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10 avril 2015 5 10 /04 /avril /2015 07:00
Jean-Yves Bizot, vigneron à Vosne-Romanée, suite à l’échange entre Olivier de Moor et Michel Bettane, interroge ce dernier.

C’est très simple Olivier de Moor et Jean-Yves Bizot, tous deux vignerons, sont des amis, nous échangeons souvent entre nous, par courriel, sans que pour autant je publie nos courriers. Aujourd’hui, je prolonge la chronique du 8 avril « Dans les AOC on n’est pas là pour rigoler. On endosse un uniforme. Échange épistolaire entre Olivier de Moor et Michel Bettane » en vous proposant les réflexions et les questions que Jean-Yves Bizot transmet à Michel Bettane car elles me paraissent dignes d’intérêt.

 

Bonjour Michel,

 

Olivier de Moor, un ami, m’a transmis vos réponses du 22 mars à ses mails.

 

Vous ne devez pas être sans vous douter, du fait de votre position, que vos réflexions ne peuvent que circuler. Même si elles ne sont qu’une réponse rapide, peut-être trop rapide – et c’est pour ça que ces messages sont révélateurs- elles contiennent en filigrane des éléments inquiétants. Ils ont généré chez moi un grand malaise, et continuent à le faire.

 

Malaise intellectuel, déjà, avec ce que sous-tendent vos propos. Malaise aussi presque physique d’enfermement, d’étouffement. Ce qui devrait être paradoxal, puisque vous invoquez la sacrosainte liberté d’expression, que vous revendiquez. C’est la raison pour laquelle j’interviens pour essayer de mieux comprendre vos idées.

 

Je reprends les points en suivant votre présentation.

 

- L’objectif de votre guide : jusque-là rien à dire si ce n’est que… en 2005 lors d’une dégustation à l’IPNC à Mcminnvill, vous nous avez expliqué que le critique n’était pas libre, contrairement à l’amateur. Vous justifiiez par cet argument votre jugement négatif sur un vin, jugement non partagé par l’assistance. Jugement qui était certainement étayé mais dont les fondements lui (nous) échappaient. Propos qui m’ont interpellé à l’époque : si la critique n’est pas libre, qui l’est alors ? Sous une autre forme, Pierre Antoine Rovani m’avait dit sensiblement la même chose : « nous devons respecter nos lecteurs ». Autrement dit, « nos clients ». Ce n’est absolument pas un jugement, simplement un constat, qui réduit la liberté d’expression à un avatar assez souffreteux de la liberté de pensée. Mais qui nous réunit aussi, puisque lorsque l’on fait du vin, malgré ce qui pourrait sembler des libertés peut être abusives, en face, il y a des clients.

 

- La dégustation à l’aveugle comme moyen le plus loyal de juger les vins ? Il doit certainement en y avoir d’autres, et j’ai du mal à considérer l’ignorance comme un moyen d’accéder à l’objectivité. Sauf à considérer à la toute fin que le vin n’est qu’un produit. Ce que vous semblez d’ailleurs agréer, surtout lorsqu’ils sont d’appellation, semble –t-il. J’y reviens un peu plus loin.

 

- « Les vôtres ne sont pas des vins d’auteur… que de nombreux producteurs ont tendance à oublier » : nous sommes dans le cœur du problème. Déjà, cette simple phrase sue le mépris, la condescendance à la limite du supportable. Mais passons sur ce jugement un tantinet supérieur pour aller plus avant. D’autant que sur votre blog, un article intitulé «Critique du Journalisme de Promenade» vous étranglez cette idée que le vin soit une œuvre d’art. Avis que je partage entièrement.

 

Il y a deux aspects dans votre propos :

 

- Le premier, c’est que vous ne répondez finalement pas à la question d’Olivier : il se place dans à un échelon supérieur, bien en amont de l’appellation et du cahier des charges. Or la question est un problème fondamental, sur lequel nous devons tous nous interroger, presse comprise : peut-on continuer à produire avec les méthodes actuelles ? Ce n’est pas qu’une vision idyllique de la nature sans pollution, sans risque, mais déjà un problème de société. C’est donc une question qui dépasse largement le cadre réduit de l’appellation ou du cahier des charges, mais qui engage là, véritablement puisque vous l’invoquez, la Nation : politiques, citoyens, producteurs, journalistes. Question sur laquelle nous achoppons tous.

 

- Le deuxième, c’est cette notion de vins d’auteur – puisque finalement, il semblerait qu’il en existe – qui n’appartiendraient pas à l’appellation. Au nom d’un argument souverain : l’appartenance à la Nation. Nation donc coercitive, castratrice, inhibitrice ? Qu’est-ce que c’est que cette nation ? « Liberté » est le premier mot de la devise de la Nation. Cette distorsion de la notion de liberté se retrouverait aussi dans vos propos sur la manière de faire du vin : pour en faire en somme, il suffit de respecter le Cahier des Charges ? En substance, donc pour être un bon écrivain, je ne dis même pas un auteur, il faut respecter la grammaire, l’orthographe, et les règles de typographie. C’est suffisant. Je ne pense pas que vous soyez assez naïf pour croire à de telles choses ? L’appellation, en dépit de son cahier des charges, est nécessairement un espace de liberté. C’est cet espace de liberté que protège aussi le cahier des charges. Comme la liberté d’expression protège la liberté de pensée. Sinon, l’AOC est morte. Si c’est l’inverse qu’il protège – le conformisme, le grégarisme, la médiocrité au sens premier - il transforme le vin en article : celui-ci devient juste alors le résultat d’une suite d’opérations obligatoires, pas forcément cohérentes. Vous connaissant un peu, je ne crois pas que ce soit ce que vous défendiez. D’autant que poussé à l’extrême, cette orientation rendrait votre métier caduc.

 

- « Tout chablis en revanche doit être comparable » : c’est exactement le problème d’Olivier. Que comparez-vous ? Un même cahier des charges, respecté. Olivier s’inscrit dans celui-ci, à 100 %. Oui, ça marche. À ce niveau, c’est comparable. Mais qu’y a-t-il en amont ? Est-ce comparable ? Ce qu’il y a au-delà de l’appellation… C’est là-dessus que j’aurais aimé avoir votre avis.

 

Vous avez écrit il y a quelques années un article intitulé «les bio-cons». Quelques années auparavant, jeune loup solitaire, vous publiiez un article qui a fait date sur le niveau des vins et l’état du vignoble en Bourgogne. Ce que nous avons vécu techniquement comme transformation ces 25-30 dernières années, on le lui doit, en grande partie. Entre les deux, toute une histoire. J’aimerais croire que ce ne soit pas celle d’un enfermement.

 

Sincères salutations,

 

Jean-Yves Bizot

 

Domaine Bizot

9 rue de la Grand’Velle

21700 Vosne-Romanée

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9 avril 2015 4 09 /04 /avril /2015 07:00
Le cracking moléculaire : casse ton lait cru pour faire un max pognon !

C’est l’anti-Perette au pot-au-lait et l’anti-monte lait chers au mère faisant bouillir leur lait cru acheté à la ferme.

 

199O Roquefort Société est mise en vente par son actionnaire historique, Michel Besnier tapis dans l’ombre guette sa proie fort de ses alliés dans la place : Yves Barsalou alors Président du CA et Jean Pinchon PDG de la Société des Caves. Nous cherchons des contrefeux. Dans mon bureau du 78 rue de Varenne, Jean-François Dehecq, l’héritier de Jean-René Sautier créateur au sein ELF Aquitaine de Sanofi, et grand architecte de ce groupe hygiène-santé encore société nationale.

 

Pour les petits loups qui savent tout mais ne connaissent rien, à cette époque Sanofi est propriétaire d’Entremont le « roi » de l’emmenthal breton vendu sous emballage individuel en GD. Je m’étonne de cette présence au sein d’un groupe hygiène-santé. Dehecq pur produit d’ELF, me rétorque : le lait c’est un produit blanc donc de santé et c’est un produit craquable comme le pétrole. Et de me faire la démonstration.

 

Il avait raison sur toute la ligne même si par la suite, internationalisation, recentrage sur la pharmacie et recherche de hauts profits, lui ont fait abandonner les vaches et leurs éleveurs turbulents. J’ai retenu la leçon et elle m’a beaucoup servi pour comprendre les stratégies des grands groupes laitiers : Nestlé, Lactalis, Danone, Bongrain, et les grandes coopératives du Nord de l’Europe.

 

Michel Besnier croquera La Société des Caves où il retrouvera face à lui le turbulent José Bové éleveur de brebis, mais pas encore démonteur du Mac Do de Millau, via Jean Pinchon bien sûr maintenu à son poste de PDG non opérationnel.

 

Alors, lorsque je veux faire mon effet auprès des petites louves qui ingurgitent des Danone bio alicaments je leur explique qu’ils sont fabriqués à partir de lait reconstitué. Ça jette un froid et un grand blanc.

 

Retour au José devenu eurodéputé vert, soi-dit en passant c’était son truc la politique bien plus que le syndicalisme agricole et je concède qu’il se bonifie en vieillissant. Avec Gilles Luneau, un excellent journaliste très au fait des réalités du secteur agro-alimentaire, il vient d’écrire un excellent ouvrage : L’alimentation en otage quand les multinationales contrôlent nos assiettes chez autrement.

