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22 mai 2012 2 22 /05 /mai /2012 00:09

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Vanter du lard, même doté d’une appellation qui chante la Toscane : lardo di Colonnata, c’est du gras quoi, rien que du gras, c’est pure provocation, c’est nutritionnellement incorrect en nos temps de régime minceur, mais Dieu que c’est bon allongé sur une belle tranche de pain, juste tiédie, accompagné d’un verre de vin. Un délice, un régal, le goût des choses simples même si le lardo di Colonnata est rare, donc cher (44 euros/kg à Paris chez RAP épicerie : à la coupe ou en morceaux.link). Mais c’est le prix de l’excellence, celui du respect de gestes ancestraux, et puis, comme nous n’en mangeons pas tous les jours – plat des pauvres autrefois, des mieux lotis aujourd’hui – c’est le choix d’une alimentation qui joint le geste à la parole : moins mais bon.


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Je vous propose donc ce matin un beau voyage du côté de Carrare en Toscane afin que vous découvriez la patrie de ce lard d’exception. Tout ce qui suit a été vérifié par le Taulier, les adresses du manger, boire et dormir seront indiquées en fin de chronique.

 

Départ d’Orly au petit matin  pour Pise où, dès l’arrivée, nous prenons la route  pour rejoindre Torre del Lago en moins de 30 minutes ; là, tout au bord du petit lac de Massaciuccoli, se trouve la maison de Giacomo Puccini. « On dirait que le temps ne s’y pas arrêté : une veste au porte-manteau, des lunettes, des chaussures, comme si le maître nous attendait dans la pièce voisine, là où se trouve le piano encore ouvert, où il composa ses plus belles œuvres. » Pour le déjeuner nous nous arrêtons à la Trattoria da Marco de Viareggio pour manger du loup grillé, ensuite cap sur Pietrasanta en passant par le charmant petit village de Monteggiori resté inchangé depuis des siècles. Flâner en amoureux dans « les ruelles étroites et romantiques qui serpentent à l’abri de l’ancienne enceinte construite par Castruccio Castracani, seigneur de Lucques. À Pietrasanta, rien que pour le plaisir nous prenons un petit en-cas à la Trattoria da Sci, puis nous nous rendons à pied à la « prestigieuse fonderia Tesconi et aux ateliers artistiques du marbre dont le studio Cervietti et le studio Palla (…) Éblouis par l’éclat du marbre nous rentons à l’hôtel Pietrasanta et nous traversons la rue pour dîner à l’Enoteca Marcucci.

 

Gard-et-lard-038.JPG jpg.php enoteca


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le lendemain matin nous quittons Pietrasanta pour Carrare où nous montons « aux carrières de Fantiscritti en prenant la direction de Codena-Bedizzano et en suivant les panneaux « Strade del marmo » vers Colonnata. Là, on traverse un vieux tunnel pour pénétrer au cœur de la montagne. Les murs blancs taillés bloc après bloc, éclairés par la lumière artificielle, évoquent de gigantesques cathédrales. En suivant la route qui serpente entre les carrières, on arrive à Colonnata, petit bourg qui a donné son nom à une variété de marbre : c’est le village des carriers et des lizzatori, ceux qui transportent les blocs sur des traineaux. Les gastronomes connaissent aussi le nom de Colonnata, qui désigne une sorte de lard ; admis aujourd’hui sur les tables des restaurants et apprécié des grands chefs internationaux, il n’est plus considéré comme la nourriture du pauvre, mais comme un ingrédient raffiné, qui permet de préparer de savoureux crostini. » Nous sommes allés en déguster chez le maître du genre Venanzio, qui propose des plats traditionnels préparés par sa femme et accompagnés d’excellents vins. »

 

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Voilà vous y êtes. Le lardo di Colonnata, autrefois compagnon des carriers et des lizzatori qui, tôt le matin avant de partir au travail, le taillaient en fines tranches pour le mettre dans les miches de pain rustique avec quelques petits morceaux de tomate.  Avec la gourde remplie de vin, ce sandwich  leur fournissait les calories nécessaires pour faire face aux montées en pente raide et à la fatigue de l’excavation. Le lard de Colonnata doit sa saveur exceptionnelle à son processus de maturation, dont l’origine remonte aux environs de l’An Mille.

cartina.gifLe lard s’obtient en prenant, peu d’heures après l’abattage, la couche grasse de l’échine du cochon dont on a déjà extrait la partie la plus grasse, dite « spugnosa ». Cette couche de gras « camicia », préalablement frotté avec de l’ail et des arômes, est ensuite déposée dans des cuves taillées dans un bloc de marbre « conca ». Le premier morceau de lard est déposé dans la « conca » sur une couche de gros sel naturel, de grains de poivre noir à peine moulus, d’ail frais épluché, romarin et sauge découpé en petits morceaux. La « conca » est ensuite remplie par couches, en alternant le lard et le sel et les arômes pour être finalement recouverte par une plaque de marbre. Le lard reste dans la « conca » durant une période qui varie de six à dix mois pour la maturation : sa saveur exceptionnelle repose entièrement sur ce processus de maturation et est ensuite enrichie par l’ajout d’arômes tels que la cannelle, le coriandre, la noix de muscade, les clous de girofle, l’anis étoile et l’origan.


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Le marbre de Carrare permet d'assurer une température constante tout en étant plus hygiénique que le bois. Il est imperméable et assure donc une parfaite conservation du produit. Certaines cuves de marbre sont vieilles de plusieurs siècles mais ne peuvent rentrer dans la fabrication du lard de Colonnata selon les normes européennes. Outre une situation à  500 mètres d'altitude, le site de Colonnata possède une humidité élevée, des températures estivales modérées ainsi que des amplitudes thermiques, journalières et annuelles, limitées. Ses habitations sont pourvues de caves souvent creusées dans la roche où les excès thermiques diurnes sont à peine perceptibles. Les vasques de marbre blanc qui servent à la maturation du lard se comportent alors comme des corps froids qui favorisent la condensation de l’humidité atmosphérique, ce qui contribue à la transformation du sel en saumure. La situation géographique particulière et l'exposition du village au soleil ont une incidence notable sur la formation d'un microclimat local.

 

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Seule une dizaine de producteurs élaborent du lardo di Colonnata qui bénéficie de la plus petite IGP d'Italie (Indication géographique protégée). La fête du lardo di Colonnata se déroule à Colonnata le second dimanche après le 15 août.


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Le lardo di Colonnata est parfumé et a un goût délicat.  De multiples recettes existent, dont l’une les pommes de terre nouvelles rissolées au lardo di Colonnata est un égal, mais pour moi le must c’est une Ciabatta tranchée en deux, juste blondie au grill sur laquelle on couche de fines tranches de lardo di Colonnata. C’est le goût originel.


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Bien évidemment il faut boire un bon verre de vin avec ce bel en-cas. J’ai choisi, un vin dans son plus simple apparat, le SEMPLICEMENTE VINO 2011 Bianco – de Stefano Bellotti dont l’exploitation viticole d’eene vingtaine d’hectares est située dans les collines avoisinantes de Novi Liguri et Gavi Propriété de la famille Bellotti depuis les années 30, Stefano travaille en biodynamie depuis 1985. Producteur d'une dizaine de vins différents, Semplicemente Vino Bianco est la version blanche de son célèbre Semplicemente Vino Rosso.


Belloti

 

Bouteilles produites: 8000, Cépage: 100% Cortese,


MDW italie 010

 

1-      la maison de Giacomo Puccini piazza Belvedere Torre del Lago

2-     la Trattoria da Marco via Paolo Savi 317 Viareggio www.trattoriamarco.it/

3-     la Trattoria da Sci vicolo Porta a Lucca Pietrasenta

4-     la fonderia Tesconi via Santa Maria 32 Pietrasenta

5-     le studio Cervietti  via Sant’Agostino 58 Pietrasenta

6-     le studio Palla piazza Carducci 13 Pietrasenta

7-     l’hôtel Pietrasanta via Garibaldi 35 Pietrasenta  www.albergopietrasanta.com

8-    l’Enoteca Marcucci via Garibaldi 40 Pietrasenta www.enotecamarcucci.it/

9-     Restaurant Venanzio piazza Palestro 3 Colonatta

 

N.B. Les citations sont extraites du magnifique livre d’Anna Bini, Gilles et Catherine de Chabaneix Toscane Ballades gourmandes au rythme des saisons chez Minerva.


Pavarotti - Tosca - E lucevan le stelle par Quarouble

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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 00:09

Comme vous le savez, je l’ai assez seriné, pendant des mois je me suis occupé du reclassement de 130 producteurs de lait du Grand Bassin Sud-Ouest, soit l’addition de deux régions administratives : l’Aquitaine : 5 départements  Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques et le Midi-Pyrénées : 8 départements Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées, Tarn, Tarn-et-Garonne. Pas facile de s’y retrouver ! En dépit de mon goût pour la géographie par moment je me prenais les pieds dans le tapis entre le Lot-et-Garonne et le Tarn-et-Garonne.


Mais le pompon de la confusion c’est pour les vins de ce grand ensemble. Je vais essayer de faire simple :


-          En 1 la Gironde qui s’identifie à Bordeaux avec son CIVB


-          En 2 Bergerac, Côtes de Bergerac, Pécharmant (pour les rouges), Bergerac rosé, Montbazillac, moelleux, Montravel, Côtes de Montravel, Haut-Montravel, Rosette et Saussignac pour les blancs, avec leur  CIVRB


-          En 3 un gros peloton regroupé sous la bannière de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest :


 AOC : Fronton, Gaillac, Madiran, Pacherenc du Vic-Bilh, Saint Mont, Tursan, Saint Sardos, Entraygues et Fel, Brulhois, Côtes de Millau, Coteaux du Quercy, Estaing, Irouleguy, Lavilledieu, Marcillac


 IGP : Côtes de Gascogne, Comté Tolosan, Côtes du Tarn, Coteaux et terrasses de Montauban, Lot-et-Garonne, Agenais et Thézac-Pérricard, Lot, Aveyron, Pyrénées-Atlantiques, Landes.

 

- En 4 Le paquebot Cahors en son isolement qui se voudrait splendide...


- En 5 : un petit peloton d’isolés : AOC Côtes de Duras, Côtes du Marmandais, Buzet…


Croyez-vous qu’une poule y retrouverait ses petits dans un tel embrouillamini ? Bien sûr votre Taulier, qui n’est pas un perdreau de l’année, arrive à s’y retrouver mais même si les les plus optimistes pourront m’objecter que c’est beau comme un tableau d’art contemporain, je ne suis pas sûr, qu’hormis le cas de François et de Bernard les duettistes en ault qui marient les 2, que ce soit le meilleur moyen de vendre du vin. En revanche, aux habituels simplificateurs, ceux qui comme le british Robert Joseph veulent jeter le bébé avec l’eau du bain, je réponds ce n’est pas compliqué mais un peu emmêlé comme un écheveau de laine. L’important c’est de nous donner, à nous pauvres consommateurs, l’une ou l’autre des extrémités du fil pour pouvoir faire notre pelote. La première, puisque nous sommes les chantres de l’origine,  pouvoir mieux situer le terroir sur son territoire, l’identifier. La seconde, être en mesure  de mieux connaître les vignerons qui œuvrent sur ce territoire.

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Alors lundi 14 mai, après un vrai déjeuner en ville avec ce qu’on appelle un homme d’influence, je me suis rendu pédestrement jusqu’à l’atelier de Guy Martin rue de Miromesnil où les Rebelles d’Aquitaine avaient transformés en camp retranché. Je plaisante bien sûr. Il faisait beau pour une fois. La disposition du lieu sur plusieurs niveaux était très agréable et la petite cour extérieure permettait de papoter en prenant un café. Du bon miam aussi mais comme j’avais déjà mangé je me contentai d’un pruneau d’Agen offert par de beaux yeux. Je bus aussi du jus de tomate de Marmande et goûtait quelques gariguettes en souvenir de Gérard Gouzes, l’inventeur de l’EARL, maire de Marmande. Si vous êtes bon en géographie vous aurez compris que je me  trouvais dans une enclave du Lot-et-Garonne.

