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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 07:03

Erri De Luca, ancien dirigeant du très musclé service d’ordre de Lotta Continua à Rome, appelle la période dans laquelle je me plongeais avec réticence et incompréhension : un « Mai long de dix ans », ce que d’autres appelleront une « guerre civile de basse intensité ». En France, et même en Italie, le mouvement armé sera minimisé et surtout sa base populaire minorée alors que le Ministère de l’Intérieur italien, non soupçonnable de gonfler les chiffres, bien que sait-on jamais, estimait à plus de 100 000 les personnes susceptibles de fournir une base arrière, de la logistique aux groupuscules armées. Ça n’est pas rien, c’est même relativement important que ce soutien de la population qui tranche nettement avec le faible enracinement de Rote Armee Fraction en RFA et bien plus encore en France de la GP et de sa dérive armée : Action Directe. Ici, en Italie, ce conflit, cette guerre civile larvée a fait plusieurs centaines de morts, près de 5000 personnes furent condamnées pour leur appartenance à des groupes d’extrême-gauche et plus de 10 000 furent au moins une fois interpellées. Période complexe, particulièrement troublée, pleine de rumeurs, d’épisodes mystérieux jamais élucidés, des tentatives de complots manipulés par des services étrangers ou le crime organisé, qui a fait l’objet de relectures à posteriori, de reconstruction tendancieuse, erronées, ce que l’on dénommera en Italie la dietrologia : dietro, derrière.


Cette approche sera confortée en France par la « doctrine Mitterrand » qui offrit officiellement le refuge, au cours d’un discours lors du congrès de la Ligue des Droits de l’Homme en 1985, à tous ceux qui ayant « rompu avec la machine infernale du terrorisme » désireraient enfin « poser leur sac ». Le clivage gauche/droite à la française permettra de bien séparer en noir et blanc ce mouvement contestataire « unique en Europe par sa densité et sa longévité » en oubliant le fond historique de Guerre Froide et  de « stratégie de la tension ». Ce morceau d’histoire mal connu, enfoui sous la bonne conscience des pétitionnaires patentés de Saint-Germain des Prés, reviendra en boomerang dans le paysage médiatique après les évènements du 11 septembre 2001, lorsqu’en août 2002 le gouvernement français extradera Paolo Persichetti, ancien membre de la dernière branche des Brigades Rouges, les BR-UCC, reconverti grâce à la doctrine Mitterrand en professeur à l’Université Paris-VIII. Mais, bien sûr, l’affaire la plus médiatisée fut celle de Cesare Battisti, ancien animateur d’un groupuscule milanais : les Prolétaires armés pour le communisme (PAC), concierge à Paris et auteur de romans noirs, qui ne devra son salut qu’à la fuite au Brésil. Je garde le souvenir d’une conférence organisée par Télérama en 2004 où la délirante Fred Vargas délivrait sa version très germanopratine de l’affaire. Le BHL, non présent ce soir-là, délivrait avec plus de subtilité la même version.

cesare-battisti.jpg
Sans entrer dans le détail, il me faut rappeler que les Prolétaires armés pour le communisme, organisation peu structurée, ont commis des hold-ups et quatre meurtres : ceux du gardien de prison Antonio Santoro le 6 juin 1978 à Udine, du bijoutier Pierluigi Torregiani le 16 février 1979 à Milan, du boucher Lino Sabbadin le même jour près de Mestre et du policier Andrea Campagna le 19 avril 1979 à Milan. Lors de la fusillade contre Pierluigi Torregiani, une balle perdue, a blessé son jeune fils Alberto Torregiani, avec qui il se promenait, et ce dernier en est resté paraplégique. Les quatre tireurs, Gabriele Grimaldi, Giuseppe Memeo, Sebastiano Masala et Sante Fatone, ont été identifiés et condamnés en 1981. Les PAC reprochaient aux commerçants Torregiani et Sabbadin d'avoir résisté aux braquages commis par des membres de leur groupe. Pas très glorieux tout cela, dans plusieurs textes publiés des années plus tard, Cesare Battisti indiquera avoir renoncé à la lutte armée en 1978, à la suite de l'assassinat d'Aldo Moro et se dira innocent des quatre assassinats revendiqués par les Prolétaires armés pour le communisme. Arrêté le 26 juin 1979 et condamné en 1981 pour appartenance à une bande armée il s’évade le 4 octobre 1981, avec l’aide de membres des PAC, de la prison de Frosinone et il s'enfuit d'Italie pour rejoindre la France puis le Mexique en 1982. C’est alors que Pietro Mutti, un des chefs des PAC recherché pour le meurtre de Santoro et condamné par contumace, est arrêté ; suite à ses déclarations, Cesare Battisti est impliqué par la justice italienne dans les quatre meurtres commis par les PAC, directement pour les meurtres du gardien de prison et du policier et pour complicité dans ceux des deux autres victimes. Le procès de Cesare Battisti est donc rouvert en 1987, et il sera condamné par contumace en 1988 pour un double meurtre (Santoro, Campagna) et deux complicités d'assassinat (Torregiani, Sabbadin). La sentence est confirmée le 16 février 1990 par la 1re cour d'assises d'appel de Milan, puis après cassation partielle, le 31 mars 1993 par la 2e cour d'assises d'appel de Milan. Il en résulte une condamnation à réclusion criminelle à perpétuité, avec isolement diurne de six mois, selon la procédure italienne de contumace.

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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 00:09

Certains vont me taxer de VDP (ce qui ne signifie pas Vin de Pays mais Vieux démagogue Populiste) qui sort de la naphtaline des vieilleries d’une France engloutie, perdue dans le brouillard d’un temps où nos grands-pères sont allés se mélanger à la terre de l’Argonne, de la Somme, ou comme cette butte rouge qui fait référence à la « butte Bapaume », un lieu-dit inhabité dans la Marne, et à un sanglant épisode sur le front de Champagne, pendant la Première Guerre Mondiale.

 

Que voulez-vous pendant toute ma jeunesse j’ai entendu égrener des « morts pour la France » face au monument aux morts de la Mothe-Achard alors que tous ces braves gars, paysans et ouvriers majoritaires, ont donné leurs jeunes vies ou sont revenus estropiés, gazés, pour un conflit que les élites dirigeantes ont pris soin d’envelopper dans un patriotisme qui masquait les causes profondes de cette horrible guerre. Je déteste les va-t’en-guerre, les insoucieux du sang, de la sueur et du courage innocent des autres. Merci de ne pas vous approprier la France, son drapeau, assumez votre passé, occupez-vous du présent et cessez d’accommoder l’avenir avec des fonds de sauce rances.

 

Ils me saoulent mais plus profondément si j’aime ce chant c’est surtout pour le beau contraste entre la valse lente de sa musique et les paroles. La butte rouge me prend aux tripes, m’émeut, me renvoie à là d’où je viens et, n’en déplaise à certains, je ne l’oublie pas. Je ne les oublie pas ces pauv’gars…

 

 

 

Sur c'te butte là, y avait pas d'gigolette,

 

Pas de marlous, ni de beaux muscadins.

Ah, c'était loin du moulin d'la galette,

Et de Paname, qu'est le roi des pat ‘lins.

 

C'qu'elle en a bu, du beau sang, cette terre,

Sang d'ouvrier et sang de paysan,

Car les bandits, qui sont cause des guerres,

N'en meurent jamais, on n'tue qu'les innocents.

