Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 mars 2016 2 29 /03 /mars /2016 06:00
Nous sommes en pleine 5e saison alors abordons le délicat sujet du 5e quartier… l’amourette de veau, les tripous, le gras double…« Rien ne se perd, y compris les cris des animaux »

« On doit au chef multi-étoilé Pierre Gagnaire la paternité de cette intrigante et jolie expression :

 

«C’est le moment creux entre l’hiver et le vrai printemps, écrit-il dans la Cuisine des 5 saisons (1). Il y a chaque année un rayon de soleil, un souffle d’air différent, un bourgeon qui apparaît, une sensation de renouveau qui indiquent la fin du froid ; et pourtant la nature n’a encore rien à offrir, cependant le cuisinier que je suis doit essayer d’exprimer, malgré la pauvreté du marché, l’idée du renouveau ; dire au revoir aux choux, topinambours, salsifis et légumes racines.»

 

  1. «La cuisine des 5 saisons de Pierre Gagnaire», éditions Solar, 35 euros.

C’est sous la plume du bon chroniqueur de Libé Jacky Durand

 

L’irruption soudaine du 5 dans le rythme immuable des saisons même si, avec le changement climatique, et surtout avec une agriculture maraîchère qui les ignore, nous ne savons plus très bien les distinguer, m’a interrogé.

 

Ce 5 est déjà tellement omniprésent :

 

  • 5 doigts à chaque main et à chaque pied.

  • 5 sens : l'ouïe, l'odorat, la vue, le toucher et le goût.

  • 5 goûts de base : le doux, le salé, l'aigre, l'amer et l'umami.

  • 5 membres permanents ayant le droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU.

  • 5 ans du quinquennat.

  • 5 majeur en basket.

 

J’en passe et des meilleures… avec la 5e colonne et notre chère 5e République… pour aborder mon sujet du jour le 5e quartier.

 

Nous ne sommes plus depuis fort longtemps des chasseurs et pour consommer de la viande nous déléguons à d’autres la tâche de faire passer de vie à trépas des animaux dit domestiques. Le sacrifice pour les petits animaux se fit pendant longtemps à la ferme ; pour les gros : les bovins surtout il eut les tueries particulières où officiaient les bouchers. Pour les grandes villes, à Paris les fameux abattoirs de la Villette, ont édifia des cathédrales de béton.

 

À la Mothe-Achard, célèbre pour ses grandes foires du vendredi, à la gare j’ai vu partir dans des wagons, ces wagons à bestiaux de sinistre mémoire, les bœufs et les vaches, le bétail sur pied. Direction, Paris&Bestiaux sur la ligne de la petite ceinture.

 

Les grands abattoirs de Chicago : Chicago, le grand abattoir 

 

« En faisant de Chicago un centre d'abattage et de distribution, Philip Danforth Armour et Gustavus Swift ont fait de la ville le coeur de l'industrie de la viande américaine. Chicago produit à la fin du XIXe siècle 80 % de la viande consommée aux Etats-Unis. »

 

En France l’heure est à la concentration sous la férule de la famille Bigard : Charal-Socopa.

 

Les abattoirs n’ont pas bonne presse, ils révulsent certains de nos concitoyens, et en dépit des mesures pour « le bien-être des animaux » les sacrifier avec des méthodes industrielles provoque une gêne jusque dans les rangs des carnivores les plus extrémistes.

 

Mon propos de ce matin n’est pas de prendre parti entre les végétariens et les bouffeurs de bidoche dont je suis mais de demander à ces derniers de ne pas se cacher derrière leur petit doigt et d’assumer.

 

Notre tendance à tout externaliser, à mettre une telle distance avec tout ce qui nous gêne ou nous dérange, ne peut pas faire l’impasse sur la main de ceux qui font à notre lieu et place : dans les abattoirs il y a des hommes confrontés chaque jour à la mise à mort d’animaux.