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En effet, nos Rebelles d’Aquitaine, montés à Paris, venait tout droit de Duras. C’est où Duras, diront les cancres ? Au sud de Libourne et de Bergerac, sur la rive droite de la Garonne : regardez la carte ci-dessous. Présentation de 20 vins aux parisiens, de toutes les couleurs, sec et moelleux pour le blanc, nommés « ambassadeurs des Côtes de Duras » pour 2012 après une dégustation à la chaussette (et non pas à l’aveugle comme c’est dit trop couramment). Donc des Rebelles investis d’une mission de séduction. J’adore les Rebelles, ceux qui se lève contre l’ordre établi, bouscule l’establishment, font bouger les lignes. La seule question que je me pose à propos de la dream-team de Duras : serait-ce contre leurs grands voisins girondins qu’ils se rebellent ? Je plaisante bien sûr ! Plus sérieusement, je les vois bien plus entamer une guerre en dentelles pour nous séduire, nous attirer dans leurs rets


Permettez-moi, formule idiote puisque je me permets tout, de citer Jean-François Revel, qui écrit dans son célèbre livre un festin en paroles, « Quand on demande à la plupart d’entre nous ce qui fait la qualité d’un vin, nous avons tendance à répondre : le terroir. Avec le climat, bien sûr. Les plus avertis ajouteront : le cépage. Quand on consulte les leçons de l’histoire et de la géographie, la réponse correcte est plutôt l’intelligence et le marché. L’intelligence n’est évidemment rien sans le travail avec les investissements qu’il suppose. Le tout stimulé par le marché. » Attention, ne pas monter sur vos grands chevaux dès que vous entendez parler de marché au singulier. Ici ce sont tout bêtement vos clients.


Ces clients tout le monde les chasse ! On se les arrache ! On leur fait la cour ! Mais, dans ce qu’il faut bien appeler la concurrence entre vignobles d’abord, certains partent avec beaucoup de longueurs d’avance. Ça s’appelle la notoriété. Et la notoriété ça ne se bâti pas à pas, ça ne se fait pas en un jour, c’est patience et longueur de temps et bien sûr de l’argent. Je ne vais pas reprendre ici mes habituelles antiennes mais, lorsqu’on est modeste, en taille, comme en notoriété, le meilleur atout à jouer c’est de conjuguer avec intelligence : un sens collectif à toute épreuve et une grande capacité à faire éclore de belles individualités. Partager les mêmes valeurs, admettre les différences, donner aux consommateurs bien plus que des images, une vraie histoire de femmes et d’hommes qui partagent le même destin. Tout bêtement revenir à la force fondatrice de nos AOC : tenir leurs promesses ! Sortir de leur côté tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil qui est l’équivalent d’un lobby des droits acquis.


J’ai dégusté tous les blancs en file indienne en commençant par le haut (l’étage le plus élevé de l’atelier j’entends : (les prix TTC départ propriété)


-          La Pie Colette 2010 7€ Sémillon, Muscadelle, Sauvignon, Chenin www.mouthes-le-bihan


-          Pérette et les noisetiers 2009 Sémillon  80ù Sauvignon, Muscadelle25€ idem


-          Domaine du Vieux Bourg 2011 Sauvignon 4€ www.vieuxbourg.delicent.com


-          Amourette 2011 6,50€ par 12b Sauvignon www.domainlesriquets.com


-          Le chemin blanc 2010 7€ Sémillon, Sauvignon blanc, sauvignon gris (1/3) www.chateau-lapetitebertrande.com


-          Prélude de Berticot 2011 Sémillon, Sauvignon en Bib de 10 l 24€ www.berticot.com

 

En bas j’ai dégusté un rosé : Terroir des Ducs 2011 Cabernet franc 80ù et Cabernet sauvignon 20%  6€ Château Molhière molhiere@wanadoo.fr 

 

Enfin quelques rouges


-          Château Les Roques 2010 Merlot 80% et Cabernet Sauvignon et Franc pour 10% chaque 5,50€


-          Domaine Chater 2010 Merlot Cabernet 60/40 6,50€ www.domainechater.com


-          La Pierre Cachée 2010 Merlot 75ù Cabernet Sauvignon 25% 9€ www.chateau-lapetitebertrande.com    


-          Le Mignon 2010 Merlot 85% Malbec 20% 9,50€ www.domainlesriquets.com 


-          Les Apprentis 2008 Merlot, Cabernet sauvignon, Malbec, Cabernet Franc 17€ www.mouthes-le-bihan


-          Domaine du Vieux Bourg 2010 Merlot 40% Cabernet France et Sauvignon 20% chaque 4€ www.vieuxbourg.delicent.com


-          Les Cours 2010 Merlot Cabernet Sauvignon bib 9,90€ fabrice-pauvert@orange.fr

 

Le Point de vue du Taulier


-          Très belle sélection homogène pas de mauvaises surprises, que des vins de belles tenues.


-          Un rapport qualité/prix imbattable pour la grande majorité des vins.


-          Des blancs remarquables dans la meilleure tradition Duras et des rouges qui font rougir le grand voisin bordelais.


-          Belle dégustation avec des vins à température, bien servis, dans une belle verrerie disponible sur chaque stand.


-          Mes coups de cœur : ****


En blanc : Amourette *** 2011 du domaine Les Hauts de Riquet et La Pie Colette 2010 *** du Domaine  Mouthes Le Bihan.

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En rouge : Les Apprentis**** 2008 du Domaine Mouthes Le Bihan et La Pierre Cachée *** 2010 Domaine de Dame Bertrande. Et Les Cours 2010 **


Mention Spéciale du Taulier aux 3 représentants du Domaine Mouthe Le Bihan Les Apprentis 2008 est un grand rouge dense, complexe, soyeux, souple, du fruit, de la longueur, remarquable en tout point. Me donnait envie d’une belle entrecôte grillée avec des bonottes de Noirmoutier. Pérette et les noisetiers 2009 est un petit bijou, une rareté (6500 b), un vin éclatant, rond sans artifice, du velours à fines côtes, c’est vigoureux, vif, du fruit plein la bouche sur un bar de ligne à la croûte de sel : à se sucer les doigts et à finir son verre. Bravo ! le bihan perette et les noisetiers blanc

le bihan les apprentis

Quand j’ai écrit en titre : Feu sur le quartier général ce n’était pas pour faire de la provocation mais pour vous inciter à lire ce qu’écrit Jean-Mary Le Bihan sur sa page d’accueil link à propos de la dernière réunion du CRINAO Sud-Ouest présidé par Hubert de Boüard. Édifiant !

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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 00:09

Chroniquer sur l’huître au cours du premier mois sans R relève de la provocation mais à ma décharge, j’ai une bonne raison que vous découvrirez en toute fin de chronique, et une autre plus mystérieuse que seuls ceux qui me connaissent élucideront. Donc cap sur l’huître avec travaux pratiques sur une douzaine de Gillardeau n°2 bien grasses et deux vins : 1 Muscadet Sèvres et Maine sur lie et un vin Mystère pas si mystérieux que ça. Patience, vous allez souffrir !


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Pour le commun des mortels le féminin de l’huître s’impose alors que cette coquine, selon son âge, change de sexe, sans pour autant être qualifiée de transexuelle puisqu’elle est, alternativement et successivement, femelle et mâle. Cet hermaphrodisme successif n’a pas le même rythme chez la plate que la creuse. Chez la première, le changement s’opère après chaque émission de produits génitaux, alors que pour la creuse une fois par saison seulement.  Pendant les fameux mois sans R, de juin à juillet, l’huître va pondre par 3 fois mais la plate est vivipare : les œufs pondus pendant la phase féminine se concentrent dans la poche inhalante et attendent la semence mâle. Celle-ci peut-être celle de l’huître elle-même ou celle d’une voisine devenue mâle qui disperse sa semence à l’extérieur. Donc, l’huître à la fois père et mère, accomplit alors jusqu’au bout sa double mission parentale et porte les œufs fécondés pendant une dizaine de jours jusqu’à ce que devenus larves, ils soient expulsés. Le naissain ainsi livré à lui-même a deux semaines pour trouver un support afin de s’y fixer. Ce n’est pas la dérive puisque la larve est pourvue de cils vibratiles qui lui permettent de nager. Bien sûr, leur destinée est aussi liée à « ce qu’elles ne terminent pas leur carrière, dévorées par les prédateurs marins, emportées par un violent courant de tempête, transies par un courant froid ou mazoutées par un bateau pollueur »


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La creuse est, elle, ovipare, et dans sa phase femelle elle n’est pas maternelle. Ses œufs non fécondés passent illico de la chambre inhalante à la chambre exhalante qui les expulse sans préavis. L’angoisse donc, car c’est « à la grâce de Neptune » qu’ils rencontreront les spermatozoïdes qui les féconderont : ceux de l’huître même devenue mâle, ou ceux d’une voisine ayant elle aussi changé de sexe. « Comme les chances de rencontres sont minces, si l’huître creuse pond de vingt à cent milliards d’œufs, seuls quelques dizaines d’adultes témoigneront de chaque… nichée. »


À l’origine, avant que l’ostréiculture n’existe, les bancs d’huîtres étaient naturels. Accrochées aux récifs, écueils, rochers, ces larves de un ou deux millimètres, ont constituées les gisements qui furent surexploités, épuisés, et il a fallu les reconstituer. Les Grecs mangeaient beaucoup d’huîtres qu’ils ramassaient sur les bancs naturels. Des textes anciens nous rapportent que les coquilles de celles-ci servaient de bulletin de vote pour bannir de la cité un des leurs : les Grecs procédaient à un vote avec le dessus des coquilles d’huîtres. Le terme ostracisme trouverait d’ailleurs son origine ici (ostrakon : coquille). Les romains étaient aussi de grands amateurs d’huîtres. On raconte que l’empereur Vitellius en mangeait jusqu’à 1200 par jour. Ils  ne concevaient pas l’idée d’un banquet sans celles-ci et c’est pourquoi ils les faisaient venir à grand frais de Gaule (des plates). Sergius Orata (140-91 av. JC) eut le premier l’idée d’organiser leur élevage. Les huîtres étaient consommées natures ou accompagnées de garum (sauce apparentée au nuoc man). Du côté de Riec-sur-Belon on rappelle que Néron était grand amateur de leur Belon qu’il accompagnait de vins généreux.


Dans notre beau pays donc « depuis l’aube des temps jusqu’aux débuts du second Empire, les côtes françaises constituaient une suite pratiquement ininterrompue de bancs huîtriers naturels où l’on n’avait qu’à ramasser ce que l’on désirait. Au temps de l’occupation romaine, l’ostréiculture si bien décrite par Ausone au IVe siècle avait atteint une technicité qui peut se comparer à celle d’aujourd’hui. » Les invasions barbares firent disparaître les exploitations atlantiques et méditerranéennes et durant un millénaire la gastronomie est restée muette sur l’huître. À partir du XVIe dans les grandes villes de l’intérieur, eut égard aux difficultés d’acheminement elle est l’apanage des riches.


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En ce temps-là elle se dénommait oïttre et on continuait, dans mon pays à Saint-Michel en l’Herm, comme au temps des gaulois, à la saler. Elle se consommait en civet et Le ménagier de Paris, vers 1393, en donnait la recette :


CIVÉ D’OÏTRES


Eschaudez et lavez très bien les oïtrres, les cuisez pour un seul bouillon, et les mettez ésgouter, et les friolez avec de l’oignon cuit en huile ; puis prenez pain harlé ou chappeleure grand foison, et mettez tremper en purée de pois ou en de l’eaue boulie des oïttres et du vin plain, et coulez ; puis prenez canelle, giroffle, poivre long, graine et saffran pour donner couleur, broyez et destrempez de verjus et vinaigre et mettez d’une part ; puis broyez vostre pain harlé ou chappeleure avecque la purée ou eaue  des oïttres et aussi les oïttres puisqu’elles ne seroient pas assez cuites.


Et puis, au grand dam des écologistes de l’époque, le pillage des bancs naturels « cent millions d’huîtres par an à Tréguier et à Cancale vers 1775 » faillit rayer l’huître des cartes et des menus. Mais c’était sans compter sur le génie d’hommes passionnés qui entreprirent, tel Monsieur le Bon, commissaire de la Marine à Saint-Servan, de réensemencer les huîtrières en capturant le naissain. Ce fut, un maçon de l’île de Ré, Hyacinthe Bœuf, qui inventa le premier parc à huîtres en construisant un muret pour obtenir une retenue et briser la force du courant. Alors qu’il allait acheter ses petites huîtres en Bretagne il s’aperçut que son mur se recouvrait naturellement de naissain venu du large. En 1858, deux avisos, l’Arie et l’Antilope ensemençaient la baie de Saint Brieuc sous l’impulsion de Jacques-Marie Costes, professeur au Collège de France et passionné d’ostréiculture.