 

La Butte Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin

Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin

Aujourd'hui y a des vignes, il y pousse du raisin

Qui boira d'ce vin-là, boira l'sang des copains

 

Sur c'te butte là, on n'y f'sait pas la noce,

Comme à Montmartre, où l'champagne coule à flots.

Mais les pauv'gars qu'avaient laissé des gosses,

I f'saient entendre de pénibles sanglots.

 

C'qu'elle en a bu, des larmes, cette terre,

Larmes d'ouvrier et larmes de paysan,

Car les bandits, qui sont cause des guerres,

Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans.

 

La Butte Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin

Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin

Aujourd'hui y a des vignes, il y pousse du raisin

Qui boit de ce vin-là, boira les larmes des copains

 

Sur c'te butte là, on y r'fait des vendanges,

On y entend des cris et des chansons.

Filles et gars, doucement, y échangent,

Des mots d'amour, qui donnent le frisson.

 

Peuvent-ils songer dans leurs folles étreintes,

Qu'à cet endroit où s'échangent leurs baisers,

J'ai entendu, la nuit, monter des plaintes,

Et j'y ai vu des gars au crâne brisé.

 

La Butte Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin

Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin

Aujourd'hui y a des vignes, il y pousse du raisin

Mais moi j'y vois des croix, portant l'nom de copains

 

 

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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 16:00

Dans le hall 1 de la porte Versailles s’exposent les races des animaux domestiques élevés pour la consommation  de leur chair ou de leurs produits. Adieu veau, vache, cochon, couvée, pour la pauvre Perrette et son pot au lait… mais qui serait encore capable de décliner les noms de ces races ? Le consommateur achète, du bœuf, du veau, du porc, du mouton, du poulet, des œufs, du lait…mais se réfère pas très souvent aux races des animaux. Bien sûr, dans les souvenirs des plus anciens subsistent quelques noms surtout chez les bovins… mais les consommateurs qui se disent éclairés achètent des signes de qualité certifiés par le Q de l’INAO ou pour l’AB d’organismes du type Ecocert. Vous me direz ça suffit à notre bonheur, la race de la bestiole n’est pas un gage de qualité, ce qui compte ce sont les conditions d’élevage, la nourriture des animaux. Certes, certes mais est-ce que le Roquefort serait le Roquefort sans les brebis de Lacaune ? Et mon bon lait de vache Jersiaise, et les œufs de Marans, et la poule de Houdan, et le porc cul-noir du Limousin ou celui de Bayeux, et la Géline à pattes noires et le Coucou de Rennes…

 

Bref, profitant des derniers jours de ce salon de l’Agriculture qui est, pour sa façade le Grand salon des animaux, je vais prendre la défense des poules de France et d’ailleurs. Rappelons-nous, la première attaque, de ce qu’on qualifie à juste titre souvent la bouffe industrielle, se porta sur la poule. Quand j’écris la poule c’est que pour faire du poulet il faut faire pondre un œuf à une poule fécondée par un coq. La croissance rapide de cette bestiole, son confinement facile, en ont fait la proie des fabricants d’aliments industriels pour le bétail. Dans le grand Ouest où la terre était rare et les bras nombreux ils ont trouvé des jeunes qui, pour rester au pays, ce sont mis à élever des poulets hors-sol. Je sais de quoi je parle puisque j’ai vu mon frère Alain se laisser convaincre par l’entreprise BVT, être à deux doigts de sombrer avant d’être récupéré par le leader charismatique Bernard Lambert président de la SICA-SAVA qui faisait dans le poulet de chair. Il fut ensuite bouffé par Tilly lui-même absorbé par Gérard Bourgoin l’homme d’Auxerre. L’INRA inventait sa Vedette, petite poule qui fabriquait de gros poulets et Jean Ferrat put ainsi, dans la montagne est belle, chanter :

 

Leur vie ils seront flics ou fonctionnaires

De quoi attendre sans s’en faire

Que l’heure de la retraite sonne

Il faut savoir ce que l’on aime

Et rentrer dans son H.L.M.

Manger du poulet aux hormones…  photopoules.jpg

Le titre de ma chronique « Défense et illustration des incomparables races de poules françaises » est tiré d’un de ces petits opus dont était friande la France du Maréchal qui aimait tant la terre qui « elle ne mentait pas… » (Formule écrite par Emmanuel Berl). J’en tire pour cet afterwork deux petits extraits qui, avec leur côté rétro, posent assez bien une partie de la problématique de l’agriculture française sous son aspect production animale de qualité où une pure approche élitiste, qui ne permet pas de porter au plus grand nombre des produits authentiques de qualité, est le plus sûr moyen de faire la plus grande place à une alimentation standardisée. Pour sauver des races en voie d’extinction ou leur redonner des couleurs, faire qu’on les trouve à des prix abordables mais rémunérateurs pour que des éleveurs puissent en vivre, il n’y a qu’une seule et unique voie : que les consommateurs mettent leurs actes d’achats en conformité avec ce qu’ils disent souhaiter. Et ce n’est pas une question de pouvoir d’achat : il suffit pour cela d’analyser le contenu d’un caddie pour s’apercevoir que le recours  au prix les plus bas que bas pour l’alimentation s’accompagne de choix de produits qui creusent des trous dans les budgets : les forfaits des mobiles en est l’exemple le plus frappant.

 

Je radote  peut-être mais telle est la réalité des choix d’une grande majorité de nos concitoyens et tous les beaux discours sur la nécessité de maintenir des éleveurs dans des zones difficiles resteront vides de sens si celles et ceux d'entre eux qui choisissent de créer de la valeur, se heurtent à l’indifférence du plus grand nombre. Pas sûr que les 4i de la génération Y aient vraiment très envie que ses nuggets soient faits avec du bon poulet bien de chez nous, elle s’en fout de l’origine mais elle conduira sans doute ses chiarres voir les Gélines à pattes noires à la Porte de Versailles pour défendre le respect de la nature : « Anatole ne touche pas à ce poulet, c’est sale… »

 

Le 15 février 1934, M. Best, directeur de « Lafayette Poultry Farm écrivait dans Vie à la campagne :

 

« Mon expérience en Amérique… tend à me faire croire que la France ne pourra jamais concurrencer la marchandise de second ordre faite à des prix bon marché, et, d’autre part, les autres pays ne pourront jamais concurrencer les Français s’ils continuent à développer leur génie comme artisan, qui a fait leur réputation internationale.
Laissons la quantité aux étrangers, mais veillons pour qu’ils n’arrivent pas à faire en série des produits dépassant  en qualités et quantités ceux faits par nous-mêmes.
Le résultat de la qualité se trouve dans le cours des Halles où vous voyez, par exemple aujourd’hui des œufs qui se vendent 45c et d’autres  1fr05, c’est-à-dire qu’il y a abondance d’une qualité et manque d’une autre.

 

Il ajoutait : « nous avons ainsi trouvé que les clients se rappellent la qualité longtemps après avoir oublié les prix. »

 

L’auteur de « Défense et illustration des incomparables races de poules françaises » Louis Serre, dans le style incantatoire que nous affectionnons exhortait les éleveurs de poules :

 

« Jadis nous avons sacrifié les races de Barbezieux, La Flèche, Le Mans, Crève-cœur, qui ont fait la gloire de la cuisine, de la bonne chère française, mondialement réputée, pour sourire aux nouvelles venues d’Amérique. Nous avons eu le tort de laisser péricliter ces races incomparables, au point qu’il n’e reste que de rares représentants et sans doute dégénérés. Allons-nous aujourd’hui sacrifier nos Bresse, Gâtinaises, Faverolles, Marans, Gournay, Bourbonnaises, Bourbourg, Caussades, Gélines de Touraine, Caumont et tant d’autres sur l’autel consacré au culte des races anglo-saxonnes ? Non, vous dis-je, non.  Notre sottise a des bornes et la masse de nos aviculteurs de bonne foi viendra à résipiscence. »

 

Qu’en reste-t-il, hormis la Bresse ?

