Dans sa dernière livraison my bettane + desseauve le magazine du vin Michel Bettane face à l’attaque des ON, l’anonymat de combat, contre-attaque, et, sous un titre très Macron-Valls « Entrepreneur, ce gros mot », prononce un plaidoyer pro-domo en faveur de sa petite entreprise qui, selon lui, ne connaît pas la crise.
C’est son droit d’actionnaire, et n’attendez pas de moi ni une analyse pointilleuse, ni une critique en règle des propos de Michel Bettane même si je serais très à l’aise dans la mesure où je ne fais pas partie des ON et ne pratique pas l’anonymat : je signe, je nomme et n’hésite pas à cibler le cireur de pompes patenté qui bave sur le « journalisme d’investigation » qui déplaît tant à ses amis.
Si je vous soumets ce texte c’est qu’il est révélateur d’une forme de malaise latent de « la presse du vin », sous toutes ses formes, face à la suspicion qu’elle inspire à certains, disons pour faire court, d’amateurs de vin, sans frontière de génération.
La presse, les médias en général, n’ont pas « bonne presse » auprès de l’opinion publique et le métier de journaliste est tout autant vilipendé par le « bon peuple » que les élus de ce même « bon peuple ». Le capital de confiance a fondu comme neige au soleil depuis le temps d’Albert Camus qui exerça le métier de journaliste à l’Alger républicain, au Soir républicain, à Combat et à L’Express et qui considérait les journalistes comme des «historiens au jour le jour, dont le premier souci est la vérité» et le journalisme comme « le plus beau métier du monde » en justifiant son affirmation «parce qu'il vous force à vous juger vous-même »
Dans le vin, le journaliste est à la fois critique et se veut parfois aussi reporter mais comme je l’ai écrit hier le publi-reportage est souvent au bout du chemin avec plus ou moins de subtilité dans la présentation. Alors l’indépendance est un territoire extrêmement difficile à baliser pour les nouveaux journalistes « entrepreneurs ». Michel Bettane écrit « L’indépendance est certainement un concept sacré pour la presse, mais pas forcément dans le domaine que l’on croit. Elle n’a pas grand-chose à voir avec les pressions économiques dont on peut toujours se libérer par la démission. Elle commence et finit dans la sphère de l’éthique individuelle et certainement pas collective. L’indépendance véritable nait chez le journaliste d’une ascèse qui repose sur deux grandes bases :
- La première est le savoir…
- La seconde est peut être encore plus importante, c’est un travail sur soi…
Je m’arrête là et vous laisse le soin de penser ce que bon vous semble tout en soulignant que la critique du vin touche une infime proportion des consommateurs de vin et que ce débat à un petit goût de « cabine téléphonique » concept cher aux railleurs des radicaux cassoulets. Lorsque la presse généraliste s’empare du sujet ça donne ça
La parole est à Michel Bettane :
« Décidément dans un pays fantasmé aussi pourri que le royaume du Danemark, bien entendu entretenu dans son immoralité par une presse tout aussi contaminée, il n’y a que les citoyens libres, quand ils assument avec fierté leur liberté d’expression sous un anonymat de combat, pour défendre les vraies valeurs de la République.
Les Lumières ?
Vous plaisantez.
Le Savoir Libérateur n’est plus de mode. Au contraire point trop n’en faut, l’authenticité de l’approximation, voire de l’erreur et du dogme sont bien plus respectables. L’enquête devient même suspecte chez les journalistes, de même que l’information de première main pour les experts.
Notre travail, chez Bettane et Desseauve, a récemment été qualifié de journalisme de promenade, formule désormais immortelle dont il était facile pour nous de nous moquer sans la même méchanceté, d’ailleurs. Mais voilà qu’on dénonce avec nostalgie dans les mêmes cercles la disparition du journalisme à l’ancienne (et on oublie toutes les suspicions passées). Les mêmes laissent entendre que les nouveaux journalistes « entrepreneurs » sont bien moins indépendants, prisonniers du conflit d’intérêt et d’annonceurs manipulateurs ou vaches à lait, au choix, à moins que les deux réunis ne soient la base du Grand Complot. Quelques esprits influençables peuvent évidemment mordre à la rhétorique de mots dont ils ne connaissent parfois pas la définition exacte, ce qui me conduit ici à rappeler quelques faits et les principes qui ont présidé au développement actuel de notre « petite entreprise ». Celle-ci, j’en profite pour rassurer nos détracteurs, ne connait pas la crise.
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Pro Domo : se dit du plaidoyer d'une personne qui se fait l'avocat de sa propre cause, qui plaide pour soi-même.