À l’époque la seule huître française connue était plate Ostrea edulis ou gravette er se révélait plus fragile que sa cousine creuse, dite portugaise, qui furent importées fortuitement des Indes jusqu’au débouché du Tage au XVe par les navires de commerce portugais dont la coque servi de collecteur naturel. Détachées dans le bassin de radoub les huîtres prospérèrent. En 1859, le bassin d’Arcachon fut équipé Costes, envoyé spécial de Napoléon III, de pontons protecteurs des gisements d’huîtres mères surmontés par un toit de tuiles. « Le naissain soulevé par la houle se fixa avec délices… sur ces tuiles » et y prospéra. Napoléon III fit donc installer des parcs à huîtres « impériaux dans la baie. Comme partout ailleurs les plates tombèrent malades et il fallut importer des portugaises. On raconte qu’en 1868, le « Morlaisien », navire chargé d'huîtres creuses portugaises fut pris dans une violente tempête ce qui l'obligea à s'abriter dans l'estuaire de la Gironde. En raison du retard pris, les huîtres étaient trop avariées pour être livrées et capitaine jeta toute la cargaison par-dessus bord. Certaines huîtres survécurent et proliférèrent. En seulement quelques années, les portugaises se sont fixées et reproduites sur tout le littoral atlantique tant et si bien que les ostréiculteurs du nord de la Bretagne, pour protéger leur plate, obtinrent en 1923 un décret interdisant l’élevage de la « portugaise » au nord de la Vilaine. En France on adore les interdictions.


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La suite de l’histoire est un éternel recommencement car la fameuse « portugaise » attrapa une maladie en provenance d’Asie et il fallut importer des naissains du Japon, les « gigas ». Depuis plus de 3 ans une épizootie décime les plus jeunes mollusques, c'est l'herpès virus OsHV-1, associé à des bactéries. Une maladie qui n'a aucune conséquence pour l'homme. « Cet agent infectieux est connu depuis de nombreuses années mais ce n'est que depuis 2008 qu'il cause une telle mortalité », selon l’Ifremer qui n'a identifié aucune cause particulière pour expliquer sa soudaine virulence. Les huîtres vivent en milieu ouvert donc  elles subissent aussi le réchauffement climatique et l'intervention de l'homme qui les travaille de plus en plus » Pour un ostréiculteur « La mer est une grande poubelle qui reçoit les phytosanitaires véhiculés par l'homme »  alors que l’Ifremer évoque plutôt "l'augmentation de la salinité et l'élévation de la température de l'eau » En attendant si le facteur déclenchant demeure inconnu, l'Ifremer s'efforce de faire face au fléau. Pour cela, elle incite notamment à « sélectionner des familles plus résistantes à ces mortalités, à introduire notamment des naissains en provenance du Japon et à inciter la profession à limiter les pratiques à risques »


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Laissons-là l’histoire de l’huître et revenons à celle que vous gobez. Si vous le faites à domicile tout écailler amateur l’a appris à ses dépens l’adage « fermé comme une huître » repose sur une réalité physique. Ce bivalve, avec son couvercle, la valve droite, et son fond creux, la valve gauche, sont réunis par un ligament très solide, qui fait charnière et verrouillés par un muscle adducteur, est coriace et il vaut mieux ne pas se rater pour l’ouvrir, sans risque pour la main porteuse. Avant de vous lancer observez les écaillers des bancs d’huîtres des restaurants et équipez-vous d’un bon ustensile. Le muscle adducteur entrebâille ou ferme la valve supérieure pour faire entrer un certain volume d’eau (4 à 20 litres par heure) d’où l’huître tirera ses nutriments.


Bien sûr j’évite, afin de ne pas choquer les âmes sensibles, d’évoquer la barbarie de l’ouverture de l’huître et sa bestiale consommation. Cependant je ne résiste pas au plaisir d’évoquer le corps de l’huître que vous ingurgitez. Il est revêtu d’un « manteau » fin tissu conjonctif qui, lorsqu’il se charge de glycogène, donne l’aspect charnu et laiteux de l’huître grasse. «  Les lobes du manteau sont bordés de 3 bourrelets parallèles. » qui ont des fonctions précises dont les sensations et de cavité que les branchies séparent en chambre inhalante et chambre exhalante. Mais le plus important c’est que l’huître possède des organes digestifs : foie, estomac, intestin,, bouche et anus. Le foie, qui se gonfle de glycogène lorsque l’huître est grasse, est la partie la plus savoureuse et la plus nutritive.


J’espère que ces détails anatomiques ne vous ont pas rebutés et que vous irez puiser dans l’extrême variété des huîtres françaises dont j’ai dressé un tableau région par région ci-dessous. Mais, comme il se doit, avec vos huîtres vous allez boire, et boire du vin, et boire un Muscadet. Pourquoi un Muscadet, en voilà une bonne question que je vous pose : « pourquoi votre Taulier a-t-il choisi en ce lendemain d’Ascension un vrai Muscadet Sèvre et Maine sur lie 2009 de Bruno Cormerais et un Miss Terre 2010 de Marc Pesnot pour gober sa douzaine de Gillardeau n°2 ?


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La réponse est un mystère que vous devrez élucider et si vous trouvez je vous aurez droit à une bonne surprise.

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Pour les grands amateurs je signale que le Miss Terre est un Vin de France 100% Melon de Bourgogne récolté comme l’indique la contre-étiquette en Bretagne Sud (Pays Nantais) vous ne trouvez pas ça étrange ? Bon je vous laisse à vos interrogations mais, tel le Petit Poucet, j’ai jeté ici les petits cailloux qu’il faut pour répondre à mon interrogation.


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Adresses des vignerons :


-         EARL Bruno Marie F & Maxime Cormerais  la Chambaudière 44190 Saint-Luminé-de-Clisson.

-         U°EsMarc Pénot la sénéchalière 44450 Saint Julien de Concelles

Aux sources de cette chronique : la biologie de la moule in Histoire Naturelle et Morale de l’Alimentation Maguelonne Toussaint-Samat et divers sites sur l’huître.

 

L'huître de Normandie www.huitre-normandie.com se décline en 4 variétés aux saveurs bien particulières :

• Les huîtres de la côte Ouest du Cotentin, au goût corsé,

• Les fameuses Saint-Vaast, charnues et iodées,

• Les irrésistibles d'Isigny sur Mer, douces et croquantes,

• Les savoureuses de la Côte de Nacre, à la saveur tonique.

 

En Bretagne Nord, on retrouve :

• Les huîtres de Cancale aux arômes vigoureux,

• Les Paimpol croquantes et salées,

• Les huîtres de la Rivière de Tréguier fermes et généreuses,

• Les Morlaix-Penzé moelleuses aux fines saveurs d'algues,

• Les Nacres des Abers gorgées d'arômes d'iode et de noisette,

• Les huîtres de la Rade de Brest à la saveur puissante et harmonieuse,

• Les Tsarskaya, les huîtres spéciales des Parcs Saint Kerber.

 

En Bretagne Sud :

• Les huîtres de l'Aven-Belon douces et légèrement sucrées,

• Les Ria-d'Etel peu iodées et à la fine saveur marine,

• Les huîtres de la baie de Quiberon aux parfums complexes et variés,

• Les Golfe du Morbihan aux subtiles saveurs d'algues,

• Les Penerf à la chair abondante et ferme,

• Les Croisicaises iodées avec un arôme de noisette.

www.huitres-de-bretagne.com

 

Les huîtres des Pays de la Loire… www.huitre-vendee-atlantique.fr

 

L’huître de Vendée Atlantique ». Très savoureuses, les huîtres, à la chair ferme et croquante, se distinguent par leur goût parfaitement équilibré. Elles bénéficient d'une eau d'une qualité exceptionnelle, particulièrement favorable à leur élevage ou à leur affinage en claires spécifiques.

Fruit d'un patrimoine historique, l'élevage de l'huître remonte à L'Antiquité où les Romains le développèrent. Au 18e siècle, l'huître de la baie de Bourgneuf était considérée comme la meilleure du Royaume de France. La baie de Bourgneuf, qui abrite la plupart des parcs à huîtres, est le 3ème bassin français.

 

Les huîtres en Poitou-Charentes

 

Les Huîtres des Îles de Charente Maritime, et bénéficie d'une Indication Géographique Protégée (IGP) reconnue et protégée par l'Europe. Les Huîtres Marennes Oléron ont obtenu l'IGP le 3 février 2009.

 

Cette région propose quatre grands crus :

• La « Fine de Claire » : le passage en claire ajoute à la saveur marine bien affirmée de l'huître un subtil goût de terroir caractéristique.

• La « Fine de Claire Verte »: distinguée par son Label Rouge (1989) et son Indication Géographique Protégée (IGP), elle répond à des normes bien strictes et présente une teinte verte caractéristique de son passage en claire où la « navicule bleue », une algue, vient teinter la chair de l'huître. Le passage en claire ajoute à la saveur marine bien affirmée de l'huître un subtil goût de terroir caractéristique.

• La « Spéciale de Claire » : le volume de sa chair est important et la nacre intérieure a un éclat intense. En bouche, elle présente un remarquable équilibre entre douceur et salinité.

• La « Pousse en Claire » bénéficie également du Label rouge (1999) et d'une IGP. Huître haut de gamme produite en petites quantités, elle est affinée en claire pendant 4 mois minimum dans des bassins à très faible densité. Sa chair est d'une fermeté croquante et son goût de terroir est affirmé.

www.huitresmarennesoleron.info

 

Les huîtres en Aquitaine

 

Connue sous la marque collective Huîtres Arcachon Cap Ferret, l'huître arcachonnaise, produite dans l'un des plus anciens bassins de production, se décline en plusieurs variétés :

• La région de la pointe du Cap Ferret aux influences contrastées donne des huîtres croquantes aux saveurs persistantes d'embruns d'amandes fraiches avec des pointes de fruits verts.

• La partie orientale de l'île aux Oiseaux leur donne des accents de sous-bois et de céréales grillées.

• Les huîtres du Grand Banc mêlent harmonieusement ton iodé et saveurs fruitées, avec une sensation d'onctuosité.

• Les huîtres d'Arguin mêlent notes sucrées et lactées à une structure dense et onctueuse.

www.huitres-arcachon-capferret.com

 

Les huîtres de Méditerranée…

 

La plus grande partie de la production se fait dans la lagune de Thau, bassin relié à la mer et qui regorge de qualités favorables à l'élevage des huîtres : la richesse du plancton, un bon taux de salinité et un climat méditerranéen.

 

Célèbre pour ses huîtres de Bouzigues, la région possède de nombreux sites de production : Leucate, Vendres, Gruissan, Port Saint Louis du Rhône, Toulon et la Corse.

L'élevage pratiqué en Méditerranée est spécifique : il se fait en suspension sur des « tables », mais également en pleine mer pour des produits au goût plus prononcé. Grâce à l'élevage en suspension sur cordes, l'huître, immergée en permanence dans des eaux profondes, profite pleinement de la richesse des fonds marins. es principales variétés sont :

• Les fameuses huîtres de Bouzigues, fermes et fondantes au petit goût de noisette,

• Le bassin de Leucate produit des huîtres à la chaire fine et délicate,

• Les huîtres de Gruissan, élevées en pleine mer, ont le bon goût du large,

• Les huîtres corses, goûteuses, sont bien charnues.

www.srcm.fr

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16 mai 2012 3 16 /05 /mai /2012 00:09

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Vincent, François, Olivier, Antonin… pourles mâles dominants… Eva, Isa, Samia pour  celles qui nous mènent par le bout du nez…. et bien d’autres moins sympathiques, bien plus que le Taulier qui n’est qu'un ramier patenté, occupent les espaces nouveaux de la Toile et donnent des démangeaisons à nos amis de l’écrit papier qui voient en eux des concurrents redoutables qui risquent de venir picorer dans leurs écuelles déjà peu garnies. Rassurez-vous je ne vais pas traiter pour la énième fois ce sujet mais profiter d’un article d’Andrew Jefford pour tenter de mettre cul sur tête les idées reçues de la corporation journalistique.

 

Qu’écrit Jefford ?

 

« Tôt ou tard, l'auteur devra gagner sa vie, ou se consumera dans un passe-temps coûteux et chronophage qui ne pourra jamais s'épanouir dans une carrière. Le monde du vin pourrait bien y perdre ses nouveaux auteurs les plus originaux, et ne conserver que ses geeks et ses auto-promoteurs. (Traduction, qualifiée  d’approximative  par l’intéressé François Desperriers) »

 

« Most wine blogs are doomed: sooner or later the writer will need to earn a living, or will burn out of an expensive and time-consuming hobby which can never blossom into a career. The wine world may well find it loses its most original new writers, and keeps only its geeks and its self-promoters. »

 

Jugez par vous même ICI link

 

Ce cher Jefford fait des constats incontestables mais il raisonne, comme le disent les mathématiciens, toute chose égale par ailleurs et ses conclusions alarmistes sur le devenir, voire la disparition, des meilleurs blogueurs de vin, sont à mon avis erronées. Pour preuve, les exemples suivant qui concernent François Desperriers, Vincent Pousson et Olivier Borneuf. Bien évidemment, ce ne sont des blogueurs du modèle « critique de vin » cher à Andrew Jefford, dont je ne crois pas, comme lui, à la viabilité économique à long terme, mais des généralistes au bon sens du terme. Leur modèle économique, fondé sur leur activité propre, préexistante, leur permet de concilier l’écriture indépendante sur un blog, ou comme François au travers de Bourgogne Live d’être une plate-forme d’échanges.  L’avenir des blogs de vin se situe là, se contenter de singer les bons vieux critiques, à la papa, est une impasse. Certes, un noyau restreint d’amateurs cherchera toujours son bonheur dans les guides ou ses références dans des notes et des commentaires de dégustations, mais n’en déplaise à beaucoup de mes confrères l’avenir n’est pas là. C’est le vieux monde et il est déjà derrière nous.