 

Voir Nos belles poules françaises http://www.gallinette.net/francaise.htm

 

Que conclure de mes histoires de poules ? Rien, si ce n'est que j'ai lu dans une savante étude que notre Industrie Agro-alimentaire bénéficiait à l'exportation d'un avantage comparatif par rapport à ses concurrentes : une image de qualité de ses produits de base. Alors, que faisons-nous pour mettre chaque jour un peu plus de réalité dans ce constat ? Plutôt que d'arpenter les allées d'un salon de carton-pâte nos décideurs devraient dépoussiérer leur approche de l'activité des éleveurs et des viticulteurs... au lieu de ne se focaliser que sur les producteurs de commodities internationales...

 

 Avec leurs mains dessus leurs têtes

Ils avaient monté des murettes

Jusqu’au sommet de la colline

Qu’importent les jours les années

Ils avaient tous l’âme bien née

Noueuse comme un pied de vigne

Les vignes elles courent dans la forêt

Le vin ne sera plus tiré

C’était une horrible piquette

Mais il faisait des centenaires

A ne plus que savoir en faire

S’il ne vous tournait pas la tête...

 

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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 00:09

sk-a-4821.z.jpgVous connaissez mon incommensurable amour pour tout ce qui touche à la perpétuation des produits authentiques, gouteux, forts ou doux, puants parfois, fruits de la main de l’homme magnifiant une matière d’origine humble, tels ces fromages venus de la nuit des temps, qui étaient au Moyen Age « la viande des paysans » Alors, lorsque les nouvelles hordes de barbares, bardées d’appareils photos numériques, agglutinées derrière des guides, déferlent dans des artères de villes dites touristiques, autrefois paisibles pour y trouver des souvenirs typiques de leur bref passage, verroterie ou autre cochonnerie fabriquées en Asie, les commerces de bouche ou de proximité pour les indigènes tombent comme des mouches, rayés de la carte, supplantés par des enseignes reproductibles. Pire que les Huns, car contrairement à la légende, l’herbe repoussait toujours après leur passage.


Alors ce matin le secrétaire autoproclamé de l’ABV, en dépit du succès mitigé de ses adresses, se dresse pour défendre ici la mémoire de Plip le marchand de stracchini de la Strada Nuova de Venise dans le sestiere de Cannaregio, homme de haute taille qu’on voyait toujours coiffé d’un bonnet blanc. Pur symbole de ceux que nous avons trop souvent qualifié, avec une certaine condescendance, de BOF mais dont la disparition laisse un énorme vide que ne sauraient combler la GD et ses produits aseptisés.


Mais, me direz-vous, Taulier éclairez donc notre pauvre lanterne urbaine : qu’est-ce-donc les stracchini ? Vu que ma seconde patrie est l’Italie je vais attiser vos quinquets. Ce sont des fromages d’origine lombarde, stracchino vient du dialecte stracche qui signifie fatigué et qui désigne donc des fromages fabriqués en fin de saison avec du lait d’animaux fatigués par le long retour des alpages vers la vallée. Ainsi le Taleggio mais aussi le Quartirolo qui tire lui son nom de l’erba quartirola : la 4e herbe, l’herbe rabougrie qui poussait après la quatrième fauche et qui était la dernière herbe fraîche que consommaient les bêtes avant l’hiver.


Si nos belles villes ne réservent plus qu’à quelques privilégiés, en des endroits huppés, de telles raretés, nous serons comptables auprès des générations futures d’avoir transformés d’humbles produits d’artisans en des produits de luxe. Comme l’écrit Donna Leon « Et où trouve-t-on un aussi bon montasio depuis que Plip a fermé ? » Lorsque les vrais produits venus de la nuit des temps disparaissent des vraies rues, celles de ceux qui prennent encore le temps d’y faire leurs courses, le risque est grand de voir se cacher sous les mêmes dénominations des produits, certes encore acceptables, mais qui auront perdus leur âme et leurs saveurs incomparables tirée de l’erba quartirola ou de ce lait stracche : fatigué, comme nous.


Voilà, de nouveau je vous ai bassiné avec mes éternelles chansons. Je laisse la plume à Donna Leon une américaine, née dans le New Jersey, qui vit à Venise depuis plus de 20 ans. Elle y écrit des romans policiers où le commissaire Brunetti enquête et déguste des plats issus des carnets de la meilleure amie de l’auteur Roberta Pianaro. Le texte qui suit est extrait du livre Brunetti passe à table Calmann-Lévy 7€ de Donna Leon et Roberta Pianaro.

leon_catalis_05032010.jpg
 « Rien de tel, si l’on veut ressentir cela au creux de l’estomac, que de parcourir la Strada Nuova, artère commerçante au centre du sestiere de Cannaregio, restée longtemps l’incarnation emblématique de la classe moyenne : les boutiques qu’on y voit aujourd’hui disent mieux que tout en quoi ce changement d’objectif a affecté la structure même de la ville. J’ai commencé à me fournir en denrées alimentaires dans ces boutiques il y a quarante ans, la première fois où je suis venu à Venise tout d’abord en touriste, puis, avec les années, comme invitée dans la famille de mon amie Roberta, restée jusqu’à aujourd’hui ma meilleure amie, et enfin dans la famille qu’elle avait fondée avec son mari, Franco. Venue habiter Cannaregio en 1981, j’ai fait mes courses dans les magasins où mes amis faisaient les leurs. Ces magasins étaient nombreux, sur la Strada Nuova, et on y trouvait à peu près tout ce qu’on pouvait désirer en termes de produits alimentaires ; de plus, ils étaient plus proches de mon domicile que le marché du Rialto, que l’on voyait de l’autre côté du Grand Canal.


Vingt-cinq ans plus tard, la Strada Nuova a commencé à changer d’aspect et de fonction, et là où nous avions l’habitude d’acheter des stracchini de la meilleure qualité, des pâtes fraîches ou de nouveaux ustensiles de cuisine, on trouve des boutiques vendant de la verrerie. Ou de la verrerie. Ou encore de la verrerie. Mais laissez-moi vous prendre par la main et, telle l’une de ces femmes de la ville perpétuellement à se lamenter, vous conduire le long de la Strada Nuova et vous montrer ce que le tourisme nous a fait.


Là, à droite, juste derrière le Campo Santi Apostoli, on trouve le Bistol, grâce au Ciel, qui vend des poulets et de la viande depuis un demi-siècle : sa majestueuse propriétaire trône toujours à la caisse, sur la gauche. Pas très loin de la boucherie, il y avait jadis Plip, le marchand de fromage, homme de haute taille que je n’ai jamais vu qu’avec un bonnet blanc sur la tête. Les gens étaient fous de ses stracchini et je me rappelle encore comment je les mangeais avec de la polenta, comment je raclais le papier qui les emballait avec un bout de pain pour ne pas laisser perdre le moindre petit morceau de ce produit quasi divin. On y trouvait aussi un merveilleux montasio, fabriqué par l’un de ses amis de la montagne. Et où trouve-t-on un aussi bon montasio depuis que Plip a fermé ? Il a été remplacé par une agence immobilière. Mon notaire m’a appris que l’an dernier, un quart des ventes qu’il a eues à enregistrer concernaient des étrangers qui n’avaient pas l’intention de vivre en permanence à Venise.


