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29 mars 2016 2 29 /03 /mars /2016 16:15
Photo K.M Chaudary. AP

Photo K.M Chaudary. AP

La mort, chaque jour nous apporte sa charrette de défunts, mais suivant que l’on soit puissant ou misérable le retour à la poussière ne prend pas la même allure. Les premiers salués se voient attribuer des notices nécrologiques plus ou moins bien fagotés ; les autres passent à la trappe sans tambour ni trompette.

 

Francis Blanche, grand philosophe méconnu, écrivait : « Les huîtres meurent dans le citron, les truites dans le court-bouillon, les langoustes au fond d’un chaudron, les dindes dans les marrons, la rascasse, les maharadjahs dans le patchouli, les doux dingues dans la folie et les généraux dans leur lit. Mais, quand sonne leur heure, les escargots meurent debout, dans l’ail et le beurre. »

 

Ces derniers jours, Alain Decaux, Jim Harrison, Paul Pontalier et Bertrand Couly nous ont quittés. J’ai bien connu le premier lorsqu’il fut Ministre de la Francophonie de Michel Rocard ; sur le second j’ai souvent chroniqué ; j’ai dû croiser Paul Pontalier à château Margaux et j’avais de l’amitié pour Jacques Couly.

 

Sur les réseaux sociaux chacun y va de son petit couplet sur les défuntés avec un côté exhibitionniste qui me dérange. Le mort se retrouve dans la triste position de simple faire-valoir : moi avec lui à gauche sur la photo.

 

Et puis, au pays des Purs, dans un jardin d’enfants, une hécatombe sanglante a coûté la vie à au moins 70 personnes dont de nombreux enfants.

 

Il y avait eu Beyrouth et Paris, il y aura désormais Lahore et Bruxelles : pourquoi cet attentat suscite-t-il une couverture médiatique moins intense que celui qui a frappé Bruxelles le 22 mars, tuant au moins 35 personnes?

 

Martin Belam, responsable des réseaux sociaux et des nouveaux formats au Guardian, y répond dans un post publié sur Medium:

 

« Vous allez voir des gens se plaindre que les médias accordent moins d'importance aux atrocités commises en dehors de l'Europe occidentale qu'à celles qui se produisent dans des villes comme Paris ou Bruxelles. Les données montrent qu'il est bien, bien plus compliqué d'obtenir que les gens lisent ces articles. [...] Il est indéniablement vrai que la couverture est moins importante, mais il est aussi vrai, et regrettable, qu'il semble y avoir encore moins d'audience pour.»

 

Pour lui, cela ne veut bien sûr pas dire que l'événement doit être minimisé ou oublié, mais cela explique en partie la façon dont il sera couvert:

 

«Je n'utiliserai jamais une statistique comme celle-ci pour déterminer une priorité éditoriale. L'attaque de Lahore était méprisable, et est clairement le sujet numéro un dans le monde aujourd'hui. Je la placerai toujours en première position. Mais ce que vous constaterez probablement dans les prochains jours est qu'il y aura beaucoup moins de suivi dans les médias qu'il n'y en a eu pour Bruxelles.»

 

La suite ICI 

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29 mars 2016 2 29 /03 /mars /2016 06:00
Nous sommes en pleine 5e saison alors abordons le délicat sujet du 5e quartier… l’amourette de veau, les tripous, le gras double…« Rien ne se perd, y compris les cris des animaux »

« On doit au chef multi-étoilé Pierre Gagnaire la paternité de cette intrigante et jolie expression :

 

«C’est le moment creux entre l’hiver et le vrai printemps, écrit-il dans la Cuisine des 5 saisons (1). Il y a chaque année un rayon de soleil, un souffle d’air différent, un bourgeon qui apparaît, une sensation de renouveau qui indiquent la fin du froid ; et pourtant la nature n’a encore rien à offrir, cependant le cuisinier que je suis doit essayer d’exprimer, malgré la pauvreté du marché, l’idée du renouveau ; dire au revoir aux choux, topinambours, salsifis et légumes racines.»

 

  1. «La cuisine des 5 saisons de Pierre Gagnaire», éditions Solar, 35 euros.

C’est sous la plume du bon chroniqueur de Libé Jacky Durand

 

L’irruption soudaine du 5 dans le rythme immuable des saisons même si, avec le changement climatique, et surtout avec une agriculture maraîchère qui les ignore, nous ne savons plus très bien les distinguer, m’a interrogé.

 

Ce 5 est déjà tellement omniprésent :

 

  • 5 doigts à chaque main et à chaque pied.

  • 5 sens : l'ouïe, l'odorat, la vue, le toucher et le goût.

  • 5 goûts de base : le doux, le salé, l'aigre, l'amer et l'umami.

  • 5 membres permanents ayant le droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU.

  • 5 ans du quinquennat.

  • 5 majeur en basket.

 

J’en passe et des meilleures… avec la 5e colonne et notre chère 5e République… pour aborder mon sujet du jour le 5e quartier.

 

Nous ne sommes plus depuis fort longtemps des chasseurs et pour consommer de la viande nous déléguons à d’autres la tâche de faire passer de vie à trépas des animaux dit domestiques. Le sacrifice pour les petits animaux se fit pendant longtemps à la ferme ; pour les gros : les bovins surtout il eut les tueries particulières où officiaient les bouchers. Pour les grandes villes, à Paris les fameux abattoirs de la Villette, ont édifia des cathédrales de béton.

 

À la Mothe-Achard, célèbre pour ses grandes foires du vendredi, à la gare j’ai vu partir dans des wagons, ces wagons à bestiaux de sinistre mémoire, les bœufs et les vaches, le bétail sur pied. Direction, Paris&Bestiaux sur la ligne de la petite ceinture.

 

Les grands abattoirs de Chicago : Chicago, le grand abattoir 

 

« En faisant de Chicago un centre d'abattage et de distribution, Philip Danforth Armour et Gustavus Swift ont fait de la ville le coeur de l'industrie de la viande américaine. Chicago produit à la fin du XIXe siècle 80 % de la viande consommée aux Etats-Unis. »

 

En France l’heure est à la concentration sous la férule de la famille Bigard : Charal-Socopa.

 

Les abattoirs n’ont pas bonne presse, ils révulsent certains de nos concitoyens, et en dépit des mesures pour « le bien-être des animaux » les sacrifier avec des méthodes industrielles provoque une gêne jusque dans les rangs des carnivores les plus extrémistes.

 

Mon propos de ce matin n’est pas de prendre parti entre les végétariens et les bouffeurs de bidoche dont je suis mais de demander à ces derniers de ne pas se cacher derrière leur petit doigt et d’assumer.

 

Notre tendance à tout externaliser, à mettre une telle distance avec tout ce qui nous gêne ou nous dérange, ne peut pas faire l’impasse sur la main de ceux qui font à notre lieu et place : dans les abattoirs il y a des hommes confrontés chaque jour à la mise à mort d’animaux.