 

Et nos deux auteurs de nous livrer une brillante démonstration sur les « mérites » du craquage du lait pour les pauvres multinationales bien sûr…

 

C’est quoi au juste le cracking moléculaire initié par l’industrie pétrolière?

 

« Grâce à différents procédés chimiques (catalyse) ou mécaniques (chaleur, membranes), le craquage casse une molécule organique en plusieurs éléments ayant une valeur commerciale importante. La somme de ces éléments rapportant plus que la molécule entière. »

 

C’est Danone qui dans les années 70 a ouvert la voie au craquage du lait.

 

« Le lait – liquide nourricier caractéristique des mammifères – est d’une complexité que le quidam ne soupçonne pas et dont nous n’avons pas encore exploré toutes les qualités… »

 

87% d’eau

 

Dans les 13% restant du lactose de 4,8 à 5%, des lipides de 3,4 à 4,4%, des protéines de 3,2 à 3,5% et des minéraux de 0,8 à 0,9%.

 

Les composants du lait sont partout :

 

« … on a découvert des protéines qui libèrent lentement des acides aminés dopant la formation des muscles et d’autres qui le font rapidement pour aider les muscles à récupérer après un effort. La médecine sportive en inonde aujourd’hui le marché. »

 

« La valeur nutritionnelle, les qualités texturantes, émulsifiantes, organoleptiques de ces protéines laitières leur ont ouvert les portes de toutes les industries agroalimentaires. »

 

En résumé : lait, produits laitiers, nutrition infantile, et « quasiment tout ce qui se fait en d’alimentaire en usine : biscuiterie, charcuterie, chocolaterie, sauces, crèmes glacées, restauration industrielle et plats cuisinés, boissons énergétiques aliments hypo ou hypercaloriques, mais aussi en pharmacie et en cosmétique. »

 

Quelques chiffres : 70% du lait collecté en France est transformé par seulement une dizaine de grands groupes privés ou coopératifs.

 

Note du taulier : la collecte est mutualisée pour en diminuer le coût, donc le lait d’un éleveur Lactalis peut se retrouver chez Yoplait… On s’entend comme larrons en foire… De plus il existe, comme pour le pétrole, un marché spot du lait où les industriels en manque de lait l’achètent à ceux en surplus au prix du jour.

 

23,7 milliards de litres collectés en France pour un CA de 25,3 milliards d’euros.

 

Le fromage bientôt sous-produit du lactosérum

 

36,8% de la collecte font des fromages dont seulement 15% au lait cru. « Le reste est fait d’assemblages d’ingrédients pour créer croûtes et textures « au goût du client » à qui on n’a jamais demandé son avis, mais chez lequel on fait naître une pulsion d’achat du dit fromage à grand renfort de spots télévisés. »

 

Note du taulier : sans cette fichue loi Evin c’est ce qui pourrait se faire dans le vin.

 

Quand on fabrique du fromage il reste le petit lait qu’on ne donne plus aux cochons mais on le craque car le lactosérum est une mine de molécules monnayables « au point que le jour approche où le fromage ne sera plus qu’un sous-produit du lactosérum. »

 

19,5% transformés en beurre et matières grasses

 

13,8% en poudre de lait (le nouvel eldorado chinois sous forme de poudre pour alimentation infantile)

 

7,2% en yaourts

 

7% en crèmes.

 

Le reste c’est le lait liquide conditionné 10,4% de la collecte

 

Et là c’est le royaume de l’ambigüité et du marketing car le lait entier c’est légalement 3,6% alors qu’au pis de la vache ça varie de 3,5 à 4,6% selon la race de la vache, son alimentation, du stade de lactation. Pour le ½ écrémé, 80 % de la conso, c’est encore plus juteux. Le surplus c’est tout bénef !

 

Mais ce n’est pas tout la France patrie de Pasteur est la championne du monde de la pasteurisation et du lait UHT. Ça fait du lait qui voyage, donc tout bénef pour la GD qui s’approvisionne à bas coûts. De plus, en l’aromatisant ou en y ajoutant des vitamines, des fibres, des minéraux, on dope le prix conso avec du marketing « complément alimentaire », « alicament »…

 

Sus au lait frais et au lait cru !

 

Les Français sont des veaux à qui l’ont fait sucer des laits pour sportifs en manque, pour femme active en stress, pour étudiant en examen, pour hypocondriaque en souffrance et ado en lutte contre son acné…

 

Bref, d’un produit naturel, complexe, le lait cru on fait une belle source de profits en le fractionnant sans se soucier des retombées sur la santé de ce craquage : les allergies alimentaires notamment.

 

Dernier point, la fin des quotas laitiers va certes permettre aux éleveurs français d’aller se mesurer via nos grands groupes au grand export de produits craqués mais comme ceux-ci savent compter il ne faudra pas compter sur eux pour aller ramasser le lait dans les confins du territoire de la France profonde. Le lait minerai sera produit au plus près des ports dans l’arc allant du sud de la Picardie à la Vendée.

 

Dans les années qui viennent nous allons assister à un grand déménagement du territoire mais de ça, à ce jour, tout le monde se fout. Marre de prêcher dans le désert depuis trop longtemps !

 

Le livre du couple Bové-Luneau est de salubrité publique pour le citoyen-consommateur espèce en voie de disparition.

 

4ième de couverture

« Dans l'ombre de la finance et du profit à court terme, une poignée de multinationales aux pouvoirs tentaculaires ont mis la main sur tous les échelons du système agroalimentaire mondial. De la graine plantée en terre à la grande distribution, des OGM à la sélection génétique animale, du négoce à la transformation, rien ne leur échappe. Les ressources s'épuisent, les inégalités se creusent, le paysan est dépossédé de son métier, le consommateur berné. Une seule réponse possible face à la superpuissance industrielle mondialisée : exercer chacun et ensemble, en toute conscience, le droit de choisir ce que nous mangeons. »

 

Le Monde.fr | 

Par Christian Rémésy, nutritionniste et directeur de recherche INRA
 

Pour continuer à manger des bons produits laitiers en quantité modérée, pour épargner aux éleveurs la conduite infernale des futures usines à lait, pour maintenir sur tout le territoire des élevages écologiques de vache laitière, il est temps de changer de paradigme, d’écrire la charte d’une production laitière écologique et durable, de la mettre en application et de stopper la course au rendement laitier. C’est en maîtrisant le volume de ses productions que la viticulture a réussi à maintenir ses revenus. C’est en consommant moins de produits laitiers dont on connaîtra la qualité et l’origine que la santé humaine sera mieux gérée et l’avenir de l’élevage mieux assuré. Mais que font nos politiques, n’ont-ils qu’une compréhension à court terme des conséquences de leur décision, nos éleveurs auraient-ils perdu leurs liens avec la nature et les consommateurs tout sens critique ? Les industriels nous auraient-ils transformés en veaux ?

 

Le cracking moléculaire : casse ton lait cru pour faire un max pognon !
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8 avril 2015 3 08 /04 /avril /2015 00:07
Dans les AOC on n’est pas là pour rigoler. On endosse un uniforme. Échange épistolaire entre Olivier de Moor et Michel Bettane

Le grand débat ouvert dans les années 2000 par un rapport iconoclaste et un nouveau président de l’INAO tout aussi iconoclaste est-il définitivement clos ? La messe est-elle dite ? Amen !  Plus précisément l’encre des cahiers des charges, la partition, est sèche, et l'interprétation semble bien codifiée.

 

Tout va très bien dans le meilleur des mondes des AOC-IGP, circulez y’a rien à voir les  gardiens du temple, contrôleurs extérieurs ou intérieurs, veillent sur le bel édifice où sont logés les signes de qualité.

 

Vive la norme ! Bien sèche, bien rigide, haro sur les espaces de liberté et les va-nu-pieds qui les ont créés. Je ne veux voir qu’une seule tête ! Tout le monde doit avoir un air de famille, la même identité ! Dilution : sur le lisse tout glisse !

 

Ça rassure la masse, ça conforte le pouvoir des chefs, ça exonère la puissance publique de sa mission de gardienne de l’intérêt général qui n’est pas la somme des intérêts particuliers, mais ça ne tient pas debout car tout cela ne peut pas tenir car les murs trop rigides finissent par se lézarder avant de s'écrouler sous les coups de boutoir des nouveaux barbares.

 

Nous courons vaille que vaille derrière les nouveaux barbares, en nous délestant bêtement de nos armes et de nos bagages, ce qui a fait notre force, notre originalité, notre authenticité, mais croyez-moi nous ne les rattraperons pas car ils n’ont pas, eux, de fers aux pieds.

 

Dans le grand barnum mondial formaté ouvrir des espaces de liberté, de créativité, c’est redonner corps et âme à ce que furent à l’origine les AOC, des lieux où les faits, les pratiques ont précédé le droit. S’exonérer des bonnes questions, y compris techniques, matériel végétal, moyens de protection du vignoble, et des moyens d'exploitation (ce dernier terme est un gros mot, mais révélateur quand même), c’est pratiquer la politique de l’autruche.

 

Tout figer c’est momifier !

 

Reste que ceux qui furent et sont encore des novateurs, des créateurs, sont bien isolés, bien dispersés pour faire entendre leur voix. Ils résistent au croskill niveleur, mais pour combien de temps encore ?