Un peu plus loin, là où se tenait auparavant un barbier, on vend aujourd’hui des masques. Tout près de la Calle delle Vele, la latteria a disparu ; mais comme elle a servi à agrandir le magasin de Benvento, on y trouve au moins des vêtements, autrement dit des choses utiles aux résidents. Traversez la calle et vous verrez que Bellinato, le quincailler où tout Cannaregio se fournissait et où on trouvait à peu près tout, a été remplacé par un Mac-Do. Le boucher voisin est parti lui aussi, mais vous pouvez acheter dans son local un collier de verroterie bas de gamme ; quant au magasin qui vendait des casseroles, il porte aujourd’hui l’enseigne de Benetton.


Voyez aussi le cas du Campiello Testori, où se trouvait jadis une trattoria précédée d’une vaste tonnelle de vigne. Les familles s’y rendaient par les chaudes soirées d’été, amenant leurs propres victuailles. Elles commandaient peut-être une bouteille de vin, du grassata pour faire plaisir à leurs enfants, et elles passaient la soirée à bavarder avec des amis, d’une table à l’autre. C’est aujourd’hui un Irish pub, plein de musique bruyante et retransmettant des matchs de foot sur un écran géant. La tonnelle a disparu ; les enfants aussi. De même, d’ailleurs, que l’éventaire en plein air du poissonnier installé sur la même petite place. Les ruelles partant du campiello vers la lagune étaient autrefois jalonnées de boutiques de produits de bouche : un salumaio, une pâtisserie, un boucher, deux primeurs. La plupart sont à présent condamnées par des planches cloutées à la diable, sauf un qui vend des articles en maille en provenance du Moyen Orient.


Si l’on continue vers le pont, on constate que la fleuriste a disparu pour être remplacé – après avoir connu une brève période où le local était rempli de cabines téléphoniques – par des masques ; quant à l’autre marchand de fruits et légume, c’est un magasin de savon qui diffuse ses effluves acides dans tout le quartier.


Faites demi-tour à hauteur du pont San Felice et revenez vers Santi Apostoli ; vous verrez que Borini, cave qui offrait une bonne sélection de vins et de liqueurs, vend maintenant des vêtements bas de gamme pour femmes adolescentes de tous les âges. Traversez la Calle Ca’d’Oro : terminé, Colussi et ses biscuits, vive les vêtements de sport.


L’autre étal de poissons, à Campo Santa Sofia, a lui aussi disparu ; de même que le bureau de poste, devenu partie intégrante du luxueux hôtel qui s’étend jusqu’au Grand Canal et fait face… à un autre hôtel, sur le campo.


La boutique qui proposait jadis des pâtes fraîches vend désormais de la verrerie, comme ses deux voisines. Le bar brésilien est resté, de même que le restaurant, celui-ci ayant cependant connu un bref intermède au cours duquel il a été chinois. Le fleuriste a carrément fermé boutique et le fruitier au pied du pont vend aujourd’hui de jouets en plastique bon marché. Vous voilà de retour à l’église.


Certes, il est encore possible d’acheter des produits alimentaires dans le secteur de la Strada Nuova : personne ne meurt de faim à Venise. Mais lorsque vous sortez avec votre pain frais d’Il Fornaio, c’est pour être agressé par les relents de graillon du Mac Do. Heureusement, se trouve non loin le traghetto qui, moyennant 50 centimes, vous conduira de l’autre côté du canal jusqu’au marché du Rialto, l’une des gloires les plus constantes de la ville, un lieu où le passé reste vivant et où vous vous trouvez environné d’une mer de produits comestibles qui paraît sans fin. »

apostoli_01.jpg

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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 16:00

Pendant mes jeunes années j’ai vécu de plain-pied avec cette dame nature tant courtisée de nos jours  par une cotriade d’urbains qui eux, dès qu’ils mettent le nez dehors, ne foulent que des espaces de macadam. La soif d’herbe fraîche, de petits oiseaux qui chantent – y’en a aussi dans nos villes mais parfois on a du mal à les entendre chanter – des petites bêtes sauvages qui batifolent, des vaches dans les prés, des hautes futaies, sont fantasmées et il en ressort une vision à l’eau de rose de la campagne où se mêle sensiblerie et incompréhension. Dans les allées du grand barnum, qu’est devenu le salon de l’Agriculture, le flot des poussettes et des mouflets en ribambelles est la marque claire d’un fossé qui se creuse entre la réalité et les images d’Epinal. Nous sommes dans l’univers de Candy où le gros taureau couillu n’est jamais que le grand frère du caniche de la famille. « Regarde comme il est gentil… » « Est-ce que je pourrais le caresser ? »

 
Rassurez-vous, en cette fin de semaine je ne suis pas en train de vous faire « un retour d’âge » mais face aux 4i d’hier link  «individualistes, interconnectés, impatients et imaginatifs» j’ai envie d’écrire « mets tes bottes y’a de l’aiguail ce matin »


L’aiguail, encore un de ces mots engloutis, oubliés mais qui chante à mon oreille.  Mais qu’est-ce donc que l’aiguail ?


1-    Rosée, petites gouttes d’eau qui demeurent sur les feuilles et ôtent le sentiment aux chiens.
2-    Pacage du matin dans les prairies couvertes de rosée.
 

 

Marcel Lachiver Les mots du passé
 

 

Et oui, l’aiguail enlève « le sentiment aux chiens », ne me dite pas que vous ne trouvez pas ça beau que ces gouttelettes d’eau déposées par le ciel sont les meilleurs alliés des lièvres, lapins, perdrix, gibier à plumes et gibier à poils qui gambade au petit matin dans nos champs et nos prés.
 

 

Mais d’où vient cet aiguail, cette rosée du matin ?
 

 

« Au matin, après une nuit froide et claire, les plantes et la terre se couvrent de rosée. La chaleur emmagasinée pendant le jour monte du sol et diffuse dans la couche d'air voisine. Cette couche d'air est froide, plus froide que le sol, du fait de l'absence de nuage pendant la nuit, ce qui déclenche la condensation de la vapeur d'eau. Le brouillard résulte du même phénomène ou presque. Si la couche d'air humide est au contact du sol, la condensation ne se produit qu'en surface et ne donne que de la rosée. Si cette couche d'air humide s'épaissit, le brouillard apparaît. Ainsi, il peut y avoir de la rosée sans brouillard mais pas de brouillard sans rosée. »

 

La rosée, le rosé, et si vous donniez à votre dernier né de couleur rose le joli nom d’aiguail.  Tu n’y penses pas Taulier ça ne se traduit pas en anglais ! Oui mais en mandarin : perles d’aiguail ça pourrait faire de beaux idéogrammes et puis ça nous changerait de la floppée de « Perle de Rosé » ou de « Perle de Rosée ». Pourquoi d’ailleurs ce singulier, la rosée c’est une myriade de perles…

 

Bon je m’arrête de faire des propositions inconvenantes et je sors. Malheureusement le fort redoux me prive de l’aiguail parisien… et je ne chausserai pas mes bottes de caoutchouc pour gagner mes terres… j’ose même écrire mes vignes depuis que je suis devenu propriétaire d’un arpent de vigne dans le Grand Sud : une part de GFA…

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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 00:09

Février a tiré ses 29 jours en nous rappelant qu’il peut faire très froid en hiver et j’en ai profité pour chroniquer sur un vieil opus d’un savant belge Théodore Augustin Mann « Mémoires sur les grandes gelées et leurs effets » qui, bien avant nos climatologues, constatait un réchauffement de notre planète. Et pendant ce temps-là notre Eva arborait une magnifique chapka pour protéger son joli minois des frimas ce qui, bien sûr, ne l’empêchait pas d’arpenter les coins et les recoins de notre planète des vins pour dénicher de belles quilles.