Mais alors, me direz-vous où est le nouveau ? Ma réponse va vous surprendre : je ne sais pas ! Ce que je sais c’est qu’il est en train de se construire autour du bouillonnement présent. Nous vivons une phase de foisonnement débridé, d’arborescence touffue, d’expériences plus ou moins maîtrisées, de feux de paille et de maillages patients qui  avec le temps façonnera un nouveau paysage, de nouvelles pratiques, de nouveaux modèles économiques. Moi, avec mon antériorité, j’y participe à ma façon au sens, où je persiste à croire à la force du contenu, mais je ne m’érige aucunement en modèle, bien au contraire. Ce qui me plaît dans la phase actuelle c’est que de plus en plus le fond et la forme, chez les bons blogueurs, se rejoignent. Mes collègues travaillent leur sujet, marie spontanéité, effervescence et pertinence ce qui rend bien fadasse les chroniques de certains dont le faux esprit frondeur s’apparente au teint du cachet d’aspirine.


Ma démonstration vous la trouverez ci-dessous avec 2 chroniques de Vincent Pousson et d’Olivier Borneuf à propos de ce que savent le mieux faire certains de nos amis anglais, en l’occurrence ici Robert Joseph, éminent conseilleur mais néanmoins porteur d’un discours où sous le couvert de la satisfaction des désirs de consommateurs on véhicule insidieusement des présupposés fort en cours dans l’industrie agro-alimentaire mondiale, nous faire prendre des vessies pour des lanternes et abandonner la proie pour l’ombre.

 

Chronique de Vincent Pousson link

Chronique d'Olivier Borneuf link

 

Pour clore cette chronique je vous mets un lien link avec mon Bourgogne Live préféré, celui de mon ami François Desperriers et de son acolyte Aurélien Ibanez. Avec de tels acteurs le Net du Vin se construit sur un terroir solide et c’est ça que j’aime par-dessus tout dans cette aventure commune où je suis un peu présent par hasard. Créer des liens c’est ça la trame sur laquelle va s’appuyer toute une nouvelle génération du monde du vin. Et du côté d'Antonin Iommi-Amunategi c'est ICI link

 

Et, comme la nostalgie est toujours aec moi ce quel était une petite couche de Claude Sautet : Vincent, François, Paul et les autres...

 

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15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 00:09

Bifteck-frites contre moules-frites, la bataille fait rage entre nos amis belges et nous pour savoir qui a inventé la pomme de terre frite ? Avant, non pas donner des éléments de réponse à cette question controversée, je rappelle que dans Mythologie, Roland Barthes, commence son chapitre sur Le bifteck et les frites par « le bifteck participe à la même mythologie sanguine que le vin. » avant de souligner que « comme le vin, le bifteck est, en France, élément de base, nationalisé plus encore que socialisé ; il figure dans tous les décors de la vie alimentaire. » pour conclure qu’ »associé communément aux frites, le bifteck leur transmet son lustre national : la frite est nostalgique et patriote comme le bifteck. » Pour Barthe « la frite est le signe alimentaire de la francité. »

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Ce signe né d’une pure annexion rend donc de peu d’importance la question de la primauté de l’invention de la pomme de terre frite. Cependant il est difficile de faire l’impasse totalement car elle taraude nos amis belges qui en ont un peu ras la coupe de la prétention française. Dans l’Express (quotidien liégeois) du 14 novembre 1900 le débat était lancé : Quelle est la véritable histoire de la pomme de terre frite ? Aussi bizarre que ça puisse paraître, une origine russe fut évoquée. Elle fut vite écartée car elle reposait quiproquo : Mr Fritz, marchand forain de frites, profitant de l’écho médiatique de la guerre de Crimée, avait baptisé ses cornets de frites, les grands « russes », les petits « cosaques ».

La seconde piste évoquée par les historiens belges serait que la pomme de terre frite viendrait  tout simplement de France, par l'intermédiaire des nombreux exilés du Second Empire. Lorsque Georges Barral guide Charles Baudelaire sur les traces de Victor Hugo à Waterloo et qu’il l’emmène dans le restaurant habituel de son mentor. Le verdict à propos de l'origine des frites était sans appel :


« À peine avons-nous terminé, qu'on met au centre de la table une large écuelle de faïence, toute débordante de pommes de terre frites, blondes, croustillantes et tendres à la fois. Un chef-d'œuvre de friture, rare en Belgique. Elles sont exquises, dit Baudelaire, en les croquant lentement, après les avoir prises une à une, délicatement, avec les doigts : méthode classique indiquée par Brillat-Savarin. D'ailleurs c'est un geste essentiellement parisien, comme les pommes de terre en friture sont d'invention parisienne. C'est une hérésie que de les piquer avec la fourchette. M. Joseph Dehaze que nous appelons pour lui transmettre nos félicitations, nous assure que M. Victor Hugo les mangeait aussi avec les doigts. Il nous apprend en outre que ce sont les proscrits français de 1851 qui les ont introduites à Bruxelles. Auparavant elles étaient ignorées des Belges. Ce sont les deux fils de M. Victor qui nous ont montré la façon de les tailler et de les frire à l'huile d'olive ou au saindoux et non point à l'infâme graisse de boeuf ou au suint de mouton, comme font beaucoup de mes compatriotes par ignorance ou parcimonie. Nous en préparons beaucoup ici, surtout le dimanche, à la française, et non point à la belge. Et comme conclusion à ses explications, M. Joseph Dehaze nous demande si nous voulons « récidiver ». Nous acceptons avec empressement, et bientôt un second plat de « frites » dorées apparaît sur la table. À côté est une boîte à sel pour les saupoudrer comme il convient. Cette haute salière percée de trous nombreux fut une exigence de M. Hugo. »

Mais, en dépit des certitudes françaises, tout s’effondre car dès 1848, trois ans avant l'arrivée des proscrits du Deux Décembre, Mr Fritz, « le roi de la pomme de terre frite » prévient ses consommateurs qu’il «a l'honneur de prévenir ses consommateurs de fritures qu'il ouvrira son établissement Sur-la-Batte, Marché-aux-Pommes, demain, pour la Foire de Liège » et il annonce qu'il fera rouler, pas encore ses « russes », ni ses « cosaques », mais bien ses « omnibus » et ses « vigilantes » à 10 et 5 centimes.


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Reste  donc l’hypothèse de l'origine belge qui elle aussi va faire chou blanc : « mais alors, où le mariage entre la pomme de terre et la friture s'est-il déroulé ? La pomme de terre, au XVIIIe siècle, était méprisée et demeurait totalement absente du menu quotidien des classes plus aisées. La frite fut-elle l'œuvre d'un humble ? Nous venons de voir que c'est impossible, il ne disposait pas de suffisamment de graisse. Le bain d'huile, cuisson extrêmement chère, était l'apanage des classes supérieures. Alors, la frite fut créée dans la cuisine cossue d'un aristocrate ou d'un bourgeois ? Impossible encore. Aucune pomme de terre n'y a jamais posé sa robe. Ce mariage parait donc impossible. Et pourtant, la frite est bien née quelque part…

Là je vous conseille de vous reporter ICI link  pour suivre l’épopée de la pomme de terre découpée en bâtonnets au travers de la saga Fritz. C’est passionnant.  Quant à savoir qui détient la paternité de la pomme de terre frite ? Nous ne le saurons probablement jamais et c’est le lot dans l’Histoire de beaucoup de créations de la vie quotidienne. Je laisse donc nos amis belges aux affres des non réponses ou des mauvaises réponses sur un sujet qui leur tient à cœur pour en revenir à Paris où la pomme de terre frite a aussi prospéré. Pour vous instruire je vais me référer à l’excellent ouvrage de Madeleine Ferrières Nourritures Canailles éditions du Seuil Points 10,10€.

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Qu’écrit-elle à propos de l’avènement de la frite ?


« La frite se situe au point de rencontre d’une continuité et d’une rupture. Évolution longue, celle qui par le lent travail de sélection met sur le marché des variétés à peau jaune et à chair si ferme qu’on peut les tailler en bâtonnets. Effet de conjoncture avec l’arrivée en masse sur les marchés de pommes de terre moins chères après la reprise des cultures en 1861. Rupture dans le domaine culinaire avec le traitement à grande friture, un mode de cuisson jusque-là à  peu près ignoré de la cuisine populaire. »

L’innovation c’est la friture.

« L’avènement de la pomme de terre frite intervient dans des conditions semblables à celles qui ont diffusé la pomme de terre bouillie. À un siècle de distance, on retrouve une cuisine urbaine des rues. Vers 1830, on signale à Paris les premiers marchands ambulants de frites. La cuisine nomade s’installe sur les quais de Seine. Le cornet de pommes frites s’y débite facilement, nourriture ludique, en-cas de luxe, car il coûte cher. La pomme de terre de 1830 n’est pas encore un légume bon marché. La maladie qui l’attaque à partir de 1846-47, faisant pourrir les récoltes, a eu des effets sur son prix jusqu’en 1861. Signalons au passage que le cornet de frites offre un débouché pour les livres qui se vendent mal. Jusque-là ils finissaient comme emballage alimentaire chez la beurrière, l’épicier où le poissonnier. »


Le Grand Dictionnaire Larousse des années 1860 à « pomme de terre » parle d’une découpe « en morceaux prismatiques » comme le note Madeleine Ferrières ça ne fait pas rêver mais « notre frite démocratique et nationale est officialisée » Pour autant note-t-elle »Il n’y a pas un épicentre bien repéré à partir duquel se diffuserait la frite. Tout porte à croire que la gestation a été diffuse et l’éclosion simultanée dans tout le territoire. » Pour l’auteur la querelle sur l’honneur de la naissance, cette querelle de préséance, ce serait tomber dans « le piège du diffusionnisme ». Elle raille gentiment la fable des Sablons qui veut que c’est à partir de la plaine des Sablons où Parmentier à planté ses pommes de terre se diffusa le précieux tubercule jusque dans le fin fond des provinces.


Bien plus important est de ne pas tourner autour du pot de graisse : « Si l’émergence de la frite est tardive, ce n’était pas faute de pomme de terre. La matière grasse dont nous avons peu parlé jusqu’ici, fournit la clé décisive. C’est elle qui définit le plus simplement et le plus exactement le fond de cuisine.


Qu’est-ce donc le fonds de cuisine ?


Lucien Febvre l’avait affirmé avec force, « le fonds de cuisine le plus répandu dans l’ancienne France », c’était l’eau et « l » mode le plus usité » le bouilli sous toutes ses formes. La cuisine au beurre est réservée aux riches. Quant aux corps gras, l’ancienne cuisine les manie avec précaution. Pour désigner ce type de cuisson, les manuels ont le verbe doux : on ne dit pas, brutalement, « faites frire »mais « frisez », « fricassez », « dorez », ce qui suggère des petites quantités et une petite chaleur.


Je ne vais pas ici suivre l’auteur sur l’amour du gras, ça demande une chronique particulière afin de retracer l’histoire du saindoux et des autres graisses animales et végétales. Mais m’en tenir à la friture où l’une des huiles les plus répandues, dans la partie sud surtout, l’huile d’olive ne supporte pas le feu qui « la rend âcre et caustique ». Il y a donc pénurie et la récupération est la règle : « on réemploie les graisses jusqu’à l’écœurement » La cuisine nomade de la friture n’a pas bonne presse d’autant plus que l’on peut aussi y utiliser des huiles destinées à ‘autres usages : éclairage ou graissage. « La grand friture est considérée comme le pire mode de cuisson. »


« la concomitance entre l’avènement de la pomme de terre frite et l’arrivée des graines exotiques, converties en huiles  végétales dans les raffineries portuaires, est frappante. L’introduction des graines exotiques débute dans les années 1830, grâce aux relations fructueuses entre les savonneries de Marseille et les planteurs d’arachide au Sénégal, mais ce n’est qu’après 1845 qu’on assiste à l’invasion oléagineuse. Là où les autres européens se tournent vers d’autres corps gras importés, huile de palme ou huile de coco, les Français, qui connaissent depuis longtemps la « pistache de terre », en font leur graine exotique préférée. » Mais la frite pour autant n’est pas née sur la Canebière mais comme Dunkerque et Bordeaux construisent des unités de trituration et de raffinage, ils peuvent légitimement revendiquer à bon droit l’antécédent dans la création de la frite.

