Un petit livre glané chez Gallimard où Thierry Beauchamp a sélectionné « quelques histoires exemplaires dans les ouvrages de folkloristes américains qui les avaient eux-mêmes recueillies auprès des anciens comme les frères Grimm, en prêtant l’oreille aux traditions orales.
Elles affectent souvent la forme de petits contes, voire d’apologues, et empruntent aussi bien le ton de l’ironie que celui de la farce. Presque toujours s’y articule ou désarticule la dialectique du maître et de l’esclave, comme le remarque Thierry Beauchamp : « Le maître aliène sa liberté en dépendant de l’esclave et ce dernier profite de la moindre occasion pour inverser les rôles. »
« Les esclaves considérés comme des biens mobiliers n’avaient aucun droit et leurs enfants appartenaient au maître. Au début de la guerre de Sécession, la traite négrière représentait la plus importante activité économique du Sud après l’exploitation des plantations et environ une famille sur trois possédait des esclaves […]
« De ces derniers, nous connaissons le chant profondément mélancolique – le negro spiritual, le blues, nés dans les plantations – qui semble a priori traduire plus justement leur pitoyable condition […]
« Rire enchaîné «petite anthologie de l’humour des esclaves noirs américains » offre un contrepoint bienvenu au stéréotype de l’esclave éternellement condamné à moduler sa plainte dans les champs de coton. L’humour est une forme de repartie, la plus cinglante ; il nous donnera le dernier mot […]
« Il ne faut pas oublier que les esclaves demeuraient le plus souvent illettrés. Leur non-éducation était l’objet de tous les soins ; il ne fallait à aucun prix qu’ils puissent lire les libelles des abolitionnistes. Impossible d’être ouvertement subversif pour les inventeurs de ces histoires.»
Éric Chevillard dans sa chronique Quand l’esclave se moque dans le Monde des Idées du 11 février 2016
La loi du talon
Pourquoi les Noirs travaillent si dur ?
« Dieu déposa deux paquets sur la route à cinq lieues de l’endroit où attendaient le Blanc et le nègre. Alors le Blanc et le nègre firent la course pour s’en emparer. Le nègre arriva le premier et il eut si peur que le Blanc le double au dernier moment qu’il plongea sur le plus gros des paquets et s’écria :
- Je suis arrivé le premier ! Le plus gros est à moi !
- Bon je me contenterai de celui qui reste, soupira la Blanc en ramassant le petit ballot.
Lorsque le nègre ouvrit le sien, il s’aperçut qu’il contenait une pioche, une pelle, une houe, une charrue et une hache. Dans le sien, le Blanc trouva une plume et une bouteille d’encre. Depuis ce jour le nègre s’épuise au travail sous un soleil de plomb pendant que le Blanc fait les comptes. »
[Mules end Men]