 

Dans ma vie professionnelle j’ai visité un grand nombre d’abattoirs de toute taille sacrifiant toutes les espèces, sauf les chevaux. Les hommes et les femmes, dans la volaille il y a une majorité de femmes, qui y travaillent sont confrontés à des conditions de travail difficiles.

 

Pas évident de supporter le regard affolé des vaches dans le couloir qui les conduit à la mort…

 

Alors, lorsque, comme moi, vous mangerez des abats, ayez une pensée pour ceux qui sont allés l’extraire de la carcasse d’un animal qui quelques jours auparavant broutait paisiblement dans une verdoyante prairie. Là je force le trait bucolique, il se peut que le malheureux animal ait vécu toute sa vie cloîtré, entravé, sans jamais voir la lumière du jour.

Nous sommes en pleine 5e saison alors abordons le délicat sujet du 5e quartier… l’amourette de veau, les tripous, le gras double…« Rien ne se perd, y compris les cris des animaux »

Qu’est-ce donc que le « Cinquième quartier » ?

 

Dans le langage technique, froid, dépourvu de poésie ça donne ça :

 

 Les process de première et seconde transformation (abattage et découpe) génèrent une très grande diversité de coproduits, qui doivent avoir pour l’abatteur, un coût d’enlèvement le plus faible possible ou de valorisation le plus fort possible. Ces matières sont désignées selon les interlocuteurs abats, coproduits, sous-produits, rebut, refus, résidus ou déchets.

 

 Plus globalement et historiquement, l’ensemble des parties issues de l’animal abattu qui ne sont pas désignées sous le terme viande, font partie du « Cinquième quartier ».

 

Il y a donc dans le 5e quartier ce qui se mange et ce qui ne se mange pas.

 

Du côté des matières propres à la consommation humaine on trouve :

 

 Les abats et produits tripiers.

 

 Les coproduits alimentaires (sang, os et graisses animales) qui ne sont pas ingérables directement, mais qui vont rentrer après transformation dans le circuit alimentaire.

 

 Les peaux dont une fraction peut être destinée à la fabrication de gélatine.

 

Ce qui vient directement dans nos assiettes ce sont les abats qui sont réglementairement « toutes les parties comestibles des animaux domestiques des espèces bovines (y compris Bubalus bubalis et Bison bison), porcine, ovine et caprine, ainsi que de solipèdes domestiques, autres que la carcasse. Il concerne précisément :

 

- la cervelle de veau, d’agneau et de porc,

 

- l’amourette de veau et de jeune bovin (moelle épinière),

 

- la tête de veau,

 

- les joues et noix de joue de bœuf, de veau et de porc,

 

- la langue de bœuf, de veau, des ovins et de porc, y compris la langue cuite,

 

- les rognons (reins) de bœuf, de veau, d’ovins et de porc,

 

- les rognons blancs (testicules) de bovins et d’ovins,

 

- le cœur de bœuf, de veau, d’ovins et de porc,

 

- le foie de bœuf, de veau, d’ovins et de porc,

 

- le ris de veau, de jeune bovin et d’agneau,

 

- la queue de bœuf et de porc,

 

- les pieds de veau, de porc et d’agneau,

 

- la crépine de porc (péritoine),

 

- l’os à moelle et la moelle d’os de bœuf et de veau, présentés à l’état réfrigéré, congelé ou surgelé, en pièces entières ou en portions.

 

Les tripes, les tripous, les pieds et paquets, le gras double et les produits à base de tête sont également considérés comme des produits de charcuterie et relèvent en conséquence du code des usages de la charcuterie, de la salaison et des conserves de viandes »

 

Les produits tripiers rouges sont les produits tripiers vendus tels quels, crus et n’ayant subi que les parages indispensables : ils peuvent être de couleur rouge comme le foie, les rognons, le cœur, la langue, le museau, la queue, les joues, la hampe et l’onglet, ou de couleur blanche comme la cervelle, le ris et les rognons blancs.

 

Les produits tripiers blancs nécessitent une préparation plus ou moins importante à l’abattoir et sont vendus échaudés et blanchis, voire demi-cuits, ce qui leur donne une couleur blanc ivoire. Ils regroupent principalement l’estomac, les pieds, les oreilles, les mamelles et la tête de veau.