 

 

L’échange qui suit entre Olivier de Moor  vigneron à Courgis et Michel Bettane, avec la permission de celui-ci : « Mais bien entendu il vous est tout loisible de faire reprendre ce court échange. Je vous saurais gré de m'envoyer le contenu de cette reprise quand même! » me semble bien refléter le fossé d’incompréhension qui se creuse entre deux mondes…

 

Je reproduis les courriels in-extenso :

 

1-Olivier de Moor à Guillaume Puzo de chez B&D

 

Bonjour Monsieur Puzo,

 

J'ai été flatté de pouvoir figurer dans le guide Bettane et Dessauve suite à votre venue l'an passé. Après 20 ans de travail à notre propre compte. J'ai apprécié le temps consacré comme la précision que vous mettiez à écouter la façon que nous avons choisi pour faire nos vins.

 

 Cette année, je viens de lire que votre travail change et que faute de temps, ce que je comprends, vous réalisez votre dégustation, et votre sélection, après échantillonnage et collecte des bouteilles du 2013 au BIVB de Chablis.

 

 Je ne donnerai pas de bouteilles au BIVB de Chablis, comme l'an passé je n'ai pas donné de bouteilles au BIVB pour le nouveau dégustateur du Wine Advocate en charge de la région, M. Neil Martin pour une dégustation similaire.

 

On peut considérer en effet que le vin parle par lui-même, et qu'il reflète le travail qui lui a donné naissance. Cette idée je l'espère. Mais elle reste à relativiser. Le vin au-delà de toute l'envie que nous lui transmettons demeure dans notre cas un produit vivant. Dépendant de sa propre humeur.

 

Plus important encore, je peux intégrer  ces variations, et son évolution normale que j'accepte en faisant déguster au domaine, en salon, mais je n'accepte plus de voir comparés nos vins à d'autres qui n'aient pas été fait dans la même éthique, et la même honnêteté. Vous pouvez considérer cette revendication comme incongrue; malheureusement elle ne l'est pas compte tenu des questions surtout environnementales.

 

 Je me permets de considérer que le vin doit autant être jugé sur son résultat que sur celui qui a conduit à le faire.

 

Je sais que M. Bettane aime beaucoup les Chablis. J'aime autant ma région que je maudis certaines pratiques. Je ne peux pas en conséquence, mettre nos vins au milieu d'une « compétition » à l'aveugle, sans règle du jeu. Je pense que cela avilie l'ensemble et finalement par mon choix je veux donner une chance à des pratiques plus vertueuses.

 

 Comptant sur votre compréhension.

Cordialement

Olivier de Moor

 

2-Réponse de Michel Bettane

 

Cher Monsieur,

 

 Merci de la franchise de ce petit mot dont je comprends parfaitement certaines causes. Notre guide est au service à la fois du consommateur et du producteur aidant l'un à être informé et l'autre connu, reconnu. Je ne connais pas de plus loyal moyen d'évaluer les vins d'une même appellation qu'une dégustation comparative à l'aveugle sur place. Les vôtres ne sont pas des vins d'auteurs et ils se revendiquent d'une appellation qui appartient à la nation ce que de nombreux producteurs ont tendance à oublier.  Je regrette donc cette décision qui vous isole plus qu'elle ne vous sert mais évidemment la respecte. Je suis sûr que Guillaume pense comme moi.

 

Cordialement

Michel Bettane.

 

3-Réponse d’Olivier de Moor à Michel Bettane,

 

Sur les vins d'auteurs, cela m'éveille le souvenir de Francine Legrand. "Les vins d'auteurs" restaient dans le cadre des appellations alors que Francine développait cette idée.

 

Je ne sais pas si je suis un auteur. Nous voulons simplement faire notre travail en essayant d'être logiques. Point d'intégrisme, mais  essayer de comprendre ce qui motive et limite nos voisins. Tout comme nous. L'appellation est aussi un aménagement social d'un territoire.

 

Sur le fait qu'une appellation appartienne à la nation, il est évident que je ne comprends pas le sens de chaque mot. A l'origine,  certes l'Etat, donc par raccourci la Nation a protégé l'"AOC". L'origine surtout, je pense.

 

Si ce rôle reste chapeauté par l'INAQ, dans le fonctionnement ce n'est plus l'état et la nation qui a la fois possédant les Appellations et leur contrôle. Et l'air de rien c'est au final une conséquence de ceci qui me fait ne pas vouloir une dégustation faite ainsi; les règlements actuels sont des propositions particulières, privées, qui n'ont rien à voir avec État et Nation.  C'est un abandon de la gestion des aco par l'État. Les règlements des appellations sont scellés et je dois avouer avoir grand peine à y trouver une logique pratique, commerciale et économique dans de trop nombreux cas. Cependant vous pouvez compter sur moi pour que lorsque je revendique une appellation, j'obéisse à son règlement. Quand nous franchissons les limites, nous ne revendiquons plus les susdites AOC. Mais vous savez sans doute que le cadre hors AOC fait qu'ici en Bourgogne, vous perdez toute possibilité de nouvelle plantation. Mis à part un tout petit contingent de l'ordre de 10 Ha en Vin de France pour le quart Nord-est de la France.

 

Tout cela représente les mêmes facettes d'un blocage où l’AOC est ici, un chemin obligatoire, avec ses règlements actuels.  Et nous passons à côté je pense d'une stimulation de l'ensemble. Voire même de créations d'emplois. L’AOC revigorée par un système "libéralisé" autour.

 

Je comprends aussi votre point de vue de dégustateur: quel meilleur moyen que de goûter tout les vins d'une même AOC, d'une même année, en un même lieu pour en avoir une idée d'ensemble. Ressentir les tendances, les évolutions.  Mais comment les hiérarchiser ensuite ? Selon quel critère ?

 

Cordialement

Olivier de Moor

 

4-Réponse de Michel Bettane

 

C’est mon métier, comme le vôtre de faire le vin que vous pensez le plus fidèle à vos convictions. Mais vous le faites dans le cadre d’une appellation d’origine protégée possédant son cahier des charges et donc aux yeux du législateur des règles à respecter. Et le consommateur achète aussi cette appellation. Je comprendrais davantage votre point de vue si vous commercialisiez sous votre signature et avec vos propres normes un vin de table. Tout Chablis en revanche doit être comparable, ce qui est loin d’être équivalent à identique,   en quelque lieu que ce soit, à quelque moment que ce soit,  la vérité étant dans le verre, avec évidemment toute la liberté de jugement qu’une société policée  et libre autorise.

 

 Cordialement.

 Michel Bettane

 

 

Paroles et traduction de «Chocolate Jesus»

Chocolate Jesus (Jésus En Chocolat)

Don't go to church on Sunday
Je ne vais pas à l'église le dimanche
Don't get on my knees to pray
Je ne me mets pas à genoux pour prier
Don't memorize the books of the Bible
Je n'ai pas la bible graver dans l'esprit
I got my own special way
Je suis mon propre et particulier chemin
I know Jesus loves me
Je sais que Jésus m'aime
Maybe just a little bit more
Peut être même un peu plus

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7 avril 2015 2 07 /04 /avril /2015 00:09
Agriculture raisonnée : « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! » vive le Coucou de Rennes au verjus !

« Mes parents agriculteurs m’avaient mis, tout jeune, au petit séminaire. J’y apprenais le latin et le grec, et j’étais le premier de la classe. On me destinait à la prêtrise, mais je partis au Sénégal enseigner dans un collège… »

 

Non ce ne sont pas les premières lignes des Mémoires de votre serviteur mais celles puisées dans un texte de Paul Renault  consacré au Coucou de Rennes

 

Moi j’ai échappé au petit séminaire en déclarant effrontément à ma sainte mère que j’aimais trop les filles…

 

Belle transition avec mon Coucou de Rennes au verjus concocté avec amour pour mes adorables copines pour un dimanche où c’était officiellement leur jour.

 

Mais qu’est-ce donc que ce Coucou ?

 

Pas simple car ce coucou à 7 acceptions :

 

  • Le fameux coucou, drôle d’oiseau de l'Ancien Monde (Cuculinae) qui pond dans le nid des autres pour faire couver et nourrir sa progéniture et dont les premiers coucous sont guettés pour assurer la fortune de ceux qui les entendent à condition d’avoir un sou dans sa poche.
Agriculture raisonnée : « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! » vive le Coucou de Rennes au verjus !
  • 1 Pendule, ordinairement de bois, où il y a une figure d’oiseau qui, lorsque les heures sonnent, se montre à une petite porte et imite le chant du coucou.
Agriculture raisonnée : « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! » vive le Coucou de Rennes au verjus !
  • 1 Salut amical et familier, très utilisé par les accros de SMS.
  • 1 Avion vétuste et n’inspirant pas la confiance.
  • Le nom commun de la primevère officinale ou primevère vraie.
Agriculture raisonnée : « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! » vive le Coucou de Rennes au verjus !

 

  • 1 Variété de poules appréciées pour leur chair le coucou de Malines, le coucou de Rennes.
Agriculture raisonnée : « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! » vive le Coucou de Rennes au verjus !