  

Ne me dites pas qu’Eva est en retard à son rendez-vous mensuel c’est inexact car, si ce fichu mois de février savait compter, arrêtait de décoconner, le mois de mars débuterait aujourd’hui. Ce matin elle vous attire sur de nouveaux rivages pour vous faire apprécier sa dernière trouvaille : un vin coquin qui tire ses avantages de ce que certains appellent les cépages modestes. Merci Eva et bonne route, ne te perds pas sur ton nouveau chemin et reviens-nous le mois prochain avec un plein panier de belles quilles : ce sera le printemps alors adieu chapka, doudoune et mitaines, vive le temps des terrasses, les jupes corolles et les débardeurs !

photo Eva

Dans le vin, il y les cépages incontournables, qu'on connait presque tous et qui nous parlent immédiatement, le chardonnay, le sauvignon, le cabernet... Et puis il y a les mal-aimés, les mal-connus et les presque disparus. Qu'une poignée de vignerons s'efforce de faire connaître ou revivre pour le plus grand bonheur de nos papilles. 

 

Aujourd’hui, un cépage jusqu'alors inconnu pour moi, ou plus précisément, une variété de cépage inconnue. La cuvée s'appelle « Moisson Rouge » et est produite par Agnès et René Mosse, dont le talent va au-delà de cette seule cuvée (allez voir du côté de leurs blancs secs en vous arrêtant sur la case bonbon avec un verre d'Achillée, vous vous régalerez). Le cépage : Gamay. La variété : Gamay de Bouze. Oui, Gamay de Bouze.

 

Bon alors, c'est quoi cette variété de Gamay ? C'est un Gamay d'origine bourguignonne, on l'appelle aussi rouge de Bouze (Côte d'or) même si au cours de mes quelques cherches sur le web, je lui ai trouvé bien des synonymes. C'est donc une variété de Gamay noir à jus blanc qui aurait servi à une époque à colorer les vins manquant de couleur. C'est la première fois que je tombe sur cette variété. link

 

Au final, qu'est-ce que ça donne, un Gamay de Bouze pétillant dans un verre ? Ça donne tout d'abord un jus assez noir et foncé pour un Gamay, je comprends qu'on l'ait utilisé comme un cépage teinturier. C'est assez trouble, il n'y a pas eu de dégorgement, ce que me confirme l'article de Patrick. link  Les bulles sont fines, le jus gouleyant, les tannins finalement assez fondus avec un peu de sucre résiduel. Du fruit, des p’tites bulles, ça passe à merveille et ça appelle la terrasse, les apéritifs interminables du printemps... Mais je vous rassure, ce pur jus de Gamay de Bouze se boit à merveille en toutes saisons !

 

Alors remercions Agnès et René Mosse de ne pas avoir oublié ce cépage et de l'avoir rendu aussi gourmand. 

 

Et moi, j'irais bien à la recherche d'autres cépages un peu oubliés...

photomoisson-rouge-copie-1.JPG 

Domaine Mosse

4 rue de la Chauvière

49750 Saint Lambert-du-Lattay

Tél. : 02 41 66 52 88

Courriel : mosse@domainemosse.com

http://www.domaine-mosse.com/Moisson-Rouge.html

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 16:00

Dans la vie d’un taulier il faut toujours avoir son sonar branché pour repérer les bancs de jeunes qui vont pousser les vieux comme moi vers la sortie des « artistes » (sic). Ainsi, si vous ne le saviez pas je vous l’apprends, IBM interroge chaque année les directeurs de marketing : 1700 et pour eux « l’aspect démographique est l’un des quatre grands enjeux du marketing de demain. Le profil des jeunes recrues est très différent de ce qu’il était il y a vingt ans. On parle de strates générationnelles et on les nomme X, Y, Z, et demain alpha, bêta et gamma, comme dans Le meilleur des mondes »


Doisneau28.jpg

Philippe GUIHENEUC link qui meuble ma parenthèse ci-dessus dans une communication du 28 février 2012 – part sur les chapeaux de roue :


« Notre jeunesse est mal élevée (…). Elle n’a aucune espèce de respect pour les anciens. Nos enfants d’aujourd’hui ne se lèvent plus quand un homme âgé entre dans une pièce (…). Ils répondent à leurs parents et bavardent au lieu de travailler ».

 

Cette citation est de Socrate (4e siècle avant JC). Les problèmes intergénérationnels ne datent pas d’hier. On s’étonne aujourd’hui que Clémentine, 20 mois, soit capable de synchroniser un Smartphone et un Ipad, mais l’ingéniosité de Lebrac, s’agissant de réparer les outrages de la Guerre des boutons, n’est pas mal non plus. »

 

Voici vos cases : prière d’y entrer en bon ordre !

 

    - Si vous avez entre 65 et 85 ans, vous appartenez  à la génération « coco » (collectifs concrets). Votre jeunesse a été imprégnée par la Grande Dépression, la deuxième guerre mondiale et les Trente Glorieuses. Vous privilégiez la thésaurisation et la qualité, et vous souhaitez avant tout laisser un héritage.

 

    - Entre 40 et 65 ans, vous êtes de la génération des boomers, mais aussi des «bobo» (bourgeois bohèmes). Votre classe d’effectifs est marquée par mai 68, le choc pétrolier de 73 et les années grises et de crise. Vous êtes empreints de culture politique et idéologique.

 

    - Entre 30 et 40 ans, vous êtes de la génération X, aussi dite « momo » (mobiles moraux) parce que baignée de conflits avec vos parents sur la responsabilité et les valeurs.


    - Les Y, ou « yoyo », ont moins de 30 ans. Ils évoluent dans un contexte économique difficile, dans un contexte social très ouvert (très international, aussi) et un contexte moral incertain. Ce sont surtout les enfants du web.

 

Les voilà mes Youpala ! link

 

  

« La fameuse génération Y est en train de devenir petit à petit le cœur de cible des entreprises. S’ils commencent seulement à travailler, les « Y » constitueront d’ici 4 ans près de la moitié de la population active américaine*, et environ 40% de la population active française**. Il n’est plus possible d’ignorer leurs spécificités : ils constituent le cœur du portefeuille client de demain » écrivent Carole Menguy-Houel et Jean-Bernard Girault dans leur article des Echos Tempête sur le marketing et la relation client… la Génération Y arrive ! »

 

« Ayant acquis une maîtrise quasi-innée des nouvelles technologies, qu’ils maîtrisent suffisamment pour en faire des outils de création,  les « Y » vivent dans le monde de l’instantanéité. Ils sont habitués à avoir accès à une information abondante, facilement et immédiatement accessible. Ils ont une approche du « Savoir » différente de celle de leurs aînés (approche aléatoire, recoupement d’informations,…) qui leur crée des difficultés avec les raisonnements dits « pas à pas ». Ils sont plus à l’aise avec les contenus vidéo, les visuels ou les graphiques qu’avec les textes. » soulignent-ils.

