Bien sûr ce n’était qu’une contribution bien modeste à l’édification d’un Marché dit Commun, rien que des vaches, des cochons, des couvées, du blé et aussi du vin. Une petite pierre, une motte de terre dans le jardin d’une Europe sans guerre, paisible, fraternelle.
Nous allions donc, jeunes et joyeux, à Bruxelles dans le TEE qui ressemblait tôt le matin à une annexe de notre grande et belle administration française. En ce temps-là nous étions fiers de servir l’État, d’être des petits rouages d’une construction commune née de la volonté du plus jamais ça.
Jean Monnet, Robert Schuman, Alcide De Gasperi, Paul-Henri Spaak, les pères de l’Europe disait-on.
Sicco Mansholt…
Elle était bien petite : l’Italie, la RFA, le Benelux et nous les Français, les 6. Puis elle s’est élargie, pour moi jusqu’à 12.
Dans le train nous profitions des derniers ors des TEE, petit-déjeunions, nous nous chamaillions entre les bouseux de l’Agriculture et les petits marquis des Finances sous les regards narquois de ces messieurs du Quai. Presque que des mâles, des Français quoi.
Nous refaisions le monde.
Il ne pouvait qu’être beau et prospère, surtout sur notre nouvel îlôt !
Rassure-toi je ne vais pas retracer toute l’histoire de cette Union dont Bruxelles est la capitale, ce n’est ni le jour ni l’heure, en ce moment de douleur, de recueillement cher Arno.
Ce n’est pas le moment de faire des phrases ou des petits dessins mais d’être présent, discret, solidaire.
Si je prends la plume ce matin c’est pour te dire toute mon affection, celle que je te dois cher voisin de Bruxelles pour celles et ceux touchés dans leur chair, leur âme. Vie brisée, ravagée, victimes toujours innocentes.
Comme chez toi je me sens un peu chez moi, à l’aise sans rouler des mécaniques comme nous savons si bien le faire nous les Français, tout ce qui te touche me touche alors je te le dis tout simplement.
Je suis triste, très triste, impuissant...
J’aime Bruxelles pour un paquet de raisons cher Arno et je puis t’assurer que dès que je le pourrai j’y remonterai comme si de rien n’était.
Bon courage cher Arno, merci de te faire mon interprète auprès de tes concitoyens.
Je t’embrasse.
À bientôt, en mai, au Trianon.