Nous y voili, nous y voilà. Paul Renault nous explique comment il a sauvé cette race de poule :

 

« J’entendis un jour parler d’un vieux maraîcher qui, trop âgé pour continuer, venait de donner à l’écomusée du Pays de Rennes les derniers spécimens existants d’une race de poulet, le coucou de Rennes, créée en 1914 par un vétérinaire, le docteur Ramé. La race allait s’éteindre, tuée par l’introduction dans l’après-guerre du poulet américain, qui, génétiquement, « poussait » plus vite et donc revenait bien moins cher. Je reçus six coqs que nous fîmes reproduire, et je partis vendre ce « nouveau » poulet au marché des Lices.

 

Avec les gens de l’écomusée, nous avons recherché dans les archives comment élever le coucou de Rennes selon les règles de l’art, éviter par des croisements malencontreux la dégénérescence de la race, garder son beau plumage gris barré, avec sur le poitrail une sorte d’uniformité comme le coucou, ce qui lui vaut son nom.

 

Nous avons pu respecter la morphologie et la juste croissance du coucou. Le coq doit peser trois kilos, la poule deux et demie. Nos volatiles sont élevés en liberté dans des lots de cinq cents congénères sur cinq mille mètres carrés, les coucous disposant chacun de dix mètres carrés d’herbage. Ils sont nourris de blé, d’avoine, d’orge, de maïs, et de pois fourrager ainsi que de féverole, tous deux riches en protéines. Le dernier mois de leur vie qui en dure cinq (le poulet industriel vit un mois et dix jours), nous leur donnons du petit-lait, sous forme de lactosérum (c’est ce qui reste une fois qu’ont été produits beurre et lait ribot).

 

Par kilo de viande, le coucou de Rennes consomme six kilos de céréales (le poulet industriel, deux). Nous sommes aujourd’hui six éleveurs de coucous de Rennes.» 

Agriculture raisonnée : « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! » vive le Coucou de Rennes au verjus !

Paul Renault donc, en introduction de son propos marque sa différence « J’ai soixante ans et je pratique une agriculture naturelle, par opposition à l’agriculture industrielle très éloignée de la première, serait-elle désormais baptisée par ses tenants du doux euphémisme d’« agriculture raisonnée ». Difficile, pour l’occasion, de ne pas paraphraser Madame Roland, qui, conduite à l’échafaud révolutionnaire apostrophait amèrement la liberté. « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! »

Facilité de langage que d’opposer la nature à l’industrie, la réalité est bien plus complexe que ce raccourci : d’ailleurs la race que défend Paul Renault a été inventée par un vétérinaire. Je préfère de loin l’appellation agriculture traditionnelle, celle qui laisse du temps au temps tout en intégrant les apports des temps modernes.

En revanche, je partage son ironie sur le concept d’agriculture raisonnée qui s’assimile pour moi à la même approche que celle des IAA qui, après avoir bourrée leur produit, pour des raisons économiques, de sel, d’eau, d’additifs, et autres joyeusetés, vantent la politique du « sans ».

Bien sûr, je suis bien conscient qu’un virage à 180°, radical, n’est pas possible. J’ai eu les mains dans le cambouis et je sais d’expérience que les révolutions par le verbe et l’incantation ça ne fait pas avancer les choses. Ça aurait même tendance à figer les positions les plus extrêmes.

 

En revanche, informer les consommateurs sur le « confort », la facilité, la nocivité de certaines pratiques qui génèrent des abus, bloquent les avancées nécessaires et impulser des alternatives fait partie du job des décideurs.

 

Bien sûr, le poids des prescripteurs est tel que le discours dominant sur la nécessité du maintien d’une productivité maximale pour notre agriculture et notre élevage trouve des oreilles bienveillantes. Nourrir la planète ! Être à la hauteur des enjeux mondiaux! 

Oui, mais est-ce une approche pertinente sur le moyen terme ?

 

Courir derrière les géants de la compétitivité, le Brésil par exemple, n’est-ce pas se condamner à terme à un moins disant économique et social ? Nos vrais atouts ne sont-ils pas aussi dans le développement de produits les plus créateurs de valeur : les produits en accord avec notre tradition du bien manger ?

 

Les ajustements de notre agriculture et de notre élevage à ces nouveaux défis sont en cours et les dégâts sont déjà lourds pour des secteurs tels le hors-sol : volailles et porc. La libéralisation du secteur laitier va induire un vaste déménagement du territoire qui aura aussi des répercutions sur la production de viande bovine via les vaches de réforme. Quant au secteur des grandes cultures : céréales, sucre et oléagineux il ne pourra lui aussi faire l’économie d’une remise en cause de ses modèles. Le secteur des fruits et légumes est largement ouvert aux méfaits de l’hyper-productivité et le bio reste anecdotique. Pour le vin, nous sommes le cul entre deux chaises, le modèle AOC longtemps chanté comme axe de résistance à l’industrialisation par sa dilution ouvre des voies d’eau, si je puis dire, à sa banalisation. Les grands discours n’y pourront rien, la fameuse segmentation du marché qui fut un grand classique de ces dernières années commence dans la vigne et non pas dans les rapports des consultants : refrain connu mais absolument pas démodé.

 

Ne nous leurrons pas, tant que le système sera dominé par le couple grands groupes alimentaires-grande distribution, et que les consommateurs resteront en grande majorité insoucieux de ce qu’ils consomment, privilégiant, parfois pour des raisons tout à fait valables liées à la faiblesse de leur pouvoir d’achat, le prix à la qualité il est illusoire d’attendre des inflexions radicales de notre agriculture.

 

Voilà c’est dit mais ça ne nous empêche pas de continuer à semer des petits cailloux dans les belles pompes du système…

Agriculture raisonnée : « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! » vive le Coucou de Rennes au verjus !

Je laisse de côté mon discours bien indigeste pour vous proposer ma recette du coucou de Rennes au verjus et aux pommes.

 

  • 1 coucou de Rennes désossé sauf les pilons
  • autres ingrédients : 6 gousses d’ail, 2 tomates mûres, moutarde de Dijon forte, huile d’olive douce, beurre salé et crème fraîche crue.
  • Verjus et pommée
  • pour l’accompagnement 1kg de pommes type Reinette

Dans une sauteuse Le Creuset faites chauffer l’huile d’olive (2 cuillerées à soupe) et le beurre salé (50g). Y faire dorer les morceaux de poulet que vous aurez au préalable salé et poivré et les gousses d’ail. Versez 1dl de verjus + pommée et laissez-le s’évaporer. Ajoutez 1,5dl de vin blanc type oxydatif et les tomates ébouillantées et épépinées. Rectifiez l’assaisonnement et laissez cuire 45 mn.

 

Pendant la cuisson mélangez dans un bol une cuillerée à café de moutarde et 150 g de crème fraîche.

 

Dans une sauteuse faites cuire dans du beurre salé les pommes entières à feu doux pour qu’elles gardent leur structure en ajoutant un peu du jus de cuisson du poulet.

=

Filtrez le jus de cuisson avec une passoire fine en écrasant les gousses d’ail.

 

Faites le réduire sur feu vif pendant environ 5mn.

 

Ajoutez le mélange crème-moutarde et laissez bouillir encore 2 mn à feu vif jusqu’à l’obtention d’une sauce onctueuse.

 

Nappez-en les morceaux de poulet et servez-les accompagnés des pommes.

Agriculture raisonnée : « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! » vive le Coucou de Rennes au verjus !
Agriculture raisonnée : « Raison, raison chérie, que de crimes on commet en ton nom ! » vive le Coucou de Rennes au verjus !
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6 avril 2015 1 06 /04 /avril /2015 00:09
Les primeurs 2014 à Bordeaux est-ce la nouvelle chasse au dahu ?

L’abus de communication nuit gravement à la crédibilité…

 

Lorsqu’on n’a que peu de prise sur la réalité on communique, ça rassure les émetteurs des messages et ça nourrit le flux ininterrompu de ce n’est plus de l’information.

 

Cette semaine, la « bataille » à l’Assemblée Nationale autour du fameux message sanitaire est le meilleur exemple de ce qu’est un leurre. Ça permet aux décideurs publics de ne rien faire en renvoyant chaque camp dos-à-dos.

 

Tout le monde SANITAIRE me dit se préoccuper de ma santé, même Vin&Société sauf pour le sujet tabou des pesticides, mais les messages sanitaires ne servent à rien, ou du moins à pas grand-chose, sauf à faire accroire au bon peuple que l’on se préoccupe de sa santé.

 

La réalité de l’alcoolisme, et l’impuissance publique à la juguler, à prendre en compte les nouveaux facteurs de risques, tout comme le déni des acteurs de ce que toute boisson alcoolisée, aussi civilisée soit-elle, en est un, font que l’on se déporte sur un terrain phantasmatique celui de la liberté de communiquer.

 

Mais communiquer c’est quoi au juste ?

 

Un grand sac où l’on mélange joyeusement la liberté d’informer avec celle de nous abreuver de papiers formatés, de futurs copié-collé pour plumitifs paresseux. Pourquoi nous faire prendre des vessies pour des lanternes, la publicité a une fonction claire : faire vendre, et pour vendre il faut que le produit soit consommé afin d’être remplacé.

 

Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : l’efficacité de la publicité est conditionnée par son passage dans des canaux à fort impact sur une très large population, pour l’heure la TV et à un degré moindre l’Internet, et par son intensité, son niveau de bruit.