 

«À en croire l’Observatoire Social de l’Entreprise (Ipsos/Logica, réalisé pour le CESI en partenariat avec Le Figaro et BFM), si les chefs d’entreprise ont une image positive des jeunes embauchés, il n’en va pas de même pour les salariés. 55 % d’entre eux jugent leurs cadets trop ambitieux, et 58 % les trouvent plus individualistes que la moyenne. On parle d’ailleurs d’une génération à 4 i : individualistes, interconnectés, impatients et imaginatifs. »

 

Et Carole Menguy-Houel et Jean-Bernard Girault de tirer les conséquences des impatiences des 4 Zi : « La spécificité des comportements et des attentes des « Y » bouleverse les réflexes marketings acquis au cours des dernières décennies. Les marketers doivent repenser leurs « règles d’or ».(texte intégral de l’article link )

 

1 - Les entreprises doivent repenser leurs stratégies de communication et leur mix-media. 

 

« Les « Y » attendent des marques transparence et engagement citoyen. Peu sensibles aux discours des marques, jugés suspects,  ils font plus confiance au « bouche-à-oreille » qu’aux spots publicitaires. Leur manière de consommer les médias est très différente de celle de leurs parents : la télévision et la presse sont délaissées au profit du web. »

 

2 - Les entreprises doivent retravailler leur mix multi-canal

 

« Ils considèrent le téléphone, le courrier et l’e-mail comme obsolètes. Ils jugent les sites web actuels inadaptés à leurs attentes : textes trop longs, absence de canal chat, social media réduit à des forums… »

 

3 - Les entreprises doivent continuer d’optimiser leurs processus clients.

 

« S’ils ne trouvent pas instantanément la bonne information, il « zappent » chez un autre fournisseur. Incapables d’attendre, ils pratiquent le panier abandonné en cas de délai de livraison jugé trop long… »

 

4 - Les entreprises doivent adapter leur politique de prix.

 

« Qualifiée de génération « précaire » par IPSOS dans une étude réalisée en 2010, les «Y » sont particulièrement sensibles au rapport qualité/prix. Ils gèrent leurs achats dans l’instant, ce qui génère un besoin de récompense immédiate… »

 

5 - Les entreprises doivent adapter leur modèle d’innovation.

 

« Les « Y » font preuves d’une forte adaptabilité. Ils sont capables de s’approprier rapidement de nouveaux usages, en particulier liés aux nouvelles technologies… »

 

6 - Les entreprises doivent apprendre à gérer l’émergence d’un nouveau type de « consumérisme responsable ».

 

7 - Les entreprises doivent « donner du sens » à leur marque.

 

Voilà le Taulier a fait le boulot, à vous de voir ce que vous faites de ces yoyo juste sortis de leur Youpala. Comme disait le toujours vert Picasso « On met longtemps à devenir jeune » et nos impatients jetteront sans doute plus vite leur gourme que ceux qui croyaient que sous les pavés se trouvaient la plage. Ce que j’espère c’est que leurs dents ne seront pas cariées à force de croquer dans des raisins bien trops verts… 

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 00:09

En ce temps de grande votation les processions, tout au long de la semaine, vont se succéder autour des vaches, cochons, couvées qui n’en pourront mais vu que ce n’est pas à eux qu’iront les attentions du gars ou de la fille en quête de suffrages. Mes fonctions de Secrétaire Autoproclamé de l’Amicale du Bien Vivre dite  des Bons Vivants exigent que je me tienne en retrait de ce rabattage mais je ne puis me dérober lorsque la sollicitation est venue d’un étranger, haut placé, en attente d’exercer le métier auquel il est destiné par sa naissance.

 

Trêve de protocole, nous y sommes allés à l’heure du laitier, sans tambours ni trompettes, comme de simples pékins, en Barbour huilés tout de même, casquettes de tweed et pantalon du même acabit, grolles de Savile Road. Nous avions l’air de gentleman-farmer venus tâter le cul de beaux  Southdown ou de big Large White ou de grands Hereford pour enrichir nos immenses troupeaux se prélassant en nos domaines héréditaires. Bref, foin des journalistes, nous étions là pour la juste cause des produits de terroir et plus particulièrement des fromages qui puent.

 

Afin de ne pas nous faire repérer nous conversions en français. Tout s’est admirablement passé, mon hôte, dont la complexion naturelle allie le pâle et le hâle rougeoyant du côté de ses larges pavillons, suite aux nombreux canons dégustés tenait un beau teint bordeaux. Pour autant, loin de se départir de son flegme, lorsque nous retrouvâmes, les membres du bureau de l’ABV,  dans un petit salon, il nous gratifia d’un petit speech qu’il m’a autorisé à publier sur mon « espace de liberté »

 

«  Mesdames, messieurs,

 

La seule notion de « normes minimales d'hygiène » a de quoi glacer le cœur de tout Français normalement constitué ! Je la trouve, quant à moi, terrifiante, comme tous ceux de mes compatriotes qui pensent que la vie ne vaut plus d'être vécue si l'on n'a plus le loisir de savourer les défis à l'hygiène que sont certains produits, créé avec amour par l'humanité - la France surtout - à partir de la planète de Dieu !

Dans une société irréprochable sur le plan bactériologique, qu'adviendra-t-il du Brie de Meaux, du crottin de Chavignol, ou du bleu d'Auvergne ? Dans un futur aseptisé, expérimental, génétiquement organisé, quelle place y aura-t-il pour l'archaïque fourme d'Ambert, le gruyère de Comté mal formé ou l'odorant Pont-l'Evêque ? L'obsession de l'homologation, de la catégorisation, de l'homogénéisation et de la pasteurisation viendra-t-elle émasculer les robustes roqueforts, reblochon vacherin et même le sempiternel camembert ? Cela paraît peut-être stupide à dire, mais une part importante de la civilisation européenne réside dans le génie et le savoir-faire que se transmettent d'âge en âge les auteurs de ces illustres concoctions... »

 

Tonnerre d’applaudissements.

 

Le protocole ne me permettant point de répondre à notre hôte je me suis contenté  d’évoquer autour d’une flute de champagne offerte par l’ami Olivier Borneuf de Brittle « Charles de Marguetel de Saint-Denis, seigneur de St-Evremond, un des écrivains les plus excentriques du Grand Siècle dont l'oeuvre paradoxale, désinvolte, semble bâtie à coups d'improvisations, comme si elle venait injurier les textes méthodiques de Boileau ou de Racine. Saint-Evremond a vécu deux existences : une première en France dans l'état-major de Condé, une seconde en Angleterre à partir de 1661, après avoir dû s'exiler. On n'a que peu de renseignements sur la vie anglaise de Saint-Evremond ; on sait seulement qu'il a été à Londres courtier en champagne et qu'il y a écrit la plupart de ses opuscules, toujours avec beaucoup de goût et de discernement, jusqu'à être un des premiers à révéler dans le détail, en 1677, les multiples facettes du génie comique de Molière. Et comme l'a remarqué Raymond Dumay, il a eu avant tout le monde l'idée lumineuse d'inventer la « généalogie éblouissant » du champagne, à travers ces propos vraisemblablement rédigés en 1683 : « Léon X, Charles-Quint, François Ier, Henri VIII avaient tous leur propre maison dans Ay pour y faire curieusement leurs provisions. Parmi les plus grandes affaires du monde qu'eurent ces grands princes à démêler, avoir du vin d'Ay, ne fut pas un des moindres de leurs soins. »

 

Le champagne était lancé.