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« L’arachide fait baisser le prix de l’huile et rend pour la première fois accessible le grand bain de friture. Elle doit son succès, au-delà des facteurs de circonstance, au fait qu’elle a la réputation de cuire, qu’elle supporte les fortes températures grâce à un point de fumée très élevé. C’est la friture « maigre » par excellence, qui saisit très chaud et qui frit « plus ferme ». Elle s’adapte parfaitement au goût nouveau des fritures à température élevée. Le succès de la pomme frite ne lui doit peut-être pas tout mais il lui doit beaucoup. »


Ne me reste plus qu’à conter le mariage du bifteck avec les frites mais ceci est une autre histoire à découvrir sur mes lignes.

 

Affaire à suivre !

 

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14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 00:09

embre.jpgÀ Embres&Castelmaure on a l’esprit frondeur avec un grand F eu égard aux origines de leur président Patrick Hoÿm de Marien et à l’art consommé de son spadassin favori – au sens homme d’épée – Vincent Pousson de pointer la lame là où elle touche au plus près de ce qui déplaît aux gardiens du troupeau. Je m’explique : la Fronde trop souvent assimilée à une guerre d’écoliers gâtés, à une lutte de petites jalousies, de petites haines, de petites passions, « une sorte de comédie enfin, féconde en vains projets et en désappointements comiques, en grandes paroles et en minces actions. » « La Fronde, dit Fortoul dans ses Fastes de Versailles, n’était pas seulement une guerre de chansons ; c’était une révolution populaire dans son principe, qui pouvait être grave dans ses résultats, et qu’on n’a prise en plaisanterie que parce qu’elle a échoué. Elle souleva des passions vives, fit sortir de la foule des personnages extraordinaires, et développa des idées qui, après avoir été obligées de se travestir sous des formes détournées, finirent cependant par triompher… »


 « Les dupes, dit Saint-Evremond, témoin oculaire, viennent là tous les jours en foule; les misérables s’y rendent des deux bouts du monde. Jamais tant d’entretiens de générosité sans honneur, jamais tant de beaux discours et si peu de bon sens, jamais tant de desseins sans action, tant d’entreprises sans effet ; toutes imaginations, toutes chimères ; rien de véritable, rien d’essentiel que la nécessité et la misère. De là vient que les particuliers se plaignent des grands qui les trompent, et les grands des particuliers qui les abandonnent. Les sots se désabusent par l’expérience, et se retirent ; les malheureux, qui ne voient aucun changement dans leur condition, vont chercher ailleurs quelque méchante affaire, aussi mécontents des chefs de parti que des favoris. »


« Les nobles mécontents suscitèrent contre le pouvoir la foule, trop souvent prête à se ranger du côté des opposants. Mais cette fois l’émotion populaire présenta un caractère tout nouveau. Ce n’était plus la sédition, la guerre civile, l’anarchie et la licence, telles qu’on les avait vues si souvent dans les rues de Paris, depuis les cabochiens jusqu’aux ligueurs. Non, la Fronde est la première émeute, le premier soulèvement politique, et, si elle eût pu réussir, la première révolution. Le peuple, accablé d’impôts et de tailles, humilié dans son amour-propre national par la domination d’un étranger ; le peuple, appuyé sur ses défenseurs naturels, les magistrats, qui prenaient en main sa cause, soutenu et comme autorisé dans sa révolte par ceux-là mêmes qu’il considérait comme les gardiens de la justice, comme les dépositaires du droit public et des franchises du royaume ; le peuple faisait le premier acte de sa souveraineté. »

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Je rappelle aux ignorants que La Fronde (1648–1653) est une période de troubles graves qui frappent le royaume de France pendant la minorité de Louis XIV (1643-1661), alors en pleine guerre avec l’Espagne (1635-1659). « Louis XIII mourut le 14 mai 1643 ; le 18 du même mois, la reine alla en compagnie de son fils, qui n’était âgé que de cinq ans, tenir un lit de justice au Parlement. En grand deuil, et paraissant plongée dans une profonde affliction, elle parla ainsi : « Je viens chercher de la consolation dans ma douleur. Je suis bien aise de me servir des conseils d’une aussi auguste compagnie. Je vous prie, messieurs, de ne point les épargner au roi mon fils, ni à moi-même, selon que vous le jugerez nécessaire, en votre conscience, au bien de l’Etat. » Ce discours produisit beaucoup d’effet sur l’assemblée. Depuis près de vingt ans le Parlement était condamné, sous le rapport politique, à la nullité la plus absolue ; et il voyait avec satisfaction que non seulement on lui rendait son ancien droit de faire des remontrances, mais qu’on l’autorisait en quelque sorte à se mêler au gouvernement.


Le Parlement se montra reconnaissant ; il cassa l’ordonnance du feu roi, et Anne d’Autriche fut déclarée régente avec tous les pouvoirs attachés à ce titre. Personne ne doutait que le premier acte de la régente serait de chasser le ministère ; mais à peine quatre heures s’étaient-elles écoulées depuis le lit de justice, qu’elle envoya le prince de Condé prier Mazarin de diriger le conseil : elle avait reconnu la supériorité du cardinal, et croyait devoir sacrifier ses goûts particuliers à l’intérêt du roi. »


Revenons au N°3, l’enfant du couple Bernard Pueyo&Michel Tardieu qui est depuis l’origine un assemblage de carignan, grenache et syrah, dont le millésime 2010, est plus sur l'équilibre, la finesse que la puissance, un vin qu'on pourra commencer à goûter plus tôt. Du côté des raisins, c'est la crème de la crème de Castelmaure, en effet au fil des ans la sélection s'affine puisque les données sur les parcelles sont informatisées depuis maintenant plus de vingt ans et que le recul, ça aide à faire dans le cousu-main. Grosses mailles, ça donne 40 000 bouteilles dont une grande partie se vendra directement à la boutique de la cave. www.castelmaure.com et Route des Canelles  11360 Embres-et-Castelmaure 04 68 45 91 83.

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Comme il se doit, l’étiquette du N°3 est un brulot, un libelle vengeur, une adresse sans concession, j’ose écrire que ça sent le Pousson et comme je l’ai écrit dans le titre de cette chronique : un vent de Fronde moqueur souffle sur les Corbières. Je cite :


« Autant l’avouer ce vin a un énorme défaut. Ce sont des professionnels qui nous l’ont dit : « il n’est pas assez cher ! » Certes il sort souvent en tête des dégustations à l’aveugle mais, à ce prix-là, impossible de devenir un grand cru. Eh bien tant pis ! Ou tant mieux : la cuvée N°3  restera toujours une bouteille que l’on boit et que l’on partage. Nous sommes vignerons pas actionnaires d’une multinationale du luxe et, franchement, le faux goût qui nous déplaît le plus dans le vin, c’est celui de l’argent. »

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L’étendard de la révolte flotte donc tout au sommet du chai d’Embres&Castelmaure, pas sûr que Bernard et François, les 2 ault, s’y risquent car « qui s’y frotte s’y pique ! » devise des ducs d’Orléans reprise par Louis XII (mort le 1er janvier 1515, en l'hôtel des Tournelles à Paris, des excès, de la goutte et le fait qu'il se serait épuisé dans la chambre à coucher à force de vouloir concevoir un fils avec Marie d'Angleterre) – ne parlons pas du grand Bob le notateur et de ses acolytes outre-pyrénéens mis en déroute par une coalition de petits blogueurs de M… levée par le preux chevalier Pousson. Mais ne croyez pas pour autant que ce combat homérique ne s’apparente pas aussi à une guerre en dentelles et jabots, comme le prouve la photo du président H de M, en pleine action guerrière, lors du dernier Vinisud. Que voulez-vous, que l’un des tous premiers adhérents de l’A.B.V sache côtoyer certaines profondeurs avec panache et légèreté en dit plus long qu’un discours de Mélanchon place de la Bastille : « Morts aux cons ! » c’était le nom de la Jeep du capitaine Raymond Dronne des FFL, 9e compagnie de combat, La Nueve du régiment de marche du Tchad devenue 2e division blindée. Elle fut la première à entrer dans Paris, le 24 août 1944, lors de la bataille pour la libération de la capitale.

img_0489.jpgBolduc 8387

 

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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 00:09

Je n’ai pas été élevé à ce lait là et je dois vous avouer que les outrances, l’ambiance descend si t’es un homme, le pugilat ne me vont pas. Alors, pendant cette séquence, je me suis retiré sous ma petite tente d’intérieur, loin du bruit et des fureurs, du dévoiement de la parole, et je me suis laisser aller à penser, à écrire, à lire, même à aimer. Bien sûr, j’accomplis aussi ma besogne quotidienne sans me soucier des jeux de rôles dans un théâtre dont je connais trop les coulisses, les répliques éculées, l’hypocrisie et la vanité. Dans cette affaire je compte pour un, simple citoyen et je défie qui que ce soit de venir me prendre à témoin, me dire que je suis le peuple car le peuple n’existe pas en soi, sauf pour les besoins de leurs causes. Je vote et ça suffit à mon bonheur, sans croire aux lendemains qui chantent ni céder aux peurs agités par certains. Désolé de ce petit couplet personnel mais il me fallait évacuer ce trop-plein.


Mon antidote à cette ambiance délétère ce fut le contre-pied, qui n’est pas l’esquive, mais la feinte qui met les lourdauds avec leurs gros sabots dans le vent. Un peu de légèreté ne peut nuire si ce n’est d’insuffler juste ce qu’il faut de futilité, de  primesautier, de canaille. Donc je délaisse les coulisses du pouvoir pour me glisser dans les alcôves de personnages dont l’Histoire a retenu les noms et mettre ma plume dans les pas de Nicolas Machiavel, de Giacomo Casanova et de Lucrèce Borgia… Que des pointures, dont les patronymes ont traversé les siècles pour investir notre vocabulaire : c’est un être machiavélique dit-on d’untel, c’est un vrai Casanova affirme-t-on avec une pointe d’envie et, pour compléter le tableau,  il est cruel comme un Borgia. Beaucoup pour un seul homme me direz-vous mais le goût immodéré du pouvoir révèle, à des doses diverses, la conjonction de tous ces ingrédients. Ne suivez pas mon regard, il ne va nulle part pour se poser il est seulement goguenard.


Nicolas Machiavel est plus connu pour en 1513, son ouvrage le plus célèbre, Le Prince, en italien : Il Principe, écrit en 1513 et dédié à Laurent II de Médicis, que pour ses pièces libertines. Et pourtant, dans une comédie intitulée Clizia, il met en scène le vieux Nicomaque qui, pour mieux soutenir les  ardeurs qu’éveille en lui la jeune Clizia se fait préparer un plat de pigeon relevé d’une herbe répondant au nom sympathique de satirione. À priori, cet aromate pour satyre était de la sarriette dont les vertus aphrodisiaques sont attestées par l’appellation  « poivre d'âne », en provençal Pèbre d'ai ou Pèbre d'ase. On la trouve sur les bords des chemins méditerranéens  et ses feuilles sont utilisées comme condiment depuis l'Antiquité, à la fois pour relever les grillades, les sauces et les légumes. La sarriette est aussi connue sous les noms de savourée, de sadrée, d'herbe de Saint Julien et d’herbe aux haricots car c’est un anti-vent.


Plus croustillants les soupers érotiques de Giacomo Casanova, dans une « maison de plaisirs de Murano, qui étaient l’occasion de parties fines qu’il partageait avec M.de Bernis, ambassadeur de France, futur cardinal, et franc-maçon comme lui, en compagnie d’une jeune novice, C.C., et d’une religieuse fascinante, M.M. Ces soupers débutaient par une salade assaisonnée par un vinaigre aromatique mystérieux, acetum quatuor latronum, grâce auquel le célèbre séducteur sut toujours se montrer à la hauteur. En accompagnement « des huîtres que les deux beautés échappées du couvent gobaient enrobées de salive sur le bout de la langue de leurs commensaux. « Il n’est pas de jeu plus lascif », commente Casanova qui, de même que son compagnon, reprenait à son tour les savoureux mollusques de la bouche gourmande des ardentes moniales. Cet amuse-gueule introduisait des mets plus consistants : de l’esturgeon, un plat de gibier aux truffes, des glaces, et pour terminer un punch au rhum et à l’orange amère que la religieuse fascinante préparait en se rhabillant. »


Le climat de la Renaissance était des plus propices à l’exacerbation des sens, d’où sans doute le fait que bien des légumes innocents se virent alors classer parmi les substances aphrodisiaques.. Ainsi, un maître d’hôtel,  Domenico Romolli, écrivait que les carottes et les panais « émeuvent la luxure et sont également venteuses. » Pauvre Alain Passard qui prend le risque de voir son Arpège transformé en lupanar. Mais reste « la coriandre qui est une semence qui, mise à macérer dans du vin, incline celui qui la mange à la luxure, mais il faut se garder d’en manger trop parce qu’elle rend fou et provoque la fureur de l’homme » notait Domenico Romolli. Très clairement, à l’époque de Lucrèce Borgia, la coriandre entrait dans la composition de cette boisson destine à attiser le désir. Je vous en donne la composition :

 

VIN DES BORGIA

 

Pour une coupe

 

1 verre de vin rouge vieux d’au moins 5 ans

1/2cuillérée à café de fleurs de muscade

1 cuillérée à café de grains de coriandre

2 quartiers de reine-claude non pelée

1 pincée de poivre

1 racine de gingembre râpée


Les ingrédients doivent infuser pendant une heure puis il faut filtrer et verser le vin dans la coupe qi sera vidée à la fin des principaux repas de la journée. Comme c’est une cure, pour qu’elle soit efficace, de répéter l’opération pendant trois jours consécutifs.