 

Le vin en France a-t-il les moyens financiers pour affronter une libéralisation de la publicité ?

 

Je laisse à chacun le soin de vérifier les budgets de publicité des acteurs, y compris d’un des plus puissants : le CIVB.

 

Reste l’information du public via des journalistes, des vrais, sans conflits d’intérêts, le commerce est une chose, la critique une autre, c’est le véritable enjeu d’une nouvelle approche de la découverte du vin par les consommateurs, chevronnés comme néophytes.

 

Si la césure était franche, simple à délimiter, ça se saurait. Entre la volonté normale de celui qui vend de plaire, de séduire, de donner envie et la fameuse et inatteignable objectivité du critique, le fossé est de plus en plus étroit dans la mesure où les médias traditionnels papier vivent grandement de la publicité des opérateurs.

 

Chacun doit vivre et se draper dans une déontologie strictement personnelle n’est pas suffisant. Alors que faire me direz-vous ? Accepter l’état de fait, ne pas faire semblant, assumer, redonner de la vigueur à la critique, casser le lisse, sur lequel tout glisse, de la fameuse communication. Donner prise, émerger du flux uniforme, casser les codes…

 

Sans être provocateur j’affirme que ce serait bon pour le commerce !

 

Tout passe, tout lasse, même les fameux primeurs, « machine de guerre » de la place de Bordeaux, patinent, pour Olivier Bernard  (Domaine de Chevalier, Pessac Léognan), président de l'UGCB, compte sur « un millésime 2014 de qualité pour relancer la machine ». « La pression est là pour redonner envie d'acheter en primeur un vin livré fin 2016. Les enjeux financiers sont énormes à la propriété et au négoce. Les prix de sortie, connus dans quelques semaines, donneront la réponse. »

 

François Lévêque 

 

« Cette année, c'est relativement simple : ça passe ou ça casse ! Cette année, un redémarrage est crucial pour l'économie du vin à Bordeaux, sinon ça va être un carnage. Il y a 10 négociants qui s'autofinancent sur 120 entreprises, et qui n'ont pas, contrairement aux châteaux, le foncier comme garantie auprès du banquier. La mécanique du primeur est cassée : "Je te finance ton vin deux ans à l'avance, car je suis sûr de faire une plus-value à la sortie, si ce n'est pas le cas, tu le gardes". Au bon prix, le marché primeur existe, c'est une évidence. »

 

La force du négoce de place, c'est le réseau, ils sont capables de vendre partout sur la planète, c'est un métier. Les châteaux qui pensent pouvoir vendre en direct dans le monde entier se trompent. Le négoce est un maillage très en place qui est irremplaçable du jour au lendemain, c'est le seul à être capable d'équilibrer le marché.»

 

« La « chasse au dahu » ou « mission absurde » est un canular, qu’on retrouve dans différentes sociétés et cadres institutionnels, qui consiste à pousser les « victimes » à accomplir des actions manifestement stupides.

 

Les canulars combinent deux traits caractéristiques de la socialité humaine : la tromperie et l’humour. Considérés comme des blagues, ils « sont révélateurs des situations sociales dans lesquelles ils se produisent » (Douglas 1968 : 366). J’avancerai qu’une blague particulière – la « mission absurde » – montre que les canulars peuvent aussi être l’expression de traits plus généraux de la communication et de la cognition humaines. La mission absurde est une manière humoristique d’exploiter un aspect vulnérable de la confiance dans la communication au sein de contextes sociaux où existent des asymétries épistémiques entre les victimes et les farceurs. »

© Jean-Pierre Stahl

© Jean-Pierre Stahl

Victimes et farceurs lisons Jacques Dupont 

 

« Cette semaine, c'est celle des minibus Mercedes, des voitures noires et des hommes tristes. Mis à part les acheteurs de la grande distribution qui bossent dur tout en ne cachant pas leur plaisir de goûter des grands vins et de dîner aux vieux millésimes dans les châteaux, nombre de dégustateurs font la tête d'enterrement qu'affectionnent les mannequins masculins et les bassistes des groupes de rock. La fameuse "semaine des primeurs" a commencé lundi, les châteaux sont sur leur trente-et-un, dans les cuisines, on a sorti l'argenterie et dans les vignes un ou deux chevaux en labour se demandent bien ce qu'ils font là. T'inquiète Bijou, c'est juste pour une semaine ! Nous, on a choisi le maquis. Les Crus artisans, l'entrecôte à la braise, bref, les visites dans des appellations où l'on ne croise pas les six cylindres de location. On se régale de médocs pas chers, de montagne-saint-émilion bio à petit prix, et on fait des rencontres émouvantes. Mais cette semaine, comment ne pas évoquer les gros sous, car c'est bien de vente qu'il s'agit avec les primeurs. »

 

Oui mais l’évènement des primeurs 2014 c’est qu’ «Un seul être vous manque et tout est dépeuplé»

 

« Alain Raynaud. Le président du Grand Cercle des vins de Bordeaux fait bien sûr référence au dégustateur américain Robert Parker, qui pour la première fois depuis des décennies, n’a pas participé à la campagne des primeurs à Bordeaux. « A titre personnel, j’étais un peu triste. Bob est un grand ami, nous avons commencé ensemble en 1979, on a vu au fil du temps les paliers franchis par Bordeaux. Il est certain que tout le monde est un peu orphelin, cette année. On peut critiquer ses goûts ou déplorer la position qu’il a occupée, mais Robert Parker demeure – malgré ses soucis de santé – un palais exceptionnel, doté d’une incroyable mémoire du goût, et un homme qui a contribué à restaurer une image forte de Bordeaux ».

 

Le mouchoir de Michel Rolland 

 

« Depuis le château la Dominique à Saint-Emilion, Michel Rolland (sortant un mouchoir): « Ne m’en parlez pas ! (puis rires). Bien sûr, c’est un changement après 30 ans de visites régulières et puis surtout il avait une qualité énorme: il avait un impact…Il n’y a pas énormément de critiques du vin qui ont un impact, lui avait un impact mondial ! »

 

Jean-Luc Thunevin le chouchou dans son garage 

 

Non loin dans le garage de Jean-Luc Thunevin: « C’est vrai que je suis un enfant de Parker, un chouchou ! Mais son arrêt était prévisible, vu son âge, il est né en 47, je l’avais vu, il était un peu fatigué, il avait mal au dos. Donc le fait qu’il ne vienne pas est embêtant pour ses chouchous, donc peut-être pour moi. Mais, en fait il ne manque pas car le Wine Advocate existe toujours, même si ce sont des Singapouriens qui le possèdent, et il a envoyé Neil Martin, son collaborateur qui goûte et note les Bordeaux, toutefois ses notes seront moins importantes par rapport au boss. »

 

François Lévêque le nouvel agneau à rôtir

 

« Comme chez les animaux malades de la peste, une victime expiatoire, éternel vieux mythe du sacrifice, est souvent bien utile. L'an passé, ce fut Stéphane Derenoncourt qui fut exposé en place de Grève pour avoir osé - quelle audace ! - susurrer que le millésime 2013 n'était peut-être pas une merveille et qu'au château Malescasse qu'il conseille, cru bourgeois du Haut-Médoc aux stocks par ailleurs garnis, on n'allait point le conserver (…) en 2014, le nouvel agneau à rôtir semble bien être le dénommé François Lévêque qui, du haut de sa chaire de courtier a osé - là encore quelle audace ! -, prétendre que si les prix des très grands crus ne baissaient sérieusement, le marché des primeurs à Bordeaux risquait fort d'avoir du plomb à gros grain dans l'aile...

 

Hormis le JM Quarin qui me supplie de m’abonner à sa lettre pour tout savoir sur ses 800 vins dégustés, ce dont je me fous comme de ma première chemise, je vous offre un florilège de la ruée vers les primeurs…

 

J.DUPONT 

 

Les Photos de Sud-Ouest

 

BETTANE 

 

Le Figaro 

 

La RVF (1) 

 

La RVF (2)

 

Crédit photo de couverture : Pauillac. Dégustation au château Lynch Moussas© SALINIER QUENTIN

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5 avril 2015 7 05 /04 /avril /2015 07:00
CHAP.15 opération Chartrons, si la primaire est « bidouillée », Juppé  se présentera au premier tour.

Je hais les départementales… c’est du Jean Yanne pur cru… À Paris nous ne votons pas alors au petit matin blême et pluvioteux nous avons pris l’autoroute de l’Ouest, Trouville peut-être, pour échouer finalement au Trianon Palace jouxtant le parc du château de Versailles où un pingouin constipé nous a poliment signifié, à l’entrée du room-service, que le petit-déjeuner, œufs brouillés et viennoiseries incorporées, nous passeraient sous le nez, because jamais le dimanche pour une engeance de notre importance. Nous avons fait antichambre, expresso à 6 euros, pour un défilé de nanas et de mecs en survêtements gris. Bonjour tristesse, le chic se perd dans les palaces de pacotille. Dignement nous nous sommes retirés, ils ont même osé s’excuser. France terre d’accueil ! Notre faim était immense alors nous sommes rentrés at home pour la satisfaire. Le beurre demi-sel pour elle sur de la brioche. Le café à la turque était limite. Midi déjà, il est vrai qu’au cœur de la nuit nous avons pris une heure dans le buffet. Mon Dieu qu’elle est belle ! Aimer à perdre la raison/Aimer à n'en savoir que dire/A n'avoir que toi d'horizon/Et ne connaître de saisons/Que par la douleur du partir/Aimer à perdre la raison… Dans ces moments-là j’aime Aragon. Demain elle part à Ouessant fêter son anniversaire…

 

Seul face à mon écran, lassé par les rodomontades du nouveau Badinguet en talonnettes je me plongeais dans ma revue de presse.

