CHAP.15 opération Chartrons, si la primaire est « bidouillée », Juppé se présentera au premier tour.
Je hais les départementales… c’est du Jean Yanne pur cru… À Paris nous ne votons pas alors au petit matin blême et pluvioteux nous avons pris l’autoroute de l’Ouest, Trouville peut-être, pour échouer finalement au Trianon Palace jouxtant le parc du château de Versailles où un pingouin constipé nous a poliment signifié, à l’entrée du room-service, que le petit-déjeuner, œufs brouillés et viennoiseries incorporées, nous passeraient sous le nez, because jamais le dimanche pour une engeance de notre importance. Nous avons fait antichambre, expresso à 6 euros, pour un défilé de nanas et de mecs en survêtements gris. Bonjour tristesse, le chic se perd dans les palaces de pacotille. Dignement nous nous sommes retirés, ils ont même osé s’excuser. France terre d’accueil ! Notre faim était immense alors nous sommes rentrés at home pour la satisfaire. Le beurre demi-sel pour elle sur de la brioche. Le café à la turque était limite. Midi déjà, il est vrai qu’au cœur de la nuit nous avons pris une heure dans le buffet. Mon Dieu qu’elle est belle ! Aimer à perdre la raison/Aimer à n'en savoir que dire/A n'avoir que toi d'horizon/Et ne connaître de saisons/Que par la douleur du partir/Aimer à perdre la raison… Dans ces moments-là j’aime Aragon. Demain elle part à Ouessant fêter son anniversaire…
Seul face à mon écran, lassé par les rodomontades du nouveau Badinguet en talonnettes je me plongeais dans ma revue de presse.
Concernant les ennuis judiciaires du président de l'UMP, Le Point écrit : « Sarkozy en est convaincu : il est « victime d'un complot politique » orchestré, selon lui, par François Fillon ». Le cocker de la Sarthe parachuté dans le VIIe de Rachida appréciera la gentillesse de son ex-boss qu’il a trouvé dimanche dernier, au siège de l'UMP, « trop sûr de lui et désagréable ». Mais ce n'est pas tout. « Le lendemain, lundi en fin d'après-midi, la tension monte d'un cran. En plein bureau politique, l'ex-chef de l'État fusille l'élu parisien. (...) En juillet, l'un des membres du Bureau politique a trahi et a balancé à la presse et à la justice cette affaire de paiement des pénalités de l'UMP. En politique, j'en ai vu de la haine, notamment entre Jacques Chirac et Édouard Balladur ! Mais au point d'aller au pénal contre l'un des membres de sa famille politique et d'organiser un complot, jamais ! » rapporte l'hebdomadaire. L’agité faisait bien sûr référence au fameux déjeuner avec le secrétaire général de l'Élysée Jean-Pierre Jouyet, au cours duquel son collaborateur à Matignon (appellation d’origine contrôlée), simple exécutant de la volonté du tout puissant aurait demandé de « taper vite » sur celui-ci. L’amour, l’amour, quand tu les tiens, tu ne les quitte pas. Purée qu’est-ce que ça sera lorsque Carlita quittera Nicolas, car je vous fiche mon billet que ça arrivera.
Et pendant ce temps-là le roquet de Meaux, qui ronge son frein, refuse tout contact avec les journalistes, ressentait le besoin d’ouvrir son clapoir plein de dents acérées, de ramener sa fraise pour prendre sa part de lumière dans le « succès historique » aux cantonales. Au bureau politique de l'UMP, lundi soir, il rappelle au chef suprême tout auréolé de sa victoire qu'il fut, lui aussi, l'artisan du succès du parti aux municipales alors qu’il présidait le mouvement. « Moi aussi, j'avais gagné les municipales. Et même les européennes, car, si on additionne les voix de l'UMP et de l'UDI, nous étions devant le Front national. » Copé pousse encore plus loin le bouchon. « L'UMP est un label. J'interroge sur la nécessité de changer de nom. » Le triomphateur de l’hydre socialo-lepéniste monta alors sur ses petits chevaux pour exécuter le félon «Est-ce une question innocente ?» : « Oui, cela en est une » répondait le Copé, alors ce fut l’hallali : « Il ne te vient pas à l'esprit qu'il y a des affaires judiciaires qui te concernent qui justifient qu'on change le nom ? » Interloqué, sonné, le roquet resta muet, cloué à sa niche. Suivait, selon un témoin de la scène, à la fin de la réunion, un aparté d'une dizaine de minutes entre les deux cadors. Après la rouste, un peu de lustrage de poils, l'affaire Bygmalion qui allait rebondir avec la garde à vue de Guillaume Lambert, le directeur de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012 pourrait bien les rassembler au pôle financier.
Jamais en reste, le petit tonton flingueur de la droite dure ne manque jamais une occasion de moquer Juppé en soulignant que c'est dans le Sud-Ouest, cher au maire de Bordeaux, que l'UMP a réalisé ses plus mauvais scores, notamment en Gironde. « Vous voyez, quand on regarde le Sud-Ouest, tout est en rose, sauf un département : les Pyrénées-Atlantiques où le MoDem a gagné. C'est utile l'alliance avec le MoDem, ça fait gagner le MoDem, et nous, on n'a plus rien », a-t-il ironisé. Bayrou encore un autre félon, François Bayrou, l'allié d'Alain Juppé, pour qui il a le plus profond mépris (et c'est réciproque). Juppé libéré, délivré même, qui sait fort bien que la bataille sera longue et rude, qu’il peut s'essouffler, s'abîmer, s'user, surtout face à un adversaire énergique comme le Sarko. Mais ça lui laisse le temps de montrer sa différence comme le note Alba Ventura sur RTL : « Juppé / Sarkozy : le yin et le yang, le bouillonnement et la modération, le clivage et la nuance. » Alors continuer de diffuser sa petite musique, en disant que c'est aussi sa victoire, la victoire de sa stratégie de l'union de la droite et des centres. Chez ses amis, on prend bien soin d'expliquer en ce moment que ce qui est une « stratégie » chez Alain Juppé n'est qu'un « positionnement » chez Nicolas Sarkozy. Autrement dit : chez Juppé ça vient de loin, chez Sarkozy c'est de l'opportunisme. Alain Juppé a décidé d’accélérer, il est partout, donne des interviews, comme celle du jeudi 2 avril à La Tribune, où il redit que si la primaire est « bidouillée », il se présentera au premier tour.
Mercredi après-midi lors d’un débat organisé par l'université de Paris Dauphine la langue de Juppé a fourché « Ah, on a commencé le match déjà? On est dans les primaires? », a-t-il ironisé, avant d’assurer que Sarkozy avait « été un très bon président de la République en 2012… heu en 2007! Pardonnez-moi c’est un pur lapsus… »
« L’UMP, c’est Nicolas Sarkozy qui en est le président, mon président, mais pas que », a-t-il souri. « C’est moi aussi, l’UMP. C’est François Fillon, Bruno Le Maire, NKM et quelques autres… C’est une diversité. C’est pas : en colonne derrière une seule personnalité. »
« Il a défendu à nouveau sa stratégie d’alliance « de la droite et des centres », MoDem compris, Alain Juppé est resté prudent quand un étudiant lui a demandé de définir d’un mot le centriste François Bayrou. « Euh… Béarnais. » Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a en revanche été qualifié de « décalé », Marine Le Pen de « démago » et François Hollande… « d’empêtré ».
Nous sommes sur la bonne route, poursuivons-nous notre objectif !