 

« La Coriandre est une plante aromatique herbacée annuelle cultivée dans les zones tempérées du monde entier et employée pour de nombreuses préparations culinaires, particulièrement en Asie, en Amérique latine et dans la cuisine méditerranéenne. Les feuilles sont généralement utilisées fraiches en accompagnement ou comme condiment. Les fruits séchés, souvent confondus avec des graines, sont utilisés comme épice. Moulus, ils sont un ingrédient de base de nombreux mélanges, tels que les currys. La coriandre est également une plante médicinale, reconnue notamment pour faciliter la digestion. On en tire une huile essentielle utilisée en aromathérapie, dans l'industrie alimentaire pour son arôme et comme agent de senteur en parfumerie, dans les cosmétiques ou les produits sanitaires. »

 

Partie fine à la BnF et Les nonnes de Murano
L'Humeur du Temps Sébastien Le FOL (extrait)

 

Les nonnes de Murano

 

La plus célèbre aventure de Casanova n’a pas eu lieu à Venise, mais sur l’île de Murano. Qui était la nonne MM que Casanova allait y retrouver et dont il déclarait « C’est une vestale, je vais goûter d’un fruit défendu, je vais empiéter sur les droits d’un époux tout-puissant, m’emparant dans son divin sérail de la plus belle de toutes ses sultanes ! » ?

Passées les boutiques de souffleurs de verre et les vitrines de bibelots, le quartier Venier est situé à l’extrême nord de l’île. Entourée de champs, d’une usine et de modestes maisonnettes, la zone était autrefois couverte par le couvent Santa Maria degli angeli, aujourd’hui disparu. Face au canal, on trouve encore son église : un imposant bâtiment de brique, témoin d’une ancienne splendeur, lorsque le couvent accueillait les filles des plus nobles familles vénitiennes.

 

Les religieuses vénitiennes

 

Les religieuses vénitiennes, à l’époque, sont un vivier célèbre de galanterie. Un grand nombre de filles, pas religieuses du tout, sont là « en attente », Surveillées, elles peuvent sortir la nuit en douce, si elles ont de l’argent et des relations. Le masque est nécessaire. Il faut rentrer très tôt le matin, avec des complicités. Les gondoliers savent cela, les Inquisiteurs d’État aussi. Il s’agit de moduler les écarts, pas de scandales, pas de vagues. Quand le nonce du pape arrive à Venise, par exemple, trois couvents sont en compétition pour lui fournir une maîtresse. Il y a du renseignement dans l’air, cela crée de l’émulation. On prend une religieuse comme on prend une courtisane de haut vol, une geisha de luxe. Les diplomates sont intéressés, et c’est le cas de l’amant de M. M., puisqu’il s’agit de l’ambassadeur de France, l’abbé de Bernis.

Avant d’accéder à l’église, on passe sous un portique où trône un bas-relief : c’est un ange qui annonce la bonne nouvelle à la vierge Marie. On imagine la tête de Casanova, lorsque, levant les yeux au ciel, il s’arrêtait sur l’image pieuse.

 

L’homme est alors âgé de 28 ans et il fait du couvent son lieu d’élection, tombant successivement amoureux de la sœur CC puis de la sœur MM. Casanova fait ses visites depuis Venise, en gondole. Il vient d’abord le dimanche, pour la messe, puis pour échanger quelques mots au parloir. Aujourd’hui l’église est à l’abandon, ses vitres sont brisées, et de vieux objets s’entassent dans la nef. On ne la visite plus. Il faut aussi imaginer la petite porte du jardin par laquelle Casanova attend les sœurs, de nuit. Les nonnes, riches filles d’aristocrates, y passent sans trop de difficultés, en corrompant leurs surveillantes. MM, « rare beauté » de 23 ans, n’est autre que Marina Morosini, héritière d’une famille de Doges.

 

Non loin de l’ancien jardin, sur la rive nord de Murano, une gondole conduisait Marina et Giacomo dans un casino (garçonnière) de la fondamenta Santi, le grand canal de l’île. D’après les Mémoires, ce lieu de débauche, dont on ignore l’emplacement exact, est des plus raffinés. MM y affiche grand style - bijoux, parfums - et fait servir à Casanova mets exquis et vins de luxe. Dans la chambre, un œilleton permet au propriétaire du casino [2] d’observer leurs ébats : il s’agit de Monsieur de Bernis, ambassadeur de France, futur ministre de Louis XV, et lui aussi amant de MM. Après quelques rendez-vous, cette dernière convie d’ailleurs CC, la première nonne conquise par Casanova : « enivrés tous les trois par la volupté, et transportés par de continuelles fureurs, nous fîmes dégât de tout ce que la nature nous avait donné de visible et de palpable ».

 

Crédit : David Bornstein, Libération, « Venise dans les pas de Casanova », 28 sept. 2009.

 

C. C. (Philippe Sollers Casanova l’admirable, extrait)

 

Elle a quatorze ans, nous savons aujourd’hui qu’elle s’appelait Cattarina Capretta. Elle passe en voiture sur une route près de Casa, la voiture verse, il se précipite, la relève dans sa culbute, et aperçoit un instant sous ses jupes « toutes ses merveilles secrètes » (phrase, on s’en souvient, censurée par le professeur Laforgue).

 

C’est la fameuse C. C. qui va, avec la non moins fameuse M. M. (Marina Maria Morosini), être une des vedettes de ce grand opéra qu’est l’ Histoire. [...]

 

C. C. a un frère très douteux, P. C., qui voit tout de suite le parti qu’il peut tirer d’un amateur de merveilles secrètes (Giacomo a vingt-huit ans, il est en âge de se marier). Il veut donc vendre sa sœur à ce prétendant. Assez niaisement, il essaie de la pousser, par l’exemple, à la débauche. Casa, pris pour un débutant, est furieux et réagit en défenseur de l’innocence. Son amour commençant pour C. C. devient alors « invincible »,

 

Il emmène sa charmante petite amie dans le jardin d’une île à l’est de la Giudecca. Ils courent ensemble dans l’herbe, ils font une compétition de vitesse avec gages de petites caresses, rien de grave, c’est une enfant :

 

« Plus je la découvrais innocente, moins je pouvais me déterminer à m’emparer d’elle. »

Se marier ? Après tout, pourquoi pas ? Mais marions-nous alors devant Dieu, ce voyeur insatiable. Ce sera le piment de la scène. Ils reviennent donc dans une auberge de l’île, nous sommes le lundi de la Pentecôte. Au lit :

 

« Extasié par une admiration qui m’excédait, je dévorais par des baisers de feu tout ce que je voyais, courant d’un endroit à l’autre et ne pouvant m’arrêter nulle part, possédé comme j’étais par la cupidité d’être partout, me plaignant que ma bouche devait aller moins rapidement que mes yeux. »

 

Giacomo, ici, nous jette dix clichés à la figure, mais des clichés très étudiés puisqu’ils doivent le décrire comme un animal vorace et un prédateur (et on voit à quel point la thèse classique d’un Casanova simple « jouet » du désir féminin est fausse, quoique très intéressée à se maintenir).


Soyons sérieux : il s’agit de dépucelage, question qui choque beaucoup les mères (même féministes) et rend les hommes hésitants, voire convulsivement jaloux :


« C. C. devint ma femme en héroïne, comme toute fille amoureuse doit le devenir, car le plaisir et l’accomplissement du désir rendent délicieuse jusqu’à la douleur. J’ ai passé deux heures entières sans me séparer d’elle. Ses continuelles pâmoisons me rendaient immortel. »


Nous avons bien lu : pas de « petite mort », mais bel et bien une sensation d’immortalité. Décidément, Dieu est de la partie. Un dieu grec, sans doute, ce ne serait pas étonnant. Au même moment, à Venise, a lieu la cérémonie solennelle où le doge, sur le Bucentaure, s’en va au large épouser la mer (exercice périlleux, il ne faut pas que le temps se gâte).


Cependant, plus tard : « Étant restés comme morts, nous nous endormîmes. »

 

Et le lendemain...

 

M. M. (par Philippe Sollers Casanova l’admirable, extrait)

 

À lui d’être dragué, maintenant, et carrément.

 

À la sortie de la messe du couvent, par lettre, une religieuse lui propose un rendez-vous. Soit il vient la voir au parloir, soit dans un « casino » de Murano. Elle peut aussi se rendre le soir à Venise.


M. M., encore anonymement, vient d’entrer en scène. Bien entendu, c’est « la plus jolie des religieuses », celle qui apprend le français à C. C. Celle-ci a-t-elle été indiscrète ? Giacomo ne veut pas le croire, et c’est son aveuglement possible qui va faire, à partir de là, l’intérêt du récit.


Il répond à la lettre, il choisit le parloir par peur de « l’attrape » : « Je suis vénitien, et libre dans toute la signification de ce mot. »


Casa a été élu sur sa seule apparence physique (du moins si C. C. n’a pas parlé : ce qui nous apparaît, à nous lecteurs, fort douteux). On ne l’étonne pas facilement, mais quand même : « J’étais très surpris de la grande liberté de ces saintes vierges qui pouvaient violer si facilement leur clôture. » Si elles peuvent mentir à ce point, on ne voit pas pourquoi elles ne lui mentiraient pas à lui, selon la loi inébranlable de la guerre des sexes. On imagine très bien M. M. confessant la petite C. C., surtout après l’épisode des linges sanglants. Tout cela sur fond d’apprentissage de la langue française. La suite du roman conforte cette hypothèse.


M. M. se montre au parloir. Elle est belle, plutôt grande, « blanche pliant au pâle », « l’air noble, décidé, en même temps réservé et timide », « physionomie douce et riante », etc. On ne voit pas ses cheveux pour l’instant (ils sont châtains). Elle a de grands yeux bleus (C. C., elle, est blonde aux yeux noirs).


Ses mains, surtout, sont frappantes, et ses avant-bras, « où on ne voyait pas de veines et, au lieu des muscles, que des fossettes ».


Elle a vingt-deux ans. Elle est potelée.


Il revient, elle ne vient pas. Il est humilié, ferré. Il décide de renoncer :

 

« La figure de M. M. m’avait laissé une impression qui ne pouvait être effacée que par le plus grand et le plus puissant des êtres abstraits. Par le temps. »

 

Allons, allons, la correspondance clandestine reprend, tout s’arrange. Ici apparaît, dans le discours, le personnage dont nous connaîtrons bientôt l’identité : l’amant de M. M. Elle a donc déjà un amant ?

 

« Oui, riche. Il sera charmé de me voir tendre et heureuse avec un amant comme vous. C’est dans son caractère. »

 

Loin d’être découragé, Giacomo s’enflamme de plus belle : « Il me semblait n’avoir jamais été plus heureux en amour . » Pauvre petite C. C. ! Avoir un « mari » si volage ! Mais attendons, elle va revenir quand l’opéra en cours le voudra.

 

Casa raisonne froidement : l’être humain, en tant qu’il est animal, a trois passions essentielles, qui sont la nourriture, l’appétence au coït assurant, avec prime de plaisir, la reproduction de l’espèce, et la haine poussant à détruire l’ennemi. L’animal est profondément conservateur :

 

Une fois doué de raison, il peut se permettre des variations. Il devient friand, voluptueux, et plus déterminé à la cruauté :

« Nous souffrons la faim pour mieux savourer les ragoûts, nous différons la jouissance de l’amour pour la rendre plus vive, et nous suspendons une vengeance pour la rendre plus meurtrière. »

 

Notre aventurier est en train de parfaire son éducation.

 

Les religieuses vénitiennes, à l’époque sont un vivier célèbre de la galanterie [voir encart ci-dessus] [...]. Les diplomates sont intéressés, et c’est le cas de l’amant de M. M., puisqu’il s’agit de l’ambassadeur de France, l’abbé de Bernis.

 

Bernis est un libertin lettré (il apparaît dans la Juliette de Sade) [...]