 

Concernant les ennuis judiciaires du président de l'UMP, Le Point écrit : « Sarkozy en est convaincu : il est « victime d'un complot politique » orchestré, selon lui, par François Fillon ». Le cocker de la Sarthe parachuté dans le VIIe de Rachida appréciera la gentillesse de son ex-boss qu’il a trouvé dimanche dernier, au siège de l'UMP, « trop sûr de lui et désagréable ». Mais ce n'est pas tout. « Le lendemain, lundi en fin d'après-midi, la tension monte d'un cran. En plein bureau politique, l'ex-chef de l'État fusille l'élu parisien. (...) En juillet, l'un des membres du Bureau politique a trahi et a balancé à la presse et à la justice cette affaire de paiement des pénalités de l'UMP. En politique, j'en ai vu de la haine, notamment entre Jacques Chirac et Édouard Balladur ! Mais au point d'aller au pénal contre l'un des membres de sa famille politique et d'organiser un complot, jamais ! » rapporte l'hebdomadaire. L’agité faisait bien sûr référence au fameux déjeuner avec le secrétaire général de l'Élysée Jean-Pierre Jouyet, au cours duquel son collaborateur à Matignon (appellation d’origine contrôlée), simple exécutant de la volonté du tout puissant aurait demandé de « taper vite » sur celui-ci. L’amour, l’amour, quand tu les tiens, tu ne les quitte pas. Purée qu’est-ce que ça sera lorsque Carlita quittera Nicolas, car je vous fiche mon billet que ça arrivera.

 

Et pendant ce temps-là le roquet de Meaux, qui ronge son frein, refuse tout contact avec les journalistes, ressentait le besoin d’ouvrir son clapoir plein de dents acérées, de ramener sa fraise pour prendre sa part de lumière dans le « succès historique » aux cantonales. Au bureau politique de l'UMP, lundi soir, il rappelle au chef suprême tout auréolé de sa victoire qu'il fut, lui aussi, l'artisan du succès du parti aux municipales alors qu’il présidait le mouvement. « Moi aussi, j'avais gagné les municipales. Et même les européennes, car, si on additionne les voix de l'UMP et de l'UDI, nous étions devant le Front national. » Copé pousse encore plus loin le bouchon. « L'UMP est un label. J'interroge sur la nécessité de changer de nom. » Le triomphateur de l’hydre socialo-lepéniste monta alors sur ses petits chevaux pour exécuter le félon «Est-ce une question innocente ?» : « Oui, cela en est une » répondait le Copé, alors ce fut l’hallali : « Il ne te vient pas à l'esprit qu'il y a des affaires judiciaires qui te concernent qui justifient qu'on change le nom ? » Interloqué, sonné, le roquet resta muet, cloué à sa niche. Suivait, selon un témoin de la scène, à la fin de la réunion, un aparté d'une dizaine de minutes entre les deux cadors. Après la rouste, un peu de lustrage de poils, l'affaire Bygmalion qui allait rebondir avec la garde à vue de Guillaume Lambert, le directeur de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012 pourrait bien les rassembler au pôle financier.

 

Jamais en reste, le petit tonton flingueur de la droite dure ne manque jamais une occasion de moquer Juppé en soulignant que c'est dans le Sud-Ouest, cher au maire de Bordeaux, que l'UMP a réalisé ses plus mauvais scores, notamment en Gironde. « Vous voyez, quand on regarde le Sud-Ouest, tout est en rose, sauf un département : les Pyrénées-Atlantiques où le MoDem a gagné. C'est utile l'alliance avec le MoDem, ça fait gagner le MoDem, et nous, on n'a plus rien », a-t-il ironisé. Bayrou encore un autre félon, François Bayrou, l'allié d'Alain Juppé, pour qui il a le plus profond mépris (et c'est réciproque). Juppé libéré, délivré même, qui sait fort bien que la bataille sera longue et rude, qu’il peut s'essouffler, s'abîmer, s'user, surtout face à un adversaire énergique comme le Sarko. Mais ça lui laisse le temps de montrer sa différence comme le note Alba Ventura sur RTL : « Juppé / Sarkozy : le yin et le yang, le bouillonnement et la modération, le clivage et la nuance. » Alors continuer de diffuser sa petite musique, en disant que c'est aussi sa victoire, la victoire de sa stratégie de l'union de la droite et des centres. Chez ses amis, on prend bien soin d'expliquer en ce moment que ce qui est une « stratégie » chez Alain Juppé n'est qu'un « positionnement » chez Nicolas Sarkozy. Autrement dit : chez Juppé ça vient de loin, chez Sarkozy c'est de l'opportunisme. Alain Juppé a décidé d’accélérer, il est partout, donne des interviews, comme celle du jeudi 2 avril à La Tribune, où il redit que si la primaire est « bidouillée », il se présentera au premier tour.

 

Mercredi après-midi lors d’un débat organisé par l'université de Paris Dauphine la langue de Juppé a fourché « Ah, on a commencé le match déjà? On est dans les primaires? », a-t-il ironisé, avant d’assurer que Sarkozy avait « été un très bon président de la République en 2012… heu en 2007! Pardonnez-moi c’est un pur lapsus… »

 

« L’UMP, c’est Nicolas Sarkozy qui en est le président, mon président, mais pas que », a-t-il souri. « C’est moi aussi, l’UMP. C’est François Fillon, Bruno Le Maire, NKM et quelques autres… C’est une diversité. C’est pas : en colonne derrière une seule personnalité. »

 

« Il a défendu à nouveau sa stratégie d’alliance « de la droite et des centres », MoDem compris, Alain Juppé est resté prudent quand un étudiant lui a demandé de définir d’un mot le centriste François Bayrou. « Euh… Béarnais. » Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a en revanche été qualifié de « décalé », Marine Le Pen de « démago » et François Hollande… « d’empêtré ».

 

Nous sommes sur la bonne route, poursuivons-nous notre objectif !

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5 avril 2015 7 05 /04 /avril /2015 00:09
Il avait connu aussi le petit matin blême où il se réveillait avec la gueule de bois et un goût de cendres en travers de la gorge

« …François avait trouvé ce qu’il recherchait une radicale solitude… »

 

« … La seconde fois où je me rendis là-haut, assis sur un rocher moussu à contempler longuement le lointain, je vis le bleu apparemment immuable virer subitement au gris argent et les nuages commencer à s’amonceler. Un orage s’annonçait. Dans l’ombreux repli, on le sentait d’un coup imminent, tant l’air chaud se condensait en une anxieuse attente. Tel un guetteur à l’avant-garde, j’étais happé par la grandiose vision des amas de nuages qui prirent brusquement des teintes d’encre de Chine striées d’éclairs. Ce moment aux couleurs dramatiques était trop tendu pour durer. Peu après, le ciel se décida à la donation totale. La digue, avec fracas, se rompit. Au loin, depuis la très haute voûte tombèrent tout à trac d’innombrables filaments d’eau enveloppés de vapeur, formant une immense armée en rangs serrés – de cavaliers ou d’anges ? – qui s’avança en notre direction, vers ce coin de terre partagé entre accueil et crainte. Mais très vite, ce fut le sentiment de reconnaissance qui domina, quand se répandit le tam-tam de la pluie battant les feuilles, amplifié par les cascades des sources dont résonnaient tout autour les rochers empilés. Quand l’orage eut tout délavé, faisant place à la clarté du couchant, un arc-en-ciel campa, souverain, son arche entre ciel et terre. »

 

Qui est ce François ?

 

« Un homme relativement jeune encore mais qui avait pas mal vécu. Il s’était adonné aux fêtes frivoles et aux plaisirs faciles, il avait connu aussi le petit matin blême où il se réveillait avec la gueule de bois et un goût de cendres en travers de la gorge. Il s’était bercé de rêves de puissance et de gloire, et il avait mal vécu aussi les nuits de défaite et d’emprisonnement où son âme sombrait dans la peur et le désespoir. S’ajoutait à ces expériences l’épreuve de la maladie qui lui avait fait frôler la mort. Il avait eu cependant des moments de sursaut en se disant que devait exister une vérité de la vie qui arracherait l’homme à son destin absurde… »

 

Texte de François Cheng de l’Académie Française

Il avait connu aussi le petit matin blême où il se réveillait avec la gueule de bois et un goût de cendres en travers de la gorge
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4 avril 2015 6 04 /04 /avril /2015 00:09
« Merci, Monsieur, d’avoir rendu son âme à ma crèmerie… » cher Pierre Jancou, Dieu qu’il est difficile de passer derrière la plume de François Simon

Aller à l’essentiel ! Agir ! Garder les portes et les fenêtres grandes ouvertes. Garder aussi « cette animalité qui appartient aux gens qui aiment marcher, grimper les montagnes, suivre le sillage d’une jolie fille… » Incandescent ! « La combustion prend vite, chez lui. Sans doute parce qu’il n’a pas de temps à perdre. Ni à donner sans regarder. C’est cette immédiateté que l’on aime dans sa cuisine. Cette façon vive, incisive de vous sauter au bec. »

 

« La cuisine de Pierre Jancou a du chien. De la dégaine. Elle sait marcher dans la rue. Fumer une cibiche sur le trottoir. »

 

« Pierre Jancou n’aime pas être enfermé. Mettez-le dans un local, il faut qu’il ouvre la fenêtre, la porte. « Je suis comme un chien, j’ai besoin d’air. » L’enfermement est une des clés de sa vie privée aussi bien que professionnelle. Avoir au moins l’illusion de pouvoir s’envoler, pour mieux revenir sur sa branche. Sa cuisine est donc libre. Libre de cloisons, ouverte sur la salle, histoire de « sentir » (autre clé de notre homme) et de délivrer une cuisine spontanée.

