Pendant mes jeunes années j’ai vécu de plain-pied avec cette dame nature tant courtisée de nos jours par une cotriade d’urbains qui eux, dès qu’ils mettent le nez dehors, ne foulent que des espaces de macadam. La soif d’herbe fraîche, de petits oiseaux qui chantent – y’en a aussi dans nos villes mais parfois on a du mal à les entendre chanter – des petites bêtes sauvages qui batifolent, des vaches dans les prés, des hautes futaies, sont fantasmées et il en ressort une vision à l’eau de rose de la campagne où se mêle sensiblerie et incompréhension. Dans les allées du grand barnum, qu’est devenu le salon de l’Agriculture, le flot des poussettes et des mouflets en ribambelles est la marque claire d’un fossé qui se creuse entre la réalité et les images d’Epinal. Nous sommes dans l’univers de Candy où le gros taureau couillu n’est jamais que le grand frère du caniche de la famille. « Regarde comme il est gentil… » « Est-ce que je pourrais le caresser ? »
Rassurez-vous, en cette fin de semaine je ne suis pas en train de vous faire « un retour d’âge » mais face aux 4i d’hier link «individualistes, interconnectés, impatients et imaginatifs» j’ai envie d’écrire « mets tes bottes y’a de l’aiguail ce matin »
L’aiguail, encore un de ces mots engloutis, oubliés mais qui chante à mon oreille. Mais qu’est-ce donc que l’aiguail ?
1- Rosée, petites gouttes d’eau qui demeurent sur les feuilles et ôtent le sentiment aux chiens.
2- Pacage du matin dans les prairies couvertes de rosée.
Marcel Lachiver Les mots du passé
Et oui, l’aiguail enlève « le sentiment aux chiens », ne me dite pas que vous ne trouvez pas ça beau que ces gouttelettes d’eau déposées par le ciel sont les meilleurs alliés des lièvres, lapins, perdrix, gibier à plumes et gibier à poils qui gambade au petit matin dans nos champs et nos prés.
Mais d’où vient cet aiguail, cette rosée du matin ?
« Au matin, après une nuit froide et claire, les plantes et la terre se couvrent de rosée. La chaleur emmagasinée pendant le jour monte du sol et diffuse dans la couche d'air voisine. Cette couche d'air est froide, plus froide que le sol, du fait de l'absence de nuage pendant la nuit, ce qui déclenche la condensation de la vapeur d'eau. Le brouillard résulte du même phénomène ou presque. Si la couche d'air humide est au contact du sol, la condensation ne se produit qu'en surface et ne donne que de la rosée. Si cette couche d'air humide s'épaissit, le brouillard apparaît. Ainsi, il peut y avoir de la rosée sans brouillard mais pas de brouillard sans rosée. »
La rosée, le rosé, et si vous donniez à votre dernier né de couleur rose le joli nom d’aiguail. Tu n’y penses pas Taulier ça ne se traduit pas en anglais ! Oui mais en mandarin : perles d’aiguail ça pourrait faire de beaux idéogrammes et puis ça nous changerait de la floppée de « Perle de Rosé » ou de « Perle de Rosée ». Pourquoi d’ailleurs ce singulier, la rosée c’est une myriade de perles…
Bon je m’arrête de faire des propositions inconvenantes et je sors. Malheureusement le fort redoux me prive de l’aiguail parisien… et je ne chausserai pas mes bottes de caoutchouc pour gagner mes terres… j’ose même écrire mes vignes depuis que je suis devenu propriétaire d’un arpent de vigne dans le Grand Sud : une part de GFA…