 

Les termes « abats » et « produits tripiers » peuvent être employés indifféremment.

 

La hampe et l’onglet sont considérés sur le plan boucher comme des abats mais vendus au même titre que les viandes de bœuf.

 

« Rien ne se perd, y compris les cris des animaux »

 

Déclarait Philip Danforth Armour créateur en 1867, à Chicago, de la société Armour and Company. De fait, l'entreprise produisait, à partir des bêtes qu'elle abattait, toutes sortes de sous-produits, qu'il s'agisse de soupes, de glue, de savons, d'engrais ou de pepsine. Elle est, également, la première à fabriquer des conserves de viande sur une échelle industrielle. Au sein de l'Armour and Company, l'intégration est la règle.

 

 

Dans son roman The Jungle (1906) Upton Sinclair (1878-1968) écrivait à leur propos :

 

« Les tuer était une besogne dégoûtante car on ne pouvait pas saigner sans avoir la figure éclaboussée d’un liquide puant… C’est avec cette viande qu’on faisait le ‘boeuf embaumé’ qui, pendant la guerre de Cuba, avait tué dix fois plus de soldats américains que les balles espagnoles. »

 

« On y faisait du pâté de poulet [avec] des tripes, de la graisse, des cœurs de boeuf et des déchets de veau quand on en avait…. Du ‘jambon farci’ que les ouvriers appelaient ‘jambon farce’… [avec] des bouts de boeuf trop petits, des tripes teintes chimiquement en rose, des rognures de jambon et de boeuf salé, des pommes de terre (peau et tout) et, enfin, les cartilages du larynx des bœufs… Cet ingénieux mélange était haché puis fortement relevé avec des épices de façon à avoir goût à quelque chose. »

 

« Il était d’usage, quand une viande était trop avariée pour pouvoir l’utiliser autrement, de l’employer à la confection soit de boîtes de conserve, soit de saucisses ».

 

« Tout sert dans un porc, excepté son grognement » finissaient par plaisanter les ouvriers. « Ce n’étaient que lorsque le jambon était entièrement pourri qu’il était envoyé dans l’atelier d’Elzbieta. Là, haché par la fameuse machine aux deux mille tours par minute et mélangé à une demi-tonne d’autre chair à saucisse, il passait sans donner d’odeur, aussi gâté qu’il pût être. Dans la saucisse, tout passait, sans exception. Toute la saucisse avariée que les clients d’Europe refusaient et qui était réexpédiée à Chicago, moisie et blanche, on la traitait au borax et la glycérine, on la remettait dans les trémies et elle retournait au consommateur ; on remettait aussi dans les trémies la chair qui était tombée dans la poussière du parquet, jamais balayé, et dans laquelle les ouvriers avaient craché on ne sait pas combien de milliards de bacilles de la tuberculose. »

 

« C’était à l’époque un terrain vague très étrange, très pauvre aussi et je suis allé faire le tour des murs des Abattoirs de Vaugirard. Ensuite je suis venu ici, je me suis baladé sur le canal de l’Ourcq, à partir de ce pont jusqu’au moulin de Pantin, j’ai tourné autour des abattoirs et c’est après que je suis entré à l’intérieur. J’ai commencé par l’extérieur. Et quand j’ai compris que ce qui se passait à l’intérieur était en sombre et cruelle harmonie avec le romantisme du paysage environnant, à certains moments de la journée et surtout à certaines saisons, et avec des procédés cinématographiques qui n’existent plus maintenant, c’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire Le Sang des bêtes »

 

Georges Franju

Partager cet article
Repost0

commentaires

  • : Le blog de JACQUES BERTHOMEAU
  • : Espace d'échanges sur le monde de la vigne et du vin
  • Contact

www.berthomeau.com

 

Vin & Co ...  en bonne compagnie et en toute Liberté pour l'extension du domaine du vin ... 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

Archives

Articles Récents