 

Dans ma vie professionnelle j’ai visité un grand nombre d’abattoirs de toute taille sacrifiant toutes les espèces, sauf les chevaux. Les hommes et les femmes, dans la volaille il y a une majorité de femmes, qui y travaillent sont confrontés à des conditions de travail difficiles.

 

Pas évident de supporter le regard affolé des vaches dans le couloir qui les conduit à la mort…

 

Alors, lorsque, comme moi, vous mangerez des abats, ayez une pensée pour ceux qui sont allés l’extraire de la carcasse d’un animal qui quelques jours auparavant broutait paisiblement dans une verdoyante prairie. Là je force le trait bucolique, il se peut que le malheureux animal ait vécu toute sa vie cloîtré, entravé, sans jamais voir la lumière du jour.

Nous sommes en pleine 5e saison alors abordons le délicat sujet du 5e quartier… l’amourette de veau, les tripous, le gras double…« Rien ne se perd, y compris les cris des animaux »

Qu’est-ce donc que le « Cinquième quartier » ?

 

Dans le langage technique, froid, dépourvu de poésie ça donne ça :

 

 Les process de première et seconde transformation (abattage et découpe) génèrent une très grande diversité de coproduits, qui doivent avoir pour l’abatteur, un coût d’enlèvement le plus faible possible ou de valorisation le plus fort possible. Ces matières sont désignées selon les interlocuteurs abats, coproduits, sous-produits, rebut, refus, résidus ou déchets.

 

 Plus globalement et historiquement, l’ensemble des parties issues de l’animal abattu qui ne sont pas désignées sous le terme viande, font partie du « Cinquième quartier ».

 

Il y a donc dans le 5e quartier ce qui se mange et ce qui ne se mange pas.

 

Du côté des matières propres à la consommation humaine on trouve :

 

 Les abats et produits tripiers.

 

 Les coproduits alimentaires (sang, os et graisses animales) qui ne sont pas ingérables directement, mais qui vont rentrer après transformation dans le circuit alimentaire.

 

 Les peaux dont une fraction peut être destinée à la fabrication de gélatine.

 

Ce qui vient directement dans nos assiettes ce sont les abats qui sont réglementairement « toutes les parties comestibles des animaux domestiques des espèces bovines (y compris Bubalus bubalis et Bison bison), porcine, ovine et caprine, ainsi que de solipèdes domestiques, autres que la carcasse. Il concerne précisément :

 

- la cervelle de veau, d’agneau et de porc,

 

- l’amourette de veau et de jeune bovin (moelle épinière),

 

- la tête de veau,

 

- les joues et noix de joue de bœuf, de veau et de porc,

 

- la langue de bœuf, de veau, des ovins et de porc, y compris la langue cuite,

 

- les rognons (reins) de bœuf, de veau, d’ovins et de porc,

 

- les rognons blancs (testicules) de bovins et d’ovins,

 

- le cœur de bœuf, de veau, d’ovins et de porc,

 

- le foie de bœuf, de veau, d’ovins et de porc,

 

- le ris de veau, de jeune bovin et d’agneau,

 

- la queue de bœuf et de porc,

 

- les pieds de veau, de porc et d’agneau,

 

- la crépine de porc (péritoine),

 

- l’os à moelle et la moelle d’os de bœuf et de veau, présentés à l’état réfrigéré, congelé ou surgelé, en pièces entières ou en portions.

 

Les tripes, les tripous, les pieds et paquets, le gras double et les produits à base de tête sont également considérés comme des produits de charcuterie et relèvent en conséquence du code des usages de la charcuterie, de la salaison et des conserves de viandes »

 

Les produits tripiers rouges sont les produits tripiers vendus tels quels, crus et n’ayant subi que les parages indispensables : ils peuvent être de couleur rouge comme le foie, les rognons, le cœur, la langue, le museau, la queue, les joues, la hampe et l’onglet, ou de couleur blanche comme la cervelle, le ris et les rognons blancs.

 

Les produits tripiers blancs nécessitent une préparation plus ou moins importante à l’abattoir et sont vendus échaudés et blanchis, voire demi-cuits, ce qui leur donne une couleur blanc ivoire. Ils regroupent principalement l’estomac, les pieds, les oreilles, les mamelles et la tête de veau.

 

Les termes « abats » et « produits tripiers » peuvent être employés indifféremment.

 

La hampe et l’onglet sont considérés sur le plan boucher comme des abats mais vendus au même titre que les viandes de bœuf.

 

« Rien ne se perd, y compris les cris des animaux »

 

Déclarait Philip Danforth Armour créateur en 1867, à Chicago, de la société Armour and Company. De fait, l'entreprise produisait, à partir des bêtes qu'elle abattait, toutes sortes de sous-produits, qu'il s'agisse de soupes, de glue, de savons, d'engrais ou de pepsine. Elle est, également, la première à fabriquer des conserves de viande sur une échelle industrielle. Au sein de l'Armour and Company, l'intégration est la règle.

 

 

Dans son roman The Jungle (1906) Upton Sinclair (1878-1968) écrivait à leur propos :

 

« Les tuer était une besogne dégoûtante car on ne pouvait pas saigner sans avoir la figure éclaboussée d’un liquide puant… C’est avec cette viande qu’on faisait le ‘boeuf embaumé’ qui, pendant la guerre de Cuba, avait tué dix fois plus de soldats américains que les balles espagnoles. »

 

« On y faisait du pâté de poulet [avec] des tripes, de la graisse, des cœurs de boeuf et des déchets de veau quand on en avait…. Du ‘jambon farci’ que les ouvriers appelaient ‘jambon farce’… [avec] des bouts de boeuf trop petits, des tripes teintes chimiquement en rose, des rognures de jambon et de boeuf salé, des pommes de terre (peau et tout) et, enfin, les cartilages du larynx des bœufs… Cet ingénieux mélange était haché puis fortement relevé avec des épices de façon à avoir goût à quelque chose. »

 

« Il était d’usage, quand une viande était trop avariée pour pouvoir l’utiliser autrement, de l’employer à la confection soit de boîtes de conserve, soit de saucisses ».

