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8 avril 2015 3 08 /04 /avril /2015 00:07
Dans les AOC on n’est pas là pour rigoler. On endosse un uniforme. Échange épistolaire entre Olivier de Moor et Michel Bettane

Le grand débat ouvert dans les années 2000 par un rapport iconoclaste et un nouveau président de l’INAO tout aussi iconoclaste est-il définitivement clos ? La messe est-elle dite ? Amen !  Plus précisément l’encre des cahiers des charges, la partition, est sèche, et l'interprétation semble bien codifiée.

 

Tout va très bien dans le meilleur des mondes des AOC-IGP, circulez y’a rien à voir les  gardiens du temple, contrôleurs extérieurs ou intérieurs, veillent sur le bel édifice où sont logés les signes de qualité.

 

Vive la norme ! Bien sèche, bien rigide, haro sur les espaces de liberté et les va-nu-pieds qui les ont créés. Je ne veux voir qu’une seule tête ! Tout le monde doit avoir un air de famille, la même identité ! Dilution : sur le lisse tout glisse !

 

Ça rassure la masse, ça conforte le pouvoir des chefs, ça exonère la puissance publique de sa mission de gardienne de l’intérêt général qui n’est pas la somme des intérêts particuliers, mais ça ne tient pas debout car tout cela ne peut pas tenir car les murs trop rigides finissent par se lézarder avant de s'écrouler sous les coups de boutoir des nouveaux barbares.

 

Nous courons vaille que vaille derrière les nouveaux barbares, en nous délestant bêtement de nos armes et de nos bagages, ce qui a fait notre force, notre originalité, notre authenticité, mais croyez-moi nous ne les rattraperons pas car ils n’ont pas, eux, de fers aux pieds.

 

Dans le grand barnum mondial formaté ouvrir des espaces de liberté, de créativité, c’est redonner corps et âme à ce que furent à l’origine les AOC, des lieux où les faits, les pratiques ont précédé le droit. S’exonérer des bonnes questions, y compris techniques, matériel végétal, moyens de protection du vignoble, et des moyens d'exploitation (ce dernier terme est un gros mot, mais révélateur quand même), c’est pratiquer la politique de l’autruche.

 

Tout figer c’est momifier !

 

Reste que ceux qui furent et sont encore des novateurs, des créateurs, sont bien isolés, bien dispersés pour faire entendre leur voix. Ils résistent au croskill niveleur, mais pour combien de temps encore ?

 

 

L’échange qui suit entre Olivier de Moor  vigneron à Courgis et Michel Bettane, avec la permission de celui-ci : « Mais bien entendu il vous est tout loisible de faire reprendre ce court échange. Je vous saurais gré de m'envoyer le contenu de cette reprise quand même! » me semble bien refléter le fossé d’incompréhension qui se creuse entre deux mondes…

 

Je reproduis les courriels in-extenso :

 

1-Olivier de Moor à Guillaume Puzo de chez B&D

 

Bonjour Monsieur Puzo,

 

J'ai été flatté de pouvoir figurer dans le guide Bettane et Dessauve suite à votre venue l'an passé. Après 20 ans de travail à notre propre compte. J'ai apprécié le temps consacré comme la précision que vous mettiez à écouter la façon que nous avons choisi pour faire nos vins.

 

 Cette année, je viens de lire que votre travail change et que faute de temps, ce que je comprends, vous réalisez votre dégustation, et votre sélection, après échantillonnage et collecte des bouteilles du 2013 au BIVB de Chablis.

 

 Je ne donnerai pas de bouteilles au BIVB de Chablis, comme l'an passé je n'ai pas donné de bouteilles au BIVB pour le nouveau dégustateur du Wine Advocate en charge de la région, M. Neil Martin pour une dégustation similaire.

 

On peut considérer en effet que le vin parle par lui-même, et qu'il reflète le travail qui lui a donné naissance. Cette idée je l'espère. Mais elle reste à relativiser. Le vin au-delà de toute l'envie que nous lui transmettons demeure dans notre cas un produit vivant. Dépendant de sa propre humeur.

 

Plus important encore, je peux intégrer  ces variations, et son évolution normale que j'accepte en faisant déguster au domaine, en salon, mais je n'accepte plus de voir comparés nos vins à d'autres qui n'aient pas été fait dans la même éthique, et la même honnêteté. Vous pouvez considérer cette revendication comme incongrue; malheureusement elle ne l'est pas compte tenu des questions surtout environnementales.

 

 Je me permets de considérer que le vin doit autant être jugé sur son résultat que sur celui qui a conduit à le faire.

 

Je sais que M. Bettane aime beaucoup les Chablis. J'aime autant ma région que je maudis certaines pratiques. Je ne peux pas en conséquence, mettre nos vins au milieu d'une « compétition » à l'aveugle, sans règle du jeu. Je pense que cela avilie l'ensemble et finalement par mon choix je veux donner une chance à des pratiques plus vertueuses.

 

 Comptant sur votre compréhension.

