyaient dépassait très largement leur capacité d’imagination.