 

« Tout sert dans un porc, excepté son grognement » finissaient par plaisanter les ouvriers. « Ce n’étaient que lorsque le jambon était entièrement pourri qu’il était envoyé dans l’atelier d’Elzbieta. Là, haché par la fameuse machine aux deux mille tours par minute et mélangé à une demi-tonne d’autre chair à saucisse, il passait sans donner d’odeur, aussi gâté qu’il pût être. Dans la saucisse, tout passait, sans exception. Toute la saucisse avariée que les clients d’Europe refusaient et qui était réexpédiée à Chicago, moisie et blanche, on la traitait au borax et la glycérine, on la remettait dans les trémies et elle retournait au consommateur ; on remettait aussi dans les trémies la chair qui était tombée dans la poussière du parquet, jamais balayé, et dans laquelle les ouvriers avaient craché on ne sait pas combien de milliards de bacilles de la tuberculose. »

 

« C’était à l’époque un terrain vague très étrange, très pauvre aussi et je suis allé faire le tour des murs des Abattoirs de Vaugirard. Ensuite je suis venu ici, je me suis baladé sur le canal de l’Ourcq, à partir de ce pont jusqu’au moulin de Pantin, j’ai tourné autour des abattoirs et c’est après que je suis entré à l’intérieur. J’ai commencé par l’extérieur. Et quand j’ai compris que ce qui se passait à l’intérieur était en sombre et cruelle harmonie avec le romantisme du paysage environnant, à certains moments de la journée et surtout à certaines saisons, et avec des procédés cinématographiques qui n’existent plus maintenant, c’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire Le Sang des bêtes »

 

Georges Franju

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28 mars 2016 1 28 /03 /mars /2016 06:00
L’humour est une forme de résistance clandestine : là où il y a de bonnes raisons de pleurer, il y a toujours aussi de quoi rire.

Un petit livre glané chez Gallimard où Thierry Beauchamp a sélectionné « quelques histoires exemplaires dans les ouvrages de folkloristes américains qui les avaient eux-mêmes recueillies auprès des anciens comme les frères Grimm, en prêtant l’oreille aux traditions orales.

 

Elles affectent souvent la forme de petits contes, voire d’apologues, et empruntent aussi bien le ton de l’ironie que celui de la farce. Presque toujours s’y articule ou désarticule la dialectique du maître et de l’esclave, comme le remarque Thierry Beauchamp : « Le maître aliène sa liberté en dépendant de l’esclave et ce dernier profite de la moindre occasion pour inverser les rôles. »

 

« Les esclaves considérés comme des biens mobiliers n’avaient aucun droit et leurs enfants appartenaient au maître. Au début de la guerre de Sécession, la traite négrière représentait la plus importante activité économique du Sud après l’exploitation des plantations et environ une famille sur trois possédait des esclaves […]

 

« De ces derniers, nous connaissons le chant profondément mélancolique – le negro spiritual, le blues, nés dans les plantations – qui semble a priori traduire plus justement leur pitoyable condition […]

 

« Rire enchaîné «petite anthologie de l’humour des esclaves noirs américains » offre un contrepoint bienvenu au stéréotype de l’esclave éternellement condamné à moduler sa plainte dans les champs de coton. L’humour est une forme de repartie, la plus cinglante ; il nous donnera le dernier mot […]

 

« Il ne faut pas oublier que les esclaves demeuraient le plus souvent illettrés. Leur non-éducation était l’objet de tous les soins ; il ne fallait à aucun prix qu’ils puissent lire les libelles des abolitionnistes. Impossible d’être ouvertement subversif pour les inventeurs de ces histoires.»

 

Éric Chevillard dans sa chronique Quand l’esclave se moque dans le Monde des Idées du 11 février 2016 

 

 

La loi du talon

 

Pourquoi les Noirs travaillent si dur ?

 

« Dieu déposa deux paquets sur la route à cinq lieues de l’endroit où attendaient le Blanc et le nègre. Alors le Blanc et le nègre firent la course pour s’en emparer. Le nègre arriva le premier et il eut si peur que le Blanc le double au dernier moment qu’il plongea sur le plus gros des paquets et s’écria :

 

- Je suis arrivé le premier ! Le plus gros est à moi !

 

- Bon je me contenterai de celui qui reste, soupira la Blanc en ramassant le petit ballot.

 

Lorsque le nègre ouvrit le sien, il s’aperçut qu’il contenait une pioche, une pelle, une houe, une charrue et une hache. Dans le sien, le Blanc trouva une plume et une bouteille d’encre. Depuis ce jour le nègre s’épuise au travail sous un soleil de plomb pendant que le Blanc fait les comptes. »

 

[Mules end Men]

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27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 08:00
CHAP.15 opération Chartrons, « Le judéo-christianisme est une civilisation qui s’effondre, face à l’Islam, civilisation de grande santé qui s’approche. » Onfray

« Faut pas t’écouter mon petit gars… » me disait ma mémé Marie lorsqu’elle tamponnait de mercurochrome mes genoux écorchés… en traduction libre « serre les dents et pense à autre chose… » Pleurer ! Jamais ! Ce qui me valait une petite brioche toute chaude. Dur au mal, ne pas s’apitoyer sur soi-même, c’était la marque de fabrique de la maison. Pour autant la maisonnée n’était pas insensible à la douleur des autres, c’était même l’un des sujets de conversation favori du clan des femmes, de véritables litanies du malheur environnant.

 

Pourquoi je vous dis ça ?

 

Comme ça, je n’aime pas m’épancher sur mes petits malheurs…

 

Je continue de lire en écoutant de la musique.

 

« À Zagreb, ils partagèrent une chambre dans l’appartement lugubre de la tante de Stjepan, Mara, comme une chapelle privée imprégnée de chagrin, dans le coin nord-ouest de la place Jelacic – Mara, la sœur de ma mère, dont les tchetniks avaient fait une veuve, plus tôt dans la guerre. Pendant des mois, ils semblèrent ne rien faire de plus que se serrer les uns contre les autres dans cet appartement gelé et sans soleil, abrutis, ensorcelés par le crépitement de la radio et de son flot diabolique d’informations contradictoires, attendant la fin, ne quittant le sanctuaire de l’appartement que pour grimper péniblement jusqu’au marché de Dolac et ses étals vides, fouillant partout pour trouver un peu de pain, des navets et du charbon, ou pour assister à la messe dans la cathédrale, sur laquelle régnait le cousin de son père, l’archevêque, guide spirituel d’un pays qualifié, en 1519 par le pape Léon X d’Antemurale Christianitatis, les remparts les plus reculés de la chrétienté, une reconnaissance dérisoire et bien tardive d’une réalité supérieure à la géographie – l’Asie rencontre l’Europe non pas là où les mers séparent les continents, mais ici, dans les profondeurs sauvages et inhospitalières des Balkans, où les empires et les religions s’abrasent les uns contre les autres pour produire une quantité illimitée de fange sanglante qui s’écoule à l’est et à l’ouest dans les caniveaux de la civilisation. »

 

Bruno Le Maire aime les belles nippes, les petits dîners lucratifs et grimpe dans les sondages.