 

« Il y a chez Pierre Jancou comme une attraction pour le vide, le changement d’air. Tourner une page pour en écrire une autre. Pousser jusqu’au bout l’expression d’une époque, pour mieux quérir la suivante. »

 

Pierre, Dieu qu’il est difficile de passer derrière la plume de François Simon, si juste, si précise, en taille-douce sensible et pudique, incisive aussi ; lui qui dit guère te connaître mais qui t’a suivi dans tous tes restaurants dont il a de suite « aimé la clientèle, les filles sauvages, les garçons aux regards directs… Une sorte de dolce vita à la parisienne… » a mis ses pas dans tes pas, t’a suivi pendant quelques mois, histoire de voir de quel bois l’homme que tu es se chauffe… »

 

Le résultat est à la hauteur : un superbe ouvrage « La table vivante » Pierre Jancou chez Skira.

 

 

« Merci, Monsieur, d’avoir rendu son âme à ma crèmerie… » cher Pierre Jancou, Dieu qu’il est difficile de passer derrière la plume de François Simon

Loin de la production ordinaire glacée et glaciale, sans vie, qui s’étale sur les rayons cuisine des libraires, c’est un livre, un vrai, nourri par un texte dont je me plais à souligner de nouveau la pertinence et la qualité, fécondé par une iconographie exceptionnelle et les très belles photos de Marti Bruno. Et tes recettes, Pierre, sont en situation, dans la vie, ta vie et la nôtre.

 

J’emprunte la plume de Pierre Hermé, un de tes habitués de la Crèmerie, pour en évoquer 2 :

 

« Son lapin était savoureux, moelleux et agrémenté d’une polenta. L’ensemble était remarquable. Je me souviens aussi du gâteau de Zoé, gâteau au chocolat que Pierre a tenu à me faire partager, assez fier de faire goûter au pâtissier le dessert de la maison. Un gâteau simple et très bon, avec du chocolat de grande qualité et un soupçon de fleur d’oranger. »

 

Zoé c’est ta fille et c’est le prénom de ma première petite-fille…

 

« Le lapin est servi avec des crostini de polenta. Pierre Hermé accepte volontiers l’accord que lui suggère Pierre Jancou : un soliste 2004, de chez Jean-Marc Brignot, un « vin qui s’est fait tout seul, un pur savagnin du Jura, servi à température de cave, 12°C. »

« Merci, Monsieur, d’avoir rendu son âme à ma crèmerie… » cher Pierre Jancou, Dieu qu’il est difficile de passer derrière la plume de François Simon
« Merci, Monsieur, d’avoir rendu son âme à ma crèmerie… » cher Pierre Jancou, Dieu qu’il est difficile de passer derrière la plume de François Simon

« Car la Crémerie devient vite l’ambassade des vins dit « naturels », Pierre Jancou a trouvé avec eux sa rédemption. Bienvenue, les vins « pleins de défauts », mais sans sulfites, l’allergie de Pierre ! »

 

Nous sommes dotés de prénoms d’apôtres, toi Pierre sur cette pierre je bâtirai… et tu as beaucoup bâti… ce qui te vaut au temps de Racines la 4e de couverture de Libé signée Caroline de Bodinat.

 

« Avec sa gueule de magazine, sa trogne de bad boy ripailleur, il est peigné comme Attila, sapé de préférence éthique et durable, cotonnade, fibre de bambou, tout ça. Vieille Rolex du grand-père et chevalière héraldique, on a affaire à un type brut et doux, carré et droit, qui pense noir ou blanc, jamais gris. Plutôt Kangoo des familles dans le style de vie, que prédateur roulant en tapette à souris siglée Carrera. »

 

Ça te vaut, comme l’écrit avec gourmandise François Simon, l’adulation des blogueurs et des belettes. « La boboïtude est en train d’arriver sur Paris. Elle procède comme les inondations dans les immeubles, auréolant méthodiquement les étages innocents. Elle se déplace de table en table, asseyant son sérieux décontracté un poil docte et barbant, sa passion pour les produits, la barbe de trois jours, l’adhésion sociale, sa nonchalance un brin tendue. »

 

Toi et moi, le Jacques de Compostelle, nous nous sommes croisés lors de ta partie de ping-pong, évoquée par François Simon, avec l’homme de chez Marie-Claire qui quêtait une invitation chez Vivant. J’en fus en première ligne.

 

Chez toi on boit « comme on porte un coup de clairon, coude levé et regard droit vers le plafond. »

 

« Le public, lui aussi progresse. Au début, il y avait comme un îlot de résistances, des « beatniks » réfractaires. Maintenant le vin naturel explose littéralement. Lassés sans doute des duperies du marché, fatigués du cynisme de l’agro-alimentaire, les consommateurs se replient vers des univers un peu plus candides, adoptent des conduites plus vertueuses et basculent vers une toute autre consommation. On s’écarte ainsi de la viande à tout bout de champ, on détricote une alimentation jusqu’alors versée dans les excès de sucre et de sel. La population prend un peu trop vite du poids, vieillit mal ou parfois trop vite. Soudainement, il y a comme un sursaut. On décide de vivre plus longtemps, en pleine forme, aux aguets. »

 

« La Crèmerie » « Merci, Monsieur, d’avoir rendu son âme à ma crèmerie… », « Racines » en hommage à Claude Courtois… « Vivant »… pour les vins « vivants » bien sûr, aujourd’hui « Heimat » dans la maison où Molière mourut en février 1673. « Il venait de jouer la pièce Le Malade imaginaire » au Palais-Royal. Et, fort malade, s’endormit après avoir mangé un morceau de parmesan. »

 

« Heimat dit Waltrand Legros dans l’émission Karambolage, n’a ni uniforme ni drapeau, c’est le pays que chacun porte à l’intérieur de soi. »

 

Bien d’accord avec François Simon « Pierre Jancou is like a rolling stone. »

 

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3 avril 2015 5 03 /04 /avril /2015 00:09
Chiche : abrogeons la loi Évin!

Je suis très à l’aise face à tout le ramdam fait en ce moment autour de la loi santé de Marisol Touraine car je me suis toujours battu contre la politique de harcèlement de l’ANPAA visant à ce que les juges fabriquent un arsenal jurisprudentiel pour faire de la loi Évin le meilleur bouc-émissaire de la petite sphère des gens du vin.

 

Sur Face de Bouc, tout y passe, y compris le recyclage d’un vieil article de la RVF daté de 2013 qui permet aux fronts bas, même des gars qui revendiquent le titre de journalistes, de raconter tout et n’importe quoi. Ça plaît beaucoup, surtout de tirer sur l’ambulance gouvernementale qui n’est déjà pas au mieux de sa forme.

 

Rappelons à tout ce petit monde incapable de suivre le contenu réel de ce dossier, d’en saisir les tenants et les aboutissants, de mesurer les rapports de force, que Claude Évin, au nom prédestiné, fut le père d’une loi dont la lettre était le fruit de la plume de Claude Got et de ses 2 compères professeurs de cancérologie, dans la stricte lignée de ses prédécesseurs au Ministère de la Santé : Simone Veil, Jacques Barrot, Michèle Barzach… rien que d’affreux socialo-communistes.

 

Alors, comme j’en ai ras la coupe de lire tant d’approximations, j’ai une proposition simple : abrogeons la fameuse loi Évin ! Ouvrons grandes les vannes ! Libéralisons, comme pour les quotas laitiers, et que les « meilleurs gagnent » si je puis m’exprimer ainsi.

 

Bonne journée à tous et ne venez pas vous plaindre des affreux, sales et méchants qui ont plein de pognon pour vous abreuver de publicité à la télé. Oui, oui, la loi Évin c’est pour la pub pas pour les petits chroniqueurs à deux balles comme moi qui, depuis des mois et des mois, pondent sur le Net sans tomber sous les foudres des juges.

