Cher François,
J’ai longuement hésité à n’employer que votre prénom car certains de mes lecteurs auraient pu penser que je m’adressais au locataire actuel du lieu-dit l’Élysée qui n’est pas vraiment votre tasse de thé. Mais le parallélisme des formes – le juriste qui sommeille en moi y tient – puisque vous m’avez adressé un cher Jacques, me fait un devoir de procéder ainsi.
Rassurez-vous François Audouze je n’ai jamais fumé la moquette mais ai été un grand amateur de cigares (lire la chronique Mes vices cachés link) même que j’ai accompagné à Bordeaux, avec Zino Davidoff, une fournée de journalistes parisiens membres du Club des Journalistes Amateurs de Cigares (CIJAC link pour qu’ils dégustent des GCC. Nous avons excellemment déjeuné dans la bibliothèque de Philippine de Rothschild.
Quelques années auparavant c’était de futurs énarques que j’avais cornaqués au royaume des GCC et là nous avions dînés à Cos d’Estournel chez mon ami Bruno Prats à l’invitation de l’UGCC.
En mai 1981, alors que le bruit des chenilles de l’Armée Rouge raisonnait dans le lointain d'au-delà du rideau de fer, je me suis retrouvé à l’Hôtel de Lassay, résidence du Président de l’Assemblée Nationale, où l’on me confia les clés de la cave que Jacques Chaban-Delmas avait dédié exclusivement qu’au GCC de Bordeaux. Bon petit soldat, adepte de l’extension du domaine du vin, j’ai passé des achats dans l’ensemble de notre France du vin. Lorsque je rendis mon tablier la cave s’était enrichie et diversifiée.
Tout ça, cher François Audouze, n’a pas fait de moi un grand amateur. Je suis et je reste un honnête buveur, chroniqueur, qui a horreur qu’on le soumette à la question. Chez moi, en Vendée, nous gardons nos émotions dans notre for intérieur.
Alors, lorsque très gentiment, avec un réel panache, vous m’invitez à venir à la séance de l'académie des vins anciens du 5 décembre, vous prenez un risque majeur, non que je ne sache pas me tenir à table – comme le fit remarquer en 1981 mon Président, ami d’un autre François natif lui de Jarnac, nous savons nous servir d’un couteau à poisson et nous ne buvons pas l’eau du rince-doigts en guise de trou normand – mais parce je suis un réel mécréant qui n’a pas sa langue dans sa poche. C’est comme si vous faisiez entrer le diable par la sacristie pour l'introduire dans le Saint des saints de votre académie.
Vous me dites qu’ « On y boira des vins anciens, comme son nom l'indique, en les vénérant en ce qu'ils représentent de la formidable aventure de la vinification. Quand tous ceux qui imaginent avoir inventé la façon de faire du vin expliquent qu'avant eux c'était l'obscurantisme, des bouteilles presque centenaires prouvent que ces gens-là (au sens de Brel) savaient avec humilité, en écoutant la nature, faire des vins qui défient le temps. »
Mon passé d’enfant chœur jureur ne me prédispose guère à la vénération mais s’il est un principe auquel je suis très attaché c’est le respect. Le respect du travail et du génie de ceux qui font, de ces hommes et de ces femmes qui nous ont transmis leur savoir-faire.
Vous êtes un fidèle lecteur de Vin&Cie François Audouze, je dois souvent vous donner de l’urticaire et vous-même énervez certains de mes lecteurs –Léon en tête –, moi-même parfois aussi, mais peu importe le vin c’est « un peu de douceur, de convivialité, de plaisir partagé, dans ce monde de brutes... » ai-je écrit au fronton de mon « espace de liberté ». Alors je me rendrai donc à votre académie des vins anciens, sans sabre ni habit vert, simplement à vélo.
A bientôt donc.
Jacques Berthomeau dit le Taulier