 

« Plus récent que François Fillon dans la vie politique, Bruno Le Maire rivalise avec l’ancien Premier Ministre sur le terrain des idées, mais aussi de l’esthétique. Classique dans sa mise, l’élu quarantenaire a, comme son aîné, une passion pour le vêtement. « J’adore ça, lâche-t-il sans hésiter dans un café proche de son siège de campagne. La mode, c’est ce qu’on ne voit pas. C’est la coupe avant tout, et ensuite la matière. C’est profondément français et très important ; » Quand il prend le train, Bruno Le Maire achète la presse du jour mais aussi les magazines féminins, de Elle à Grazia. Ça l’intéresse. Il est même intarissable : « La femme française n’est pas une femme comme les autres. Elle est au cœur de notre exception culturelle. Elle a une allure, un chic, une silhouette très singulière, à laquelle la mode contribue énormément. Il y a un tombé, un drapé, un plissé. C’est une expression même de la culture française. »

 

« Être en campagne, cela coûte cher, très cher. Bruno Le Maire est en train de s'en rendre compte. Du coup, le candidat à la primaire de la droite a apparemment trouvé une idée simple pour obtenir des fonds : donner de sa personne, en tout bien tout honneur. Ainsi, pour bénéficier de sa compagnie lors d'un petit dîner « entre amis », il faut prévoir 7 500 euros... si l'on est seul ! Pour un couple, parité oblige, comptez le double, soit 15 000 euros. Un budget dîner digne d'un repas d'anthologie dans un 3 étoiles et qui n'est certainement pas à la portée de toutes les bourses, mais qui correspond à l'euro près au maximum autorisé par les impôts en termes de don individuel à un parti ou à un groupement politique. Quand on veut avoir l'oreille d'un homme politique d'avenir, et faire passer un message, on ne compte pas... »

 

« M. Le Maire s’installe ainsi à la troisième place en creusant l’écart avec François Fillon, relégué loin derrière avec seulement 8 %. Surtout, il talonne désormais M. Sarkozy, en forte baisse. Jamais l’écart n’a été aussi réduit entre eux : 11 points séparent désormais l’ex-chef de l’Etat de son ex-ministre, alors qu’il était encore de 21 le mois dernier. Au-delà de ce seul sondage, plusieurs autres enquêtes d’opinion confirment cette tendance : Bruno Le Maire est porté par une dynamique positive depuis son entrée en campagne, fin février, et l’écart se resserre avec M. Sarkozy pour la seconde place, synonyme de qualification pour le second tour de la primaire.

 

L’ex-ministre de l’agriculture marque des points car le ressort de sa popularité s’appuie sur un sentiment puissant dans l’opinion : le rejet de la classe politique en place. L’ambitieux quadra, qui a préempté le thème du « renouveau », prospère en portant un message flirtant avec le populisme et ressemblant à celui de Jean-Luc Mélenchon. « Qu’ils s’en aillent tous ! », tonnait le leader du Front de gauche. « Vous butez contre les mêmes visages ? Nous allons vous en offrir de nouveaux », scande l’ex-directeur de cabinet de Dominique de Villepin. Son but ? Ringardiser Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon qu’il dépeint en « hommes du passé ». « Mon intuition, c’est qu’un vieux système meurt et que les Français veulent une nouvelle offre politique », explique-t-il au Monde. »

 

La politique française est verrouillée par le vote des seniors

 

« Les retraités pèsent de manière démesurée sur la définition de l'offre politique.

 

Un facteur majeur pèse sur la définition de l’offre politique de la prochaine élection présidentielle: le vote des retraités. Ses implications idéologiques et politiques touchent la droite comme la gauche. Sa part relative ne cesse de croître sous le double effet du vieillissement démographique et de la surparticipation électorale croissante des seniors.

 

En effet, si le taux de participation des électeurs de plus de 60 ans, s’est établi, selon l’institut Ipsos, à plus de 87% au second tour de l’élection présidentielle de 2012 (contre 80% sur l’ensemble de l’électorat), cette tendance s’est accrue lors des élections intermédiaires. Ces dernières ont été marquées par une abstention plus élevée et le poids relatif des seniors y atteint des surproportions remarquables, toujours selon le même institut: 76% de participation aux dernières municipales (contre 61% pour la moyenne des électeurs), 60% aux européennes (contre 43%), 64% aux départementales (contre 50%), 67% aux régionales (contre 50%).

 

Les premiers sondages relatifs au corps électoral des futurs votants à la primaire de la droite confirment que celle-ci sera avant tout l’expression des électeurs les plus âgés. Alors que les plus de 65 ans représentent 23% de la population française, ils pourraient représenter 43% des électeurs à la primaire; les retraités, qui comptent pour 33% de la population française, pourraient composer 50% des électeurs mobilisés. Les moins de 50 ans, qui constituent 51% de la population française, ne représenteraient que 30% de ses électeurs. En d’autres termes, la primaire de la droite, présentée comme une opération de modernisation politique, est en fait structurellement tournée vers le passé par sa démographie. »

 

La suite ICI 

 

« La légende dorée de la petite Belgique cache un racisme rampant » ICI 

 

« Rien n’est jamais tout à fait sérieux »

 

Sur cette société se greffe, en toute logique, un Etat faible. En Belgique, on cultive l’impuissance comme, ailleurs, on rêve au grand homme, avec ferveur. Ce n’est pas tant que la chose publique belge soit délaissée. Qui pourrait affirmer que la Belgique va à vau-l’eau par comparaison avec ses voisins ? Simplement, depuis toujours, la Belgique dilue le pouvoir : un roi quasi protocolaire, sept parlements, autant de gouvernements et des myriades d’organismes satellites de l’Etat gèrent tant bien que mal ce si petit pays. Le scrutin à la proportionnelle est de rigueur à tous les étages, ce qui ajoute à l’opacité de l’édifice hors de nos frontières.

 

Au centre, une capitale multiple (de l’Union européenne, de la Belgique, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Communauté flamande) éclatée en dix-neuf communes, officiellement bilingue mais effectivement multilingue, bigarrée, contrastée, à la fois ségréguée et intégrée. Dans cette société qui aime poster des chatons sur les réseaux sociaux les soirs d’interventions antiterroristes, rien n’est jamais tout à fait sérieux, ni tout à fait réel. La Belgique ne se rassure pas en s’illusionnant sur sa puissance mais en se riant de la situation.

 

«Même lorsqu'ils tuent, les djihadistes sont convaincus de faire le bien»

 

David Thomson est journaliste à RFI. En mars 2014, il publiait Les Français jihadistes, une vaste enquête–la seule à ce jour sur ce sujet– fondée sur une vingtaine d’entretiens avec des jeunes Français ayant décidé de partir combattre en Syrie. L'ouvrage vient d'être réédité dans une version augmentée.

ICI

 

Et le retour de la vache folle

 

Pourquoi le nouveau cas de vache folle en France ne doit pas vous inquiéter ICI 

 

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27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 06:00
Reprendre la conversation Jean-Michel Alberola

Reprendre la conversation Jean-Michel Alberola

Les petits maux qui me cloîtrent ces derniers temps dans mon appartement sont bien dérisoires à côté du malheur qui s’abat sur notre foutu monde que l’on dit civilisé.