Cordialement

Olivier de Moor

 

2-Réponse de Michel Bettane

 

Cher Monsieur,

 

 Merci de la franchise de ce petit mot dont je comprends parfaitement certaines causes. Notre guide est au service à la fois du consommateur et du producteur aidant l'un à être informé et l'autre connu, reconnu. Je ne connais pas de plus loyal moyen d'évaluer les vins d'une même appellation qu'une dégustation comparative à l'aveugle sur place. Les vôtres ne sont pas des vins d'auteurs et ils se revendiquent d'une appellation qui appartient à la nation ce que de nombreux producteurs ont tendance à oublier.  Je regrette donc cette décision qui vous isole plus qu'elle ne vous sert mais évidemment la respecte. Je suis sûr que Guillaume pense comme moi.

 

Cordialement

Michel Bettane.

 

3-Réponse d’Olivier de Moor à Michel Bettane,

 

Sur les vins d'auteurs, cela m'éveille le souvenir de Francine Legrand. "Les vins d'auteurs" restaient dans le cadre des appellations alors que Francine développait cette idée.

 

Je ne sais pas si je suis un auteur. Nous voulons simplement faire notre travail en essayant d'être logiques. Point d'intégrisme, mais  essayer de comprendre ce qui motive et limite nos voisins. Tout comme nous. L'appellation est aussi un aménagement social d'un territoire.

 

Sur le fait qu'une appellation appartienne à la nation, il est évident que je ne comprends pas le sens de chaque mot. A l'origine,  certes l'Etat, donc par raccourci la Nation a protégé l'"AOC". L'origine surtout, je pense.

 

Si ce rôle reste chapeauté par l'INAQ, dans le fonctionnement ce n'est plus l'état et la nation qui a la fois possédant les Appellations et leur contrôle. Et l'air de rien c'est au final une conséquence de ceci qui me fait ne pas vouloir une dégustation faite ainsi; les règlements actuels sont des propositions particulières, privées, qui n'ont rien à voir avec État et Nation.  C'est un abandon de la gestion des aco par l'État. Les règlements des appellations sont scellés et je dois avouer avoir grand peine à y trouver une logique pratique, commerciale et économique dans de trop nombreux cas. Cependant vous pouvez compter sur moi pour que lorsque je revendique une appellation, j'obéisse à son règlement. Quand nous franchissons les limites, nous ne revendiquons plus les susdites AOC. Mais vous savez sans doute que le cadre hors AOC fait qu'ici en Bourgogne, vous perdez toute possibilité de nouvelle plantation. Mis à part un tout petit contingent de l'ordre de 10 Ha en Vin de France pour le quart Nord-est de la France.

 

Tout cela représente les mêmes facettes d'un blocage où l’AOC est ici, un chemin obligatoire, avec ses règlements actuels.  Et nous passons à côté je pense d'une stimulation de l'ensemble. Voire même de créations d'emplois. L’AOC revigorée par un système "libéralisé" autour.

 

Je comprends aussi votre point de vue de dégustateur: quel meilleur moyen que de goûter tout les vins d'une même AOC, d'une même année, en un même lieu pour en avoir une idée d'ensemble. Ressentir les tendances, les évolutions.  Mais comment les hiérarchiser ensuite ? Selon quel critère ?

 

Cordialement

Olivier de Moor

 

4-Réponse de Michel Bettane

 

C’est mon métier, comme le vôtre de faire le vin que vous pensez le plus fidèle à vos convictions. Mais vous le faites dans le cadre d’une appellation d’origine protégée possédant son cahier des charges et donc aux yeux du législateur des règles à respecter. Et le consommateur achète aussi cette appellation. Je comprendrais davantage votre point de vue si vous commercialisiez sous votre signature et avec vos propres normes un vin de table. Tout Chablis en revanche doit être comparable, ce qui est loin d’être équivalent à identique,   en quelque lieu que ce soit, à quelque moment que ce soit,  la vérité étant dans le verre, avec évidemment toute la liberté de jugement qu’une société policée  et libre autorise.

 

 Cordialement.

 Michel Bettane

 

 

Paroles et traduction de «Chocolate Jesus»

Chocolate Jesus (Jésus En Chocolat)

Don't go to church on Sunday
Je ne vais pas à l'église le dimanche
Don't get on my knees to pray
Je ne me mets pas à genoux pour prier
Don't memorize the books of the Bible
Je n'ai pas la bible graver dans l'esprit
I got my own special way
Je suis mon propre et particulier chemin
I know Jesus loves me
Je sais que Jésus m'aime
Maybe just a little bit more
Peut être même un peu plus

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commentaires

G
J'ai proposé à René Renou (à l'époque) une autre lecture de l'AOC. Nous avons fait un test sur son appellation à titre expérimental. J'avais proposé non pas de définir l'appellation selon les descripteurs principaux qui par définition uniformisent les vins mais de considérer l'ensemble de tous les descripteurs et de définir l'appartenance à l'appellation selon l'obtention d'un pourcentage de l'ensemble. En fait il faut tenir compte au départ de toutes les facettes, de la richesse de la diversité d'une appellation et non de ce qui l'uniformise selon un critère d'appartenance au plus grand nombre. Ce travail découle d'un concept nommé ethnocentrisme : Il signifie « voir le monde et sa diversité à travers le prisme privilégié et plus ou moins exclusif des idées, des intérêts et des archétypes de notre communauté d'origine, sans regards critiques sur celle-ci ». L'AOP fait de l'ethnocentrisme.
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