Voltaire (Mémoires)  :

 

« C’était alors le privilège de la poésie de gouverner des États. Il y avait un autre poète à Paris, homme de condition, fort pauvre mais très aimable, en un mot l’abbé de Bernis, depuis cardinal. Il avait débuté par faire des vers contre moi, et était ensuite devenu mon ami, ce qui ne lui servait à rien, mais il était devenu celui de Mme de Pompadour, et cela lui fut plus utile. »

Tel est l’amant de M. M., qui ne sera pas fâché si elle prend Casanova pour amant. Bernis va être bientôt célèbre dans toute l’Europe par le traité qu’il va signer avec l’Autriche, lequel vise directement Frédéric de Prusse. C’est une forme de vengeance, puisque Frédéric, comme le rappelle méchamment Voltaire, avait écrit ce vers :

« Évitez de Bernis la stérile abondance. »

 

Mme de Pompadour, on le sait, interviendra directement dans la signature du traité. Son ombre est donc là, quelque part « là-haut », à Venise. On comprend que Casanova soit échauffé par un tel plafond.

 

M. M. invite donc Casa à dîner dans le casino-studio aménagé par Bernis à Murano. Cette première fois, ils ne font que flirter :

 

« Je n’ai pu qu’avaler continuellement sa salive mêlée à la mienne. »

 

La fois suivante sera beaucoup plus pénétrante. Giacomo est quand même un peu étonné de voir que l’endroit est rempli de livres antireligieux et érotiques. La belle religieuse ardente est d’ailleurs philosophe :

« Je n’ai commencé à aimer Dieu que depuis que je me suis désabusée de l’idée que la religion m’en avait donnée. »

 

Ce disque étant désormais usé, on se demande quelle pourrait être aujourd’hui la déclaration d’un tempérament vraiment libertin. Peut-être celle-ci : « Je n’ai commencé à aimer ma jouissance que lorsque je me suis désabusé de l’idée que la marchandise sentimentale ou pornographique m’en avait donnée. Il n’est pas facile d’échapper à ce nouvel opium. Le vice positif demande beaucoup de discrétion, de raffinement, de goût. Venez demain soir et nous nous moquerons de la laideur générale, de la mafia, du fric, du cinéma, des médias, de la prétendue sexualité, de l’insémination artificielle, du clonage, de l’euthanasie, de Clinton, de Monica [4], du Viagra, des intégristes, barbus ou non, des sectes et des pseudo-philosophes. »


Chaque moment historique a ses transgressions. Une religieuse libertine n’est guère envisageable de nos jours (mais sait-on jamais). Au milieu du XVIIIe siècle, en revanche. moment de gloire du catholicisme, donc des Lumières (tout est dans la compréhension de ce donc), cette contradiction apparente peut se donner libre cours. M. M. propose bientôt à Casanova de se laisser voir en action avec elle par son prélat ambassadeur dissimulé dans un cabinet invisible. Il doit jouer son rôle naturel. Tous deux sont d’excellents acteurs. À tel point qu’à un moment donné Giacomo saigne. On apprend plus tard que le futur cardinal de Bernis a été très content d’avoir eu, pour lui seul, sa projection privée de cinéma porno live.

 

La suite du programme ne se fait pas attendre.link

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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 16:00

 

Hier, 8 mai, après avoir profité le matin d’un peu de soleil en terrasse en me régalant de deux œufs coques mouillettes arrosés d’un verre de Potron Minet Pari Trouillas (1) tout en épluchant la presse, je me suis replié devant mon écran vu le temps qui repiquait au vent et à la pluie. J’en ai profité pour tenter de m’y retrouver dans mon stock de 2840 chroniques et j’ai redécouvert certains écrits anciens.

photopotron.jpg

Dans le débat électoral récent un thème m’a particulièrement mis en « joie » : celui de la compétence. Elle serait l’apanage de ceux qui sont proches des milieux d’affaires, eux seuls sauraient gérer un pays puisqu’ils défendent ceux qui tiennent les rênes des entreprises. Que je sache, depuis 2002, ce concubinage notoire a été mis à l’épreuve des faits. En effet, qui gouverne le pays : nos responsables politiques ou leur entourage de hauts fonctionnaires qui tiennent la plume des notes à l’attention de… ? Je passe aussi sur les visiteurs du soir, type Alain Minc, eux aussi issus du même moule. Tout le problème de nos démocraties représentatives, où en effet les citoyens ont beaucoup de mal à comprendre que soudain le député du coin se voit propulser à des responsabilités ministérielles, est que nos dirigeants puissent être en capacité de ne pas être que des hauts parleurs de leurs experts.


La chronique qui suit en est un micro-exemple Fonds souverain : lettre aux petits génies de Bercy, pas ceux du vin, les gardiens du Trésor…, elle date de fin 2008, je la reproduis sans aucune modification link

 

Chers collègues,

 

J’ose vous apostropher ainsi car même si je ne suis, ou plus exactement n’était pour vous, qu’un clanpin avec de la paille dans ses sabots, représentant les péquenots, plutôt porté sur le piccolo qui fait rentrer beaucoup de picaillons dans votre panier percé. François le florentin de Jarnac qu’aimait tant les arts vous a bouté hors du Louvre, malgré les efforts désespérés d’Édouard le byzantin du XVIe, pour vous installer dans un grand machin bâti par un néostalinien, sur l’ancien territoire du pinard : Bercy.


La suffisance fait partie de vos gènes et, les meilleurs d’entre vous sont allés exercer leurs talents en nos belles banques, Daniel Bouton par exemple. Face à nos arguments de représentants d’une économie si réelle, si besogneuse, si bouseuse, vous opposiez la toute-puissance de votre credo de la libération des entraves à la concurrence. Ne jamais inquiéter les dieux du marché. Avec les gnomes de l’Union, tels les cabris du Grand Charles, pour nous renvoyer dans nos dix-huit mètres, nous clouer le bec, vous psalmodiez à l’envi : « l’Europe, l’Europe, l’Europe… » Au nom de la non faisabilité communautaire vous avez étouffé dans l’œuf des initiatives qui seraient, en cette période où votre caquet est un peu cloué, d’une grande utilité pour nos entreprises.


Je m’explique. Que lis-je dans le très libéral Figaro : « Il est né le «Fonds stratégique d'investissement français». Doté de 20 milliards d'euros, détenu majoritairement par la Caisse des dépôts, avec l'appoint de l'État, sa vocation sera double : conforter des entreprises saines malmenées par la crise et «sécuriser le capital d'entreprises stratégiques». L'effondrement de la Bourse est en effet propice aux prédateurs. »


Que proposait en juin 1993 les très libéraux rédacteurs de Booz Allen Hamilton dans leurs recommandations pour assurer le développement de la filière vin : « la création d’un fonds d’investissements baptisé FIDEVI »


En 2001, page 69, dans mon rapport j’en remettais une louche.


Plus récemment j’ai soutenu, sans aucun succès, une initiative de Fonds d’Investissement Interprofessionnel du Vin.


Bref, en 15 ans, avec la complicité de certains dirigeants professionnels, chers collègues visionnaires, vous avez réussi à bloquer une initiative qui nous aurait permis d’accumuler une pelote bien utile en ces temps difficiles.


Voilà de la belle ouvrage à porter à votre crédit et je ne résiste pas au plaisir de citer la brillante analyse, datant de mars de 2007, de l’économiste en chef de Natixis, Patrick Artus, l’un des vôtres, « les marchés financiers croient n’importe quoi : la liquidité va se raréfier, l’économie chinoise va fortement ralentir, il peut y avoir une récession aux USA, la profitabilité va se retourner à la baisse, la crise du crédit immobilier « subprimes »(et les crédits à taux variables) aux USA va déclencher une crise bancaire et financière.


Or toutes ces affirmations sont fausses. La crédulité et l’absence de sang-froid des marchés financiers sont donc remarquables (…) Toutes ces frayeurs sont sans objet. »

Comme dirait l'ignoble Bigard au féminin « vraiment vous êtes bons ! »

Je vous demande aussi de méditer la lettre qu’adressait à ses investisseurs, en septembre dernier, Andrew Lahde, 37 ans, dirigeant d’un petit fonds californien qui spéculait sur un effondrement des subprimes.

« Aujourd’hui je n’écris pas pour jubiler. Eu égard aux souffrances endurées en ce moment par presque tous, ce serait totalement déplacé de ma part. Je n’écris pas non plus pour faire encore quelques prédictions, puisque la plupart de mes prévisions se sont réalisées ou sont en cours de l’être. En fait, je vous écris pour vous dire adieu […]


Récemment, en première page de la section C du Wall Street Journal, un gestionnaire de hedge fund qui était lui aussi en train de fermer boutique était cité : «  Ce que j’ai appris avec les hedges funds, c’est que je les déteste », disait-il. Je souscris totalement à cette déclaration…Si je me suis lancé dans ce biseness, c’était uniquement pour l’argent […] Le fait que j’ai pu trouver des idiots à qui leurs parents avaient payés les meilleures écoles et un MBA à Harvard pour être de l’autre côté de mes transactions n’a fait que facilité ma tâche. Je bénis le système qui a propulsé ces gens aux plus hauts postes d’entreprises comme AIG, Lehman ou Bear Stearn et à tous les niveaux du gouvernement […] Aujourd’hui, j’ai décidé de ne plus gérer de l’argent, que ce soit celui d’individus ou d’institutions. La gestion de ma propre fortune me suffit. […] Je cède ma place à ceux qui tentant d’amasser des sommes à neuf, dix ou même onze chiffres. Pendant ce temps ils mèneront des vies minables. Avec leurs réunions qui s’enchaînent les unes derrières les autres, leur agenda rempli pour les trois mois à venir, ils attendront avec impatience leurs deux semaines de vacances en janvier pendant lesquelles ils resteront collés à leur Black Berry. Pourquoi faire ? De toute façon, dans cinquante ans personne ne se souviendra d’eux. »


Dur, dur, chers collègues de se faire mettre ainsi le nez dans sa mouise. Bon Prince, je vous dis : « passons tout cela par Pertes&profits et attelons-nous à bâtir dans le cadre du Fonds souverain, un Fonds Vin pour le développement de nos entreprises du vin, petites, moyennes ou grandes… Je ne vais pas vous faire un dessin tout est écrit : le Crédit Agricole, Unigrains, Sofiprotéol, la Caisse des Dépôts pour constituer le pied de cuve puis, à la grâce des grands chefs du vignoble et du négoce, pour ériger un vrai Fonds Interprofessionnel…du vin » Profitons de l’élan donné, sortons de nos petits pré-carrés insignifiants, donnons-nous les moyens de tenir notre vignoble en confortant ceux qui vont défricher les marchés. Le vin est un produit stratégique.


Je suis têtu. Je n’aime pas perdre lorsque la réalité me donne raison. J’attends votre appel pour que nous remettions sur le métier l’ouvrage. Vous connaissez ma raison sociale, vous avez mes coordonnées, reste plus qu’à passer à l’acte. Je reste à votre disposition. Merci par avance de ce que vous allez faire.


Bien à vous.


L’ex-pompier de service

 

Jacques Berthomeau

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(1)   « Jean Sé ou la merveilleuse histoire d'un jeune coursier parisien qui se passionne pour les vins Natures en les découvrant et les comprenant dans les lieux choisis tels que le Baratin chez Raquel et Pinuche, le Chapeau Melon chez Olivier et au Verre Volé chez Cyril.

Puis n'écoutant que sa passion, il consacre son temps libre à assister ses premiers maîtres que sont Thierry Puzelat en Loire puis Jean François Nicq dans les Albères : la graine est plantée.

Il se lance ! choisit la commune de Fourques à côté de Trouillas dans les Aspres, contreforts du Canigou, le Fujiyama des Catalans !

Aujourd'hui, il conduit en Bio un peu plus de 12ha de vignes dès potron minet... ou presque !

Ses cuvées ont les jolis noms de Pari Trouillas (blanc, rouge et rosé), La Berlue, Roulé Boulé, Quérida et Toussaint : elle sont vinifiées le plus naturellement possible avec toute l'attention de ce passionné qui, nous en sommes sûrs, est parti pour durer.

Il est où le chat ? hein ? »

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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 00:09

 

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Sans me la jouer le type très sollicité ma messagerie déborde d’invitations diverses et variées alors, comme je n’ai guère l’âme administrative, je vis dans un joyeux foutoir mais, lorsque je dis oui à une invitation, je ne fais jamais faux bond comme le font certains malappris des deux sexes de notre petit monde. Jeudi 26, alors que je m’occupais de mes vaches normandes dans mon modeste bureau sur cour au premier étage du triste immeuble de la rue de Vaugirard qui nous abrite, sur mon écran apparaît un chat – non, non, je ne fume pas la moquette, y’en a pas dans ma boutique – c’était Philippe-Alexandre Bernatchez qui me sollicitait :


15:22 Philippe-Alexandre: Bonjour Jacques ! Si jamais le sujet vous intéresse, j'ai une place pour une belle dégustation de vins nature italiens à La Maison du Whisky Odéon ce soir...