 

Pas envie d’écrire, tiens pas en place, tourne en rond, pioche dans ma pile de livres, en commence un puis un autre, me disperse, dépiaute une mandarine, me rassied, me saoule d’opéra, rien ne va, rien ne me va où que ce soit…

 

Le Chagrin des Belges, Het verdriet van België est un célèbre roman d’Hugo Claus, publié en 1983.

 

 

Certains vont me reprocher mon chagrin de proximité alors que des morts, par fournées, chaque jour, dans le monde entier, sont passés sous silence, même pas oubliés car même pas nommés.

 

J’en conviens mais il faut que vous sachiez que la Belgique a beaucoup contribuée à ma culture picturale.

 

Dans les années 90 ce fut la boulimie, les galeries, les expositions, une immersion totale, une passion, rien ne m’arrêtait. Je chinais des toiles partout, une addiction, une faim inextinguible.

 

Et ce fut un jour Marcel Broodthears au musée du jeu de Paume en 1992.

 

 

« Moi aussi, je me suis demandé si je ne pouvais pas vendre quelque chose et réussir dans la vie. Cela fait un moment déjà que je ne suis bon à rien. Je suis âgé de 40 ans.»

 

Moi je roulais vers mes 44 ans.

 

Dans son journal, le mardi 8 octobre 1822, Eugène Delacroix, cher au cœur de JPK, écrivait en maugréant dans son journal :

 

« Quand j’ai fait un beau tableau, je n’ai pas écrit une pensée. C’est ce qu’ils disent. Qu’ils sont simples ! Ils ôtent à la peinture tous ces avantages. L’écrivain dit presque tout pour être compris. Dans la peinture, il s’établit comme un pont mystérieux entre l’âme des personnages et celle du spectateur […] Ainsi les esprits grossiers sont plus émus des écrivains que des musiciens ou des peintres. »

 

Broodthears fut comme Delacroix un plasticien qui aurait aimé être écrivain.

 

« De toutes les façons de se procurer des livres, la plus glorieuse est de les écrire soi-même » écrivait-il.

 

 

 

De peinture j’en parlais aussi, à Gordes, sous les charmilles, avec Michel Henochsberg.

 

Mais qui donc est Michel Henochsberg me direz-vous ?

 

Un ami perdu de vue alors que nous habitions tous deux dans le XIVe, j’écris habitions car lui l’a quitté en janvier de cette année pour rejoindre le cimetière Montmartre.

 

Tristesse, en des temps difficiles pour lui je fus l’un de ses rares amis à ne pas lui tourner le dos, nous correspondions épisodiquement mais je ne le savais pas malade.

 

Je m’en veux de ne pas avoir pu l’accompagner mais les regrets ne servent à rien et c’est pour cela que j’ai décidé d’écrire cette chronique.

 

Nous nous sommes connu par le cheval, le pur-sang, pendant tout mon séjour au 78 rue de Varenne le dossier des courses et du PMU fut pour moi un dossier réservé.

 

« Professeur d’économie de métier, il a exercé à l’université Paris X-Nanterre, Michel Henochsberg a été très présent dans les institutions du galop ces 25 dernières années. Entre 1989 et 1996, il fut président du Syndicat des éleveurs des chevaux de sang et, en parallèle, président de l’Association des éleveurs européens de chevaux de 1992 à 1996. Très proche de Jean-Luc Lagardère, il en fut même le vice-président à France-Galop en 1995. Il connut de grands succès dans l’élevage avec des poulinières comme Allegretta (mère d’Urban Sea et de King’s Best) ou encore Caretta qui a donné Kingsalsa et Al Nasr. Très impliqué aussi dans le monde des médias, il est entre autre à l’origine de la création de Jour de Galop. »

 

Mais pour moi Michel c’était surtout la revue Dérèglements de Comptes avec Jean-Michel Alberola le peintre.

 

« Entraînée, contre ses inclinaisons, dans le tourbillon de l'économie mondiale, la France n'en finit pas de désespérer ses dirigeants actuels. Ils la dessinent moderne, dynamique, agressive, totalement plongée dans cette nouvelle compétition où les premiers sont ceux qui vendent le plus.

 

Hélas, le français n'est pas commerçant, il n'est que producteur : depuis longtemps, entre l'Economie et la France s'est installé un grand malentendu.

 

Dès le carolingien et le capétien, l'espace français est d'abord celui d'un Etat : aussi, tout est en place aux premiers frémissements de la modernité économique pour que la France manque l'économie. Car il faut répéter que la nature de la verticalité étatique s'oppose fondamentalement à une fluence économique qu'elle s'emploie, vaille que vaille, à canaliser, à baliser, à circonscrire.

 

Certes le pays se révèle d'emblée grand lieu de production. Campée sur un sol fertile tramé d'innombrables villages (le concept de base de la réalité française) parvenus rapidement à l'autoconsommation, la France est une matrice féconde. Prodigalité laborieuse liée à la pression constante d'un pouvoir, à nourrir dans tous les sens du terme. »

 

Extrait de la revue Dérèglements de Comptes 8ème partie 1990 Jean-Michel Alberola et Michel Henochsberg (le texte intégral peut vous être transmis à la demande).

 

J’ai donc voulu tardivement saluer Michel au travers de l’une de ses multiples facettes, son compagnonnage de longue date avec Jean-Michel Alberola qui expose en ce moment au Palais de Tokyo du 19 février au 16 mai

 

L’AVENTURE DES DÉTAILS

 

« Je ne fais que des détails, je ne fais que ça. Je compte simplement sur l’addition des détails. » 

 

« L’exposition personnelle de Jean-Michel Alberola au Palais de Tokyo cartographie la diversité méconnue de son travail. Mettant en scène de nombreuses œuvres inédites en dialogue avec de précédentes créations, elle convoque les figures de penseurs majeurs, de Robert Louis Stevenson à Guy Debord, de Franz Kafka à Karl Marx, en passant par Simone Weil et le cinéma, et forme le point de départ d’une réflexion plus large sur l’histoire et l’état du monde, sur le temps ou sur les déplacements, des plus infimes aux plus actuels.

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26 mars 2016 6 26 /03 /mars /2016 06:00
 mémé Marie et la tante Valentine...

mémé Marie et la tante Valentine...

Qu’il est doux de ne rien faire ou presque, de buller, de se contenter de regarder, comme au Bourg-Pailler, le clan des femmes s’affairer pour préparer dans de grandes bassines la fouace, de voir le pépé Louis chauffer le four banal avec des gros fagots pétant d’étincelles, de donner la main à la mémé pour s’amuser à pétrir la pâte des fions, s’enivrer des senteurs chaudes des gâches posées à même le carrelage sur les grandes feuilles de papier sulfurisé, de rire lorsque certains fions se fendillaient et qu’il fallait les consolider avec de la ficelle de ménage…

 

Bref, demain c’est Pâques et j’ai déjà donné sur les délices du Bourg-Pailler :

 

-  La gâche de Pâques 

 

- La Fiounaïe de mémé Marie 

 

Alors ramier que je suis j’ai décidé cette année de sous-traiter à une blogueuse Marie-France Thiery, très calée.