 

Et si bien qu'en quelques décennies il allait s'installer partout et avoir la réputation d'être un vin de luxe. Ce qui veut dire aussi celle d'un vin cher, par rapport à tous ses rivaux et concurrents, et ne serait-ce que les bourgognes (...) »

 

Même si vous pensez que je décoconne mon hôte, pas encore couronné, et moi-même sommes ensuite allés jusqu’à la Gare du Nord à bicyclette sans escorte (David Cobbold voulait nous ouvrir la voie avec son anglaise mais nous avons décliné)  et sur le  quai de l’Eurostar, loin des bruissements de la campagne, nous avons échangés une poignée de mains cordiale et même si la victoire du Pays de Galles plaisait à son cœur mon hôte pris soin de me remercier de l’avoir accueilli dans un club aussi fermé que l’ABV et m’a tendu un pot de confitures confectionné par ses soins.

 

Bien évidemment je ne puis révéler l’identité de mon hôte sinon je vais faire tirer les oreilles par Alain Juppé le patron du Quai d’Orsay, car nous ne les avions point prévenus, mais je puis vous certifier que les propos de son speech sont stricte vérité. Ils ont bien été prononcés tels quels.

 

Le Nyetimber’s Classic Cuvée 2003 ci-dessous, fait à partir de Chardonnay, Pinot Noir et Pinot Meunier est élaboré dans le Sussex. Il a été couronné champion du monde des vins mousseux au concours organisé par le magazine Italien dédié au vin Euposia. Un grand dégustateur s’est risqué à délivrer ce commentaire « Il a des arômes de mandarines, de vanille et citrons, ainsi qu’un goût de sablé et d’abricot, la note biscuitée joue un rôle de soutien » et notre hôte s’est contenté de répondre : « Bollinger La Grande Année ! »

nyetimber-cuvee-classic-2003.jpgBollinger_Webzine_Cartouche_20120221_fr.jpg

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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 00:09

Le redoux mou m’a privé de pot-au-feu et jeté au fond de mon lit. Traitement basique, à la mémé MARIE : fumigations et gouttes dans le pif bien au chaud. Pendant ce temps-là Vinisud déployait ses stands et je me félicitais de ne pas avoir cédé aux sollicitations, que serais-je allé faire dans cette galère ? La magie du web c’est que vous avez beau vous promener en chemise de nuit avec une bouillotte sur la tête, ne boire que du bouillon, tousser à vous fendre le thorax, vous pouvez faire accroire à vos lecteurs que vous tenez une forme olympique et que vous vous attablez face à une belle et saine nourriture roborative. Le Taulier se l’est donc joué ermite les deux premiers jours de la semaine passée.9782881827075.jpgLorsque je suis ainsi cloîtré, tel un trappiste, je lis bien plus qu’à l’ordinaire et bien évidemment ça alimente ma boîte à chroniques. Face à la montagne de livres qui borde mon lit je pioche un opus qui y sommeille en attendant son heure. Maxime Pietri ça sonne corse et ce chroniqueur gourmand officiant du côté du Lac Léman au journal le Temps qui « manie aussi bien le verbe que le fouet » dans un livre dénommé Chroniques Gourmandes chez Zoé éditions 18 € m’a ramené au temps des pot-au-feu. C’est son pluriel qui m’a mis la puce à l’oreille. J’adore toujours ceux qui élargissent la focale, embrassent le panorama en ouvrant le grand angle. Son texte m’a beaucoup plus même si son goût potofeuquesque n’est pas tout à fait le mien. Je le propose donc à votre lecture.

 

Bon appétit.

 

Sachez que je vis dans l’espoir d’un nouveau coup de froid qui me débarrasse de mes microbes et m’offre l’extrême plaisir d’un vrai pot-au-feu. En attendant je crois que je vais me faire une poule, au pot bien sûr !

300x451-images-stories-Bearn-affiche_poule_au_pot-2010.jpg

« La Toussaint venue, rentre tes charrues. En aurions-nous, c’est dare-dare que nous les rentrerions. En revanche, nous avons un immense couscoussier. Il va descendre de l’étagère où il a paressé pendant l’été. Car le temps des pot-au-feu est revenu, et rien de tel qu’une tisane de bœuf pour combattre les morosités d’automne et le rhume de  cerveau. Au fait, le pot-au-feu, ou les pot-au-feu ?

 

Tout pot que l’on remplit d’aliments couverts d’eau, installé sur une source de chaleur, devient un pot-au-feu, n’est-il pas ? Pour en avoir le cœur net, ouvrez Pot-au-feu, convivial, familial : histoires d’un mythe, ouvrage dirigé par Julia Csergo, une historienne de la cuisine, et paru chez Autrement en 1999.

 

Dans les variantes gourmandes, relevons la potée lorraine, la garbure du Sud-Ouest, la Bréjaude du Limousin, le kig  ha farz breton, et la bouillabaisse que les pêcheurs marseillais ont mise à l’honneur de la cuisine provençale. Pensons aussi à la poule au pot que le roi Henri voulait voir à la table du dimanche de tous les Français. Surtout, soyons attentifs à « ces mots qui tournent autour du pot », inventoriés par Colette Guillemard : même un petit pot trouve un couvercle, fouille-au-pot, il n’y a pas de vieux chaudron qui ne trouve sa crémaillère. Quant au bouillon aveugle, c’est celui qui n’a plus une gouttelette de gras se promenant à sa surface.

 

Les formules de la chose sont aussi innombrables que les crèmes de beauté. Retenons les principes généraux : pas de porc, pas d’agneau, pas de chou, pas de sel (qui empêcherait le suc des viandes de venir dans le bouillon), une dizaine de minute d’ébouillantage (pour évacuer les écumes et avoir un bouillon clair), cuisson lente et longue, départ à froid, à découvert, dans une eau non minéralisée (par exemple Volvic). Clin d’œil historique, une formule parue en avril 1893 dans le Pot-au-feu, journal de cuisine pratique et d’économie domestique : 1 kg de viande, 125 d’os, 4,1l d’eau, 30-35 g de sel, 150 g de carottes, 150 de navets, 200 de poireaux, 50 d’oignon, 10 de céleri, 10 de panais, 2 clous de girofle.

Personnellement, nous aimons plats de côte et jarret de bœuf, une poule de réforme, un pied de veau, des os et des légumes. Au moins huit heures de cuisson, en changeant les légumes en cours de route. De temps en temps, nous dégraissons, à la cuiller, la surface du liquide. Au bout du voyage, faut-il faire chaabrot, c’est-à-dire ajouter du vin rouge dans l’assiette aux dernières cuillerées du bouillon ? L’omettre serait impie. »

 

Des variantes, toujours des variantes, que je n’approuve ni ne désapprouve puisque, comme vous le savez je suis 100% pur bœuf pour mon pot-au-feu. Cependant quelques remarques en vrac :

-         La notion de changer de légumes en cours de cuisson me semble une pratique unique en son genre ;

-         La poule de réforme est pour moi un plat en soi et bien sûr accompagnée d’un plat de riz cuit dans le bouillon gras de la poule. J’y reviendrai !

-         Quand à dégraisser le bouillon je suis réticent pour la bonne et simple raison que je garde ce bouillon pour le laisser refroidir : une coupole de gras se forme alors à la surface et il suffit de la retirer. Je consomme ensuite le bouillon réchauffé dans le lequel j’ai jeté des cheveux d’ange. Tous les sucs de la viande y sont concentrés. Un délice !

-         Je ne fais pas chabrot ! Je suis donc impie.

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Je vous laisse car il va me falloir aller me payer une poule, de réforme, du côté du Marché Saint-Honoré, là-bas elles sont bien grasses, dodues, cuisses fermes, beau jabot et croupion surdimensionné. Oui, je signale aux bobos et aux bobottes que pour avoir des œufs il faut élever des poules et que pour élever des poulets il faut que les poules copulent avec des coqs pour que leurs œufs une fois couvé fassent des poussins. Ça permet aussi d’expliquer la présence des coqs dans la basse-cour, hormis qu’ils servent en fin de parcours à fabriquer du coq au vin.