 

15:25 moi: j'ai dû recevoir une invitation c'est à quelle heure ?

Philippe-Alexandre: à 20h30 oui, je crois que Carole Nicolas vous avait contacté... moi: oui

 

15:26 Philippe-Alexandre: Je serais ravi de pouvoir vous y accueillir si vous êtes disponible !

 

15:27 moi: OK j'y passe 20h30

 

15:28 Philippe-Alexandre: Super ! Nous accorderons les vins avec des antipasti italiens... Je vous envoie l'invitation et le menu par mail !


Bon tout ça me semblait tout de même assez ollé-ollé, ce qui n’était pas pour me déplaire. Le lieu tout d’abord : la maison du Whisky, sise au carrefour de l’Odéon, qui ne me semblait pas en adéquation avec une dégustation de vins natures orchestrée par un chef sommelier Alessandro Merlo. http://alessandromerlo.com. Ensuite, l’examen du menu transmis par Philippe-Alexandre m’intriguait car je notais qu’entre deux vins italiens se glissait un saké artisanal et que tout à la fin apparaissait un Xérès : une palette liquide très large donc, qui m’émoustillait. Pour la partie solide, mon bel et solide amour pour la cuisine italienne me laissait espérer, au vu des plats simples affichés au menu, de l’authenticité. 20h30 est un horaire parisien je me rendis du Lutétia au carrefour de l’Odéon à pied.


Accueil chaleureux, avec sa précision habituelle Philippe-Alexandre me donnait les clés pour que je lève mes interrogations en se référant au triple A. Pas celui des agences de notation qui sèment la terreur sur banques et Etats, non celui de Luca Gargano qui en 2001 a lancé le Manifeste des Producteurs de Vins Triple A (Agriculteurs, Artisans, Artistes). C’était là le fil directeur de ce que nous allions boire en mangeant : les vins italiens, le saké et le Xérès. Je signale à mes chers lecteurs que Luca Gargano et Nicolas Joly du Renouveau des Appellations sont, comme on dit chez moi, cul ma chemise. Comme vous le savez j’ai du mal avec l’élitisme, même lorsqu’il est teinté d’un zeste de pantalon de velours et de chemise de coton rêche, et les gourous me laissent froid. Alors, laissant de côté mes réticences pour les prêches, j’étais disposé à me laisser surprendre par ces produits d’excellence venu d’ailleurs.


Mais la surprise n’était pas là, elle était face à nous en la personne d’Alessandro Merlo. Il m’a bufflé ce garçon : avec lui l’accord mets-vins est une réalité subtile, intelligible, tangible, loin des habituels discours convenus. Vous connaissez mes préventions sur cet exercice très en vogue pour donner crédit à mon enthousiasme. Avec lui, j’étais au concert et lorsque je vais  écouter de la musique, en vrai si je puis dire, soit elle me prend, me transporte, me tient et je n’en suis pas à décrypter la partition, ce dont je serais bien incapable, ni à chercher à comprendre, non je communie ou sinon je m’ennuie. Je suis un primaire émotionnel ça me départi de la dictature de ma tête et je n’ai que foutre des commentaires savants ou des références. Je ne suis pas musicologue mais tout simplement amateur et surtout adeptes de sensations fortes, natures.


Alessandro porte bien son appellation : chef-sommelier, en effet c’est un créateur d’harmonies ou de subtiles dissonances, il ne joue pas de la grosse caisse mais il sait placer au bon endroit la vibration de la cymbale ou le timbre cristallin du triangle. Des riffles aussi. Avec lui nous sommes face à un auteur-compositeur-interprète qui, sans esbroufe ni excès joue et met en scène sa propre partition. Il joue juste, la gestuelle déjà pour le liquide, Alessandro garde la part de mystère et quand viennent les duos, en quelques mots simples, il les met en scène. Simplicité ne veut pas dire épuré, ici le moindre détail joue son rôle, à sa place, il se glisse sans effet pour, comme les seconds rôles, donner de la consistance au tableau. Coupelle et cuillère en bois, une belle verrerie, on goûte avec les yeux puis on se laisse aller aux senteurs et,  c’est avec une certaine retenue que l’on s’engage dans l’action la plus étrange puisque l’on va prendre possession : manger et boire. Que ça paraît trivial de décliner, ce que certains euphémisent par goûter, par ces mots de pure mécanique. Et pourtant, c’est dans ces instants que l’accord se révèle, existe, prend corps. Bien sûr, tout se joue dans une communion sous les deux espèces, précautionneuse mais sans entraves. J’ai toujours, au temps, où j’étais enfant de chœur adoré, dans la sacristie, mettre une hostie sur ma langue puis absorber le reste de la burette de vin blanc. Ce n’était pas le goût, puisque la fadeur de l’hostie et l’acidité du vin ne procuraient pas un plaisir au sens gustatif, mais le mystère et la transgression.

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Ici nulle transgression, même si les vins l’étaient eux, mais tout simplement le charme de la surprise, plaisir de bouche, de la mystérieuse alchimie de la burrata/betterave/roquette et de ce blanc qui portait à merveille son nom semplicemento, de l’étrangeté du Ribolla Gialla  2004 de Radikon, officiellement blanc mais qui  affiche un ocre rouge rutilant développe des arômes intenses de fruits sauvages, tapisse la bouche de tanins ronds, accepte d’allier sa complexité avec les asperges blanches lovées dans du lardo di colonnata. Oui, comme je l’ai avoué dans le titre de ma chronique je suis resté bouche bée d’admiration ce qui ne m’a pas empêché d’applaudir le compositeur-interprète à tout rompre. J’aurais aimé qu’il  y ait un BIS comme au concert. Chapeau bas cher Alessandro vous êtes un homme aux doigts d’or : vous magnifier les choses simples en leur faisant révéler l’âme des vins et ce n’est pas à la portée du premier venu.

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Comme vous vous en doutez j’ai passé la soirée sur un petit nuage même que je n’ai pas pu m’empêcher, entre chaque plat, de faire saliver via des sms taquins Isabelle la cathodique qui à langue si bien pendue et des papilles tellement aiguisées. Pour tout vous avouer, tellement j’étais chamboulé j’ai tout juste pu prendre quelques photos, des notes nada. Que faire alors ? Surtout ne pas broder sur mes émotions avec de petites descriptions emberlificotées ! Alors essayer de mettre en scène ma soirée en vous proposant de vous en tenir à la simple vision car pour les autres sens tout ce que je pourrais écrire ne serait pas à la hauteur de ce que m’a procuré le maestro Alessandro. Ce que je vous propose c’est de revenir dans de prochaines chroniques sur les vins dégustés qui, le moins qu’on puisse écrire, étaient surprenants dans le bon sens du terme. Comme l’a souligné à plusieurs reprises Alessandro : il choisit ses vins, non en référence à des qualificatifs comme naturel par exemple, parce qu’ils sont de beaux et grands vins authentiques. Tel fut le cas lors de ce dîner qui se termina à une belle heure. Jesuis rentré chez moi à pied. Que du bonheur !

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 00:09

Qu’importe la boisson pourvu qu’on ait le flacon ! En retournant le célèbre « qu’importe le flacon pourvu qu’on est l’ivresse » d’Alfred de Musset je veux faire un peu de provocation : en effet le Coca sert de substrat aux mélanges qui portent beaucoup de jeunes, n’ont pas à l’ivresse, mais au nez dans le caniveau. Le Coca est une première marche en direction du binge drinking. J’exagère à dessein mais les bonnes âmes hygiénistes adeptes des messages de santé publique sur les flacons devraient y réfléchir sérieusement au lieu de nous bassiner avec des slogans publicitaires qui ont fait la preuve de leur inanité. Que le Dr Claude Got et ses frères sachent que l’abus des peurs est mauvais pour la santé. Merci d’en appeler à la responsabilité de tous et de ne pas oublier du monde en route.

  

 

J’en reviens à Coca : prenant la suite du lourd sonnant et trébuchant Karl Lagerfeld Jean-Paul Gaultier, léger et bondissant, tel un peintre reconnu en mal d’inspiration met sa célèbre marinière, son corset noir et toute l’iconographie qui gravite autour de sa griffe au service de Coca light. Processus normal en notre monde du paraître où il faut livrer en permanence à la jeunesse en mal d’identité des images pour faire vendre des produits vides de sens. La publicité doit faire rêver me rétorquera-t-on ! A quoi donc rêvent alors les jeunes filles en buvant du Coca Light ? Je ne sais mais, de leur petit porte-monnaie, en forme de cœur, elles tireront des petits sous qui arrondiront le matelas de la firme d’Atlanta et accessoirement contribueront à faire les fins de mois de Jean-Paul Gaultier.


Boire de la pub, acheter une boisson pour sa bouteille, constitue la quintessence de la stupidité sachant que « cette œuvre d’art », la bouteille customisée, est crachée à la chaîne dans des usines automatisés. Quant au liquide, comme chacun le sait, c’est de l’eau carbonatée auquel on a ajouté une « formule » qui a fait le succès de Coca. Ça donne soif et ça arrondi le tour de taille : tout le monde y trouve son compte les actionnaires et les docteurs. Comme l’ambition des jeunes consommateurs, de Coca, de baskets Nike, de fringues griffées, est de se hisser à la hauteur des images qu’elles véhiculent, nous pouvons mesurer là le gouffre dans lequel nous sommes en train de nous noyer. La marque, vue sous cet angle, ne porte que des valeurs creuses, et n’est plus qu’une machine à cash, permettant via des budgets de pub pharaoniques de gaver des peuplades d’imbéciles d’images et de clichés. Et pendant ce temps-là, les petites fourmis chinoises cousent et piquent dans l’usine du monde des trucs à 2 balles vendus au prix du caviar. Des génies non, que ces autoproclamés créateurs d’images juteuses ?


Bien sûr le Coca que vous buvez, vu son prix de revient, n’est pas fabriqué en Chine mais la marque fonctionne en utilisant les mêmes méthodes : l’attrape-couillon ! Moi ça ne me dérange pas. Ce qui me met par contre en joie c’est lorsque je vois les petits génies de la marque s’échiner à vouloir redonner des couleurs à Fanta en plein déclin. Ils se vautrent, tournent en rond, recyclent des vieilles recettes, engloutissent des fortunes pour le seul profit des publicitaires. Mais, pour en revenir au Coca, il serait injuste de ne taxer que les petits loups et les petites louves de stupidité, même si les publicités en cause sont mises en œuvre pour eux afin de renouveler le stock de consommateurs de la marque, beaucoup  de leurs aînés en sirotent. Grand bien leur fasse mais, hormis l’effet carbonique et le côté caramel, je n’ai jamais bien compris ce que cette boisson apportait comme plaisir. Qu’au tout début, l’image américaine, comme pour la Marlboro, ait joué un rôle important dans le succès de Coca, j’en conviens mais depuis, hormis le matraquage publicitaire, la demande des enfants, que cherchent-ils ? Leur adolescence… leur jeunesse engloutie… le goût de rien…


Alors je comprends mieux que les blogueurs et gueuses de mode ou sponsorisés par la marque déversent leurs superlatifs se pâment : « Les tant attendues bouteilles Coca-Cola créées par Jean-Paul Gaultier plairont à toutes les fashionistas tant elles sont originales et réussies. C’est un nouveau coup de maître pour ce créateur de génie qui transforme un objet de consommation courante en une œuvre d’art ! » Rien que ça pour les silhouettes fétiches : « corset noir (night), marinière (day) ou tatouages rebelles (tattoo). Et les petits chroniqueurs, à la solde de la marque, de roucouler en déroulant le tapis rouge à Jean-Paul Gaultier.  « Il apparaît aussi dans une campagne publicitaire fantasque et dans la série de courts-métrages humoristiques - The Serial Designer Series - où il relooke trois marionnettes en mal d’inspiration mode. Tour à tour malicieux journaliste à la chevelure extravagante, énigmatique psychologue en sous-pull rayé ou créateur un peu vicieux, le couturier nous livre avec humour ses multiples facettes et fait parler sa fantaisie. »


Que les jeunes cons ne viennent pas me traiter de vieux con parce que j’égratigne Jean-Paul Gaultier. Avec cette campagne nous sommes dans l’univers si juteux des produits dérivés alors il faut en accepter le coût : celui d’un certain discrédit. C’est la vie. Je ne le juge pas mais me contente de le mettre à sa juste place : vendeur de Coca light. J’aime la mode. J’aime la création. J’aime Jean-Paul Gaultier couturier même si la marinière que je porte sur la photo n’est pas la sienne mais celle officielle de la Marine Nationale (pas la fille de son père bien sûr).

 

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