 

  • La gâche de Vendée ICI 

 

« Brioche, gâche, galette, alize, fouace, fion, mollet… autant de pâtisseries que les anciens préparaient le samedi de la semaine pascale. Parce qu’il n’était pas question de pétrir le vendredi-saint, et si la pâte avait été faite la veille, on ne la divisait surtout pas le vendredi. Tout comme d’ailleurs les paysans ne travaillaient pas la terre ce jour-là « pour ne pas faire souffrir le Christ ».

 

La gâche.

 

« Son nom est tiré de l’ancien français – gasche – qui signifiait galette, un dérivé du verbe gacher qui signifier mouiller. Gâcher veut dire enlever le sel d’un produit salé pour sa conservation. »

 

  • Le fion vendéen ICI 

« Le fion est une spécialité vendéenne, principalement dans le marais du Nord-Ouest où on l’appelle aussi flan maraîchin.

 

Le mot fion vient du patois : le flan se disait fllun, fiun… de là à ce que ça finisse en fion il n’y avait qu’un pas très rabelaisien ! »

 

Bonne dégustation comme on dit dans les cantines chics des bobos parisiens…

 

Je signale que la tradition de la gâche du Bourg-Pailler est perpétuée par la famille Berthomeau Vincent&Pascale tenanciers de l’Abélia à Nantes. Pour le fion c’est Agathe leur fille qui s’y colle…

 

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25 mars 2016 5 25 /03 /mars /2016 06:00
À Marengo Bonaparte retarda son avancée pour observer aux premières lueurs de l’aube, un essaim gigantesque, accroché à la branche d’un chêne, ça devrait intéresser Jean-Paul Kauffmann…

L’apiculteur de Bonaparte, un bijou de petit livre de José Luis de Juan, né à Majorque en 1956, juriste, spécialiste des relations internationales. Il collabore régulièrement au quotidien El Païs, glané jeudi dernier chez Gallimard.

 

 

Pourquoi Napoléon a-t-il fait de l’abeille l’emblème de l’Empire ?

 

 

« Les abeilles du manteau impérial sont aussi mystérieuses pour moi qu’elles durent l’être pour Chilpéric et Napoléon lui-même, aussi parfaitement indevinables que les énigmes de Salomon ou les paraboles de l’Évangile. Il suffit d’espérer avec certitude que nous saurons un jour ce qu’elles furent dans la destinée du grand Empereur et dans celle de notre vieux monde qui ne s’arrête pas de descendre dans les ténèbres depuis qu’il a disparu. »

 

Léon Bloy

 

« Bonaparte, conclut Anselmo, sentencieux, et en fixant ardemment Pasolini dans les yeux, a seulement besoin d’un apiculteur. »

 

« La question obsède Pasolini, l’apiculteur elbois, convaincu que l’esprit de la ruche a inspiré au grand Corse ses plus belles batailles. Lorsqu’en mai 1814, le souverain déchu arrive sur l’île, l’émotion est à son comble. Alors que le rendez-vous est pris entre les deux hommes, on découvre qu’une Société Bonapartiste, déterminée à libérer l’Italie, voit en Napoléon son homme providentiel. Dans cette atmosphère étouffante, où Pasolini devient fou à force d’attendre la rencontre de sa vie, l’empereur d’Elbe ne rêve que d’un retour triomphal sur le devant de la scène européenne… »

 

Bonaparte… s’effondre devant le bureau anglais et se met à écrire :

 

Mon fidèle apiculteur,

 

Je suis heureux de savoir que nos abeilles sont en bonne santé et les ruches en pleine production. C’est presque mon unique réconfort durant ces jours amers. Je sais qu’il n’y a point de défaite si l’on se refuse à la reconnaître. Je n’ai pas encore les yeux bandés ; je sens toujours le poids de mes couilles.

 

Les abeilles. Dis-moi, les abeilles peuvent-elles trahir ? T’ont-elles trahi quelquefois ? Comment pourraient-elles trahir si ce qu’on appelle instinct est certitude ? Les abeilles ignorent le doute et c’est pour cela qu’elles ne peuvent avoir peur. De la même façon, elles ne sont ni héroïques ni exaltées. Qui exigerait d’elles un héroïsme plus fort que leur abnégation virginale ? Tantus amor florum, et generandi gloria mellis, s’exclamait l’ingénu Virgile.

 

Conte-moi la couleur du miel cette année. Ces tons dissemblables d’une année sur l’autre me surprennent. Est-ce parce que qu’il s’opère un changement dans les caractéristiques du pollen des fleurs d’Ajaccio ? Ou bien peut-être parce que la corrélation des forces des fleurs d’oranger et de lavande, celles des fleurs sauvages, du trèfle, du chèvrefeuille et de la mûre sauvage n’est jamais la même ? Je me souviens des miels de l’an dernier ; les différences étaient notables même entre ceux de mai et de juin : le premier offrait un ton clair, presque transparent, tandis que celui de juin se devinait épais, foncé, bien qu’il parût léger comparé à celui de septembre, noir et pétrifié comme de l’ébène. Les abeilles ont disciplinées et prévisibles, mais le résultat de leurs actions est incertain et fluctuant, comme cela arrive avec les hommes.

 

Je me souviens quand tu me disais : « Votre Majesté souhaiterait uniquement du miel de trèfle à quatre feuilles. » C’est vrai.

 

Dis-moi que fais-tu maintenant sur Elbe ? Qui t’a dit de venir ? Comment as-tu su que j’avais besoin de toi ? Non, Bonaparte n’a besoin de personne, bien qu’il dépende de tant de gens pour agir. Je ne devrais pas aller te voir demain. Que peux-tu connaître du miel d’Elbe et des abeilles de cette île ? TU ne me tromperas pas déguisé en apiculteur local. On dit que ces ruches sont les plus anciennes d’Elbe, que le miel de Pasolini distille de la sagesse, comme les pelouses d’Albion. On n’est pas si raffinés à Ajaccio, hein !

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24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 06:00
Napoléon 1er sa « limonade » champenoise et son Chambertin coupé d’eau…
Napoléon 1er sa « limonade » champenoise et son Chambertin coupé d’eau…

Homme pressé, Napoléon, où qu’il soit, à Paris ou en campagne, mange vite, des repas engloutis en moins d’un quart d’heure, ses déjeuners étaient expéditifs - moins de dix minutes -, et ses dîners en famille dépassaient rarement les vingt minutes, et peu, ce n’est pas un gourmet.

 

Cependant, il buvait à chaque repas.

 

Que buvait-il ?

 

Là les avis divergent sur le cru bourguignon qui avait sa préférence : gevrey-chambertin ou chambertin ?