 

À propos de vin, avec ma poule, je prendrais bien, pour honorer ce cher Henri IV, un bon Madiran…

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 16:00

Pascal FRISSANT RAL’ami Robert Laloum cuisinier tavernier du côté de Montreuil  à la table d’Emile www.latabledemile.com   m’a fait passer cette excellente interview de l’ami Pascal Frissant par Remy Cougnenc  publié le 20-02-2012 au journal La Marseillaise. Afin de lui donner une audience « nationale et internationale » sic je prends la liberté de la publier sur mon espace de liberté. Un petit détail :à la Marseillaise « Coupe Roses » est un domaine alors que c’est un château www.coupe-roses.fr  on ne se change pas. Bonne lecture et un grand salut à Pascal que j’ai toujours identifié comme audois plus qu’héraultais…

 
« Tandis que le 10e salon mondial des vins et spiritueux du pourtour méditerranéen s’ouvre ce matin, Pascal FRISSANT viticulteur héraultais explique que la vente au-delà des frontières européennes est devenue quasiment incontournable. Sans forcément être un gage de prospérité.


Installés à La Caunette au cœur du Minervois, à la frontière de l’Hérault et de l’Aude, Pascal Frissant et son épouse Françoise sont à la tête du domaine « Coupe-roses ». Ils exportent 85% des 40 hectares produits. Entretien avec un vigneron amoureux de son métier.


Vinisud est-il cet outil merveilleux que l’on nous décrit ?
 

 

« La masse des affaires qui se traite à Vinisud est importante. Ce salon international draine beaucoup de gens qui créent des contacts. Il existe une vraie activité de rencontre entre acheteurs et vendeurs. C’est une confrontation intéressante parce qu’elle permet de savoir si notre vin plait ou pas, si l’étiquette accroche ou pas. C’est aussi un lieu où l’on s’éduque à ce que l’on veut. Cela nous apprend à nous positionner, on affûte nos discours.
Le problème de Vinisud c’est que l’inscription reste chère. Trop pour certains petits vignerons qui aimeraient y être mais ne peuvent se le permettre parce que Vinisud engendre trop de frais même si de petites solidarités s’établissent. »
Aimeriez-vous que le salon ait lieu tous les ans ?
Non pas forcément. Par contre il serait intéressant de monter un marché du vin avec tous les vins disponibles sur un site et une grille d’analyse sensorielle dans chaque langue qui permette à un acheteur du bout du monde de pouvoir commander son vin du Languedoc. Ensuite, ce qui nous manque ce sont les activités culturelles qui magnifient le vin, son histoire, les vignerons, les espaces…

 

Sud de France, la marque ombrelle de la Région Languedoc-Roussillon, ne peut-il pas être cet outil ?


C’est un outil intéressant mais incomplet. Leur message est mécanique mais pas sensible. Je crois qu’ils ne se sont pas assez posé la question de la qualité. Sud de France ne devrait pas être qu’un outil de communication par ailleurs bien faite. Il faudrait que la marque ait davantage le souci d’équilibre durable, du bio. Autant de valeurs porteuses à l’exportation. Il faudra aussi réfléchir sur la part de la culture dans la communication autour du vin.
 

 

Quelle est la place des exportations dans la viticulture régionale ?


On est autour de 40% sur les AOC et à 50% sur les vins de Pays d’Oc. Donc c’est l’exportation qui nous fait tourner. C’est une donnée nouvelle qui n’existait pas il y a à peine 15 ans. Il y a des succès et à côté des gens qui n’arrivent pas à vendre. Mais il faut nuancer. Ils y a ceux qui exportent à des bons prix et ceux qui exportent à des prix honteux, extrêmement bas. L’exportation en soi est un indice mais on ne peut pas faire un lien direct entre l’exportation et la prospérité des viticulteurs. Quand on exporte à des prix trop bas, on fait juste tourner la machine. Finalement, on exporte davantage des bouteilles, des bouchons et des cartons que du vin. D’un point de vue rationnel, on peut considérer que les exportations qui n’ont que pour but de faire tourner les chaînes d’embouteillage sont inutiles. Surtout que l’impact carbone est important. En même temps c’est délicat de tirer des bons prix à l’export parce qu’on vit une érosion des marges. Exporter signifie aussi qu’on a au moins un certain savoir-faire.


L’exportation est-elle devenue incontournable en Languedoc ? Peut-on s’en sortir sans exporter ?


En Languedoc très difficilement. Dans le Var, ils n’ont même pas besoin de s’enquiquiner à exporter ni même d’avoir de jolis lieux d’accueil. Vu le nombre de touristes qui passent, ils peuvent vendre des pièces dégueulasses au prix qu’ils veulent et tout part. Dans le Minervois, personne ne passe. On n’a pas de station touristique ni de grande ville. Il y aurait bien Barcelone mais personne n’ose aller y vendre du vin. Pourtant il existe un cousinage culturel entre la Catalogne et le Languedoc. D’ailleurs il faudrait que Christian Bourquin (ndlr : le président de Région) nous aide à aller vendre du vin à Barcelone.
 

 

Comment se crée-t-on son filon à l’export ?


La première des choses c’est qu’il faut avoir du bon vin. Les étrangers n’achètent pas n’importe quoi. Il faut avoir le respect de son vin et des clients. Quand on essaie de rouler les acheteurs ça vous retombe toujours dessus. Il faut être honnête et régulier. Ensuite il faut aimer ses acheteurs. Il y a une part de séduction, de partage des cultures… Il faut avoir une méthode tout en concédant un peu d’intimité. Les bourrins ne vendent jamais de vin.
 

 

Quels sont les marchés porteurs ?
 

 

Le Japon c’est très sérieux. Ca va mieux avec les Etats-Unis depuis que le dollar a repris un peu de poids. La Chine c’est une folie. Ils sont très connaisseurs. Il y a aussi l’Australie, le Québec, Hongkong, Taiwan… On est un peu fatigués des pays européens parce qu’il y a toujours un voisin qui passe pour vendre moins cher.
 

 

L’émergence des vins du nouveau monde a-t-elle changé la donne ?


La concurrence avec les vins du Nouveau monde se fait sur les marchés à l’export. En France, ils ne vendent pas plus d’un million de bouteilles par an. Et souvent des vins de table. D’une manière générale, il y a très peu de vins étrangers qui rentrent en France. Par contre, on a perdu pas mal de marchés en Allemagne à cause d’une offensive des Italiens sur des vins convenables à bons prix.
 

 

Plus de concurrence, cela veut dire plus d’instabilité et de l’angoisse si l’on commence à perdre deux ou trois clients ?


Oui mais en même temps, la plupart de nos importateurs investissent de l’argent pour nous implanter, nous faire connaître sur les marchés étrangers. Ils n’ont donc pas d’intérêt à ce qu’on coule. Avant de se passer de nous, ils vont y réfléchir à deux fois. Une fois que leur réseau est connu, leurs clients leur demandent nos vins. Et s’ils n’en n’ont plus, ils perdent de l’argent.
Ce qu’on peut craindre le plus c’est une guerre en Iran. Le coût du pétrole augmenterait et avec lui celui de l’énergie, de la bouteille, de la capsule, du transport et de la production du raisin. On pourrait avoir une très grave perturbation du commerce.

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