 

 

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2 avril 2015 4 02 /04 /avril /2015 00:09
Mitterrand avec 2 r aimait le Chateaubriand, avec un d et sans accent circonflexe, qui est à la «bouche»*  ce que la madeleine de Proust est à la pâtisserie

Au temps où La Villette c’était les abattoirs avec ses chevillards et autres viandards les restaurants spécialisés dans la bidoche draguaient leur chalandise. L’un d’eux le Cochon d’Or, selon le mitterrandolâtre Pierre Bergé, était aussi fréquenté par le François de Jarnac car il était très prisé des amateurs de bonne viande. « Là, les cuisiniers savaient que la règle d’or pour servir un entrecôte – je tiens au masculin, comme Mme Saint-Ange – est de le laisser reposer autant de temps qu’il a mis à cuire. Non, il ne faut pas l’envelopper dans du papier d’aluminium, qui lui donnerait un goût de viande bouillie ; le recouvrir d’une assiette suffit amplement. Ils n’oubliaient pas, pendant la cuisson, de badigeonner régulièrement la viande avec du beurre clarifié pour éviter une fâcheuse carbonisation. Bref, dans ce restaurant tout était réuni pour plaire à ceux qui n’étaient pas touchés ni par la grâce de ce qu’on a appelé la nouvelle cuisine ni par la décoration des assiettes sur lesquelles des marmitons se penchent en se prenant pour des artistes. Mais y a-t-il encore des marmitons ? » écrit-il.

 

Le grand courtisan qu’il était parfois y accompagnait François Mitterrand. « Il ne prenait pas d’entrée – il savait ce qui viendrait – et préférait attendre. Car il fallait attendre. Quand le chateaubriand arrivait accompagné de ses pommes soufflées, suivi de l’indispensable sauce béarnaise, on comprenait qu’on n’était pas venu pour rien. De fait, comme on dit dans les guides, cela valait le voyage. Mais pour dire le vrai, François Mitterrand préférait les restaurants de poissons. »

 

J’avoue que je ne suis pas un grand amateur de Chateaubriand, je laisse planer le doute, et si je chronique ce matin sur son origine c’est pour deux raisons, comme toujours, une bonne et une mauvaise sans vous préciser laquelle est la mauvaise…

 

La première c’est que les Mitterrandiens de stricte observance, j’en ai eu un comme Ministre en la personne de Louis Mermaz, étaient très sourcilleux sur la déclinaison phonique du patronyme du François de Jarnac ; pour eux, et à juste raison, ceux qui le nommait Mitr’and, tel le Georges Marchais, se rangeaient dans le camp de ses adversaires les plus acharnés à le salir. Pour ma part, n’ayant jamais porté à l’ancien Garde des Sceaux du gouvernement Guy Mollet une grande sympathie je n’ai pas, pour autant, avalé une part de son nom. Comme mon boss, le Michel, nous ne mangions point de ce pain-là.

 

La seconde, c’est que dans une chronique, « Sauvez le Chateaubriand », longue comme un jour sans pain, le polémiste Laurent Dispot, s’insurge contre « la manipulation subreptice (qui) consiste à profiter de l’équivalence de prononciation, pour la faufiler de l’oral à l’écrit »

 

Notre homme, après avoir étalé toute l’étendue de sa culture, glisse quelques lignes sur l’objet de son courroux « le statut du chateaubriand n’est pas du tout celui du champagne associé à la Champagne. Il n’a rien à voir avec la ville et la région de Châteaubriant. »

 

Pour ne rien vous cacher, même en n’étant pas un grand amateur de Chateaubriand, il ne m’était jamais venu à l’esprit d’attribuer l’origine de la viande au bassin de production de Châteaubriant qui n’est pas particulièrement renommé pour la qualité de son troupeau bovin.

 

Et c’est là où il me prend une envie de faire remarquer à ce cher Dispot que toutes ses circonvolutions sur le Chateaubriand pour exiger une orthographe conforme à l’origine de cette recette sont certes louables mais qu’à aucun moment il n’est question ni de l’origine de la viande : race et lieu d’élevage, ni des conditions d’élevage, d’abattage et de mûrissement de la viande.

 

L’essentiel c’est la viande, sa maturation, pas le mode opératoire de la recette monsieur Dispot !

 

Les pièces du dossier

 

  1. « Beaucoup ignorent l’origine du nom et de la recette de cette viande fondante qui les fait fondre, y entendent quelque chose comme « château brillant ». Certes, on peut de délecter de tournedos Rossini sans entonner des airs d’opéra, et raffoler de carpaccio sans rien connaître à la peinture vénitienne. N’empêche : rien ne pourra défaire l’intime intrinsèque du lien généalogique d’un plat avec la personne dont il porte le nom. Surtout pas quand celle-ci entretient avec lui un rapport de filiation charnelle comme c’est le cas de Chateaubriand et de Rossini qui ont créé eux-mêmes les recettes portant leur nom.

Le chateaubriand est à la « bouche »* ce que la madeleine de Proust est à la pâtisserie. Sauf que c’est beaucoup plus grave, vu que Monsieur le vicomte fut partie prenante dans l’invention de cette virile recette de viande, alors que le môme Marcel ne mit jamais la main à la pâte, et que même, dans son premier jet (si j’ose dire), il parlait d’une biscotte… »

 

« Bouche » est ici selon l’auteur la cuisine et la boucherie jouant la même partition.

 

  1. La recette « Passons aux choses sérieuses : cinq cents grammes dans le filet, et même huit cents pour quatre ou cinq personnes ; jusqu’à dix centimètres de hauteur ; marinade (poivre, ail, thym) ; si les procédures sont respectées, il n’est pas illégitime de recourir au faux-filet, à l’aloyau, au cœur de rumsteack, au merlan ; le filet se tranche perpendiculairement aux fibres ; si le morceau est trop mince, le présenter dans sa longueur. L’idéal de la cuisson est la nuance subtile entre le rose pâle à cœur et le saignant léger. Une réduction de beurre, d’échalotes, si possible confites, de vin blanc, d’estragon, et de jus de citron. Poêlée de haricots verts ; variation : des cèpes ; ou les deux ensembles. Des pommes de terre en quartier (de noblesse, bien sûr) d’abord blanchies puis passées au four. Je désapprouve les pommes soufflées ; elles sont toujours amusantes, mais, comme d’habitude, l’huile de friture est ici un destructeur de goût, un parasite nuisible. Éviter tout ce qui tue la viande ; elle est là pour revivre par la cuisine. Le cresson frais est parfait. Les manipulations spectaculaires qui consistent à flamber un chateaubriand dans l’assiette n’ont de sens que de tricher en donnant du corps, mais un corps étranger, celui de l’alcool, à une viande qui, par là, reconnaîtrait ne pas en avoir. Cela revient à condamner le Vicomte au bûcher. je n’appelle pas ce qui sort de ce dérisoire autodafé un chateaubriand mais une jeannedarc. »

Le CHATEAUBRIAND selon Cuisine et Vins de France

 

« Il fait partie des plus grands classiques de la gastronomie française. Le chateaubriand est « le » steak par excellence et aucun restaurant français digne de ce nom ne peut se permettre de ne pas l’avoir sur sa carte. Le chateaubriand est en fait un filet de bœuf d’une épaisseur de deux à quatre centimètres, c’est d’ailleurs cette épaisseur qui fait sa particularité. Il y a des restaurants qui proposent des morceaux plus épais, allant jusqu’à dix centimètres !

 

On peut s’étonner du nom donné à un simple morceau de viande ! Deux explications sont proposées. Il y a d’abord la version qui penche pour le célèbre homme de lettres, François-René de Chateaubriand, dont le cuisinier, un certain Montmireil, aurait créé la Grillade de bœuf à la Chateaubriand. Une explication qui ne fait pas l’unanimité puisque la recette n’apparaît qu’environ trente ans après la mort de l’écrivain. Une autre explication fait référence à la ville de Châteaubriant en Loire Atlantique, réputée pour ses élevages bovins. »

 

Le Chateaubriand le restaurant « Même pas sept ans d’existence, et déjà un mythe. L’emblème d’une époque qui a décidé de changer de régime culinaire, de tout envoyer valser et de repousser les limites. Le vaisseau d’Iñaki Aizpitarte, capitaine rock star, est le résultat quotidien d’une recette unique dont l’équilibre subtil continue d’offrir une des expériences restauratoires les plus excitantes : la salle de bistrot à l’élégance parfaite, tout en détails, le staff beau mais toujours un peu fêlé, l’ambiance électrique de Studio 54 des années 2010, la remise en question permanente des hiérarchies internes, des modalités d’accueil et des possibles… »

 

Mitterrand avec 2 r aimait le Chateaubriand, avec un d et sans accent circonflexe, qui est à la «bouche»*  ce que la madeleine de Proust est à la pâtisserie

Et si vous tenez vraiment à manger 1 Chateaubriand, pas au Chateaubriand y font pas, mais peut-être à Châteaubriant, je vous conseille de commander au sommelier 1 Côte Rôtie 2012 de Jean-Michel Stéphan, une cuvée nature bien sûr provenant des 2 côtes la Brune et la Blonde. Selon les Papilles « cette cuvée détient une robe profonde et limpide, le nez est aromatique aux arômes de fruits noirs et d’épices accompagné d’une pointe de notes lardées et mine de crayon ; la bouche est agréable, la matière est ample et veloutée, les tanins sont fins et soyeux. »

Mitterrand avec 2 r aimait le Chateaubriand, avec un d et sans accent circonflexe, qui est à la «bouche»*  ce que la madeleine de Proust est à la pâtisserie
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