 

J’opte pour le chambertin mais peut-être que Jean-Paul Kauffmann pourrait éclairer notre lanterne ?

 

Je lis en effet que : « Le Chambertin doit son nom à un paysan nommé Bertin, propriétaire d'un terrain voisin des vignes du Clos de Bèze, cultivées par les moines de l'abbaye du même nom. Bertin pensa que ce terrain devait, lui aussi, produire un bon vin. Peu après, le vin du champ de bertin fut bientôt aussi célèbre que celui de Clos de Bèze. A la mort de Bertin, les moines achetèrent ses vignes et la réputation de ce vin grimpa pour atteindre son heure de gloire sous Napoléon qui en fit son vin préféré.»

 

Bourrienne, son secrétaire particulier, raconte dans ses Mémoires comment Napoléon embarqua pour l’expédition en Egypte une telle quantité de bouteilles de chambertin qu’il ne parvient pas à les boire toutes. Le vin traverse deux fois la Méditerranée et le désert, pour être rapporté à Fréjus. À la surprise générale, le chambertin est aussi bon à l’arrivée qu’au départ, assurant à ce cru une réputation de grand vin de garde.

 

L’histoire est confirmée par les Mémoires du général Thiard, chambellan de l’Empereur, qui dans les jours qui précèdent la bataille d’Elchingen écrit : « Il est piquant de n’avoir que de la mauvaise bière dans une contrée de l’Europe si fertile, tandis que dans la haute Egypte ? même dans la traversée du désert, il avait toujours eu son vin de Chambertin. »

 

C’est la maison Soupé et Pierrugues qui livrait régulièrement à Napoléon son Chambertin, habituellement un Chambertin de 5 à 6 ans d'âge. Il en buvait une demi-bouteille à chaque repas. Napoléon ne le buvait jamais pur, Frédéric Masson, l’un des grands historiens de l’Empire, écrit que Napoléon buvait toujours son chambertin « très trempé d’eau ». Il ne manquait jamais de couper son Chambertin avec un volume équivalent d’eau

 

Durant les grands froids de la campagne de Russie, en 1812, l’aide de camp de Napoléon conservait ce vin contre sa poitrine pour pouvoir, à tout moment, lui servir du vin chambré. Il se dit aussi que le jour de la bataille de Waterloo Napoléon n’avait pas bu son verre de Chambertin. Les perfides anglais ont une autre version ils affirment que Napoléon aurait abusé de son vin préféré la nuit précédant la bataille et qu’il était saoul au combat, ce qui le fit tomber de cheval.

 

Outre le chambertin, Napoléon ne dédaignait pas un verre de champagne, sans jamais oublier d’y joindre au moins autant d’eau : c’était ce qu’il appelait sa « limonade ».

 

 

Le chambertin partage avec le chambertin-clos-de-bèze la couronne impériale.

 

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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 06:00
Mon coeur est à Bruxelles de Joann Sfar

Mon coeur est à Bruxelles de Joann Sfar

Bien sûr ce n’était qu’une contribution bien modeste à l’édification d’un Marché dit Commun, rien que des vaches, des cochons, des couvées, du blé et aussi du vin. Une petite pierre, une motte de terre dans le jardin d’une Europe sans guerre, paisible, fraternelle.

 

Nous allions donc, jeunes et joyeux, à Bruxelles dans le TEE qui ressemblait tôt le matin à une annexe de notre grande et belle administration française. En ce temps-là nous étions fiers de servir l’État, d’être des petits rouages d’une construction commune née de la volonté du plus jamais ça.

 

Jean Monnet, Robert Schuman, Alcide De Gasperi, Paul-Henri Spaak, les pères de l’Europe disait-on.

 

Sicco Mansholt

 

Elle était bien petite : l’Italie, la RFA, le Benelux et nous les Français, les 6. Puis elle s’est élargie, pour moi jusqu’à 12.

 

Dans le train nous profitions des derniers ors des TEE, petit-déjeunions, nous nous chamaillions entre les bouseux de l’Agriculture et les petits marquis des Finances sous les regards narquois de ces messieurs du Quai. Presque que des mâles, des Français quoi.

 

Nous refaisions le monde.

 

Il ne pouvait qu’être beau et prospère, surtout sur notre nouvel îlôt !

 

Rassure-toi je ne vais pas retracer toute l’histoire de cette Union dont Bruxelles est la capitale, ce n’est ni le jour ni l’heure, en ce moment de douleur, de recueillement cher Arno.

 

Ce n’est pas le moment de faire des phrases ou des petits dessins mais d’être présent, discret, solidaire.

 

Si je prends la plume ce matin c’est pour te dire toute mon affection, celle que je te dois cher voisin de Bruxelles pour celles et ceux touchés dans leur chair, leur âme. Vie brisée, ravagée, victimes toujours innocentes.

 

Comme chez toi je me sens un peu chez moi, à l’aise sans rouler des mécaniques comme nous savons si bien le faire nous les Français, tout ce qui te touche me touche alors je te le dis tout simplement.

 

Je suis triste, très triste, impuissant...

 

J’aime Bruxelles pour un paquet de raisons cher Arno et je puis t’assurer que dès que je le pourrai j’y remonterai comme si de rien n’était.

 

Bon courage cher Arno, merci de te faire mon interprète auprès de tes concitoyens.

 

Je t’embrasse.

 

À bientôt, en mai, au Trianon.

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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 06:00
« Le style gracieux en art culinaire engendre généralement un style sophistiqué, brillant, lequel néglige de plus en plus la nourriture, le contenu, et mise tout sur le décor et la préparation » le Clausewitz de la broche.

Pendant ma période de claustration, pour tromper l’ennui, j’ai observé sur les réseaux sociaux la scénarisation de la jeune cuisine au raout parisien d’Omnivore et j’ai eu le projet de pondre une chronique chichiteuse.

 

J’ai demandé à mon pote Google ce qu’il en pensait.

 

Et je suis tombé sur l’ami Pierre Jancou qui causait à Atabula

 

« Je suis outré de voir un peu partout cette nouvelle cuisine chichiteuse, paresseuse, non respectueuse des traditions et pour laquelle la photo, l’œil (du blogueur ou du client lambda) sont plus importants que le goût. »

 

Et j’en suis resté là attendant de nourrir un chouïa ma réflexion.

 

Jeudi, jour de rupture de mon jeûne, sur le chemin des Climats j’ai fait une halte à la librairie Gallimard, boulevard Raspail, entièrement rénovée, superbe palais de lumière, pour acheter La vache qui pleure.

 

Comme de bien entendu je suis ressorti avec ma vache et une moisson de livres.

 

Dans mon cabas l’Esprit de l’art culinaire, traité de gastronomie de Carl Friedrich von Rumohr (1785-1843, figure fondatrice de l'histoire de l'art allemande édité en 1822. à cette époque la cuisine et l’alimentation ne suscitaient dans les pays de langue allemande qu’un maigre intérêt — contrairement à la France.

 

Pourtant ce n’est qu’en 1826 que la littérature gastrosophique française voit paraître un ouvrage aussi ambitieux avec la Physiologie du goût de Brillat-Savarin. C’est dire l’originalité de ce traité qui est considéré outre-Rhin comme le grand classique de la littérature « gourmande ».

 

« Publié d’abord sous le nom de son cuisinier et serviteur Joseph König dans le but de lutter contre l’hégémonie de la cuisine française et de contribuer à l’émergence d’un art gastronomique véritablement national alors que l’Allemagne, en tant qu’État, n’existait pas encore, l’Esprit de l’art culinaire va bien au-delà d’un simple livre de recettes. Conçu comme un recueil de règles pratiques à l’usage de la cuisine quotidienne, il propose aussi une sociologie de l’art ménager et de l’hygiène alimentaire, et livre sous une forme scientifique et dans une langue à la fois claire et pédagogique, non dénuée d’humour, les principes fondamentaux de la gastronomie moderne dont Carl Friedrich von Rumohr, ce « Clausewitz de la broche », selon la formule d’Ernst Jünger, apparaît aujourd’hui comme le précurseur. »

 

Le hasard fait souvent avec moi bien les choses.

 

La preuve :

 

Définition de l’art culinaire

 

« L’art de la cuisine consiste à développer grâce au feu, à l’eau et au sel les propriétés nourrissantes, revigorantes et plaisantes des substances naturelles qui permettent généralement de nourrir ou de restaurer l’être humain. Aussi le célèbre mot d’Horace : « Mêle l’utile à l’agréable », que l’on a si souvent associé à la poésie et à la peinture, ces arts d’une inutilité suprême et des plus tendancieux, ne doit-il être appliqué qu’à l’art culinaire.

 

L’art culinaire est utile en ce qu’il poursuit inlassablement le but immuable : permettre de manger, de se nourrir et se restaurer. Mais il suscite également le plaisir, et ce deux manières : en poursuivant d’abord le but susnommé, car tous les plats nourrissants et sains ont aussi, la plupart du temps, très bon goût, puis en donnant aux plats et aux mets simplement nourrissants, l’assaisonnement qui leur sied, tout en leur conférant une apparence agréable.

 

D’ailleurs, l’on voit dominer tantôt l’un, tantôt l’autre caractère dans les différentes époques et écoles de l’art culinaire ; et l’on pourrait ainsi tout à fait admettre en cuisine, comme dans les beaux-arts, un style sévère, un style gracieux et un style brillant.

 

Du style sévère, on a jusqu’aujourd’hui conservé de nombreux exemples dans les plats véritablement nationaux. Ainsi, qu’est-ce que le rôti de bœuf des Anglais, sinon un vestige de cette époque antique que nous dépeignent les poèmes homériques ? Les Chinois, qui sont une nation séculaire et, comme les Anglais, un peuple isolé du monde, solitaire, respectueux de l’ancien, apprécient eux aussi la viande rôtie bien juteuse. Chez tous les peuples dont le riz constitue la principale culture, le pilaf, depuis des siècles, s’est perpétué de la même manière de la Chine jusqu’à l’Italie. Cette savoureuse préparation consiste à cuire le grain en veillant à ce qu’il reste ferme, puis à le refroidir avant de le porter de nouveau au feu avec une matière animale, de l’assaisonner et d’en achever la cuisson. Quand ce grain remarquable est préparé de la sorte, les substances farineuses et sucrées dont il est si riche sont préservés ; cependant dans le Nord, où l’on fait venir le riz des contrées lointaines, les gens laissent généralement ces éléments bénéfiques se volatiliser à la cuisson, et se contentent des fibres restantes vidées de leur chair, et dépourvues de saveur.

 

Le style gracieux de l’art culinaire, un sommet sur lequel il est difficile de se maintenir longtemps, allie à la qualité nutritive des aliments le charme et le décor. C’est un style que je m’efforce surtout de prendre en considération. C’est le genre mâle et élégant*, pour reprendre l’expression du grand Carême.

 

* En français dans le texte.

 

Mais le style gracieux, justement, engendre généralement le style sophistiqué, brillant, lequel néglige de plus en plus la nourriture, le contenu, et mise tout sur le décor et la préparation. Ce point de vue, les Grecs déjà l’embrassèrent très tôt ; les Romains plus tard l’adoptèrent, surtout à l’époque où Apicius rédigea le modèle de tous les livres de cuisine modernes. Son ouvrage est singulier à plus d’un égard : d’abord, l’on y trouve ici et là quelques règles domestiques romaines toujours utiles aujourd’hui, et que l’on pourra compléter en se référant notamment aux auteurs de traités d’agriculture ; par ailleurs, comme je l’ai déjà fait remarquer, il représente la plus grosse dégénérescence possible de l’art culinaire. On comprend en le lisant à quels goûts étranges l’homme est capable de s’habituer quand sans réfléchir ni s’imposer de bornes, il s’abandonne au charme de la nouveauté et s’efforce alors d’entretenir cette dernière par des innovations constantes et toujours plus aventureuses. »

 

Lire sur le sujet la prose pétaradante de Périco Légasse « Pour sa 108e édition, "le Guide rouge" bascule résolument dans le marketing et les paillettes. Du people, de la star et de la com, dans le mépris total du patrimoine culinaire. » 

 

« Il est vrai que la cuisine n'est plus seulement tendance, elle est sociétale, contractuelle, scoopable, indicielle, CAC-quarantée, numérique, liturgique et globalisée, et qu'il n'est pas question de passer à côté du spectacle si l'on veut rester dans le coup. Du coup, justement, la cuisine est devenue spectaculaire, et le sera toujours un peu plus dès lors que ceux qui la cotent ou la médiatisent auront besoin d'aller au spectacle en passant à table. Avouons que la course à l'Elysée sert de modèle à tous les secteurs de la société puisque ce sont désormais les communicants qui dictent leur programme électoral aux candidats. On ne dit plus «chers électeurs», mais «chers spectateurs», de même que l'on ne dit plus «à table» mais «à vos écrans».

 

Cette année, le Guide Michelin va un peu plus loin dans la fumette, en consacrant des numéros d'équilibriste où le quart de radis mariné à l'essence de tofu virtuel le dispute dans le ramequin en ardoise du Brésil à la demi-aiguillette de mérou infusée à la poudre de kumquat safrané. Certes, il n'y a pas que cela, et il va de soi que, sur les 470 nouveautés de l'édition 2016, il est un grand nombre de bonnes trouvailles. Mais, pour autant, l'usager du guide, le lecteur est-il vraiment informé ou renseigné sur les critères culinaires et professionnels qui prévalent à la starisation de telle maison ou à la déchéance de telle autre ? Pas le moins du monde. Michelin tranche mais ne justifie jamais ses choix. »

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